Chapitre quarante-huit
Tagan se sentait mieux, fatigué et courbaturé, mais mieux, il ne gaspillait pas d'énergie à se mettre debout face au prince, ce dernier s'en était légèrement offusqué, mais n'avait pas pu faire autrement que d'accepter l'impolitesse.
— J'en ai assez de me répéter, s'énerva Cadwil, combien de rebelles sont allés libérer les prisonniers amenés ici ?
— Vous pouvez poser la question autant de fois que vous le désirez, ma réponse est la même, je ne sais pas exactement.
— Tu avais promis en échange des soins pour tes amis que tu répondrais !
Tagan soupira d'exaspération, avant d'accéder en partie à la requête.
— Ma réponse ne va pas vous plaire, lâcha-t-il dans un demi-sourire.
À ces mots il remarqua que les rebelles s'intéressaient davantage à leur échange, même Drystan, dont le léger ronflement avait ponctué les blancs, avait cessé de dormir.
— Bien, parle !
— Il y avait simplement les rebelles avec qui je me suis rendue à la cité des épées.
Cadwil le fixa, cherchant à déterminer s'il disait la vérité.
— Précise, je veux des noms.
— Les noms ne vous avanceront à rien, mais soit. Il y avait Sane, Feary et Maelia... et Arzel, reprit-il, sauf que ce dernier nous a rejoints que dernièrement, je ne sais même pas si on peut le qualifier de rebelle.
— Me prendrais-tu pour un idiot ! Quatre, tu penses que quatre personnes ont pu tuer vingt-cinq de mes meilleurs soldats. Tu me mens Tagan, et je commence à être fatigué de ce petit jeu ! Si je dois couper des morceaux de ton anatomie ou faire hurler certains de tes amis ici, je n'hésiterais pas, quitte à devoir passer toute la nuit ici.
— Tu sembles oublier qu'il y avait les rebelles captifs, s'ils se sont libérés, ça fait plus de quatre.
— Je vais te poser une dernière fois la question, Tagan, gronda le prince. Combien de personnes ont participé à l'attaque du convoi de prisonniers ?
— Oh, de personnes ? Je dois aussi énumérer les animaux ? répliqua innocemment le captif.
— Arrête de te payer ma tête, répond !
Tagan fut soulagé, même s'il n'avait pas l'impression que ce soit important, il n'avait pas envie de parler de Fuku.
— Avant de répondre, laisse-moi être certains, est-ce que je dois parler des infirmes aussi ?
— Assez ! hurla Cadwil. Je veux des noms.
— Excusez-moi votre Majesté, j'essayais simplement d'être précis. Qui ont participé activement à cette libération, ils étaient six. Simplement six, et quand je vois votre visage, je constate que j'avais raison, la réponse ne vous plaît pas.
— Pourquoi as-tu précisé activement ?
— Parce que je ne compte que ceux qui ont tué tes soldats, et je ne fais clairement pas partie du lot, parce que j'étais avec toi.
Eunan ne comprenait pas à quoi jouait Tagan, en évitant de répondre de suite il avait rendu toutes ses réponses à venir suspectes, et le prince semblait être à deux doigts de craquer, ils allaient certainement tous payer les bravades de leur compagnon.
Le prince fit quelques pas devant les cages.
— Le nom des deux autres ? finit-il par demander.
— Exurie, à ce prénom tous les rebelles regardèrent avec stupéfaction Tagan, ce qui n'échappa pas au prince, et Kenelm, termina Tagan, qui avait scruté la réaction d'Eunan à cette annonce.
— Pourquoi as-tu cherché à cacher leur existence ?
— Je n'ai rien cherché à cacher, ta question était formulée de sorte que je n'avais pas la réponse et ça m'aurait attristé de te mentir. Parce que Kenelm et Arzel ne sont pas des rebelles, je crois.
Cadwil était en colère, Tagan le voyait, mais il voyait aussi que ce type de duperies lui faisait remonter des souvenirs. Les leurs. Ça avait été leur jeu d'esprit préféré durant des soirées ou lors de réprimandes du roi.
— Leur plan, si tu n'étais pas avec eux, qui a réussi ce tour de force, à ton avis ? demanda plus calmement Cadwil. Et ne joue pas sur les mots.
— Sane.
— Le démon, souffla Cadwil, et cette Exurie...
***
Sane était cramponné au bras de Maelia, il refluait la peur d'être si vulnérable difficilement.
Son plan, c'était de la folie. Il n'avait rien pour fonctionner. Pensé et exécuté dans la précipitation, sans avoir eu le temps de faire les repérages nécessaire. Il espérait qu'Exurie et Arzel réussiraient à tuer les sentinelles en hauteur sans se faire repérer. Ils avaient eu de la chance, la nuit était voilée et plutôt fraîche pour la saison, ça diminuait le risque de croiser des personnes. Car s'ils échouaient c'était leur fin à tous.
Sane achoppa contre une pierre. Il entendit Maelia gémir en le retenant. Il s'excusa en murmurant, il imaginait qu'il avait dû tirer sur son bras blessé. Traverser la ville était long. Ils étaient un troupeau compact, mené par Kenelm, qui lui guidait Cylia. Même si Cylia le guidait tout autant pour éviter les patrouilles. Le reste des rebelles aux visages inconnus des gardes étaient autour d'eux, tous grimés en infirme, avec des cannes, des bandages. Quant à lui il avait du tissu autour des yeux pour dissimuler sa cicatrice.
Peu d'entre eux avaient des armes, pour paraître le moins suspect possible, quelques couteaux, et leurs bâtons, sauf Kenelm, qui s'était chargé. Il devait accoster les soldats en faction devant l'entrer, et se faire passer pour un homme bienfaiteur qui s'était occupé d'infirmes, venu demander une faveur au roi et cherchant asile pour la nuit après un long périple. Le discours pour faire baisser la vigilance des gardes et les tuer proprement, sans cri d'alarme.
Exurie égorgea un nouveau soldat, ses mains étaient poisseuses, même si elle les essuyait à chaque fois. Du haut du baraquement, elle voyait celui au pied du mur d'enceinte du château, là où se trouvait la prison.
Elle essaya de distinguer quelque chose, n'importe quoi. Mais rien, pas de signes de Fuku ou d'agitation. Elle espérait que ses amis quitteraient la rue avant la relève.
Elle ne chercha pas à cacher les corps, il y avait du sang partout, ça serait forcément suspect. Elle regarda vers les remparts, elle ne voyait pas de soldats, soit Arzel avait déjà réussi à tous les neutraliser, soit personne ne patrouillait. Elle lui souhaitait d'avoir la tache facile, atteindre le sommet était déjà une épreuve en soi.
Elle descendit la façade, légère et discrète, et se fondit dans les ombres.
Arzel essuya la sueur d'une de ses mains sur ses braies, son cœur battait fort, il n'avait plus que le créneau à franchir, il serait vulnérable le temps de prendre pied sur les remparts. Il inspira, réfréna de légers tremblements et se lança.
À sa grande surprise il ne vit que deux silhouettes avachies au sol, l'une d'elles ronflait. Il dégaina sa dague, s'approcha silencieusement, ouvrit la gorge de la première sentinelle, il y eut un léger gargouillis, le mourant ouvrit les yeux, effrayés, et mourut sans plus de bruit. Il fit la même chose au second, et arpenta les remparts à la recherche d'autre sentinelle.
Il passa les différentes tours en les escaladant, surpris de ne trouver que des sentinelles endormies.
Il n'aimait pas être aussi chanceux, il avait beau savoir qu'il visait un objectif juste, abattre des gens vulnérables lui laissait un arrière-goût désagréable.
Malgré tout, sa mission accomplie, il repartit en ville, rejoindre Exurie sur un toit d'où ils pourraient surveiller d'éventuelles agitations dans les baraquements.
Sane arracha avec bonheur le bandeau de ses yeux. Il aida les autres à tirer les six sentinelles à l'intérieur pour ne pas laisser leur corps dans la rue. La pièce semblait être un réfectoire et était vide à cette heure tardive, une chance pour eux. Ils barricadèrent la porte, prirent les armes des soldats, Sane, Feary et Maelia firent de même, pour ne pas alerter toute la caserne avec des flashs lumineux. Sane prit la tête de leur expédition. La paume de sa main le picotait, plus il avait travaillé à faire apparaître sa lame, plus il avait senti avec facilité le lien qui lui permettait de la faire venir à lui. Il parcourut rapidement et en silence le couloir. Les geôles étaient au sous-sol, il devait trouver le moyen de descendre. Il comptait sur Cylia pour annoncer le moindre danger.
Maelia emboîtait le pas à Sane, vigilante. Ils descendirent un escalier, prudemment averti par Cylia de présence humaine en bas. Puis Sane stoppa net son avancée. Il fit signe à Maelia avec sa main qu'il y avait deux soldats et qu'il prenait celui de gauche et, elle, celui de droite. Elle acquiesça, et ils s'élancèrent. Maelia pris vite des repèrent visuel pour localiser sa cible. L'homme gardait un souterrain qui semblait remonter en direction du mur protégeant le château, ce dernier pouvait être bouché avec une herse, mais elle ne savait pas par où cette dernière était actionnée.
Les deux gardes surpris, dégainèrent maladroitement, ils n'eurent même pas la présence d'esprit de crier pour donner l'alarme, trop hébétés pour comprendre, ils opposèrent une résistance minime.
A voix basse Sane ordonna à cinq rebelles de garder la porte qui menait à l'étage et celle qui semblait mener directement au château, quand au reste ils le suivirent au bout du couloir. Il avait laissé Cylia et Kenelm parmi les cinq, car l'aveugle verrait si des personnes approchaient avant n'importe qui.
Il y avait deux portes, une terminant le couloir et l'autre à leur gauche. Sane hésita. L'une d'elles pouvait mener à une pièce de repos où des soldats attendaient. Mais il ne voulait pas prendre le risque de laisser des ennemis dans leur dos. Il ouvrit la porte de gauche. Cette dernière menait à des escaliers qui s'enfonçaient encore plus profondément, il la referma, et posa la main sur le bois de celle devant lui. Et poussa, doucement au départ et quand il entendit une voix il la repoussa violemment.
— ... Exurie... fut coupé le prince par leur irruption.
Sane n'essaya pas de comprendre pourquoi il avait entendu le nom de son amie. Il repéra les cages pleines des rebelles et se lança en avant, de sa main libre il matérialisa son épée, imitée par Maelia et Feary.
Tagan profita de l'étonnement du prince pour se redresser promptement, attraper la dague à sa ceinture et la poser sur sa gorge.
— Ça suffit ! hurla-t-il pour attirer l'attention.
Les combats cessèrent.
— Déposez vos armes, ordonna-t-il aux trois rescapés, et laissez-vous enfermer. Quant à toi prince, soit docile, termina-t-il en relâchant la pression sur le cou de Cadwil, sans pour autant le relâcher.
Les rebelles furent libérés, et le prince resta menacé par une lame, celle de Feary pendant qu'on faisait sortir Tagan.
Maelia se jeta à son cou, le faisant grimacer.
— Mais qu'est-ce que vous faites là ? C'est complètement suicidaire ! Et comment y êtes-vous parvenus ? Il y a des soldats partout.
— C'est toi qui ne dis pas merci pour une fois, sourit Maelia.
Elle se détourna pour laisser son frère lui faire une accolade rapide.
— Il nous faut partir, déclara le chef. Sane, tu ouvres la marche, Feary tu la fermes. Prenez les armes que vous pouvez ici, et que les plus faibles se placent au centre. Tagan, si tu te sens en état, je te confie le prince, il vient avec nous. On y va.
Tagan matérialisa ses épées, finit de vérifier que le prince ne cachait pas d'arme et il suivit la procession de rebelles, car certains tels que Drystan avaient besoin d'aide et ils avançaient doucement.
Ils rejoignirent ceux du couloir, et tous ensemble prirent le chemin inverse, en silence, mais Cylia les assura qu'il n'y avait personne proche d'eux dans l'immédiat et que le rez-de-chaussée était toujours désert. Ceux qui les tranquilisa quelque peu.
Une fois à l'air libre, ils se disposèrent toujours de sorte que les blessés et leur captif soient au centre, et ils avancèrent le plus rapidement possible, vite rejoints par Exurie et Arzel.
Feary refoula la peur, il était là où il devait être, peu importe ce qui arriverait. Il jeta un regard en l'air avisant son fidèle Fuku, qui les devançait, volant de plus en plus loin par-dessus les toits.
L'angoisse grimpait à chaque pas, et elle finit par se matérialiser :
— Je crois qu'une patrouille approche, les alerta Cylia.
Eunan malgré sa main meurtrie, serra plus fort l'acier dans sa paume, prêt à défendre Cylia qui avait eu la stupidité de venir le chercher. Il avait envie de hurler sur Kenelm de n'avoir pas fait en sorte de la mettre à l'abri, mais son cœur était en partie réjouit de les revoirs, ils étaient sa famille.
— Combien ? demanda calmement Sane.
— Six, je crois.
— Bien, tenez-vous prêts. Une fois abattus, Exurie et Arzel vous nous suivrez par les toits. Vous n'avez pas d'arc, mais vous resterez un effet de surprise suffisant.
Les deux montrèrent qu'ils avaient compris, mais avant ça, ils se préparèrent à éliminer rapidement la menace devant eux.
À l'angle de la rue la rencontre eux lieu, mais elle ne fut pas aussi rapide ni aussi discrète que l'avaient souhaités les rebelles. Ils accélèrent le pas, la peur leur nouant les tripes.
— Il y a du monde sur la place, souffla Cylia.
— Nous ne pouvons pas l'éviter, il va nous falloir courir. Espérons que la chance que nous avons eue dure.
— Je nous le souhaite aussi, rétorqua sacarstiquement Beag, qui avait laissé le commandement à Sane, n'ayant pas la moindre idée de l'état actuel de la situation.
Drystan peinait à suivre le rythme, et il n'était pas le seul, les membres engourdis et faibles des captifs les rendaient malhabiles. Il avait pris une hache sur le râtelier dans la prison, il commençait à regretter amèrement son choix, l'arme pesait lourd.
La vingtaine de rebelles déboula sur la place, les soldats affectés à la surveillance des installations pour l'exécution les repérèrent immédiatement.
— Halte ! hurla l'un d'eux.
Tous convergèrent vers eux.
— Reculez, ou nous tuons votre prince, répliqua Sane.
Les soldats s'arrêtèrent, ne sachant pas quoi faire.
— Tagan, murmura Cadwil, tu sais comme moi que mon père sera prêt à me sacrifier, votre ruse pour sortir en vous servant de moi comme un bouclier ne marchera plus très longtemps.
Tagan ne répondit pas, mais il se doutait que le roi serait peut-être ravi de se débarrasser de son fils, il aimait trop le pouvoir et se sentait menaçé par lui. Cadwil avait des enfants, que son père pourrait former à la gouvernance du royaume, se laissant le champ libre pour régner seul jusqu'à leur majorité au moins.
— On continue à avancer, exigea Tagan à ses amis devant lui. Quitte à devoir forcer le passage. Si on reste ici, ils finiront par nous submerger, et leur nombre nous empêchera toute traversée.
Sane obéit, les soldats reculèrent pas à pas devant lui, mais ils ne se poussaient pas. Et d'autres arrivèrent derrière eux, obligeant l'arrière des rebelles à marcher à reculons.
Sane perdit patience, avec une rapidité déconcertante il passa sa lame dans la gorge du soldat devant lui. Du sang éclaboussa son visage.
— Maintenant, dégagez de mon chemin ou je vous tue tous !
Les soldats prirent peur, et s'écartèrent. Mais d'autres commencèrent à émerger de partout.
— Par ordre du roi, rendez-vous, fit l'un d'eux dans leur dos.
Les rebelles s'arrêtèrent au milieu de la place, encerclés par une cinquantaine de soldats.
— Rebelles, cria Beag, il est l'heure de faire couler le sang.
Un rugissement lui répondit et le combat débuta.
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