Poupipoupipoupipouuuuuu 🧒🏼 #DewiePrésident
Voici un nouveau chapitre ! On va pouvoir cerner ensemble un peu plus ce séminariste qui n'a pas l'air SI innocent au final ... Zélie me soutient même que c'est une ordure. Vraiment ? 👀
Bonne lecture !
En média : Eladar (ouais, toujours et encore 👅)
***
Le cadavre réduit en miettes de Gordon gisait sur le pont souillé de sang écarlate. Son corps cabossé était méconnaissable, dénaturé comme une poterie ratée. Une giclée avait même entaché la pommette de Zélie, qui observait le spectacle d'un air satisfait ; le liquide vermeil des morts collait à ses mains comme une marmelade de baies poisseuse. L'odeur de rouille saturait ses narines qui palpitaient d'euphorie.
Smith tremblait devant cette scène funèbre. Ses longs bras pâles se balançaient le long de son corps et ses doigts se serraient pour ensuite se desserrer. Ses dents - immaculées comme c'était rarement le cas à bord d'un rafiot - mordaient sa fine lèvre inférieure avec une envie malsaine. Il n'était jamais judicieux de brandir des tripes sous le museau d'un loup.
L'œil du capitaine accrocha la Griffe, maintenue contre le flanc du blondinet à l'aide d'un sombre fourreau de cuir. L'exécution suivante attendrait. Le sommelier se croyait à coup sûr à l'abri, après son annonce de capitaine et sa petite partie de plaisir - ce qui avait été dit avait été fait. Zélie détestait repousser de telles missions, mais elle avait besoin d'un verre de cognac, d'une autre cigarette, et de réfléchir au calme.
— Bien, dit-elle avec une satisfaction mêlée de lassitude. Retournez à vos tâches, vous autres.
Curieusement en cet instant, elle se sentait vide, comme une coquille de bigorneau abandonnée. La jeune femme ramassa sa lame tombée et l'essuya machinalement contre sa cuisse. Elle la rangea dans une poche secrète, puis nettoya ensuite le pommeau de sa canne.
— Capitaine, j'aimerais te parler, demanda une voix de femme aux tons chauds derrière elle.
— Tout à l'heure Coco, j'ai à faire pour le moment ...
Zélie cligna des yeux brusquement en entendant sa propre voix. Son timbre était cassé, irrégulier, inhabituel.
— Je ...
Sans achever sa phrase, la jeune femme tourna les talons et pénétra précipitamment dans sa grande cabine.
Par la barbe de Davy Jones, que lui prenait-il ?
Elle faillit rentrer dans Eladar, qui tenait un grand plateau ouvragé couvert de victuailles. L'habileté du majordome eut raison de cette maladresse et sauva le plancher d'un fâcheux accident.
— Madame ?
— Je n'ai pas faim, donnez cela à ceux qui triment dehors. Et interdisez-leur de me déranger pendant au moins deux heures. S'il vous plaît.
Politesse. Politesse.
Le jeune homme dodelina de la tête pour acquiescer et sortit quelques instants. Quand il revint en fermant précautionneusement la porte derrière lui, Zélie n'avait pas bougé d'un poil. Ses yeux papillonnaient dans la mi-obscurité, sans rien voir de particulier. Absents.
— Vous devriez laver vos mains.
Aussi étrange que cela pusse paraître, ce n'était pas le serviteur qui avait parlé.
Une silhouette se tenait prostrée dans un coin sombre de l'habitacle, sa longue robe noire se fondant dans les ombres tremblotantes. Zélie inclina sa tête vers le séminariste et sourit cyniquement, les pupilles toujours dilatées.
— Mêlez-vous de vos affaires l'abbé.
Le concerné émit à son tour un rire de nez. Ses dents luisirent dans la pénombre mais disparurent bien vite.
— Vous avez tué un homme, reprit-il gravement, mais en enrobant sa voix de condescendance. La plupart des gens courent se confesser pour bien moins que ça. Dans votre cas, se laver les mains est ...
— Vous allez la fermer ? coupa abruptement Zélie en envoyant sa canne sur son plan de travail avec humeur.
— ... déjà un début. (Le prêtre se tut un bref instant) Vous avez le caractère le plus infernal que j'aie jamais vu, surtout pour une femme.
— Dites ..., commença Zélie en se pinçant le nez une énième fois pour retenir son envie de meurtre. Vous avez mangé du Breton pour vous sentir aussi téméraire ? Je vous ordonne de vous taire !
Le séminariste scella ses lèvres et rencontra le regard glacial d'Eladar. Ce dernier avait le visage si fermé que sa ride du lion montait presque jusqu'à la racine de ses cheveux ; il donna un coup de menton agacé vers l'homme en robes et posa un verre de cognac sur la table.
Un serviteur connaît toujours les préférences de son maître.
Quant à Zélie, les mains pressées sur son bureau, elle se voûtait de tout son soûl et fixait sans la voir l'élégante carte dessinée par ses soins, ignorant le verre qui répandait ses senteurs de caramel. La jeune femme semblait avoir déjà oublié leur échange teinté d'animosité.
Réduit au silence, le séminariste se leva et s'approcha de la table tant bien que mal. Son état s'était amélioré, mais il demeurait faiblard et claudiquant. Les bras croisés, il perdit à son tour son regard dans la carte des océans. Zélie, comme tirée de sa torpeur, leva les yeux vers lui et cracha d'un air mauvais :
— Qu'est-ce que vous faites ?
— J'observe ... répliqua l'homme sans une once de gêne. Mon missel est illisible à cause de ma blessure au côté. Il était tout ce qui me rattachait à notre Seigneur. (Son air peiné lui tira des rides aux coins des yeux) Je m'ennuie donc.
— Et moi, je vous emmerde. Ôtez vos sales pattes de là, espèce de ... (Zélie se crispa légèrement et se concentra sur son bureau) C'est quoi votre nom d'ailleurs ? Pas que ça m'intéresse, mais j'aimerais ne pas perdre mon temps à vous trouver un surnom, l'ami. Oh, plutôt non ... Vous serez l'Abbé, ça sera très bien.
Le visage se Zélie se tordit en une grimace dégoûtée :
— Et taisez-vous par pitié.
— Lazare.
Le capitaine releva lentement la tête pour dévisager l'homme de Dieu ; ce dernier lui rendait un regard des plus perçants.
— Aspirant Lazare, je ne suis pas encore Abbé, grimaça t-il en transpirant une certaine humilité.
Son air était si simple et si soumis, que la bouche de Zélie se tordit en une horrible grimace de répulsion. Un homme humble, quelle horreur ...
— Je croyais vous avoir dit de vous taire, menaça-t-elle en sentant sa poitrine se gonfler de colère.
La jeune femme posa ses mains sur sa taille, se redressa en couinant sous la douleur de son épaule, et haussa finalement le menton avec autorité. Sa main gauche se saisit brutalement de son spiritueux ambré. Nouveau couinement. Mouvement trop leste ...
— Vous êtes mon prisonnier, martela-t-elle encore, pas l'un de mes hommes, Lazare. (Elle but une gorgée et l'avala avec un râle appréciateur) Je vous prierais donc - en restant polie car ma mère m'a élevée - de fermer votre (censuré) de clapet de prêtre insolent et de faire comme si vous n'existiez pas. Du tout.
Son autre main - libre - se dissimula dans les plis de sa tenue et toucha du bout des doigts le manche de son poignard.
— Vous savez de quoi je suis capable, murmura-t-elle en détachant chaque mot.
L'homme pâlit, soutint ses yeux safran quelques secondes, puis finit par capituler. Dans sa démarche erratique, il alla se vautrer dans un recoin ; ses reins rencontrant le sol lui arrachèrent un couinement de chien blessé.
— Certes ... marmonna-t-il cependant, s'adressant à lui-même.
Mais Zélie l'ignorait à nouveau. Son attention se concentrait sur ses plans futurs et sur ses petites affaires de trahison.
— Eladar, héla-t-elle sans lever les yeux. Nous sommes dans la mouise jusqu'au cou ...
Le serviteur se rapprocha à pas feutrés et inclina son buste vers les parchemins éparpillés. Son comportement de serviteur venait en un instant de se muer en celui de conseiller.
Si Zélie l'avait choisi comme "valet", c'était parce ses capacités ne se limitaient pas à servir des plats et faire le service en temps et en heure ; chacun de ses hommes avait son talent plus ou moins caché. Eladar était ainsi un fin tacticien, très habile à distinguer les opportunités des menaces. Zélie ne se serait pas relevée d'une félonie de sa part.
— Nous nous dirigeons dans tous les cas vers la République Dominicaine, capitaine. Demain matin, nous y serons. Nous avons besoin d'hommes, de vivres, et bien sûr vous nécessitez des soins.
— J'ai de très bonnes raisons de penser qu'Edward nous y attend avec un comité d'accueil ... maugréa Zélie qui tapotait le papier de sa plume à écrire. (Elle descendit deux gorgées de cognac à la suite) Gordon doit lui avoir transmis notre destination.
— Vous croyez ? répliqua Eladar en sourcillant à son égard.
— Rien de plus facile. Une lampe, du morse, et un bateau ennemi dans le brouillard. Le tour est joué.
— Smith l'aurait vu, souligna le majordome en secouant la tête.
— Il aurait surveillé Gordon pendant sa ronde ? C'était mon Second, Eladar ! Pour quelle fichue raison il aurait fait ça ?
— Parce que Smith ne se fie à personne, à part vous, asséna-t-il en lui décochant un regard lourd de sens. Et vous savez l'exploiter à votre avantage, n'est-ce pas ?
Si les traits de l'homme semblaient imperturbables, de son ton transparaissait une légère amertume que Zélie - toujours très observatrice - remarqua. Eladar semblait voir en Smith un miroir de sa propre situation. Tous les deux avaient une dette et un lien très fort envers leur capitaine. Tous les deux étaient prisonniers de sa volonté. Zélie, d'abord stoïque, laissa échapper un petit rire enfantin :
— Oui, je l'avoue. Mais je ne serais pas grand chose sans son aide, ajouta t-elle en plissant les yeux pour cerner sa réaction.
Le majordome se plongea dans ses prunelles pour tenter de dépiauter ses dires.
— Smith est facilement remplaçable, dit-il en ne la quittant pas du regard.
— Peut-être ... concéda la jeune femme, dont les pupilles semblaient soudées à celles du serviteur. Mais c'est lui que j'ai choisi, et j'apprécie sa compagnie des plus ... intrigantes.
Le capitaine et son majordome se fixèrent quelques instants, comme si chacun pensait en réalité à quelqu'un d'autre. Eladar finit par baisser la tête et accorda toute son attention à la grande carte colorée.
— Vous vous en seriez parfaitement sortie, toute seule, dit-il simplement, un voile de morosité enveloppant son expression anodine.
Un petit silence brisa leur dialogue.
— Il nous faudrait donc au moins une quinzaine d'hommes, reprit Eladar qui avait retrouvé un masque imperturbable. Nos caisses sont pleines, donc nous aurons le choix. En revanche, nous devons absolument nous assurer de leur fidélité. Cela mettra du temps, mais la mutinerie n'est évidemment pas envisageable. Sir Edward Low est riche d'argent ... et de connaissances, comme vous le savez. Il sera difficile de mener l'enquête ...
— J'ai ma petite idée pour cela, mais continue ta réflexion. S'il te plaît.
Ils semblaient tous les deux avoir occulté leur discussion précédente, feignant chacun l'ingénuité et la nonchalance. Zélie secoua la tête, puis se replongea dans le travail.
— Bref, poursuivit le majordome, une quinzaine d'hommes forts. (Son doigt descendit sur la carte vers le continent sud-américain) Notre prochaine destination, si j'en crois vos plans initiaux, est Cayenne en Guyane Française. Poursuivrons-nous ce cap ?
— C'est mon intention, approuva son capitaine. Le périple sera court, mais précédera une longue route par l'Atlantique pour contourner les côtes portugaises et atteindre directement les Îles Falkland. Je hais ces ritals ... Il est hors de question que j'aie à faire à eux. Je leur canonnerai les têtes des chiens qui crèvent dans nos cales s'ils osent s'approcher de mon bâtiment.
— Oui, les Malouines effectivement, continua le serviteur sans trahir d'émotion. Il est probable également que nous croisions des marchands d'esclaves et des navires de la Marine Britannique. D'une part parce que les premiers arriveront du Cap de Bonne Espérance, d'autre part parce que les Falkland appartiennent à la Couronne. (Un court silence l'interrompit) Morbleu ...
Eladar se retourna brusquement vers le séminariste, qui feignait de somnoler.
— Capitaine, cette crapule est en train d'emmagasiner toutes les informations sensibles ! Je l'avais complètement oublié ...
Zélie posa un œil dédaigneux sur le jeune prêtre, qui ouvrit les yeux avec incompréhension et naïveté.
— Il ne dira rien ... assura la jeune femme avec une assurance certaine.
Un sourire de diablotin fleurit sur ses lèvres roses. Le séminariste fronça les sourcils avec un air rebelle mais un peu inquiet.
— J'ai son Dieu dans la poche, ricana la jeune femme en faisant tinter une petite boîte de cuivre.
***
Tadaaaam ! J'espère que ce chapitre vous aura plu ! Dites-moi s'il y a des fautes qui traînent 😭 ou si des interrogations vous taraudent 🙄 grazie 🙏🏻 On se retrouve très vite pour la suite qui s'annonce mouvementée !
Bisous de chat 😽
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