Chapitre 11 - Retrouvailles familiales

Voici enfin le chapitre 11 ! Le nœud de l'intrigue se créera dans les deux prochains chapitres alors soyez attentifs, mes petits moussaillons ... 

Bonne lecture :)

***

Les mouettes criaient leur faim à qui voulait l'entendre.

Malgré l'épaisseur du bois de sa cabine, les oreilles de Zélie résonnèrent de ce son strident, ô combien révélateur. Dehors, un brouhaha de voix lui confirma d'ailleurs ce qu'elle avait pressenti dès son réveil : la Grande Ourse se trouvait présentement dans un port.

Las Galeras, si sa mémoire embrumée était bonne.

Diantre.

La jeune femme se redressa péniblement sur les coudes et entreprit d'ouvrir ses yeux dorés meurtris par la fatigue. Ces réveils flous commençaient sérieusement à entamer son stock de patience. Pinçant l'arête de son nez au niveau des paupières, elle massa cette zone avec application et tenta de se rappeler un tant soit peu les précédents événements.

Par la barbe de Davy Jones, Eladar !

Ce nom eut le don de la sortir complètement de sa torpeur : à présent assise dans ses draps froissés, le capitaine zieuta sa cabine de tous les côtés, mais ne distingua pas âme qui vivat aux alentours - même cet énervant séminariste avait disparu.

Zélie sentit son nez la picoter. Mauvais pressentiment.

Posant ses pieds à terre, la jeune femme constata qu'elle pouvait tout à fait se tenir debout et marcher. Ses mains avaient été lavées et la trace du sang de Gordon sur sa joue n'était plus qu'un vieux souvenir. La blessure de son épaule, quant à elle, était granuleuse et sèche sous ses doigts. En bonne voie de cicatrisation donc. Parfait.

Entièrement revêtue de linge blanc pour la nuit, Zélie zigzagua sous la nausée et se dirigea vers la haute porte de sa cabine - qu'elle entrouvrit sans même un regard pour le miroir. 

Une imposante silhouette était en train d'avancer vers elle, main en l'air pour saisir la poignée. 

À sa vue, la silhouette se figea. Le capitaine ne reconnut pas cet uniforme légèrement débraillé ; déboussolée, la jeune femme leva ses yeux ronds vers la face de cet individu louche qu'elle venait d'interrompre dans son geste.

Nom d'un poisson-scie !

Zélie ferma précipitamment le battant en frémissant sous la décharge d'adrénaline. Mais c'était sans compter sur la botte du type qui vint se loger dans l'ouverture pour bloquer son élan. La rouquine ne tenta même pas de forcer la porte, elle courut vers son bureau et saisit sa canne, ainsi qu'un sabre. Telle une ourse enragée, elle s'accula au grand meuble et menaça l'inconnu de ses armes en grondant.

L'inconnu était un homme dans la cinquantaine, fortement charpenté et à la démarche conquérante. Tandis qu'il s'avançait d'un pas lourd, on pouvait distinguer sa somptueuse barbe d'un roux flamboyant, ainsi que sa chevelure hirsute de la même couleur écarlate (mais tirant sur le blanc à ses tempes) : toute cette toison lui faisait comme un étrange halo de tentacules déployées.

Si son teint pâle invitait à de belles joues rouges et potelées, la réalité était tout autre : son visage buriné et constellé de taches de rousseur était affublé de basses pommettes marquées de sombres crevasses gravées par l'âge. Sous d'épais sourcils en v, une paire d'yeux bleu foncé profondément enfouis dans leurs orbites fixaient Zélie d'un aplomb incroyable : si Poséidon existait, il aurait ces yeux. Pas glauques comme ceux des poissons, non ... Perçants. Infiniment intimidants. Marqués par les siècles. Ayant été le miroir d'événements sombres et terribles. De vraies billes recrachées par l'océan. 

Des yeux prodigieusement ténébreux, pour un sinistre personnage.

Un costume de noble, un peu débraillé, lui servait d'habillement et, outre une grossière paire de bottes aux pieds, il portait à la ceinture une impressionnante armada de dagues en tous genres.

Le visage fermé, l'individu s'avança tranquillement à l'intérieur de la cabine, et referma la porte avec application. Zélie plissa les paupières. Tant de précautions pour fermer une porte ne pouvait signifier qu'une seule chose : ce type disposait d'une force trop importante pour son corps et le moindre geste pouvait réduire en miette n'importe quoi. Comme une poignée de cuivre.

Mais cela, la jeune femme le savait déjà.

Gardant ses yeux mi-clos, elle resserra ses poings sur ses armes ; tentant ainsi, sans grand espoir, d'anticiper un éventuel geste agressif. Sa tenue légère ne la rendait que plus fragile.

Le regard de l'homme sillonna la pièce tel un prédateur en chasse ; il semblait chercher quelque chose avidement, passant au crible chaque écharde, chaque cordage, chaque poussière suspecte. L'une de ses mains, qui était - soit dit en passant - veineuse à souhait, tritura sa barbe presque rouge avec circonspection.

Soudain, son aura se déploya comme une toile et pesa contre toutes les surfaces de la cabine : une sorte d'électricité vibrait dans l'air lourd et étouffant. Zélie sentit une chape de plomb lui recouvrir les épaules et grimaça sous le choc.

Elle déglutit.

Le type, les yeux rivés sur la canne emprisonnée dans les mains de la jeune femme, s'était immobilisé brusquement en la voyant :

— Elle est donc là, gronda l'inconnu d'une voix pourtant doucereuse.

Zélie se mordit la lèvre et se redressa pour présenter une posture fière.

— Choyée par mes jolies mains, dit-elle en plantant son regard jaune dans celui du pirate.

— Tes jolies mains ... répéta l'autre en serrant la mâchoire, le nez busqué relevé. Il me semblait bien t'avoir dit qu'elles étaient interdites de chapardage dans mes quartiers.

— Papa a dû malencontreusement laisser la porte ouverte, un soir de pleine lune, minauda Zélie qui n'en menait pas large. Mes mains deviennent incontrôlables ces nuits-là ...

Le pirate ne répondit rien. Il observait la canne, plongé dans ses réflexions. Par ailleurs, l'aura qu'il dégageait s'était encore intensifiée, comme s'il souhaitait faire enfler une bombe pour qu'elle explose. Zélie, toujours figée, déglutissait de plus en plus fréquemment, avec l'effroyable impression que des doigts puissants emprisonnaient son cou en une redoutable étreinte. 

Avançant d'un pas vers la jeune femme, qui lui pointa aussitôt son sabre sous le menton, le pirate s'apprêta à poursuivre leur dialogue quand Zélie intervint :

— Alors comme ça, tu as réussi à soudoyer mon Second ? Cracha-t-elle d'un air mauvais, le visage tendu à l'extrême. Il te donnait nos coordonnées et tu suivais ma trace à l'œil ?

Le pirate sourit malicieusement et embrassa la lame qui le menaçait. Dégoûtée, Zélie se décala vers la gauche pour se soustraire à sa présence écrasante, mais n'abaissa pas son arme pour autant. Elle vit les pupilles du grand homme s'éclaircir, son sourire s'élargir :

— J'ai vu ce que tu en avais fait, petite Renarde... souffla l'homme qui semblait avoir du mal à contenir son allégresse.

— Ne m'appelle pas comme ça ! le coupa la jeune femme en grimaçant.

— ... et c'est digne de ton héritage familial. Peut-être que j'ai forniqué avec ta mère, qui sait ! Tu serais donc ma fille ... Murmura-t-il en se rapprochant subrepticement.

— C'est ça ! gronda la jeune femme en prenant un air outré. Je connais ton goût prononcé pour le mensonge et la tromperie. Ton frère t'aurait tué si tu avais pensé ne serait-ce qu'à toucher sa femme.

— S'il savait ! Rigola l'autre en montrant les dents, sa langue les léchant pensivement.

Ses grosses paluches se tendaient vers Zélie, comme pour la prendre dans ses bras.

— Bas les pattes ! s'indigna la jeune femme en reculant vivement, sa chemise de nuit voletant autour d'elle.

Elle contourna ensuite son bureau, sans jamais tourner le dos à l'ennemi. Lorsqu'elle se trouva derrière, ils étaient à présent séparés par un meuble en dur, ce qui donnait un fugace répit au capitaine.

— Nous n'allons pas jouer mille ans, se rembrunit Sir Edward en posant ses poings sur la table. Tout ce que je veux c'est récupérer mon bien. Donne-la moi.

— Non.

— Mais si, petite Renarde, et tu vas me la rendre tout de suite, sourit l'homme dont les yeux étaient si intenses qu'on aurait dit des aigues-marines étincelantes.

— Elle est mienne, désormais, éructa Zélie. Que cela te plaise ou non.

— Tu es trop jeune pour un objet de cet acabit. Et j'en ai besoin.

— De cet acabit ? releva la jeune femme, dont le visage s'éclaira subitement.

Sir Edward scruta l'expression de sa nièce avec perplexité, puis éclata d'un grand rire de gorge. Il n'en fut que plus terrifiant ainsi secoué.

— Ne me dis pas ... ricana-t-il, son visage placardé d'un sourire immense. Que tu m'as dérobé cette canne sans en connaître ni la valeur, ni le pouvoir !

Vexée, Zélie lui adressa un regard mauvais, mais remonta l'objet au niveau de ses yeux pour l'examiner :

— Tu me fais marcher, l'ancien. Elle n'a rien de particulier cette canne. C'est même plus un bâton, d'ailleurs ...

— C'est bien ça, rétorqua le pirate qui retrouva alors un semblant de sérieux. Un bâton.

— Alors quoi ? Gronda Zélie qui en avait marre de tourner autour du pot.

— Si tu me la donnes, je t'explique.

La jeune femme leva ses jolis yeux safran au ciel et rejeta sa crinière rousse en arrière. Elle n'était pas au meilleur de sa forme, il fallait le dire, mais elle devait absolument trouver une solution pour s'extirper de cette impasse périlleuse. 

Cette canne avait donc une certaine valeur ? Un pouvoir ? Était-ce possible ... 

Elle avait fort à gagner si elle la gardait. Coûte que coûte. Mais elle devait se tirer de là.

— Je veux que l'on fasse un marché, dit-elle finalement. 

***

Chapitre couplé avec le suivant ! Foncez lire l'autre avant de faire une pause ^^

Bisous sur vos joues pleines de biscuits. 

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