Chapitre trente-sept
Maelia n'avait pas voulu passer avant lui et tout le reste était flou dans l'esprit de Tagan, car il était devant une porte ouverte, en train d'admirer deux épées jumelles. Deux épées, et non une. « Mirage » et « Vérité ».
Il avait failli laisser échapper des injures quand elles s'étaient dévoilées pour lui. Il prit sur lui et se saisit du baudrier, machinalement il caressa une des apatites bleu-vert qui chatoyait comme une sphère d'eau solide et rejoignit ses amis.
Maelia avait les yeux rivés sur les superbes pierres et l'ouvrage parfait qu'étaient les épées de Tagan, elle était anxieuse, parce qu'elle avait peur d'être la seule pour qui rien ne se passerait, et aussi parce qu'elle ne se sentait pas digne de posséder une telle œuvre.
Feary l'encouragea avec un de ses sourires pleins d'assurance et elle obéit à son invitation muette. Se laisser blesser sans réagir lui demanda beaucoup d'effort. Le temps lui parut s'éterniser. Son sang goutta dans le fond du cratère vierge de toutes traces précédentes. Avec lenteur il parut absorbé par la pierre. Elle se cramponna au mouchoir que Feary déposa dans sa main, sans quitter des yeux là où avait disparu son sang. Et outre le bruit de son sang à ses oreilles, le silence ne fut pas brisé pendant d'interminables secondes.
Puis, le grondement de la pierre et la délivrance. Sans toujours être sûre de le vouloir vraiment Maelia se dirigea vers l'ouverture sous l'inscription : « Obscurité ». Une épée élégante, patinée de noir, ornée d'onyx l'attendait. La sobriété et la férocité de cette arme touchèrent quelque chose en elle. Elle était émue. Toujours en serrant le pansement improvisé elle prit possession d'Obscurité et retrouva ses compagnons, tous en contemplation des différentes lames.
Tagan suivait ses amis dans la longue remontée des escaliers glissants. Il n'avait toujours pas ceint son harnais dorsal, et continuait d'être captivé par ce qu'il venait de recevoir.
— Elles sont tellement magnifiques, souffla-t-il.
Ses mains continuèrent à parcourir ses armes, c'est comme ça qu'il remarqua que les deux fourreaux pouvaient être détachés de leur support pour être ceints à la taille. Il était impatient de tester les deux combinaisons, pour faire son choix.
Ils finirent par arriver à la surface. Feary souriait de toutes ses dents, heureux que ses amis aient gagné ces légendes oubliées. Il connaissait bien le sentiment d'exception qu'ils devaient ressentir, il savait que ça leur redonnerait courage pour l'avenir.
Les gardes mirent un certain moment à réagir, mais quand ils réalisèrent ils firent preuve de respect, là où plus tôt il n'y avait que du mépris.
Plusieurs personnes les suivirent dans le dédale de rues, chuchotant sur leur passage. Et durant leur entraînement une foule nombreuse se pressait pour les apercevoir.
— Je ne suis pas à l'aise, ronchonna Maelia.
— Mets-toi à leur place, avant aujourd'hui il n'y avait jamais eu plus de trois épées dehors en même temps, et là quatre s'offrent simultanément à des étrangers, tout le monde veut voir quelles personnes se sont retrouvées dignes des épées.
— Je croyais que ça n'avait rien avoir avec le fait d'être exceptionnel, mais juste de similitudes avec les anciens porteurs.
— Les anciens porteurs étaient tous exceptionnels, claironna Feary avant de repartir à l'assaut de la jeune épéiste.
Tagan qui échangeait quelques passes amicales et lentes, à armes réelles avec Sane, ne put qu'entendre ce que son ami avait presque crié. Il n'avait jamais vu le problème sous cet angle. Il ne se sentait pas exceptionnel. Il était simplement un bon bretteur, et il était loin d'être le seul, et en plus si ça n'avait tenu qu'à lui il aurait fui tous ces ennuis depuis longtemps.
Une pointe d'aigreur lui transperça la poitrine, il se sentait comme un imposteur.
Un coup plus violent que les précédents ébranla son bras et le fit revenir au présent.
— Arrête de réfléchir, j'ai vu des pantins d'entraînements plus réactifs que toi, et moins raides, malgré le fait qu'ils soient en bois.
Le sourire amical qui avait accompagné cette réplique rasséréna le voleur qui se remit à la pratique.
Un enfant vint mettre fin à leurs exercices pour leur signifier l'heure du repas.
Sur le trajet du retour, Sane examina son pommeau avant de constater :
— J'ai une parfaite prise, je pourrais croire qu'elle a été prévue pour ma poigne. Je suis tellement surpris par le cuir qui plus est. Il est supposé avoir des siècles.
— Ce n'est pas du cuir, rétorqua Feary, les elfes ne tuaient pas d'êtres vivants, c'est végétal, mais sûrement manipulé avec leur magie. Comme l'écharpe avec celles de Tagan.
— C'est tellement doux, constata ce dernier.
— J'ai du mal à conjecturer que ces œuvres d'art soient destinées à tuer, compléta le prince avant que la place devant le réfectoire apparaisse à l'angle d'une rue et qu'il constate le nombre impressionnant d'habitants.
Feary traversa assez difficilement la masse de corps, comprenant que les personnes n'étaient pas là que pour eux. Une fois dans la cantine il vit la pierre d'un bleu d'un ciel estival au sommet de la fusée d'une épée : Lien, avant même de remarquer le porteur qu'il n'avait jamais vu. Kast. Tous les porteurs d'épées étaient réunis dans la pièce.
Kast et Avel se tournèrent vers les épéistes, dont Arzel c'était extrait, pour passer plus inaperçu toute cette attention le rendait presque malade. Les deux hommes ne cachèrent pas leur étonnement en voyant approcher les trois nouveaux élus.
Avel bredouilla des phrases inintelligibles, avant de présenter tout le monde. Kast était jovial, et posa mille questions sur ce qui c'était passé dans la caverne, et même une fois installé à table il les submergea d'interrogations sur leur passé et leur parcours.
Avel profita d'un blanc pour lancer à son vieil ami :
— Et toi, tu n'as pas eu le temps de m'expliquer ce qui t'amenait ici.
Pendant une fraction de seconde Feary perçu le front de Kast se rider, avant qu'il ne redevienne plus inexpressif, néanmoins il fixa les rebelles avant de prendre la parole.
— Les nouvelles dans le royaume sont mauvaises, des désertions importantes ont entraîné des défaites sur nos deux fronts. Les lois ce sont durcies, et les exécutions sommaires où avec des procès fantoches sans consistance deviennent monaie courante. Et le roi compte frapper un grand coup dans le moral et les espoirs de la population. Il a des rebelles captifs dans la capitale, de ce qu'il a annoncé. Il n'a pas donné de noms, mais il a déclaré que pour sa fête d'anniversaire il exécuterait le chef et ses généraux.
Maelia devint livide. Voyant la détresse de celle qu'il aimait, Tagan intervint :
— Rien ne prouve que ce soient vraiment des rebelles, il peut donner cette nomination à n'importe qui, pour le faire passer pour n'importe quoi et manipuler les foules.
— En effet, quoi qu'il en soit, à plusieurs reprises j'ai dû échapper à des soldats qui cherchaient à m'arrêter me prenant pour un rebelle.
— Quand à lieu l'anniversaire du roi ? exigea de savoir Maelia, qui n'avait plus l'air de les écouter.
— Dans trois semaines. Vingt-deux jours plus précisément.
— À combien de jours de voyage on est de la capitale ?
— Tout dépend des ennuis en route, entre une semaine à cheval, et une vingtaine de jours s'il nous faut prendre des détours à pieds.
— Il faut partir, paniqua Maelia.
Tagan l'enserra quand elle se redressa violemment du banc.
— Nous allons aller voir si ce sont bien nos camarades, mais il nous faut un plan et organiser le voyage avant. Demain nous pourrons sûrement partir, calme-toi.
— C'est mon frère ! s'exclama-t-elle en le repoussant brusquement.
— Je sais, je te promets que nous ferons de notre mieux.
Feary, Arzel et Sane acquiescèrent à l'unisson, sans hésiter.
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