Chapitre dix-huit
Le printemps commençait son combat contre l'hiver languissant. Le camp s'agitait de plus en plus. Le sol n'était plus gelé ce qui permettait les travaux de renforcement, des épieux étaient alignés tout autour des espaces de vie, ne laissant que deux passages. Un large par le sentier qui menait à Ylufer, et un autre qui s'apparentait plus à un chemin de chèvres qui donnait sur des rochers, peu praticables, il représentait une issue de replie.
Après de longues discussions, Beag avait même décidé de doubler l'enceinte, le gros des pics était proche des habitations, mais une seconde rangée consolidait le tout en formant un ovale, qui lui, encadrait en plus les terrains d'entraînement.
Tagan avait été attaché à surveiller discrètement les travaux. En cas de problème, il se référait à Beag, qui lui se chargeait de transmettre les modifications à entreprendre.
Même si au fil des mois il s'était intégré aux groupes, personne n'aurait accepté de lui obéir directement. Comme Sane, il aidait Beag dans l'ombre. Cela ne le gênait pas, être au-devant de la scène n'était pas une position qu'il enviait, quoi qu'il en soit Beag était très réceptif aux conseils de toutes sortes. Donc tout avançait bien. Malgré le froid qui avait empêché toute pratique convenable du tir à l'arc, le programme d'entraînement avait été modifié pour adapter les compétences des archers, qui jusque là n'avaient eu qu'à tirer au milieu des bois. Désormais, ils pouvaient darder l'ennemi de derrière leur armée en cas d'attaque rangée en terrain découvert.
Leur armée.
Cette réalité Tagan avait du mal à l'assimiler. Qu'il ait participé à former la force chargée de mettre fin au règne de la famille du seul ami qu'il n'avait jamais eu, lui paraissait irréel. Et pourtant il était là.
Les semaines qui s'étaient écoulées lui avaient donné la sensation de changer de vie, de devenir un autre.
— Tu sembles songeur, lui fit remarquer Maelia.
Cette dernière était habillée chaudement d'une fourrure de loup, dont la capuche recouvrait presque entièrement son visage, et d'où n'apparaissait que son nez rougi par l'air frais.
— Tu devrais aller au réfectoire te réchauffer. Je ne suis pas de bonne compagnie aujourd'hui.
— C'est le cas depuis plusieurs jours...
Tagan fit un pauvre sourire, essayant de rassurer son amie.
C'était tout ce qu'ils étaient : amis... Ce constat lui serrait la poitrine, il refusait de se l'avouer, mais, malheureusement, il tenait à elle d'une façon différente. Mais au milieu de la guerre qu'ils préparaient, il n'avait rien à lui offrir, selement l'assurance de se déplacer en sécurité sur leur base. Cependant, si l'armée ne venait pas les cueillir ici, ils iraient à leur rencontre et dans ce cas, là, ils se feraient tous tailler en pièce. Il ne voyait pas la poignée de rebelles gagner. Il se sentait complètement inutile de ne pas pouvoir lui garantir d'être sauve en dehors d'ici.
C'était tout le problème dans cette histoire, tout ce qu'ils entreprenaient était vain. Même si l'armée venait jusqu'au fond des bois, ils ne repousseraient pas indéfiniment tous leurs assauts. Beag lui avait fait promettre en cas de débâcle d'amener sa sœur à l'abri.
Il grimaça à se souvenir, Beag lui avait aussi grandement conseillé de ne pas la toucher. Si en termes militaires Beag lui faisait confiance, pour tout le reste il n'en était rien. Lorsqu'il s'agissait de Maelia, c'était pareil, pour le moment le temps prouvait à Beag que Tagan n'était pas animé de mauvaises intentions. Mais c'était uniquement parce que Maelia ne lui avait pas laissé le choix qu'il se trouvait garant de sa sécurité, toutefois le chef avait demandé à Drystan de garder un œil sur lui dès qu'il le pouvait. Il sourit en y pensant, Maelia avait montré son fort caractère à plus d'une reprise, et en privé son frère fléchissait systématiquement.
— Tagan ? insista la jeune femme brune.
— Oui ?
— Qu'est-ce qui t'arrive ?
— Les choses se précisent, cela m'inquiète, c'est tout.
Elle hocha la tête avant de promener son regard à la ronde et de constater :
— Nous sommes prêts.
— La rigueur est là, même si les troupes pourraient être plus performantes, la discipline est acquise, mais... le nombre... nous sommes peu et personne ne sait comment l'armée va réagir ni quand. Nous avons passé l'hiver coupé de tout. Toutes ces inconnues sont de vraies trappes que nous devons anticiper et éviter. Nous n'avons pas le droit à l'erreur.
— Je pensais que tout avait été envisagé. Tu as passé beaucoup de temps à parler avec mon frère, Sane et Drystan.
— Oui, mais rien ne garantit que tout soit prévu, soupira-t-il.
Maelia posa sa main gantée sur son avant-bras.
— Demain, des chariots vont partir chercher du ravitaillement à Ylufer, nous en saurons plus.
— Tu as raison. Si tu veux, nous n'avons qu'à aller faire quelques passes pour nous réchauffer.
Il ne fut pas surpris de voir Maelia accepter avec enthousiasme. Elle avait beaucoup progressé. Même si en combat singulier elle ne faisait pas le poids à cause de son manque d'endurance, elle avait les réflexes et l'équilibre pour esquiver, plus deux ou trois bottes mortelles si jamais elle se retrouvait à devoir se défendre. Sane, Feary, Sandayu et lui avaient beaucoup travaillé avec elle. Et mis à part le caractère renfermé de Sandayu, l'ambiance était en général bonne. De plus Sane s'était montré fiable à plus d'un titre. Il ne savait toujours pas s'il pouvait lui faire confiance, cependant, sur le campement il avait été un compagnon présent à chaque fois qu'il avait eu un problème.
***
L'aube était levée sur les plaines, mais, ici, au creux de la vallée régnait un crépuscule morne qui mettait l'humeur de Beag à mal.
Il restait toujours partagé quant à l'idée de quitter le camp, même si ce n'était que pour une semaine. Mais il lui fallait juger lui-même de l'évolution des choses dans le royaume, et aussi les changements dans la guerre des quatre royaumes. Même si le dernier point ne l'inquiétait pas trop. Premièrement parce qu'en hiver il ne se passait généralement rien, à part des décès naturels dans les familles royales, et ensuite, parce que la guerre durait depuis avant sa naissance, donc les choses n'avaient aucune raison de changer aussi vite.
Il avait chargé Drystan de gérer les tracas de leur base durant son absence. Son ami était fiable et il ferait régner l'ordre et la discipline qu'il faudrait pour préparer mentalement les hommes à la suite. Il avait une foi aveugle en lui. Pourtant, il n'avait pu se résigner à laisser Maelia ici. Il avait toujours peur que certains hommes nourrissent de la rancœur à son égard et lui fassent payer en s'en prenant à sa sœur... Surtout avec le grand nombre qu'il avait dû punir pour s'en être pris à des femmes, voire même à des hommes. Ça avait été le sujet le plus épineux de l'hiver, il avait pu parer au froid, aux ravitaillements, au bois, mais malgré tout ça il n'avait eu aucune fille de joie pour ses soldats. Il avait frôlé à deux reprises des soulèvements. Il espérait revenir avec des femmes, mais sans grand espoir. Celles qu'il avait essayé d'engager avaient refusé de passer l'hiver perdues dans les bois.
— On est prêts à partir, l'informa Egert.
Beag sourit en retour à son ami, qui arborait toujours un sourire séducteur. Il avait eu peur à l'arrivée de sa sœur que celui-ci la charme et la déshonore. Mais il s'était inquiété pour rien, parce que sa sœur ne jurait que par Tagan.
Drystan lui avait assuré qu'il n'avait jamais vu Tagan la toucher, mais Beag restait méfiant. Il n'était pas contre le fait que sa sœur construise sa vie avec un homme, toutefois il trouvait ses goûts discutables.
Il chassa toutes ces pensées parasites de sa tête et se concentra sur l'instant présent, vérifiant une fois de plus qu'il n'avait rien omis.
Il n'avait envoyé qu'un seul éclaireur, en la personne d'Exurie, car il ne voulait pas délester le campement de trop de ses hommes. Ils partaient déjà à une trentaine, c'était suffisant. Il coula un regard à Tagan, se demandant s'il reviendrait avec eux, ou s'il essaierait de prendre la poudre d'escampette. Au fond de lui une voix lui soufflait de lui faire confiance, mais sa raison le mettait en garde. Il avait affecté Exurie à la surveillance de Tagan une fois qu'ils seraient arrivés, en espérant que cela suffise.
Les chariots se mettaient en branle, Maelia était surexcitée, elle rêvait de quitter leur lieu de vie et de changer d'air.
— Faites bonne route, leur lança Drystan.
Elle le remercia, son regard s'attardant sur la mèche de cheveux attachée à son cou, se rappelant l'après-midi où elle lui avait demandé où était sa femme. Cette fois-là, elle avait découvert l'homme brisé qui était caché derrière cette montagne de muscles et cela l'avait touché. Sa femme et ses trois enfants avaient été vendus comme esclaves, et il n'avait pas réussi à retrouver leurs traces. Elle le voyait souvent caresser son pendentif, preuve de son union, et, tout comme lui, elle souhaitait qu'il retrouve sa famille un jour, même si les chances étaient minces.
Elle avait la chance d'avoir retrouvé son frère, et savait très bien à quel point on se sentait vide quand on était seul au monde sans savoir où étaient les êtres chers à son cœur.
Ses yeux papillonnèrent un instant sur Tagan à son côté. Lui aussi comptait désormais comme l'une des ancres de sa vie. Pour elle, il avait renoncé à tout et il avait risqué sa vie à plus d'une reprise. Elle avait une dette envers lui. Mais ce n'était même pas pour tout ça qu'il comptait autant. C'était quelque chose qu'elle ne s'expliquait pas, avec lui elle avait l'impression que tout était en ordre dans l'univers, et qu'elle était complète. Elle ne se posait pas trop de questions, elle se sentait bien en sa présence et c'était suffisant.
***
Kenelm relevait ses collets, sans grand succès. Il n'arrivait pas à trouver d'emplacements convenables où les placer. Ils avaient encore quelques réserves, mais son esprit serait tranquillisé s'il trouvait un emplacement de passages.
Il alla au bord d'un cours d'eau pour s'hydrater, c'est à ce moment-là qu'instinctivement il se baissa. Juste à temps pour éviter un trait. Ventre à terre, il se mit à l'abri derrière un rocher.
Contre la roche dont il sentait le froid à travers ses habits, son cœur résonnait dans tout son corps et lui donnait le sentiment de faire vibrer la pierre entière. Il l'avait échappé belle, son sixième sens venait de lui sauver la vie. Mais il ignorait qui le prenait pour cible ni si la personne était seule. Il ratissa en un regard droit devant lui pour trouver une issue à couvert. Il se força à respirer, il devait se calmer et chasser l'étau qui le comprimait et l'empêchait de remplir ses poumons.
Il aperçut la flèche fichée dans une plaque de neige à l'ombre. Sa gorge devint sèche et la panique le reprit de plus belle.
Une double penne, une en plume blanche, l'autre en plume noire. La dernière fois qu'il avait vu une flèche de ce genre, c'était quand la femme chauve lui avait embroché le bras.
Une foule de questions l'assaillirent. Mais la plus importante concernait le hasard. Était-elle en train de le traquer, ou au contraire, cette rencontre était-elle fortuite ?
Quoiqu'il en fût pour le moment, il ne savait pas comment s'extirper de cette situation. Si en pleine nuit elle avait réussi à le toucher, avec le soleil à son zénith, elle n'aurait aucune difficulté.
Cependant, il ne pouvait pas rester planté derrière son caillou indéfiniment, en évaluant la zone d'où provenait le tir, il choisit un chemin qui lui semblait abrité. S'il se trompait, elle ne le louperait pas. Quel manque de chance de tomber sur elle avec l'infinité d'arbres alentour. Si près en plus de convaincre Eunan d'abandonner son contrat...
Il se gifla mentalement pour se concentrer sur sa fuite. Sa poitrine était à un cheveu d'éclater, mais il devait bouger, alors il s'élança, prenant une trajectoire non rectiligne, et se jeta derrière le tronc de ce qui lui paraissait être un bouleau. Un nouveau trait siffla près de sa tête. La précision de cette archère frôlait le surnaturel. Le bon côté, c'était qu'elle venait de lui signaler sa position avec ce dernier tir, donc il choisit avec minutie sa route de repli.
Même si son instinct lui hurlait de partir à toute jambe, il privilégia un départ sans bruit en avançant méthodiquement et le plus rapidement possible sans faire craquer une branche ou faire crisser la neige.
Puis une fois suffisamment éloigné, il courut à en perdre haleine, se demandant qu'elle serait la réaction d'Eunan.
— Kenelm arrive, je pense qu'il a un problème, ses couleurs sont étranges, annonça Cylia, les yeux rivés vers la roche, à ne voir un monde accessible qu'à elle.
Eunan se releva d'un bon, saisissant dans un même geste un poignard.
— Il est seul, fit Cylia en entendant le bruit de l'acier.
Cette réplique faillit arracher un sourire à l'assassin. Son soleil avait vraiment un don vital, toutefois il ne rengaina pas son arme, c'était sa façon à lui de se rassurer et de garder le contrôle.
Le jeune homme arriva bruyamment, que ce soit par le son lourd de chacun de ses pas ou de sa respiration de bœuf souffreteux.
— Garçon, qu'est-ce qui se passe ?
Eunan eut du mal à ne pas s'impatienter alors que Kenelm tentait de reprendre son souffle et ne répondait pas. Il resta suspendu aux lèvres de Kenelm jusqu'à ce que ce dernier soit apte à lui expliquer.
— J'ai à nouveau croisé la route de l'archère chauve, énonça-t-il de but en blanc, camouflant difficilement sa peur.
Eunan inspira profondément, le temps de se remettre les idées en place. Il comprenait le garçon, il y avait de quoi être inquiet, cette femme était maîtresse en matière de chasse.
Il pressa Kenelm de questions. Son sang se glaça quand il réalisa que son apprenti ne devait son retour qu'à la bonne fortune ou un sixième sens bien aiguisé.
— Tu vois quelqu'un approcher, Cylia ?
— Non, personne.
— Je l'ai semé, et j'ai fait un détour pour rentrer, s'énerva Kenelm, pour qui tu me prends ?
— Paix. Je sais que tu n'es pas un imbécile, mais, avec cette femme, je préfère demander. Je vais sortir, peut-être qu'elle est dans les bois pour ouvrir la voie à d'autres rebelles. Le printemps approche, il y a des chances qu'ils commencent à se ravitailler à Ylufer.
— Tu es sûr ? l'arrêta Cylia.
— Certain.
— Tu avais commencé à réfléchir à un futur différent. On pourrait partir, insista-t-elle.
Eunan alla se placer devant la femme qui comptait le plus à ses yeux. Il posa délicatement sa main sur son visage. Même si ça l'ennuyait qu'elle ait un accès direct à ses émotions par ce contact, il ne pouvait pas la laisser dans la détresse. Avant cette histoire, il n'avait jamais passé autant de temps avec elle, et encore moins partagé des informations sur l'homme qu'il avait à abattre, d'habitude elle comprenait seule et ils n'en parlaient pas. Il regrettait que ça ait été le cas cette fois-ci, Cylia s'était transformée en conscience et lui avait démontré de mille-et-une façons à quel point tuer le chef des rebelles était mal, et allait à l'encontre de ses convictions. Sauf que ne pas honorer sa parole allait aussi à l'encontre de ce qui définissait sa vie.
— Je n'ai jamais renoncé, j'ai juste dit que ton point de vue n'était pas mauvais. J'ai peut-être une ouverture, ou au moins une chance de noter leurs habitudes, je dois y aller.
— Tu essaies de te convaincre, mais je le vois, même sans que tu ne me touches, tu n'es pas en paix avec l'idée de tuer un homme qui a le rêve d'arrêter l'esclavage et de ce fait le trafic d'enfants.
Eunan eut presque l'impression de sentir son cœur se fendre. Toutefois, s'il n'allait pas au bout, des hommes le chercheraient, et Cylia, et Kenelm seraient en danger, donc, il ne reculerait pas.
Résigné, il se releva et alla vers son sac.
— Qu'est-ce que tu fais ? demanda Kenelm.
— Ça ne se voit pas ?
— Il fait presque nuit, lui fit remarquer le garçon.
Eunan jura en posant ses affaires. Il aurait préféré partir de suite, sans laisser l'occasion à Cylia de lui parler encore de ce qu'il savait déjà. Toute cette situation le rendait nerveux.
Eunan ruminait ses idées noires, les yeux perdus dans les flammes du foyer. Kenelm n'aimait pas le contexte, il comprenait pourquoi son maître se sentait obligé de terminer le contrat, cependant à sa place il ne pourrait pas l'achever. Mais Eunan n'avait pas le fardeau des actes de ses parents, lui, si. Il avait déjà peiné à trouver son rôle après avoir appris toute l'histoire, comme si la vérité avait biaisé tous leurs rapports, et désormais il se retrouvait en plein conflit intérieur. Savoir si oui ou non c'était mal de ne pas arrêter Eunan le rendait fou.
Au bout d'un long moment où ils restèrent tous immobiles, l'assassin sortit chercher du bois. Tout le monde savait que c'était une excuse pour prendre l'air, mais ce départ avait le mérite d'alléger l'atmosphère.
— Il ne faut pas qu'il y aille, chuchota Cylia, la voix en partie brisée.
— Il sait ce qu'il fait, tenta de la rassurer Kenelm en allant s'installer près d'elle.
Cylia se tourna vers lui, le dévisageant avec une intensité difficilement soutenable.
— Il le fait pour nous, et tu le sais. Convaincs-le que ça ne sert à rien, que ce qu'il s'apprête à faire est mal.
— Tuer, c'est mal Cylia. Peu importe qui il tue.
La tête de Cylia s'affaissa de déception et ses magnifiques cheveux blonds vinrent lui cacher le visage.
— Je ne peux pas croire que tu penses ce que tu viens de dire. Eunan est un homme juste. Il ne se sacrifierait pour personne, sauf pour nous, et je ne te parle pas de son corps, mais de son âme. Il est déjà souillé par ce qu'il t'a fait, si tu n'agis pas, tu seras responsable de ce qu'il va s'infliger ! Je pensais que tu lui avais pardonné, mais peut-être que ta passivité c'est ta façon de te venger, conclut-elle.
— Tu es injuste, s'entendit-il dire. Je n'ai rien demandé de tout ça, et ce n'est pas à moi de prendre de décisions pour lui. Il sait ce qu'il fait et pour quoi il le fait. Je sais que tu as peur de le perdre, Cylia, mais ne t'attaque pas à moi, s'emporta-t-il.
Kenelm resta interdit, il s'en voulait déjà de ce qu'il avait dit et du ton qu'il avait utilisé.
— Je ne cache pas que j'ai peur, jamais, contrairement à toi... répliqua-t-elle.
— De quoi tu parles ?
— De tes sentiments pour moi.
— Ce n'est pas le moment, souffla-t-il de façon presque inaudible.
Cylia regarda Kenelm se renfermer, ses couleurs irradiaient moins. Elle avait le sentiment de les perdre, autant lui qu'Eunan. Tout l'hiver les deux hommes n'avaient pas trouvé de façon d'interagir l'un avec l'autre. Kenelm était confus dans ses sentiments pour l'assassin, et, même si l'amour qu'il ressentait pour elle était toujours intact, il se retrouvait brouillé par une culpabilité qui n'avait rien à faire là.
Elle avait tout tenté pour arranger les choses, pour que toutes ces semaines d'inactivité soient utiles, toutefois, c'était un vrai dialogue de sourds, et à chaque fois les hommes prenaient la fuite.
Elle ne savait plus quoi faire.
Non seulement Eunan se sentirait brisé de tuer un homme qui avait un but noble, d'après ce qu'ils en savaient. Mais en plus, il y avait de fortes chances qu'il n'en revienne pas. Et après ça... après ça, Kenelm et elle porteraient le fardeau de cette histoire aussi, assombrissant leurs relations déjà compliquées.
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