Chapitre 5 - La rencontre

Et voici un nouvel épisode ! J'espère que vous aimerez sa tournure ... sanglante ☠️💉

***

Zélie ignora la troisième porte puisque c'était la plus grande et la plus luxueuse. Elle la gardait pour son dessert ...

En revanche, la dernière porte à gauche tombait sur une curieuse pièce pleine de draperies et de petits tabourets que la houle faisait légèrement osciller. Le regard sceptique de la jeune femme finit par tomber sur une grande croix, luisant au-dessus d'une courte table nappée.

— Une chapelle ... Souffla-t-elle en tentant de se rappeler la dernière fois où elle avait pu mettre les pieds dans ce genre d'endroit sur la terre ferme.

Ses yeux fouillèrent la pièce à la recherche d'un éventuel piège ou d'une intéressante opportunité de chapardage. Mais l'endroit plongé dans la pénombre semblait tranquille, loin des combats sanglants qui se déroulaient pourtant à quelques mètres.

— Un pirate n'a aucun principe, énonça t-elle tout haut en enjambant les sièges de fortune.

Ses yeux brillèrent comme des étoiles dans l'obscurité en accrochant l'or de la croix. Quelques saphirs étaient aussi incrustés dans l'objet, renvoyant une douce lueur pourpre qui attirait Zélie vers l'objet plus sûrement qu'un aimant. L'occasion était superbe.

Une main se posa délicatement sur son bras.

À la vitesse de l'éclair, le sabre du capitaine fendit l'air et trancha la peau de l'ennemi qui avait osé l'attaquer par-derrière : une silhouette noire tomba à terre dans un pitoyable gémissement, digne d'un chien blessé, et Zélie se retourna complètement pour lui faire face. Levant son second sabre, la jeune femme visa la tête et abattit la poignée de son arme sur le visage plongé dans l'ombre de son assaillant.

L'individu s'effondra et ne bougea plus.

Satisfaite, Zélie ne perdit pas de temps et sauta par-dessus les derniers sièges pour atteindre l'autel improvisé. Ses mains poisseuses mais chaudes agrippèrent fermement le bijou glacé, les pierres précieuses lui perforant presque la peau ; la lueur de ces dernières, d'un rouge profond et rayonnant, se refléta un instant dans l'ambre de ses yeux avides. La croix disparut ensuite dans les grandes poches de son manteau, au même titre que des petites statuettes de jade alignées là, divers objets dorés et une fine coupelle de bronze.

À présent un peu plus chargée, la jeune femme fouilla visuellement les alentours pour ne rien oublier. Tanguant légèrement sous la houle et le poids de ses trouvailles, elle se glissa entre les tabourets telle un chat ayant trop mangé, afin de rejoindre l'entrée.

Seulement voilà ... 

Le tas de vêtements noirs par terre se mit à remuer.

— Allons bon, tu n'es pas mort toi ? Je pensai t'avoir réglé ton compte ...

L'individu se mit à trembler et se redressa dans l'attente d'un coup. Son visage tuméfié se tourna vers Zélie qui put distinguer ses traits pour la première fois. Un nez un peu gonflé et baigné de sang, des traits allongés mais encore enfantins, de gros sourcils broussailleux et une mâchoire imberbe à fort caractère. De grands yeux foncés en amande reflétaient une peur évidente, mais aussi une douleur lancinante ... Ainsi qu'une certaine bravoure, rare et pure.

Enfin, une bouche interdite surplombait, telle un joyau, un petit bout de col blanc immaculé qui dépassait d'une longue robe noire.

Un prêtre.

— Un séminariste plutôt, répliqua l'autre en essuyant le sang qui souillait le bas de son nez sans quitter le capitaine de ses yeux sombres. Notre bon curé est mort, il y a trois semaines.

Zélie plissa les paupières d'agacement - apparemment le filtre entre ses pensées et sa langue avait quelque défaillance. La jeune femme secoua négligemment son sabre droit.

— Séminariste ... C'est ... heu ... le stade avant la prêtrise, expliqua le type qui semblait avoir la trentaine et qui se ratatina un peu en remarquant son geste explicite.

— Qu'est-ce qui te fait croire que ça m'intéresse ? Ou que ta vie m'importe ? Cracha Zélie.

L'homme fixa ses prunelles à celles de la jeune femme, comme désireux de calmer un animal fou.

— Vous m'avez juste éraflé le bras et frappé au visage avec vos sabres. Vous êtes plutôt clémente pour une pirate.

À ces mots, les narines de Zélie se dilatèrent de colère. Comment OSAIT-il, cet insolent ? À l'insulter de la sorte sur son courage et sa soif de sang ? Elle crevait le cœur à des dizaines comme lui, savourant les gouttes vermeilles giclant sur son visage baigné d'un doux sourire satisfait. L'avait-il au moins déjà vue étriper une femme un peu trop virulente, et presque aussi courageuse que lui, sur des bateaux de voyage ? Couper la tête à des nobles bien trop fiers ? Ou pourfendre des manants trop pauvres et trop sales pour avoir ne serait-ce qu'une seule once d'honneur ? 

— Les gens comme toi devraient vraiment apprendre à tenir leur langue ... soupira la jeune femme en s'approchant lentement.

Trébuchant tout à coup contre un tabouret, Zélie se rattrapa comme elle put mais fut déséquilibrée par le poids de l'or dans ses poches. Elle tomba à genoux dans la chapelle en lâchant ses sabres et sa gorge poussa un Ah! involontaire et spontané.

Le temps qu'elle se redresse, son interlocuteur disparaissait par la porte dans un souple mouvement de robes.

— Saloperie de prêtre, s'il croit m'avoir ...

Le capitaine ramassa ses sabres, prit appui sur un tabouret et se redressa péniblement. 

Zigzaguant jusqu'à la sortie de ce maudit endroit, la jeune femme eut juste le temps de voir et d'entendre la grande porte du hall se refermer sur les arrières du fugitif. Un affreux crissement de clé tournée dans une serrure résonna ensuite dans l'air. Zélie jura. Ce gredin lui interdisait la meilleure partie du chapardage ! Le bureau du capitaine ...

Un sifflement mélodieux l'avertit que Coco montait toujours la garde au niveau des battants fracassés. Parfait. Zélie n'avait qu'à défoncer cette porte, tuer le prêtre et s'emparer des trésors restants.

Mais si le sas avait été relativement facile à franchir, cette porte-ci semblait on ne peut plus solide : dépourvue de vitres et encore moins de trous, elle était également plus épaisse, presque autant que les murs. La raison à cela était simple : ce qui était dit dans la cabine du capitaine restait dans la cabine du capitaine.

Zélie glissa ses sabres dans leurs fourreaux avec une habileté notable ; leur garde cogna contre le haut des étuis, avec un son strident mais délicieusement dangereux.

Se refusant à supplier le prêtre planqué, Zélie avisa l'obstacle en réfléchissant. La seule et unique solution semblait être de désolidariser la porte de ses gonds. 

Ni une ni deux, le capitaine de la Grande Ourse tira à elle un lourd caisson et dégaina sa longue canne en bois accrochée dans son dos. Constituant un levier de fortune, la jeune femme cala le bout de son bâton sous la porte et fit pression de toutes ses forces sur l'autre extrémité. La hampe ploya sur le caisson, alors que la porte bougeait légèrement. 

Zélie vociféra dans sa barbe en sentant une sueur glacée recouvrir son front et son dos. C'était maintenant ou jamais ! Elle s'arc-bouta alors dans un ultime effort et rugit de victoire quand la porte se souleva d'un bloc pour s'affaisser brutalement de l'autre côté. Quelle camelote ...

Sans perdre une seconde, la jeune femme balança sa canne sur son épaule - comme on porterait une sorte de batte - et pénétra dans l'habitacle.

Le bureau était spacieux. Bien plus que le sien.

Une forte odeur de pipe embaumait l'air, ce qui ne gêna pas outre-mesure le nez du capitaine, mais lui piquait les yeux jusqu'aux larmes. Comment diable pouvait-on vivre dans une atmosphère pareille ? 

Un immense bureau, recouvert d'une tout aussi grande carte, se dressait comme un énorme monstre endormi au beau milieu de la pièce ; une sorte de lustre en verre soufflé tanguait juste au-dessus, cliquetant tel une bourse de billes. Un coup d'œil éclair suffit au capitaine pour vérifier les alentours, analysant chaque détail en une fraction de seconde.

Même sans voir ce dernier, la jeune femme aurait pu aisément deviner où s'était planqué le prêtre fugitif : une traînée de gouttelettes vermeilles trahissait sa piste, semant la mort sur son sillage.

Zélie s'avança lentement, l'une de ses mains sur la garde d'un sabre, l'autre tenant toujours sa canne sur l'épaule ; elle posa tranquillement son regard doré sur sa proie, acculée malgré elle contre la baie vitrée. Quatre serviteurs apeurés l'entouraient, leurs genoux jouant comiquement des castagnettes dans leurs braies.

Le séminariste dévisageait le capitaine avec un mélange de douleur et de crainte mêlées. Il soutenait fermement son bras blessé et sa bouche était tordue dans un rictus grotesque.

— Ainsi donc, commença Zélie qui tapotait ses ongles contre le manche de son sabre. Je suis clémente, était-ce bien cela ?

Sa marche posée l'amena devant les cinq individus, tassés les uns contre les autres ; le prêtre fronçait les sourcils comme s'il réfléchissait. Zélie soutint son regard légèrement perdu, puis sourit doucement. Et, sans prévenir, elle dégaina pour enfoncer son sabre dans la poitrine du malheureux serviteur à sa gauche.

Tout alla très vite. Un autre bougre sortit un pistolet de sa chemise et visa la jeune femme précipitamment. D'un grand mouvement de bras, Zélie avait déjà retiré son sabre du corps inerte et le plat de sa lame alla parer ce pistolet un peu trop téméraire. Le coup de feu partit quand même et la balle se logea dans une poutre en sifflant. Le tireur lâcha son arme et regarda celle-ci glisser sous le bureau en tournant sur elle-même comme une toupie. À peine relevait-il la tête qu'une grande canne de bois fonçait vers ses yeux écarquillés, lui éclatant la mâchoire dans un craquement sonore. Il fut le deuxième à s'effondrer, sans un cri.

Un autre serviteur poussa le séminariste derrière lui et s'élança vers Zélie avec la ferme intention d'en finir. La jeune femme évita de justesse son couteau qui lui zébra la tempe et plongea pour éviter le second bonhomme à la flamboyante chevelure rousse ; à deux sur elle, ils semblaient animés d'une ferveur surnaturelle et Zélie voyait bien qu'ils tentaient tant bien que mal de protéger l'homme de dieu. Le rouquin lui sauta dessus une nouvelle fois, le poing levé.

— Démon ! Cria-t-il de sa bouche édentée.

Le capitaine para directement son bras à l'aide de son sabre, entaillant profondément sa chair.

"Le fer contre le fer ne sert à rien, mieux vaut viser les parties molles"

Cette phrase résonna dans l'esprit concentré de la jeune femme, qui esquissa une grimace. 

Ce n'était pas le moment ! 

En colère, elle balança sa canne de toutes ses forces sur la nuque du serviteur qui s'était penché pour hurler sa douleur. Un "toc" bien sec résonna dans la pièce et le pauvre diable goûta au parquet ciré imprégné d'hémoglobine.

Le quatrième et dernier larron écarquilla ses yeux verts en fixant le cadavre baignant dans son sang. Effaré, il recula précipitamment et son dos heurta le torse du prêtre. Son regard affolé remontait vers la jeune femme, tandis que ses lèvres récitaient des prières saintes à toute vitesse.

Les yeux de Zélie flamboyaient dans l'obscurité, quelques mèches de ses cheveux auburn collaient à ses joues trempées de pourpre. 

Furieuse et plus déterminée que jamais, elle fondit sur le serviteur et plongea son sabre dans le côté du malheureux. Sans arme, ce dernier ne put se défendre et hurla à s'en casser les cordes vocales, arrachant au capitaine un rictus à la fois ravi et agacé ; se mêlant alors à sa stridente lamentation, un autre cri de douleur s'échappa de la bouche du prêtre.

— Une pierre, deux coups, mes jolis ! Sourit Zélie en retirant lentement sa lame.

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