Chapitre dix

Maelia se releva, essayant de camoufler les raideurs de son corps après cette pause repas, mais ses mouvements hachés n'échappèrent pas à Tagan.

— Ça ira mieux quand tes muscles seront à nouveau chauds. Pense à boire de l'eau ça t'aidera, dit-il en lui tendant son outre.

Elle acquiesça, comme souvent elle le laissait parler seul. Il était assez bavard, quant à elle, même si une part d'elle voulait en savoir toujours plus sur lui, elle se forçait à se détacher, car elle était censée haïr tout ce qu'il représentait.

— Toujours pas de : "merci"? s'indigna-t-il.

— De quoi tu parles ?

— Tu ne m'as jamais remercié, pour aucun de mes actes ou aucune de mes paroles. Tu es réfractaire à la gratitude. Pas que je te demande de me baiser les pieds, mais j'aimerais comprendre pourquoi tu n'arrives pas à exprimer un simple : "merci". Tu penses que toute cette aide t'est due ?

Maelia rougit et resta coite quelques secondes avant de se ressaisir et d'avancer pour se retrouver toute proche de Tagan. Le rouge de ses joues devint autant de colère que de gêne. Une partie de cette colère dirigée contre elle-même, mais elle n'aimait pas qu'on lui fasse remarquer ses fautes alors elle se défoula sur Tagan.

— Je dois te remercier pour ? Avoir dépensé l'argent que tu as volé ? Pour m'accompagner alors que tu vises la récompense pour la tête de mon frère ? Ou alors pour m'avoir entraînée avec toi alors que tu sauvais ta peau ? s'énerva-t-elle.

Le visage de Tagan se ferma.

— Un simple merci pour avoir remplacé ton eau aurait suffi... répliqua-t-il calmement.

Il essayait de cacher la détresse que les mots de la jeune femme avaient réveillée. Elle lui avait fait mal et il ne voulait pas le lui montrer.

— Nous devons y aller, l'informa-t-il alors qu'elle essayait de parler.

Pendant qu'il lui tournait le dos, Maelia était décidée à rattraper sa bourde, bien consciente qu'elle avait franchi des limites, mais elle n'en eut pas le temps. Tagan se redressa vivement, lui intimant le silence. Son visage était devenu dur et ses yeux froids. À sa main il tenait l'un de ses couteaux de jet.

Machinalement elle porta la main au poignard qu'il lui avait offert, mais d'un signe de tête il la dissuada de le sortir.

Descendant du sentier, un homme tirait par la bride un hongre chargé de bagages.

Tagan balaya du regard les bois autour de lui à la recherche d'éventuels autres hommes, mais il ne vit rien. Sauf qu'une personne seule, ici, chargée d'autant de choses ne pouvait pas être honnête.

— N'avance plus, avisa-t-il l'étranger.

Un sourire chaleureux éclaira le visage du nouvel arrivant quand il s'arrêta. Ses yeux bleus brillaient d'une bonté qui contrastait nettement avec l'épée richement décorée qu'il portait à la taille. Mais Tagan ne se laissa pas déstabiliser.

— Passe ton chemin, asséna-t-il au blondinet qui ne bronchait toujours pas.

— Tu comptes essayer de me tuer ?

La question avait été posée avec décontraction, comme s'il avait parlé de la météo.

— Ça dépend de ce que tu nous veux.

— Rien. Mais pourquoi ne poses-tu pas la question vraiment importante ? répondit l'inconnu.

— Si tu as envie de mourir jeune, continu sur cette voie, grinça Tagan agacé par la joute verbale qui venait de débuter.

— Tu m'aurais demandé ce que je voulais. Je t'aurais répondu qu'ici c'était le seul lieu pour se rendre à la rivière sans danger pour ma monture et que je ne suis pas venu vous menacer.

Tagan ordonna à Maelia de lui tendre ses affaires, puis, après avoir passé une des lanières du sac, il lui enjoignit de le suivre.

Avec précaution, les deux compagnons s'éloignèrent du jeune étranger qui leur tournait le dos.

Tagan ne put s'empêcher de faire une remarque à l'inconnu.

— Ce n'est pas très malin de tourner le dos à un homme armé.

— Comme il n'est pas très malin d'avertir un homme armé que l'on compte le tuer. Mais heureusement que ce n'est pas le cas, pas vrai ? demanda le cavalier, dont on devinait le sourire dans le ton de sa voix.

Maelia ne put s'empêcher de rire. Elle ne se sentait pas en danger, mais Tagan la fit taire en un regard.

— Je ne voulais pas vous chasser, reprit le dernier arrivant qui leur tournait toujours le dos. Je m'appelle Feary.

Maelia se présenta aussi, avant qu'un nouveau regard noir de Tagan ne l'arrête. Il l'entraîna pour couper court à l'échange, et ne prononça aucun mot.

Tagan marchait vite, il la traînait presque sur le sentier.

— Il n'avait pas l'air méchant, haleta-t-elle.

— C'est connu tous les voleurs ont des visages couturés, il suffit de me regarder.

— Ce que je veux dire, c'est qu'il était déjà chargé, il n'avait aucun intérêt à nous voler.

— Tu es terriblement naïve. Tu ne t'es pas dit qu'il était justement fourni parce qu'il avait tout dérobé.

— ... Non... Mais tout le monde n'est pas comme toi, reprit-elle.

— C'est la seconde fois que tu m'assènes mon gagne-pain en plein visage aujourd'hui. Mais outre cela, tu ne penses pas qu'un homme seul, aussi équipé au milieu de ces bois, c'est anormal ?

— Si... peut-être, reconnut-elle.

Ils restèrent muets jusqu'à ce que la nuit tombe. Tagan était en colère et inquiet, quant à Maelia c'était sa fierté qui lui soufflait de garder le silence. Aucun des deux ne broncha jusqu'à ce qu'ils se retrouvent dans un arbre pour la nuit.

Alors que Tagan était silencieux depuis un moment Maelia se lança :

— Désolée... pour tout à l'heure, je n'aurais pas dû baisser ma garde avec l'étranger.

— Ce n'est pas un "merci", mais tu fais des progrès, la taquina-t-il. Maintenant, dors, je te réveille dans quelques heures pour que tu montes la garde pendant que je me repose. Avec cet homme louche dans les bois, nous ne pouvons pas prendre le risque de nous laisser surprendre.

Maelia obéit, trop fatiguée pour se proposer pour le premier tour.

Il ne fallut que quelques battements de cœurs pour que la respiration de Maelia devienne profonde et qu'il sache qu'elle dormait.

Lui aussi était rompu et n'avait qu'une envie, se laisser glisser dans un sommeil réparateur. Mais il ne pouvait pas se le permettre. Il ouvrait les yeux, les fermait, ne sachant pas comment faire pour rester concentré sur son environnement.

Il baissa sa couverture, espérant que la morsure du froid soit un choc suffisant pour le garder vigilant. Vivre à la dure n'était vraiment pas pour lui. Il donnerait cher pour se retrouver dans une chambre douillette avec un grand feu, et même avec une bassinoire pour entrer déjà dans une couche bien chaude. Bien sûr, tout cela exécuté au préalable par quelqu'un d'autre, pour qu'il n'ait qu'à s'allonger et à profiter.

Il secoua la tête, ouvrit grand les yeux, même si ce qu'il voyait n'était que les ténèbres. Il avait failli se faire piéger par le réconfort d'un rêve. Il jura à voix basse. C'était de la torture de se retrouver dans cette forêt froide et inhospitalière, et de penser à un confort qui était hors d'atteinte.

Le temps s'égraina avec une lenteur exaspérante. Il avait l'impression d'être là depuis des siècles et d'avoir fusionné avec l'arbre. Alors qu'objectivement il savait qu'il n'attendait que depuis moins d'une heure.

Un hululement de chouette pénétra la nuit et ses pensées de façon douloureuse, déchirant la léthargie dans laquelle il s'engluait. Il inspira l'air humide, remplissant ses poumons de l'odeur riche en humus espérant s'éclaircir l'esprit. Hélas, sans grande efficacité.

Un bruissement attira son attention, il se figea, arrêtant même de respirer. Mais le silence reprit ses droits, le libérant de sa torpeur. Cependant un craquement le remit en alerte.

Il se focalisa sur les bruits. Il n'y avait pas de vent, et pourtant une légère rumeur courait au sol en plusieurs points. Des sons ténus, mais bien présents. Ce n'étaient pas des animaux, c'était trop régulier, comme rythmé. Des personnes venaient pour eux. Et vu leurs précautions cela ne semblait pas amical.

Il se libérade sa corde, et après une seconde d'hésitation décida de prendre son sac. Silencieusement il rejoignit Maelia, posa délicatement la main sur sa bouche et chuchota à son oreille.

— Je pense que nous ne sommes pas seuls. Si tu restes cachée dans l'arbre et que je me fais occire, ils te mettront la main dessus. Je n'ai pas la moindre idée de combien ils sont, mais certainement plus de trois. Je te conseille de retourner au sol et de te dissimuler comme tu peux. Tu veux de l'aide pour descendre ?

Elle hocha la tête en signe d'assentiment.

— Très bien, sois la plus silencieuse possible, dit-il en reprenant tout contre sa joue. Ils ont le même handicap que nous, ils ne voient rien...

Il la détacha avec dextérité et rapidité avant de laisser la corde pendre dans le vide et de le soutenir durant la descente. Elle avait été silencieuse, et, pourtant, chaque son, aussi feutré soit-il, donnait l'impression de résonner sous la futaie. Tagan était persuadé que leurs assaillants savaient qu'il les avait repérés. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Ne rien voir,ne pas savoir,faisait naître une peur difficilement maîtrisable, même pour lui qui avait l'habitude des situations dangereuses et compliquées.

Il rattrapa rapidement sa compagne, déposa son sac et sa cape au pied de leur ancien perchoir, et sortit son couteau de chasse. Il ne voyait pas assez pour utiliser son épée ou ses couteaux de lancer. Cela s'annonçait plutôt mal, il le savait, mais il entraînerait un maximum des hommes qui l'entouraient avec lui. Le regard parcourant l'obscurité, il vit une étincelle avant qu'un flash aveuglant ne le force à fermer les yeux. Il les rouvrit rapidement pour constater qu'autour d'eux cinq torches avaient été allumées et qu'en plus des cinq porteurs, dix autres hommes s'approchaient. Il se tourna vers Maelia, persuadé que quoiqu'elle tente elle n'arriverait pas à fuir et que, quoiqu'il fasse, il ne pourrait pas la sauver cette fois... sauf s'il la tuait avant que les hors-la-loi ne lui mettent la main dessus. Ce serait charitable de sa part.

Il hésita avant de voir que le visage de la jeune femme n'exprimait pas que de la peur, mais aussi une volonté farouche. Elle avait sorti sa lame et était prête à en découdre. Il avait vu beaucoup d'hommes plus lâches que ça, pour ce que cela valait, il respectait Maelia et sa bravoure.

Il rengaina son couteau de chasse pour le remplacer par un de jet. Il inspira profondément pour faire le vide et visa en un geste éclair lecou d'un des bandits.Un gargouillis, puis le bruit sourd d'un corps qui s'affaisse. Un de moins.

Il y eut un moment de flottement, les agresseurs stoppèrent leur lente approche, avant qu'ils ne tirent tous leurs armes au clair. Il les avait eus avec l'effet de surprise, la suite n'allait pas être si simple. Le sifflement caractéristique de l'acier glissant sans heurt de sa niche remplaça le silence. Puis les truands reprirent leur avancée.

— Reste dans mon dos, souffla-t-il à Maelia.

Il aurait pu lui parler plus fort, mais il était en partie terrorisé par la mort qui se profilait, et en était incapable, s'il voulait toujours faire croire qu'il avait de l'assurance. Cependant il ne tremblait pas.

Heureusement qu'il ne tremblait pas !

Il sortit son épée bâtarde. Le poids familier dans sa paume chassa en partie ses craintes. Il était mortellement dangereux. Il n'était pas sans défense. Il se défendrait chèrement.

Il avança d'un pas, et la danse commença.

Il tranchait sans faiblir de sa main droite avec sa longue lame, et paraît avec le petit poignard dans sa gauche. Mais les hommes en face de lui restaient prudents, ils l'aiguillonnaient pour l'épuiser.

Il en avait blessé trois. Ce n'était pas assez. La colère le gagna, le rendant de moins en moins prudent. Il dévia de justesse un couteau qui volait rapidement vers sa gorge.

— Mets-toi à couvert, hurla-t-il à Maelia qui pour le moment était épargnée par les hommes.

Maelia obéit à Tagan. Sa petite lame ne lui servait à rien, et elle n'inquiétait pas le moins du monde les hommes armés qui étaient tous concentrés sur Tagan, qui les maintenait à distance à renfort de grands gestes.

Le chant de l'acier était assez rare, c'était la respiration de plus en plus bruyante de Tagan qui emplissait l'air.

Elle voulait l'aider. Se jeter sur l'homme le plus proche et le poignarder jusqu'à ce qu'il meure. Mais après ? Les autres lui tomberaient dessus et elle ne pourrait rien faire. Elle avait envie de pleurer, toutefois, elle en était incapable, complètement tétanisée. Elle avait vu leurs coups d'œil lubriques. Elle savait ce qui allait se passer.

Lâche. Elle était lâche. Elle s'était imaginée être une femme forte, mais elle devait se rendre à l'évidence, ce n'était pas le cas.

Sa respiration était saccadée, sa vue comme floutée, son cœur était parti dans un galop effréné. Et elle tremblait. Comment faire quoi que ce soit dans cet état ? Mais Tagan ne méritait pas qu'elle le laisse tomber. Quoi qu'elle fasse, la fin de la situation paraissait immuable. Mais peut-être qu'elle réussirait à se faire tuer dans la mêlée. Rapide et peu douloureux. Moins que ce qui l'attendait si elle ne se décidait pas à bouger. Et pourtant, elle restait immobile.

À moins d'une journée se trouvait son frère. Échouer si près... Elle se sentit abattue à cette idée. Avant que la colère déferle en elle, c'était tellement injuste. Toute cette vie avait toujours était injuste. Son frère serait-il jamais qu'elle l'avait cherché ? Qu'elle aussi ne s'était pas laissée faire par son maître ?

Sûrement que non. Beag avait l'air d'être devenu un homme courageux... et elle... elle n'osait même pas défendre sa vie.

Elle referma ses doigts fortement sur le manche de son poignard. S'accrochant à l'idée de son frère fier et brave.

À la pensée de tuer quelqu'un, son corps se recouvrit de sueur, que s'apprêtait-elle à faire ? Elle déglutit, chassant tousraisonnements parasites. Elle devait défendre sa vie.

Un cri de chouette résonna, ne perturbant pas la scène de violence sous ses yeux. Des hommes cupides sur le point d'en tuer un autre, qui lui, était prêt à donner sa vie pour elle.

Elle hurla et se jeta sur un homme devant elle, l'arme au poing dressée devant son visage. Puis elle l'enfonça. Sa main se retrouva poisseuse de sang qu'elle ne put s'empêcher de fixer presque horrifiée. Sa victime la repoussa violemment en grognant. Elle ne l'avait blessé qu'à l'épaule et se retrouvait en partie sonnée à terre. Et en plus elle avait perdu son arme. Elle était inutile. Un peu de sang et un coup l'avaient mise hors jeu.

Tagan porta son attention sur Maelia, au sol, désarmée. Il ne pouvait rien faire. Il grogna de frustration. Avant de grogner de douleur quand il fut blessé au bras. Il fatiguait. Il allait être tué, et Maelia violée à mort. Quel gâchis.

Soudainement un de ses assaillants s'écroula silencieusement, une penne blanche dépassant de son dos. Il y eut un autre tir, raté celui-ci, avant que Feary, le jeune homme de l'après-midi n'apparaisse, l'épée levée, la pierre sur son manche renvoyant l'éclat des flammes. Il chargea, fauchant un bandit sur son passage et vint se placer près de lui.

— Tu ne me chasses pas cette fois ?

— Non, il se trouve que c'est moi qui souhaiterais être ailleurs.

L'étonnement passé, la ferveur des tueurs se retrouva redoublée et ils attaquèrent avec plus de hargne. Grognements, gémissements, halètements perturbaient la quiétude de la nuit.

Tagan et Feary reculèrent. Dans leur dos se trouvait un grand arbre qui couvrait en partie leurs arrières. Sur leur gauche Maelia rampait pour les rejoindre, mais un homme l'empoigna, pour la traîner plus loin. La jeune femme ne fit pas un bruit, même si elle s'escrimait à se libérer. La situation était catastrophique. Aucun des deux bretteurs ne pouvait venir à son aide. Tagan avait la poitrine serrée. Il détestait que des hommes touchent des femmes sans leur consentement.

Il essaya de se frayer un passage jusqu'à elle, mais n'y parvint pas, même avec l'aide de Feary. Feary, qui pourtant, était très efficace avec sa rapière. Mais la stratégie des brigands étaient toujours la même, les harceler jusqu'à épuisement. Seulement trois étaient morts jusqu'ici, d'autres étaient blessés, mais légèrement. Ils étaient submergés, malgré leur fougue et leur talent ils étaient noyés par le nombre.

Trois hommes disparurent dans les bois avec Maelia.

Tagan et Feary s'attendaient à tout moment àl'entendre hurler. Sauf que ce sont les cris des hommes qui déchirèrent la nuit.

En un clignement de paupières des gens encapuchonnés, tels des ombres apparurent autour d'eux. Ils étaient au moins une vingtaine. Les brigands tentèrent de prendre la fuite, mais se firent tailler en pièce. Les cris et les suppliques moururent presque instantanément. L'odeur de sang, de transpiration, et d'autres odeurs encore plus désagréables flottaient dans l'air, signe des morts qui jonchaient le sol. Mais Tagan n'aurait jamais pu espérer que ça arrive, alors il bénit cette puanteur, même s'il n'était pas encore certain de devoir se réjouir de l'arrivée des nouveaux.

Les rebelles ?

Tagan l'espérait de toute son âme, sinon il se retrouvait dans une situation réellement inextricable. Bien que rien ne lui garantissait qu'ils ne leur feraient rien si c'était eux.

— Posez toutes vos armes au sol, résonna la voix caverneuse d'un géant qui s'avançait vers eux.

Feary et Tagan se délestèrent de leur acier avec des gestes prudents. Sachant de toute façon qu'ils n'avaient pas le choix.

— Bien, approuva l'homme qui venait de retirer sa capuche laissant apparaître son visage barbu. Maintenant je vais vous expliquer comment ça va se passer.

Ses yeux d'un vert profond les sondèrent. La dureté que Tagan y lut l'assura qu'il avait affaire à un tueur sans scrupule. Il n'avait pas la moindre idée de comment les choses allaient tourner.




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top