Chapitre 16
Morte ? Qui ça ... Moi ?
Noooooon ...
*M'extirpe de mon cercueil où j'ai dormi pendant deux mois*
J'ai juste eu besoin d'une petite pause de rien du tout hahaha
*Rire nerveux*
***
Une main effleura l'épaule de Zélie.
_ Vous n'avez pas beaucoup de contrôle sur vous-même, n'est-ce pas ?
La jeune femme se retourna lentement et dévisagea le séminariste en tirant une grosse latte de fumée. Son silence irrité était éloquent.
_ Vous non plus, rétorqua-t-elle finalement.
Mais leurs regards respectifs semblaient parler d'autre chose.
Empêtrée dans cette situation embarrassante, Zélie tira une dernière bouffée et se détourna pour étudier ses cartes. Que n'aurait-elle pas donné pour étrangler un bougre à mains nues, là, tout de suite ? Histoire de calmer ses nerfs en pelote ...
Son air tourmenté se mua en stupeur lorsque le navire s'ébranla brusquement, manquant de la faire tomber.
"Nom d'un poulpe, il a fait vite !" gronda-t-elle intérieurement, ses mains agrippant les bords de la table solidement.
Lazare s'était accroché à l'un des deux piliers de bois de la pièce. Tous les objets de la cabine glissèrent ou roulèrent dans tous les sens ; les chandeliers grincèrent dangereusement en se balançant. Même la canne de Barbe Rousse dégringola du bureau et heurta le plancher dans un bruit lourd. Des voix d'hommes étouffées braillant des ordres retentirent depuis l'extérieur.
La Grande Ourse quittait enfin le port de Las Galeras.
Comme à son habitude, Eladar avait pris les devants. Béni soit ce majordome prévenant !
Zélie se stabilisa et finit par se redresser dignement.
_ Nous partons, dit-elle d'un ton neutre à la pièce.
Derrière elle, le séminariste relâcha sa prise avec méfiance et poussa un soupir irrité, ce qui fit sourire la jeune femme. Apparemment, le roulis marin n'était pas au goût de tout le monde.
Elle l'entendit ramasser quelques bibelots métalliques dans son dos puis sa nuque la picota lorsqu'il referma sa paume sur la canne tombée. Zélie tourna la tête vers lui et son regard effleura le dos de Lazare en train de se redresser, la canne dans la main. Il examinait l'arme avec la plus grande attention.
_ Cet objet est ...
Il s'interrompit un moment, faisant rouler le bâton dans ses doigts. Une vague lui souleva l'estomac mais il tint bon et ravala son mal de mer.
_ ... extrêmement ancien, termina-t-il avec difficulté. De quand date cette canne ?
Ses deux opales noires papillonnèrent vers le capitaine, quémandant ardemment une réponse. Zélie lui rendit son regard intense mais croisa les bras de dépit.
_ Je n'en ai aucune idée, ronchonna-t-elle. Vous êtes expert des vieilleries l'abbé ?
_ Aucunement, grinça Lazare en se reconcentrant sur la canne. Mais j'ai la très curieuse impression que cette "vieillerie" - comme vous dites - a des centaines d'années, voire plus.
_ Impossible, nia la jeune femme en levant ses yeux au ciel. Ce n'est même pas du métal... Uniquement du bois très dur. Et il ne porte pas la moindre marque d'usure, j'ai vérifié !
_ Je le sens dans mes mains, insista l'autre avec une étrange intonation. Approchez, venez voir.
Sourcillant à l'ordre qui lui était donné, Zélie daigna malgré tout satisfaire sa curiosité maladive et s'approcha pour regarder de plus près. Le bois poli était lisse comme un jeune arbre vert mais sombre comme un buisson d'ébène. Ses doigts effleurèrent sa surface qui se mit à vibrer légèrement. Quelle étrangeté.
Une chaleur monta soudain de son bas-ventre. D'abord interdite, la jeune femme sentit cette chaleur se muer en une véritable brûlure. Poussant un petit cri de douleur, Zélie recula précipitamment et plongea par instinct sa main droite dans la profonde poche de sa veste. Ses doigts trouvèrent un objet chauffé à blanc qu'ils saisirent avec urgence, et l'envoyèrent valser sur le bureau. Le projectile crissa désagréablement en glissant sur le bois puis s'arrêta à quelques pouces de là ; il grésilla encore un instant avant que son rougeoiement ne s'évanouisse doucement.
Soufflant avec hargne sur sa main brûlée, Zélie s'avança et fronça les sourcils lorsqu'elle reconnut la pièce de métal qui avait complètement défiguré son bureau.
C'était la petite boîte qui renfermait l'hostie du prêtre.
Zélie siffla en examinant précautionneusement l'objet du déli : sa surface en cuivre était légèrement bosselée mais semblait avoir pleinement refroidi. La boite avait marqué le bois de la table en une longue traînée carbonisée, terminée par une trace circulaire à l'endroit où elle s'était immobilisée.
_ Quelle est cette diablerie ? Murmura la jeune femme avec une voix blanche.
Lazare se rapprocha lui aussi et son épaule vint toucher celle du capitaine. Il dardait l'objet avec une très grande attention. Sa large main approcha la petite boite.
_ Qu'est-ce que vous faites ? persifla Zélie mi-alarmée, mi-menaçante.
_ Dieu repose là-dedans, répondit le séminariste avec déférence. Je suis en droit de Le prendre sous ma protection. Peu importe que cette custode me brûle, c'est mon devoir de la récupérer.
_ Bas les pattes ! s'écria la jeune femme en lui tapant le dos de la main avant qu'il ne touche l'objet. Déjà, vous n'avez absolument pas ma permission de récupérer votre ... machin-chose ou je ne sais quoi. Et ensuite vos doigts risquent de se transformer en brindilles desséchées !
_ Tiens donc ? Vous ... Vous vous souciez de l'état de mes mains ?
Lazare affichait un air très sceptique, presque sérieux. La jeune femme constata dans son regard qu'il ne lui accordait aucune considération, et que cette question rhétorique reflétait l'ironie pure. L'homme de Dieu lui faisait l'affront de se croire supérieur à elle.
Zélie se mit à bouillir intérieurement en constatant cette humiliation.
_ Vos mains peuvent flamber dans un Brasier Éternel que je m'en carrerais, l'abbé, éructa-t-elle en reflétant le dédain de son interlocuteur.
Lazare ferma un instant les yeux, puis les rouvrit lentement.
_ Je devrais être plus tendre pour vous montrer la Voie du Bien, dit-il finalement. Apparemment, vous êtes bien trop susceptible pour accepter les piques. Vous vous les appropriez et réagissez comme un animal acculé.
Sa main monta vers le visage de Zélie si vite qu'elle n'eût pas le temps de s'écarter. Le bout des doigts frais du séminariste frôlèrent sa joue hâlée et constellée de taches de rousseur.
_ Et cette méthode plus douce semble avoir raison de vous, on dirait ...
Zélie ne pipa mot, son corps refusant de bouger. Si sa peau avait pu rougir naturellement, elle aurait tourné à l'écarlate en cet instant. Mais chaque anatomie a ses caprices ... Zélie, elle, ne rougissait jamais. Et ce malgré le feu qui lui ravageait désormais les entrailles et les joues.
Lazare zieuta attentivement le visage immobile et légèrement effrayé de la jeune femme. Il semblait un peu confus lui-même, ne s'attendant pas à cette réaction des plus saugrenues : une pirate chevronnée redoutait le contact physique d'un homme.
_ De quoi avez-vous peur ? murmura-t-il en glissant ses doigts entiers sur la joue du capitaine, ses pupilles noires sondant sa réaction avec circonspection.
Mais Zélie était pétrifiée, emprisonnée par la terreur du contact de cette main masculine caressant son épiderme. Ses yeux fous dévisagèrent le séminariste qui la surplombait de toute sa stature. Elle ne pouvait entendre sa voix grave qu'avec peine, comme si une bulle toute chaude l'avait recouverte de la tête aux pieds.
Voulant pousser l'expérience un peu plus loin, Lazare pencha avec hésitation son menton vers elle puis finit par déposer chastement ses lèvres sur la pommette de la jeune femme. Celle-ci sentit sa peau s'enflammer à ce contact furtif. Elle attendit que sa haine remplace sa peur et détruise tout sur son passage après ce baiser. Rien ne vint. Sa peur s'évapora. Soudain, sa main monta toute seule vers le séminariste et tenta de le gifler violemment.
L'homme de Dieu ferma brièvement les yeux pour recevoir le coup mais ce furent des doigts doux - sinon fermes - qui attrapèrent son cou, le pouce glissé devant son oreille.
Zélie le tenait.
Alors, sans savoir pourquoi, elle remonta ses talons et approcha son visage de Lazare pour effleurer ses lèvres avec les siennes.
Le séminariste inspira brusquement à ce contact saisissant, son corps semblant se liquéfier. Sa main se crispa sur la joue du capitaine tandis que sa bouche s'entrouvrit de son propre chef. Zélie, qui s'était déjà reculée, appuyait désormais son front contre le sien, ses lèvres charnues à un doigt des siennes. Le magnétisme qu'elle ressentait entre eux lui comprimait la poitrine, et ses poumons comme ceux de l'homme quémandaient désespérément de l'air.
Une véritable pulsion poussa alors Lazare vers la jeune femme mais il la retint de justesse, interloqué par son audace. Que diable étaient-ils en train de faire ? Ce n'était pas ce qu'il voulait. Il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit !
_ Qu'est-ce que vous disiez déjà, l'abbé ? haleta Zélie qui tremblait de tous ses membres sous l'assaut des sensations. Que je n'avais pas beaucoup de contrôle sur moi-même ?
Un ricanement de démente secoua ses épaules alors qu'elle déposait un léger baiser au coin des lèvres du séminariste. Ce dernier tressaillit.
_ Vous êtes tellement pire... chuchota-t-elle en tentant de calmer son coeur battant à toute allure.
Une main lui enserra la taille. Zélie ferma ses paupières un moment. Elle pouvait sentir le souffle chaud de l'homme balayer ses mèches rousses et chatouiller le bout de son nez. Sa petite main de femme enserrait toujours la gorge du futur prêtre. Le pouce du séminariste traçait des cercles tendres dans son dos. Son ventre épousait ses hanches féminines et une chaleur torride les envahissait tous les deux à cet endroit.
_ Chaque homme a ses faiblesses ... marmonna Lazare, si bas que le capitaine faillit de pas saisir ses mots.
Si ses pupilles étaient obscures d'ordinaire, en cet instant elles étaient noires comme l'abîme. Zélie se heurta à leur intensité lorsqu'elle rouvrit ses paupières lourdes. Il la regardait comme le plus brillant des trésors, louchant sur son nez, puis sur sa bouche. D'un mouvement lascif, il la poussa contre le bureau et appuya son bassin contre le sien sans la quitter des yeux. La fébrilité de Zélie se mua à nouveau en panique. Elle lâcha son cou et saisit vivement les bras du séminariste pour freiner son ardeur.
Quand les lèvres insolentes de Lazare s'écrasèrent contre sa carotide, Zélie sursauta et retint sa respiration déjà erratique. Elle l'entendit écarter dans son dos les objets en vrac de son bureau pour ... faire de la place ? Sa bouche d'homme n'avait pas quitté sa gorge exposée, la marquant au fer rouge. La jeune femme, tétanisée par le moment, entendit un déclic résonner derrière elle.
Soudain, Lazare se recula en décollant brutalement ses lèvres, et porta vivement sa main à sa bouche.
Les yeux fermés, il mâcha quelque chose avec précaution mais sans mollir, avant de déglutir en un éclair. Ses yeux foncés brillaient de l'éclat du triomphe sous la lueur des bougies.
De sa main tomba alors la custode béante, qui rencontra bruyamment le sol.
Vide.
***
Wow, j'ai pris un tournant que je ne pensais pas du tout envisager au départ ^^ Nous verrons bien ce que cela donne ! Zélie s'est quand même faite avoir en beauté !
Mais que pense vraiment Lazare de leur ... heu ... épisode ? A mon avis, il est autant embarrassé que terrifié que ravi XD #BalanceTonSéminariste
A très vite mes petits matelots :D
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