Chapitre quarante-et-un

Sane et les autres regardaient le plan représentant grossièrement la place où aurait lieu l'exécution. Des cailloux, des bouts de bois de toutes sortes, représentaient l'espace où se jouerait leur vie. Ils ne savaient pas comment passer les gardes autour de l'estrade. Ils avaient peur qu'au moindre signe d'agitation leurs amis soient tués. Ils avaient éliminé l'idée de les libérer avant le jour fatidique, car les rebelles étaient enfermés au cœur de la ville, au pied des remparts du château, dans les sous-sols d'un barraquement de soldats. Un lieu, qui, avec le peu d'informations en leur possession était impossible d'accès. Ils pouvaient déjà s'estimer heureux d'avoir glané cette information, même si elle ne les aidait pas beaucoup.

— De plus, c'est réellement un piège, le roi en a marre que ses troupes courent après les renégats, les beaux jours étant de retour, la pression sur ses frontières est plus grande, et il a besoin de tous ses hommes, expliqua Kenelm.

— Nous sommes trop peu pour cribler les soldats de flèches, et impossible de connaître avec précision le nombre qui sera directement en contact avec les prisonniers. Mais ça reste l'idée la plus susceptible d'aboutir. Nous abattons les soldats prêts de nos amis, pendant que dans la foule ceux au sol, créent une faille aidés par un archer pour rejoindre les captifs, avec des armes, les libèrent et ils font un noyau défensif pendant que les archers continues leurs tirs, détailla le prince en montrant les différents emplacements sur leur maquette improvisée.

— Ça ne marchera pas, se lamenta Tagan. Ce que tu décris est trop long à mettre en place, et nous n'aurons jamais assez d'archers pour abattre tous les gardes aux contacts de nos amis, il faudra choisir lesquels nous condamnons. Les détacher sera trop long aussi et nous ne savons pas s'ils seront en état de se défendre. Ils doivent être affamés et meurtris. De ce que l'on sait, soit Drystan, soit Bulk n'a plus qu'une main. Il y a de fortes chances qu'il ne soit pas le seul dans ce cas.

— Avec Exurie, Maelia et Arzel sur les toits, toi, Kenelm, Feary et moi dans la foule, ça peut marcher. Chacun d'eux nous couvre. Les gardes auront peu de marge de manœuvre, ils seront équipés des pieds à la tête, peu mobiles.

— Et comment les archers se sécurisent ? Des gardes vont partir immédiatement sur les toits, si des archers ne sont pas déjà en hauteur pour surveiller la place.

— Cylia peut voir si quelqu'un approche, elle sera leurs yeux.

— Il en est hors de question ! s'énerva Kenelm. Elle restera à l'abri.

La jeune femme posa la main sur le bras de son amant.

— Je pense que tu n'as pas a décidé pour moi, et je veux aider, et je pense que le plan de Sane et la meilleure façon de m'utiliser. Tu n'as pas à m'interdire quoi que ce soit, alors n'ajoutes plus rien à ce sujet, conclu-t-elle avec douceur.

— Pour les archers possiblement sur les toits, ils se mettront à leur poste en avance, il faudra les repérer et les éliminer discrètement. Il y a peu de toits qui ont l'air assez solides pour porter quelqu'un. Cette nuit nous irons faire du repérage, et si nous avons le temps chronométrer la durée de nos trajets.

— En plein jour, nous n'arriverons pas à rester discrets en tuant des hommes sur un terrain aussi nu qu'une toiture ! expliqua Tagan à bout de patience de voir autant de failles.

— Si, si nous les abattons avant qu'ils ne montent, il faudra un endroit où cacher les corps, c'est tout.

— Les rues seront bondées, impossible d'être discrets, de plus le temps qu'il nous faudra pour nous déplacer dans la masse sera plus long que celui que nous allons mettre durant notre reconnaissance.

— Pour les gardes, si l'équipement est le même que celui que nous avons vu, il va être en effet compliqué de les tuer de façon invisible. Mais nous pouvons tenter de les empoisonner. Arzel nous a dit que sa mère lui avait appris certains poisons. Certains marchent simplement en taillant la personne avec une lame contaminée, ils auront l'air ivres, avant de succomber. Il y en a aussi que nous pouvons dissimuler dans l'eau ou la nourriture, il nous faut définir si elle est accessible.

— S'ils tombent malades le jour même, ils risquent d'annuler et sentir notre arrivée.

— Je sais, mais nous savons désormais, grâce aux informations de Kenelm que les gardes qui participent à l'évènement sont ceux cantonnés au château et ceux du baraquement principal. Les autres sont affectés aux portes de la ville et aux patrouilles. Chaque nuit nous empoisonnerons un baraquement différent pour donner l'impression d'une épidémie. Rien de mortel, mais ils seront affaiblis.

— C'est impossible que tout se passe comme prévu, tu en es conscient ?

— Oui, répondit simplement Sane.

Ils continuèrent d'opposer leurs avis, regrettant de ne pas être plus nombreux. Ils finirent par partir pour la ville, sans être tout à fait d'accord.

Exurie et Kenelm encadraient Cylia qui avait laissé sa canne au campement. Arzel marchait derrière eux se complaisant dans son mutisme pendant que tous les autres étaient devant à une distance convenable, pour éviter d'être suspect. Mais la chance ne leur sourit pas.

— Toi, là, héla un garde en direction de Tagan, arrête-toi !

Ce dernier stoppa, et fit un discret signe à ses amis de continuer, mais le garde avait repéré que Feary et Maelia voyageaient avec lui et leur fit obstacle, le reste de la troupe put néanmoins passer.

— Je t'ai déjà vu quelque part, grogna le garde en approchant son visage de celui du voleur repenti.

— J'ai un visage passe-partout, répondit calmement Tagan, sans chercher à être arrogant.

Le soldat continua de le fixer, et appela une patrouille de quatre de ses confrères qui passaient par là.

— Il vous dit rien, lui ? en pointant Tagan du doigt.

— Non, répondit le chef d'équipe, avant de solliciter la réponse de ses soldats.

— Vous êtes sûrs ? Je vous jure, sa tête ne m'est pas étrangère. Vous voyez son petit air hautain ? On l'a pas déjà arrêté ? Vous savez une de ces fortes têtes ?

Malgré l'insistance du garde, les quatre autres continuèrent de certifier que l'individu qui leur était présenté ne leur disait rien.

Tagan essayait de calmer les battements de son cœur, il connaissait les cinq soldats autour d'eux pour les avoir commandés durant son apprentissage.

La veille il avait fait attention de ne pas attirer de regards, en empruntant des chemins peu surveillés et en voyageant dans les axes surpeuplés au milieu de foule. Ce soir il manquait de chance.

— Parle à nouveau ! ordonna le garde.

— Je ne sais pas quoi dire, rétorqua Tagan, gommant le plus possible une prononciation trop parfaite.

Celui qui l'avait arrêté aller intervenir à nouveau, mais le patrouilleur l'interpella :

— Arrête d'importuner ses pauvres gens. Ils ont l'air miséreux, mais pas dangereux.

Maelia et Feary restaient statiques, ils ne savaient pas trop pourquoi Tagan avait attiré l'attention, si c'était à cause de son passé à la cour, celui de voleur, ou celui de rebelle.

La patrouille repartit. De mauvaise grâce le garde invita les trois rebelles à faire pareil en bougonnant.

Ils n'avaient fait que quelques pas quand l'homme s'adressa à Maelia cette fois-ci :

— Toi la demoiselle, c'est une épée qui tend ta cape derrière ? tout en demandant le garde avait posé les doigts sur son arme.

— Oui, pour me protéger durant le long voyage que nous venons d'accomplir, répondit timidement Maelia, préférant ne pas mentir sur l'évidence.

Le soldat se mit à les détailler avec de plus en plus de méfiance dans le regard.

— Je dois vous la remettre ? J'ignore les lois dans la ville, si c'est le cas, je le ferai, compléta Maelia, espérant désamorcer les tensions.

— Non, il est autorisé d'être armé en ville, sauf durant l'anniversaire du roi la semaine prochaine, conclut l'homme en les congédiant d'un geste de la main.

Une fois tous les sept seuls, les amis prirent le temps de faire retomber la pression, avant de discuter de l'épineux problème de l'interdiction des armes le jour de l'exécution.

— C'était prévisible, argumenta Sane, la veille nous cacherons ce qu'il faut. C'est pour cela aussi que nous faisons du repérage aussi tôt. Ce soir, c'est le seul où nous venons ensemble, pour être sûrs que nous ayons tous la vision des mêmes lieux et que nous sachions nous repérer. Pour faciliter nos échanges, nous numéroterons les rues, et les bâtiments de la place.

Les autres acquiescèrent avant de repartir.

Après quelques heures à tourner autour de la place et à prendre leurs repèrent, les rebelles profitèrent de l'avancement de la nuit et des rues peu fréquentées, pour s'attaquer aux toits.

Kenelm grimpait, Cylia fermement cramponné à son dos, la jeune femme avait beau être légère, il se sentait tiré en arrière par son poids. Il réalisa qu'Eunan avait vraiment possédé une force et une résistance peu commune, il avait souvent porter Cylia de cette façon.

— Un problème ? murmura Cylia, tes couleurs sont anxieuses un peu.

— J'ai peur de nous faire tomber, avoua-t-il.

— Ça va aller, j'ai confiance en toi, glissa la jeune femme à son oreille avant de le gratifier d'un léger baiser.

Après avoir fini d'inspecter la section de toit où ils étaient, ils durent se rendre à l'évidence :

— Toutes les couvertures des maisons sont en tuile autour de la place, râla Sane. Ça veut dire qu'il peut y avoir des archers, ou des arbalétriers partout. De plus il va nous falloir descendre pour remonter sur chaque toiture séparée par les rues, sauter sera trop bruyant.

— Pas pour moi, intervint Arzel avant de s'élancer sur l'habitation en face dans un silence déconcertant.

— Comment fait-il ça ? demanda Sane en regardant Tagan et Maelia.

— Comment tu veux qu'on le sache, ce type n'est bruyant pour rien, je ne l'ai jamais entendu ronfler non plus, répliqua Tagan, arrachant un sourire au prince.

Ils laissèrent le soin à Arzel de contrôler les autres toitures. Ils en choisirent deux comme possible point pour leurs trois archers, avant de retourner à leur campement.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top