Chapitre quarante-cinq

Tagan était à genoux dans la salle du trône. La tête baissée, du sang gouttait régulièrement de son arcade. Il regrettait presque que les gardes ne le maintiennent pas, il était las.

Cadwil avait hésité, et il était persuadé qu'il aurait fini par le laisser partir, mais, ses gardes étaient montés et ils l'avaient reconnu. Cadwil avait ordonné qu'il soit enfermé jusqu'au matin et que le roi soit avisé de sa capture. Il avait enjoint qu'il soit bien traité, mais sur le sujet, les gardes, n'avaient semblés ne pas avoir la même définition que lui. Être un traître était mal vu.

Le roi l'avait laissé enfermé jusqu'au milieu de l'après-midi, Tagan ne savait pas si c'était bon signe ou non.

Le roi fit son entrée, tous les soldats se mirent au garde-à-vous, les quelques nobles dans la salle s'inclinèrent, et un silence total plana.

— Tu ne sais même plus saluer correctement ton roi, Tagan, dit-il en crachant presque son prénom.

Tagan tenta de paraître moins avachi, mais en vain.

— Tu es définitement bien un fils d'une engeance pourrie jusqu'à la moelle.

Tagan encaissa.

— C'est néanmoins gentil de ta part de nous avoir facilité ta capture. Tu seras exécuté avec les autres dans cinq jours. Quelque chose à ajouter ?

Tagan leva les yeux pour la première fois, il défiait le roi, avant que la hampe d'une hallebarde ne lui frappe le flanc, l'obligeant à baisser le regard.

— Il sera fait selon votre souhait, sire, répliqua-t-il affablement, il ne voulait pas lui donner l'impression d'avoir gagner sur toute la ligne. Il se sentait déjà assez nu sans aucune de ses armes, il lui fallait garder un semblant de dignité.

— Avant que tu ne repartes. Nous pourrions nous montrer moins durs si tu nous révélais comment dégainer tes lames.

La tête toujours baissée, Tagan esquissa un sourire.

— J'ai bien peur qu'il n'y ait aucun mécanisme caché, il suffit simplement d'en être digne, ce qui n'est pas votr...

Les deux gardes le frappèrent en même temps pour le faire taire.

Tagan avait le sang en ébullition, il n'avait qu'une envie c'était de saisir ses épées et de faire payer aux gardes.

Ses paumes le démangeaient au sens figuré, comme au sens propre, un drôle de fourmillement les parcourait, il les ouvrit pour vérifier qu'il n'avait pas une éruption de boutons, ou des vermines remontées des cachots avec lui. Mais à la place de tout ça il vit une grande chaleur et un éclat lumineux, et ses deux épées apparurent dans sa main.

La salle entière s'était exclamée, et lui, regardait les fourreaux, complètement interdits.

Les gardes furent plus rapides que lui, il sentit les pointes en acier dans son dos. Mais ils ne parlèrent pas.

Tagan se releva, sans hostilité ni provocation, les deux armes dans la main gauche, les pointes des gardes appuyant toujours sur son dos.

—Vous voyez, aucun mécanisme caché, elles ont simplement décidé que j'étais leur propriétaire. Reprenez-les si vous voulez, elles ne vous serviront à rien. Ce sont mes armes, jamais les vôtres. Vous ne pourrez pas tout me prendre, dit-il en tendant le bras en avant pour que quelqu'un vienne les chercher, mais personne ne bougea, il jeta un discret regard à la ronde, les gens avaient peur.

Le roi se reprit :

— Ta... sorcellerie ne te sauvera pas la vie. Nous avons du bon acier, et il sera suffisant pour tous vous tuer, il fit signe à un soldat de récupérer les armes.

— C'est vrai, votre majesté, mais, à force, les gens auront le courage d'être justes, et ils seront dignes de prendre en main leur destin, et de posséder de telles armes. L'elfe me l'a dit.

Le roi ricana.

— Un elfe bien sûr ! Chevauchait-il un dragon ? railla-t-il.

— Non, mais il m'a montré pire... Je vous souhaite de ne jamais regretter votre choix. D'autres porteurs d'épées vont finir par venir, et ils feront ce qui est juste.

Tagan ne croyait pas en ce qu'il disait, mais il avait senti le doute dans l'assemblée. Si pour sa vie tout était fini, il pouvait commencer à semer des graines que d'autres pourraient exploiter.

— Pour qui te prends-tu ?! Tu n'es rien ! Rien de plus que le fils d'une esclave ! À genoux ! commanda-t-il.

Tagan fit une légère courbette.

— Non, répliqua-t-il au moment où il releva la tête.

Les gardes le frappèrent pour le faire tomber à terre. Il sentit monter la même colère que précédemment, il se concentra dessus et pensa à une seule de ses lames, Mirage. Il préférait être tué ici que torturé jusqu'au jour de son exécution.

Il sentit les fourreaux avant de les voir, il avait fermé les yeux pour ne pas être aveuglé. Il attrapa le pommeau de Mirage et jeta la gaine plus loin. Il n'avait pas réussi à en faire apparaître qu'une seule, mais ce n'était pas bien grave.

Il roula et se releva loin de ses geôliers. Il esquiva quelques coups, et se dépêcha de mettre au clair sa deuxième lame.

Il se mit à rire nerveusement en avisant sa situation.

Il était encerclé.

— Hé bien, je sens que ça va devenir épique !

— Assez ! hurla Cadwil, qui était resté en retrait jusque là.

— Tu ne me laisseras pas repartir libre, Prince, et je ne compte pas me laisser assassiner sans me défendre. Donc laisse tes gardes m'attaquer, je ne déposerais pas les armes.

— Ne parle pas davantage avec lui, fils. Il n'en vaut pas la peine.

— Il détient d'importantes informations, Majesté. Je pense qu'il serait regrettable qu'il meure avant de nous les avoir livrées. Et, je dois reconnaître que je suis persuadé qu'il tuerait beaucoup de nos braves soldats avant d'être arrêté, il est une fine lame. Je n'ai pas envie de gâcher des vies.

— Tu as raison, fils, conclut-il en demandant à ses soldats de reculer. Tagan, si tu ne te rends pas, nous allons couper des morceaux de tes amis rebelles, nous n'avons pas besoin qu'ils soient entiers le jour de l'exécution.

Tagan se mit à sourire, passant pour un fou aux yeux de tous.

— J'admire votre sens de la négociation, Sire, mais, ce que vous ignorez, c'est que j'étais captif des rebelles, je me fiche de ce qui leur arrive.

— C'est ce qu'ont dit certains, au début, mais à force ils ont avoué que tu faisais partie des leurs.

— Comme ça doit être pratique de faire dire aux gens ce qu'on veut entendre, simplement en les torturants.

— Et pourtant, l'Assassin et moi avons été leurs captifs, c'était soit leur obéir, soit être tué. Vous pouvez noter leur talent pour capturer des hommes dangereux, et savoir les rendre dociles.

— Foutaise ! Pourquoi t'être battu pour eux, si tu étais vraiment prisonnier ?

— Sauf votre respect, Majesté, vous rigolez ? Je dormais quand votre armée nous a chargé, c'était soit se défendre, soit mourir. Il y a des moments comme ceux-là où on se fiche de savoir avec qui on s'associe.

— Tu es très convaincant, Rebelle, mais, nous savons que tu étais avec un des porteurs d'épées vus sur le champ de bataille, ainsi qu'un dénommé Sane, et d'autres quand tu as rejoint la Cité. Quelles explications as-tu pour ça ?

— Nous étions en fuite, tous. Nous cherchions simplement un abri. Une fois remis en forme, je suis parti, seul, si on omet mes épées, bien évidemment.

— Tu me fatigues à jouer au plus malin. Allez me chercher un rebelle, ordonna-t-il aux gardes.

Tagan transpira abondamment. Il ne se sentait pas capable de regarder un de ses amis se faire découper en morceau sous ses yeux.

— Je vous trouve tellement excessif, votre Majesté. En tant que captif, j'ai entendu des choses, je pourrais vous les dire, sans torture, en échange de ma liberté. Personne n'a pensé à commencer par-là !

— Quel est l'atout des rebelles ? demanda tout à trac Cadwil.

— Tout sauf cette question, Prince. Il n'y a pas de réponse à celle-là. Il vous faudrait les écouter pour ça, et pas avec des chaînes.

— Tu mens, Tagan, je le sens !

— Non, les rebelles veulent la paix, tout simplement. Dans notre Royaume et avec ceux voisins.

— Oh ! Et tu te figures qu'ils ont des plans diplomatiques auxquels nous n'avons pas été capables de penser nous-même, asséna le roi.

— C'est possible, eux n'ont rien à perdre, vous, oui, et c'est justement parce que vous refusez de faire des concessions que les choses en sont où elles en sont en ce moment.

Deux gardes entrèrent dans la pièce traînant Drystan.

Tagan cacha ses émotions.

— Est-ce qu'il y a une possibilité pour moi, de quitter libre cette pièce ?

— Non, répliqua le roi dans un rictus cruel.

Tagan s'inclina légèrement par pure provocation et attaqua deux gardes simultanément. Les pauvres avaient baissé leur garde durant les échanges et ils moururent.

Tagan se mit à danser, mais jamais assez vite. Il fut entaillé plusieurs fois, superficiellement, à ce rythme il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps.

Il avait tué cinq soldats, mais il en affluait de tous les côtés. Il tentait de se rapprocher de Drystan et de la sortie par laquelle ils l'avaient fait entrer.

Il remarqua un des gardes faire un signe de tête d'assentiment vers l'estrade du roi et dégainer, il ne réfléchit pas et lança Mirage, qui se ficha dans le bourreau.

Sans seconde lame pour parer il devait esquiver davantage, il se baissa, ramassa une hallebarde et lui fit décrire un grand cercle au niveau des jambes de ses assaillants. Peu purent esquiver. Il fonça. Épingla un soldat qui avait échappé à la faucheuse, tua le second garde de Drystan et se retrouva entre Dystan et une marée de soldats.

Il ne s'attendait pas à ce que le géant se lève et l'aide. Ils savaient pourquoi il avait été choisi, parce qu'il ne tiendrait sûrement pas jusqu'à l'exécution.

— Petit tu es fou, entendit-il le géant murmurer, le visage contre le sol.

— Et ça te surprend encore, mère poule.

— Je suis déjà mort, Tagan, ne gaspille pas ta vie.

— Je ne fais pas ça pour toi, je ne suis pas du genre courageux qui aime être torturé.

Drystan ne répondit pas, à bout de force.

Les soldats approchèrent en rang serré, ils avaient peur, et attendaient que le premier d'entre eux se lance. Tagan se baissa et récupéra Mirage, prêt à en découdre, il mourrait avant Drystan, hors de question qu'il en soit autrement. C'était sa stupidité qui avait conduit à cette situation.

— Qu'elle drôle de façon de nous montrer que les rebelles ne sont rien pour toi, fit remarquer le roi.

— Votre Majesté, comprenez la nuance entre défendre ce qui est juste, ou quelqu'un parce qu'il compte. Les rebelles m'ont sauvé la vie, et cet homme en particulier, et, outre ce fait, je ne laisserai personne souffrir pour mes choix. Ce qui n'est pas votre cas. Vous lancez vos soldats contre moi, mais vous ne venez pas assumer le fait que vous me voulez mort.

— Assez de tes insultes ! Rends-toi, et nous épargnerons le manchot.

— Fuis, entendit-il murmurer son ami au sol.

— Rien ne me garantit que vous prendrez soin de lui, il a besoin de manger et d'être soigné.

— Il ne sera pas libéré. Et il sera exécuté en même temps que toi, et les autres, donc quel intérêt, commença à s'impatienter le roi.

— Je veux votre promesse que d'ici l'exécution, les rebelles auront des soins, à manger et ne seront plus torturés, exigea Tagan avec détermination.

— C'est une promesse, si tu acceptes à ton tour de ne plus tenter de t'enfuir, et d'invoquer tes épées, et que, toi, tu répondras à nos questions, répondit Cadwil.

Le roi se retint de remettre son fils à sa place, Tagan s'en aperçut.

— J'accepte, dit-il en lâchant ses armes.

Il fut violemment maîtrisé, mais ne se débâtit pas.



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