Chapitre 12 : (Se) connaître


Le soir venu, je me couche comme je peux dans le canapé du salon. Mon corps pese encore de tout ce qu'il avait avalé auparavant, et je n'avais pas envie de questionner Bertrand sur cela, pas tout de suite. De toute façon, le canapé supporte mon poids obèse sans broncher d'avantage. Les rayons de lune percent les trous décoratifs des volets, et traversent aussi de pars en pars mon corps translucide. Je m'amuse en attendant à voir en quel mesure mon corps peut être flexible, et je suis étonné de sa capacité, même si je m'en doutais. Je suis littéralement de la gélatine verte, collante, déformable. Je peux même prendre mes yeux dans mes mains, les mettre autre part, et avoir la vision à l'endroit où ils sont, sans mal, sans émotion, sans gène pour moi-même. Ils reviennent d'eux même à leurs place, et mon corps reprend une forme humanoïde. Je me fais alors une réflexion : je suis une forme humanoïde parce que mon esprit sait que je suis humain, comme les yeux reviennent à leurs places parce que mon esprits sait où se trouvent mes yeux. Mais si je passe outre cette contrainte, je pourrais devenir n'importe qui, n'importe quoi...
« Exactement, tu as raison. »

Je devrais être surpris par cet intervention, mais mon Symbiote m'écoute en permanence.
« Dis-moi, je commence en allant droit au but, explique-moi comment je fonctionne, comme nous fonctionnons.
- Nous sommes une espèce venant d'une planète, mais nous nous sommes dispersés dans l'espace, nous non plus ne savons pas grand chose de notre passé. Nous survivons grâce à d'autres êtres. D'habitude, nous survivons quelque jours dans un corps, mais après cela, ce corps ne nous accepte plus, et meurt.
- C'est ce qu'il se serait passé alors si je ne t'avais pas accepté ?
- Tu m'avais déjà accepté, il y a des jours, sinon tu serais déjà mort.
- Et donc, il vous faut des corps avec une intelligence un peu développé.
- Oui.
- Pourquoi je n'ai plus de souvenir ? Plus d'émotion ? Plus de sensation de faim, de soif, de fatigue ?
- Nous utilisons ce que vous appelez de la "photosynthèse". Notre corps respire et expire, c'est tout. Cela suffit à vivre, et nous ne mangeons ni nous ne buvons. Nous bloquons aussi les émotions, car cela crée notre rejet systématique du corps intelligent, et donc la mort du corps. Tes souvenirs ont été perdus le jour de notre accident, je ne savais pas ce que tu faisais, et les conséquences que cela engendrerai. Mais comme dit bien mon ami, il est mieux que tu ne saches rien, que de savoir tout et de ne rien pouvoir faire... »

Je reste silencieux, le Symbiote reprend alors, comme pour ne pas trop me faire réfléchir :
« Tu veux te transformer aussi ? Retrouver forme humaine ? Tu l'as bien deviné, ton esprit est le seul rempart. Je te donne tout, à toi de le recevoir. Comme le faite d'avaler tant d'objet, tu ne comprend pas que tu peux tout faire.
- Je dois faire quoi alors ?
- Rien. Tu dois apprendre et comprendreseul que tu n'es plus celui que tu étais né, que tu ne le seras jamais plus celui que tu as étais, mais que nous sommes une autre personne aux capacités insoupçonnées. Tu aurais le pouvoir avec moi d'engloutir toute cette planète si tu le voulais vraiment, mais ton esprit te dicte des choses erronés, te limite et te bloque. Le temps, c'est tout ce qu'il te faut. Le temps d'apprendre, le temps d'accepter, le temps de contrôler. Tu as tout le temps qu'il te faut maintenant. »

Je ne dis plus rien. De toute façon, je ne sais pas quoi dire. Le temps, est-ce que je l'ai vraiment ? Je suis toujours avec cette menace d'être embarqué, d'être trahis, ou tout simplement, de vivre cette nouvelle vie. Je ne sais pas quoi avoir comme émotion. Le temps d'accepter... est-ce que un jour j'arriverai à accepter mon sort ? Il le faut malheureusement. Alors je pense en regardant le plafond. Engloutir le monde ? Il plaisante, c'est totalement impossible. Je reste songeur tout de même, sans émotion, un vide. La nuit passe ainsi, je ferme les yeux sans trouver le sommeil, une fois de plus. Au moins je sais qui je suis : une plante verte géante qui avale tout, qui a toute de même une conscience. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour accepter mon sort, d'accepter ma destiné. Mais une chose est sûr maintenant : ce voyage, je ne le fais plus seul...

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