Chapitre 24
Zélie est de retour ! 🥳 Yeah !
Média 📸 : Lazare.
***
"Apaisé, Eladar referma ses yeux encore une fois, inspira profondément, puis rouvrit ses paupières, armé d'une détermination nouvelle. Ses lèvres soufflèrent :
— Capitaine, laissez-moi me faire passer pour vous."
***
Abasourdie, Zélie dévisagea son Second, la bouche entrouverte.
Mais qu'espérait-il, ce fou ? Ils n'avaient plus le temps pour de telles plaisanteries.
Face à l'issue inévitable qui les attendait, la jeune femme ricana sous la pluie :
— Même si c'était une bonne idée, je doute que cela change quelque chose. Nous sommes à présent en sous-effectif et mal préparés pour notre bataille, qui sera finale, je vous le garantis. Jamais mon équipage n'a été plus faible qu'aujourd'hui ... Eladar, regarde autour de toi !
— Je vois des hommes prêts à se battre jusqu'à leur dernier souffle. Des hommes prêts à se sacrifier ... Pour vous. Je vous en prie, laissez-moi essayer, s'exclama Eladar avec une foi prodigieusement absurde.
— Et avec quoi ? grinça le séminariste Lazare qui tenait toujours les hanches de Zélie entre ses mains.
— Ecoutez, il y a des épices renversées dans les cales, du curcuma notamment ... Cette poudre colore tout ce qu'elle touche en jaune orangé. Je peux teindre mes cheveux et les tresser. Si vous me donnez ce foulard fleuri, je pourrais m'en faire un masque. Et enfin, je connais le sabre : il me sera facile de bretter contre la Marine.
— Eladar, c'est complètement insensé, gronda Zélie en se détachant du séminariste. Personne n'y croira, et je ne vois pas à quoi cela pourrait servir. Si ce n'est à te faire tuer en premier.
— La voilà, la raison ! se révolta Eladar, le regard furieux.
— Je suis le capitaine ! rouspéta Zélie. Il est hors de question que je reste à l'arrière pour sauvegarder ma propre vie !
— Je peux intervenir ? avança Lazare prudemment.
— Si c'est pour me dire de me mettre à l'abri parce qu'Eladar a raison, vous pouvez aller voir aux enfers si j'y suis ! rugit la jeune femme, à bout de nerfs.
— ...
— Voilà, donc taisez-vous, par pitié.
— En fait, je n'en avais pas l'intention. Je crois simplement que cette idée nous ferait gagner du temps.
— Picton ne me cherche pas moi. Tout ce qu'il veut, c'est sa fille.
En quelques phrases, Zélie résuma la situation à Lazare, au sujet de l'amiral, de l'identité de sa fille et du pétrin dans lequel ils étaient présentement. Un coup de tonnerre résonna à travers la nuit, comme pour annoncer le destin funeste qui les attendait.
— Tout ça pour dire, reprit-elle, que je ne vois pas en quoi cet accoutrement loufoque arrangerait nos affaires. Dans tous les cas, la Marine va traquer la petite !
— Et bien, dans ce cas, c'est justement pour ça que nous avons besoin de temps, insista Lazare. Il faut que nous la trouvions avant eux, afin que nous ayions au moins de quoi négocier ! Le combat étant inévitable et inégal, j'ai l'impression que nous n'avons pas d'autre choix que le chantage.
— Vous sous-estimez Picton, tous les deux : ne faites pas l'erreur que font les hommes à mon égard. Cet amiral est très intelligent et fin stratège, il aura très probablement anticipé une prise d'otage.
— Notre seule chance est donc de le prendre par surprise. Et en voici une belle, répliqua Eladar avec un sourcil levé.
Zélie ne répondit rien, se contentant de jeter un regard vague aux deux hommes pendant qu'elle réfléchissait à toute vitesse.
Gagner du temps. Quand on avait un plan, c'était effectivement indispensable. Mais lorsqu'on n'en avait pas ...
Pourtant, Alexandra devait être retrouvée et appréhendée, avant que son père ne le fasse lui-même. Peut-être, après tout, que le dialogue était possible ? Mais que pouvait bien dire Zélie ? Ce n'était pas elle qui avait capturé la jeune fille à Port-au-Prince ! Cet immonde bâtard de Barbe-Rousse était seul responsable de toute cette histoire ...
Zélie eut soudain des envies de meurtre à l'encontre de sa propre famille...
Et puis, cette fille, Alexandra ... Pourquoi diable était-elle aussi active au sein de tous ces pirates ? Quel rôle jouait-elle ? Était-elle manipulée par Barbe-Rousse ? S'était-elle laissée capturer ? Si oui, pour quelle raison ?
Oh, définitivement, elle devait trouver cette fille.
Et s'ils avaient du temps, ils pourraient la cuisiner avant d'engager le dialogue avec le père.
Non, ils devaient d'abord l'exhiber sur le pont, à la vue de tous, et la cuisiner ensuite. Cela évitera ou limitera les coups de canons ennemis. Ainsi exposée, la petite sera vulnérable et pourra protéger l'entièreté du navire.
Voilà un plan.
Trouver Alexandra. Travestir Eladar. Amener la fille sur le pont principal, avec Eladar déguisé en capitaine. Hisser le drapeau des pour-parler.
Ensuite, ils aviseraient.
La moindre offensive de l'ennemi sera rendue au double, Zélie le jura à la face de tous les dieux marins.
Ses prunelles safran montèrent vers Eladar, résolues.
— J'ai mon ... notre plan, annonça-t-elle avec férocité.
Elle se tourna ensuite vers Lazare.
— Mais il implique que je vous fasse confiance, précisa-t-elle en serrant les dents.
Lazare semblait vraiment de leur côté, mais la jeune femme ne devait pas oublier de s'en méfier. Peu importaient les actes passés, un fourbe restait un fourbe.
Le séminariste hocha la tête, sans rien dire.
— Nous sommes déjà à court de temps, dit-elle, mais nous pouvons quand même tenter. Voici le programme ...
En quelques mots, Zélie résuma ses pensées et envoya immédiatement Eladar tenter de se travestir, après lui avoir refourgué son foulard fleuri. Désormais tête nue, la jeune femme put pleinement sentir la pluie torrentielle qui n'avait pas cessé.
Elle dut malgré tout lever les yeux vers la vigie, pour réclamer l'avancée des navires.
— Ils sont moins rapides que prévu ! beugla Smith depuis son nid-de-pie à peine visible. Soit ils manœuvrent ensemble et se positionnent, soit les éléments sont contre eux !
— Ne les quitte pas ! tonna Zélie avant de crocheter le bras de Lazare pour filer en direction des cales.
Lorsqu'il déboulèrent en bas, dans la noirceur des entrailles du bateau mal éclairées, le capitaine pivota brusquement vers le grand brun à ses côtés.
— Ils manœuvrent, affirma-t-elle de but en blanc, et ce n'est pas du tout bon pour nous. Mais au moins, nous avons du temps.
— Vous devriez informer l'équipage, ils ont le droit de connaître le plan.
— Oui, c'est à mon Second de ... Ah ... Fuck, Eladar ...
Quand la politesse désertait ses lèvres, Zélie montrait combien la situation lui échappait.
— Bon, je vais remonter pour distribuer des ordres. Vous, vous allez me fouiller ces cales de fond en comble. Mes hommes ont déjà tout mis à sac, mais votre œil est neuf et - j'imagine - aussi affuté que votre langue.
— Ça, vous ne le savez pas encore, capitaine, répliqua le séminariste avec un petit sourire qui illumina sa face épuisée.
Zélie grinça des dents et le trucida du regard :
— Vous allez me dire qui vous êtes, à la fin ?
— Bien entendu, répondit l'homme, ... vous devez vous douter que c'est tout à fait impossible !
— Si je n'avais pas besoin de votre maigre carcasse de vermine arrogante, vous gériez sur ce sol avec votre sang pour oreiller depuis longtemps, l'Abbé. Qui DIABLE êtes-vous ?
— Nous perdons du temps, maronna Lazare en battant des cils sur son regard sombre.
— VOUS me faites perdre du temps, rugit Zélie.
Ulcérée et rendue fébrile par tant d'adrénaline, la jeune femme le gifla.
— Cherchez cette fichue gamine ! s'époumonna-t-elle avant de lui tourner le dos et de grimper les marches quatre à quatre.
La pluie l'accueillit comme il se devait, mais Zélie n'en fit aucun cas. Bousculant tout le monde sur son passage, le capitaine en furie rejoignit le poste de commandement où barrait Rhalas.
Elle lui indiqua sèchement les nouvelles manœuvres et l'informa du plan.
— Comptez sur moi, ma Dame.
Le capitaine était trop sur les nerfs pour répondre, mais il hocha la tête ostensiblement à l'intention du barreur. Le moment n'était pas aux remerciements, ni même à une quelconque émotion humaine. Chacun devait rester concentré et insensible. Question de survie.
Retournant sur le pont principal, Zélie héla l'équipage tout entier :
— Mes braves ! Yoooohoooo ! Voici ce que nous allons faire !
Après de brèves explications et des yeux écarquillés, la jeune femme chargea les plus futés d'expliquer les nuances du plan aux autres. Les membres de la Grand Ourse grommelaient dans leur barbe, proférant des menaces de mort à l'intention de Picton et d'Alexandra.
"Le sang de Picton nous a volé Coco, ils paieront pour ça ..."
"On va la débusquer, cette gamine. Que quelqu'un la trouve avant moi, sinon ..."
" Ils vont voir, ces timorés de la Marine. On va se battre jusqu'à ce que l'océan soit rouge."
Satisfaite de l'état d'esprit de son équipage, où l'égo primait sur la peur, Zélie distribua des bourrades et ordonna à La Bidoche de fournir du rhum à tout le monde. Ce dernier s'exécuta la mine grave et sans broncher, devinant l'issue du combat à cette simple injonction.
Ce fut à ce moment qu'Eladar réapparut, bredouille d'Alexandra, mais avec une tignasse d'un jaune douteux, zébré de rouge. Un immense chapeau de feutre protégeait son crâne et conséquemment son déguisement.
— J'ai pris un couvre-chef, pour éviter la pluie, cria-t-il à travers le foulard qu'il avait noué autour de son visage pour se masquer. Et il est solidement vissé sur ma tête grâce à ce cordon qui est là, aucun risque qu'il ne s'envole ...
— Où as-tu trouvé ce rouge ? maugréa la jeune femme en plissant ses paupières.
— Paprika, répondit Eladar, comment est-ce ?
— C'est ... pas mal, je m'attendais à vraiment pire. Mais c'est plutôt réaliste. Heureusement que tu as les cheveux longs et qu'il fait nuit ... Le foulard sera l'indice le plus efficace et le plus visible de loin. Ah, et j'ai un vieux sabre dans mes quartiers, derrière ma malle. Prends-le et ramène-moi ma canne.
Eladar acquiesça, puis fila comme s'il avait le diable aux trousses, sa courte tresse battant contre sa nuque.
***
Et voilà ! Prochain chapitre déjà en construction 🙂
D'ici là, soyez sages et mettez vos masques ! 👹
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