La Renaissance d'une Étoile

  Une étoile, disait-on, avait sa place dans le ciel. Elle brillait pour l'éclairer quand la nuit avalait le jour, pour guider les pas de ceux et celles qui s'aventuraient dans le noir. Un phare dans les ténèbres…

  Une étoile, disait-on, faisait partie d'un groupe, d'une famille. Elle brillait à l'unisson avec ses congénères, clignotait joyeusement par moments pour communiquer avec elles. Ces étoiles formaient une constellation. Un dessin dans l'éther…

  On raconte qu'il y avait une étoile malheureuse. Elle vivait dans la voûte céleste, comme toutes les autres, s'endormait le jour et se levait la nuit. Avec ses sœurs, elles traçaient la plus belle constellation qui fût…

  On raconte que cette étoile était si malheureuse que sa lumière faiblissait de nuit en nuit, et devenait aussi pâle que la Lune. "À quoi bon vivre ?" se demandait-elle toujours. Ses camarades ne la comprenaient pas. Depuis sa naissance, elle n'illuminait jamais le ciel de son sourire lumineux, comme si elle avait toujours été faite ainsi. Triste. Nostalgique du temps où elle n'était que nuage d'hydrogène et nuage d'hélium.
  Cette étoile, elles l'appelaient "la Mélancolique".

  La Mélancolique rêvait de liberté. Ou plutôt, ressassait sa liberté d'antan. Quand elle n'avait pas besoin d'intégrer un groupe. Quand elle n'avait pas besoin de plaire aux étoiles. Elle n'était jamais bien pour elles : pas assez lumineuse, trop blanche, timide et réservée au point qu'elles trouvaient cela insupportable. Mais comme elle n'avait point le choix, elle restait dans leur constellation.

  Un jour, elle en eut assez. Elle voulait en finir. Cela faisait plusieurs milliards d'années qu'elle attendait sa fin ; mais cette fin ne venait pas.

  Alors elle fit ce à quoi elle avait songé dans son sommeil. Chaque nuit, elle se détacha un peu plus de ses sœurs. Chaque nuit, elle se rapprochait de cette liberté tant convoitée. Le jour où les autres se rendirent compte de la distance qu'elle avait parcourue, il était trop tard. Elle avait brisé la constellation.

  La Mélancolique lâcha prise. Se laissa basculer dans le vide. Libre. Chutant vers sa fin.

  Bientôt, le vide devint de l'air. Et l'air devint de l'eau. Une étendue d'eau gigantesque, presque monstrueuse.

  Un océan.

  La Mélancolique ne connaissait pas l'eau. Elle ne se posait d'ailleurs aucune question. Parce qu'elle pensait que la mort allait la rattraper. Et elle le crut lorsqu'elle se sentit sombrer dans l'immensité maritime.

  Pourtant, elle se réveilla. Elle était au fond d'un monde bleu. Mais plus un monde semblable au ciel, non. Un monde au ralenti. Un monde coloré. Un monde salé et aux textures jamais découvertes auparavant.

  Elle constata sa silhouette. Elle n'était plus un amas d'hydrogène et d'hélium. Elle possédait cinq bras rose orangé sertis de petits pics. Elle décela alors cette fonction commune aux animaux et aux humains : la respiration.

  Ce n'était pas une fin, pensa l'étoile. C'était une renaissance. Une seconde vie. Dans cet espace marin que l'on nomme océan, situé sur une sphère ressemblant à celles que la Mélancolique avait pu apercevoir de loin : une planète. La Terre.

  Elle découvrit ce que c'était que vivre la journée ; elle vit la lumière du Soleil ou de la Lune qui traversait l'océan changer d'intensité. Elle aperçut ses sœurs qui luisaient dans le ciel. Cette ancienne vie, ce n'était pas pour elle. Mais ses congénères, elles, étaient heureuses là où elles étaient.

  Les jours passèrent. La Mélancolique fit la rencontre d'autres animaux de l'océan, observa les plantes danser au rythme de l'eau, écouta les clapotis à la surface. Elle en apprécia chaque seconde.

  Et alors, des milliards d'années après sa création, elle sourit. Son sourire envoya des éclairs de lumière partout dans l'océan, et cet éclat transperça l'eau, l'air, les nuages et enfin, l'espace.

  En haut, les étoiles reconnurent immédiatement le rayonnement de leur sœur. Toujours vivante. De l'autre côté. Elles l'avaient vue sauter, et elles n'y avaient plus cru.

  Elles s'illuminèrent en retour. Des excuses. Un sourire. Un adieu.

  La Mélancolique accepta leurs excuses, même si elles ne le surent jamais. Une nouvelle vie commençait pour elle. Enfin, peut-être, pourrait-elle être heureuse…

***

  Ainsi naquit l'Étoile de Mer.

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