Chapitre 15

Argh, c'est la fin du week-end ... Un p'tit chapitre pour faire passer la pilule ! 😄

Média : une opale ... 😏

***

Smith n'avait pas lavé ses mains depuis l'exécution d'Óspakr.

Si cela pouvait sembler complètement loufoque aux yeux du reste de l'équipage, c'était pour Zélie un signe qui ne trompait pas.

Smith avait faim.

De plus en plus fréquemment, il se léchait les doigts d'un air pensif, coulant des regards non amicaux à certains de ses congénères et se terrant sur la tête de l'Ourse sans une once d'intérêt pour le froid nocturne.

Zélie savait qu'elle devait réagir. Vite. Sa vigie préférée avait des attentes, des besoins primaires qu'elle devait à tout prix garantir. Si elle ne pouvait lui fournir sa dose de violence et de saignements démonstratifs, alors elle pourrait avoir des doutes sur sa loyauté ...

***

Le voilà d'ailleurs qui se levait.

Le jeune homme à la tignasse toujours plus pâle ne portait qu'une vieille chemise trop grande et un bermuda déchiré grisâtre. Ses bras étaient noirs de sang craquelé jusqu'aux coudes, ce qui lui faisait comme de grandes manches moulées à sa fine musculature. Il était ainsi terrifiant en bien des manières, et cela magnifiait son apparence toute entière aux yeux de Zélie.

Il s'approcha d'une haute silhouette occupée à uriner par-dessus le bastingage.

_ Dis, le capitaine a prévu de mettre les voiles demain ?

Eladar posa son regard sombre sur le gamin et un sourire tordu lui étira les lèvres :

_ C'est pas vraiment le moment de me poser des questions.

Le majordome relâcha finalement son rictus et se concentra pour ne pas créer un accident qu'il regretterait. De grosses boucles de ses cheveux noirs voletaient sous la brise du soir. 

_ Néanmoins, elle m'a fait comprendre qu'il valait mieux ne pas tarder. Nous irons recruter des gars ailleurs, histoire de trouver de meilleures recrues. Moins... véreuses. Nous sommes cinq de plus désormais, cela devrait tenir. Le temps que nous récoltions nos dernières âmes ...

_ Ouais ... grommela Smith à l'évocation sous-jacente de Barbe Rousse.

_ Sinon, cela t'ennuie ?

_ De quoi ? Se rebiffa le blondinet.

_ Que Zélie ait trouvé une gamine capable de te remplacer ?

Les yeux bleu-clair de Smith s'agrandirent de stupeur.

_ Cette mioche n'est qu'une fillette trop abrutie pour dire un truc censé. J'en ai strictement rien à foutre et j'suis prêt à lui couper la langue si c'est pour la faire taire une bonne fois pour toutes. En plus, Zélie me considère comme son arme personnelle, ajouta-t-il avec une certaine prétention.

Eladar termina son affaire et reboutonna son long pantalon de toile sombre. Un air amusé lui collait étrangement à la figure. Lui qui était d'habitude si sérieux ...

_ J'ai des yeux, dit-il en désignant les deux perles noires qui lui servaient d'iris. Quand je ne suis pas aux côtés du capitaine pour le servir, sache que j'observe chacun d'entre vous sous toutes les coutures une fois dehors. Et toi, Smith, tu es l'une des personnes les plus transparentes que je connaisse.

_ Oooooh, ricana le garçon en se balançant de gauche à droite avec une mine insolente, tu vas prétendre que tu me connais ?

_ Pourquoi tant d'agressivité ? s'exclama Eladar qui sentait son corps bouillonner d'excitation contenue. Aurais-tu peur si c'était le cas ?

Le visage du majordome revêtit soudain un air de prédateur inédit : ses traits se crispèrent et son regard s'assombrit avec une rudesse qui ne lui était pas commune. Mais il referma ses paupières comme pour empêcher ses yeux de le trahir. 

Smith dévisagea Eladar avec perplexité.

_ Est-ce que ... tu es en train de me chercher ? interrogea-t-il en levant un sourcil intrigué. Qu'est-ce qui te prend, chien-chien ? T'es tout calme d'habitude. Remets-toi en question mon cochon ! C'est moi  le perturbateur du navire j'te rappelle. Moi, moi et encore moi. Soigne-toi, vieux ... 

Le blondinet décocha un dernier regard incrédule au majordome et le planta là pour aller emmerder une personne digne de ce nom. Si ce serviteur timbré venait encore l'importuner, il pouvait bien lui décocher un coup de couteau rapide. Histoire de clore la jouxte fissa.

Smith plongea ses mains dans ses cheveux sales et les frotta dans tous les sens.

Après tout il s'en foutait. Les autres, c'était du vent.

L'humain était d'un pénible ... Ça vivait, ça mourrait.

C'était barbant.

L'avantage lorsque l'on se battait les roubignoles de tout, c'était que tout devenait facile. Adieu les responsabilités et les soucis. Bonjour salope de vie.

Oh, mais qu'était-ce là ?

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas croisé le curé.

_ Salut l'ami ! Toujours aucune envie de m'astiquer le mât ? Soupira Smith en se laissant tomber devant le séminariste.

Ce dernier avait élu domicile contre la cabine de Zélie, dans un petit recoin à peu près protégé des bourrasques. Une grosse couverture presque sèche le drapait tout entier ; seuls sa chevelure foncée et un bout de son minois dépassaient. Si le soir les températures baissaient drastiquement, avec un tel attirail il ne risquait certainement pas d'avoir un rhume.

Éclaircissant sa vision, le jeune prêtre darda mornement son interlocuteur du moment.

_ Je ne suis pas de ce bord, dit-il d'une voix grave comme si c'était une évidence.

_ Tu ne sais pas ce que tu rates ... persifla le blondinet en écartant son col pour grattouiller les rares poils de son torse d'un air suggestif.

Lazare plissa le nez mais n'ajouta rien. Il semblait à présent se complaire dans un mutisme nourri par sa solitude.

_ T'es pas spécialement beau, lança Smith de but en blanc, mais t'as clairement un truc. Peut-être parce que t'es interdit ...

Le séminariste lui lança un regard indescriptible.

_ ... ou alors ce sont simplement tes yeux, lâcha le blondinet en se mettant à quatre pattes pour se rapprocher. La vache, on dirait des pierres brillantes. (il agita une main comme un sorcier aurait voulu ensorceler une malheureuse victime) N'importe quelle gonzesse te tomberait dans les bras si tu décidais de les utiliser.

Lazare n'eut aucun mouvement de recul mais fusilla le gamin de ses pupilles époustouflantes. Son regard accrocha la poitrine dénudée du jeune homme, cilla avec scepticisme puis redevint terne. L'insupportable pirate renchérit :

_ Ton nez par contre ... Ça, c'est ce qu'on appelle un pif, ma jolie.

_ T'as fini ? Grogna le séminariste en remontant sa couverture jusqu'à ses cernes.

_ Aaaah j'ai touché un point faible hein ? Monsieur Truffe ..., minauda Smith qui sauta sur ses pieds pour se tenir accroupi. Nom d'un chien, t'as une trogne d'ange à qui on aurait cassé la gueule. T'es sûr que tu ne veux pas que je te réchauffe ? C'est mon rayon les types déséquilibrés à consoler. Après je te tue si tu veux.

_ Je ne suis pas certain que ton capitaine approuverait l'idée, marmonna Lazare en levant les yeux au ciel.

_ J'embrasse comme personne, argumenta Smith en se mordant la lèvre.

_ Sans façons, éructa l'autre. Mais je parlais surtout de mon exécution.

_ Et bien, on va voir ça tout de suite ! S'exclama le garçon en se redressant complètement.

Le blondinet n'eut qu'à faire deux pas pour atteindre la porte. Il toqua quelques coups rythmés et patienta quelques instants.

Lazare en profita pour s'extirper de sa couverture et se mit debout. Il surplombait le gamin et de très loin ; sa haute stature avait quelque chose d'imposant malgré ses jambes élancées. Sa soutane n'était à présent qu'un lointain souvenir ; une chemise sans manches ainsi qu'un bermuda avaient pris son rôle. Sans être baraqué comme la plupart des pirates de la Grande Ourse, le séminariste présentait un torse large mais fin - ses épaules ondulant juste au-dessus comme des vagues.

Tout en patientant devant la porte, Smith le reluqua de haut en bas et lui lança une œillade entendue.

_ Qu'est-ce que tu fais, petit ? Demanda Lazare qui ignorait le regard du forban.

_ Entrez ! Brailla une voix féminine depuis l'intérieur.

Smith ne se fit pas prier et pénétra dans la cabine, le futur prêtre sur ses talons.

L'air ambiant était saturé de fumée, les deux hommes sniffèrent la nicotine à plein nez. C'était véritablement irrespirable. À travers les volutes opaques, ils distinguèrent la silhouette du capitaine assis en tailleur sur son bureau. Une assiette révélant quelques restes de viande trônait à ses côtés. La porcelaine raclait le bois à chaque mouvement de roulis, tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite ; la marée du soir brassait aussi bien les eaux du port que celle de la haute mer.

Le capitaine était complètement absorbé par ce qu'il avait sous les yeux ; au bout de son bras nonchalamment posé sur son genou grésillait une énième cigarette.

_ Quoi ... gronda-t-elle sans lever l'œil.

Smith s'approcha vivement et se planta devant elle avec effronterie.

_ Salut boss, je suis venu vous demander si par hasard vous m'accorderiez une petite faveur ...

_ Ne passe pas par quatre chemins Smith ou je te grille la rétine, grommela Zélie qui tira une grosse latte de sa cigarette.

_ J'aimerais jouer un peu avec le p'tit curé ... sourit le gamin en tendant un doigt gourmand vers le ventre de Lazare qui se contracta.

La jeune femme releva soudain le menton. Ses pupilles dorées considérèrent la situation en un éclair : le geste de Smith, son air vicelard ... Oh, elle connaissait les penchants du gamin depuis qu'elle avait posé les yeux sur lui la première fois. Pour le blondinet, toute créature un peu envoûtante et désirable, peu importait son sexe, constituait un attrait puissant et magnétique. Si elle avait eu la beauté pour elle, la jeune femme serait probablement tombée dans ses filets plutôt que lui dans les siens. Smith était un effroyable chasseur.

Mais c'est sa force de caractère, sa flamme intérieure, qui avaient contraint Smith à tout lâcher pour la suivre. Tel un insecte attiré par la flamme du chandelier, il lui avait emboîté le pas non pour la séduire (même si Zélie aurait tout fait pour l'en empêcher) mais pour être son objet, son arme. Dominant dominé.

Finalement tout cela n'était qu'un jeu dont lui seul connaissait les règles ...

Les pupilles safran de Zélie remontèrent alors le corps du séminariste. Si elle connaissait par cœur l'anatomie des hommes, celle-la lui réchauffa inexplicablement les joues. Toute femme, voire tout homme, n'aurait qu'une envie : se réfugier dans ces bras, se lover contre ce torse mâle, plonger une main audacieuse sous cette chemise inutile ... 

Lazare ne vit pas le regard dilaté qu'elle lui lançait à ce moment précis. 

Et Zélie, qui récupéra bien vite ses esprits, se surprit à remercier un quelconque Ciel pour cela. 

Au comble de l'irritation, le futur prêtre était en fait occupé à trucider Smith de ses hypnotiques opales brûlées.

_ N'y pense même pas, gamin, gronda-t-il les poings serrés, gonflant ses bras.

La quantité de testostérone dans la pièce monta d'un cran.

Tandis que les relents de désir et de haine émanaient des deux hommes face à face, Zélie descendit à bas de son bureau et se planta devant eux avec fermeté. Une effluve masculine suave lui chatouilla les narines et la langue ...

Déglutissant, la jeune femme tenta de se concentrer sur la principale source d'ennuis :

_ Smith, c'est un otage. En fait, pour être claire, c'est mon otage. Tu peux te chamailler avec lui, le titiller, mais en aucun cas lui sauter dessus. Il plongerait tout droit dans les flots plutôt que de commettre un pareil péché. (Elle laissa échapper un petit rire nerveux) Tu ne réfléchis vraiment qu'avec tes attributs ...

Saisissant le bras du séminariste d'un geste brusque, la jeune femme l'attira à elle avec une certaine vigueur. L'homme d'église échoua à ses côtés comme s'il venait de changer de camp. 

L'effluve masculine se renforça significativement. 

Zélie déglutit mais ne le lâcha pas.

_ J'aime autant le surveiller, dit-elle avec une voix un peu rauque. (elle se racla la gorge puis reprit) Donc il va rester pendant un temps dans un coin de cette cabine.

_ Personne ne le recherche ton otage, se vexa Smith en lui décochant un regard irrité.

_ Oh que si, on me recherche, intervint Lazare qui étudiait négligemment le profil du capitaine. J'ai entendu des gars de votre bande raconter qu'ils avaient fait toutes les tavernes du coin et que chacune d'entre elles regorgeait de ragots à votre sujet. On y parlait apparemment de ma prise d'otage, d'une potentielle alliance franco-anglaise pour vous pourchasser et de Barbe Rousse qui vous avait rendu visite ... 

_ Si ça c'est pas du parjure, je ne m'y connais pas ! Le coupa Smith en haussant un sourcil intrigué. Tu viens de balancer le plan de tes camarades sans aucun remord ...

_ J'ai simplement répété ce que votre équipage sait déjà ! Aboya le séminariste qui sentait ses nerfs mis à rude épreuve. Et je refuse de mentir, pour le coup ce serait un parjure envers ce que je deviendrai si j'arrive à m'échapper de cette situation !

_ Cessez cette rixe ! S'écria Zélie en resserrant par réflexe ses doigts autour de l'avant-bras de Lazare.

La paume de la jeune femme épousa plus encore le muscle du séminariste, faisant fi des poils masculins et de la chaleur qui se répandait dans tout son corps depuis sa main. Son pouce bougea encore de quelques centimètres contre l'épiderme brûlant de Lazare, semblant prodiguer une caresse. Zélie arracha alors sa main comme si elle avait touché par erreur un artefact maudit. 

L'homme sur ses arrières n'avait pas bronché d'un iota. 

Quant à elle, son masque lisse ne laissa rien paraître vis à vis de cet incident.

_ Smith, je crois que tu ferais mieux de filer et tout de suite, articula Zélie d'un ton maîtrisé. Demande à Eladar de ma part qu'il largue les amarres le plus tôt possible. Ce soir, donc.

_ Il est le nouveau Second ? Grogna Smith avec dégoût.

_ Je ne sais pas encore, mais pour l'instant il en a le rôle. Vas-y. S'il te plait.

Le blondinet posa tranquillement son regard sur le séminariste aux côtés de Zélie. Un petit sourire triste fleurit sur ses lèvres mutines.

_ Si jamais tu changes d'avis, l'abbé ... Sache que tu peux me trouver à tout moment sur la tête sculptée à l'avant du rafiot.

_ File ... ordonnèrent ensemble Zélie et Lazare.

Smith les darda avec curiosité, fixant son capitaine un instant supplémentaire, puis tourna les talons pour prendre la porte.

Ni la jeune femme, ni le séminariste ne bougea après qu'il eût disparu.

***

Je suis persuadée que vous avez des choses à dire ... Vous remarquerez que ce chapitre est majoritairement masculin ! J'ai fait quelques efforts 😂👌🏻

Racontez-moi votre réaction ! 🙊

PS : si des gens regardent la série Youtube "Mental", je viens de la découvrir par hasard (je vous la conseille à 100%) et MDR le personnage de Simon c'est tellement Smith !! XD Visuellement et intérieurement !!  

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