Chapitre 14

Je m'empressai de tourner et de franchir des portes. Monter et descendre les escaliers. Le couvre-feu était tombé bien bas dans ma liste de mes priorités. Ce qui l'avait dépassé ? Échapper à Blake. Je sentais encore son regard plein de rage et de tristesse dans mon dos, quand je me suis enfuie comme une lâche. Ce n'est pas dans mes habitudes de fuir comme cela. Cependant, dès qu'il était question de lui, je perdais mes moyens. Cela ne faisait que 1 jour que l'on s'était rencontrés, or, je m'étais découvert un don : le croiser tout le temps et dans les pires situations.

À force que je créais de la distance entre lui et moi, mon cœur battait à un rythme plus régulier, mes mains était bien moins moites et mes jambes avaient cessé de trembler. Blake, n'était pas comme les autres. C'était une phrase typique de fillette amoureuse. Mais lui alors qu'il avait pu avoir tout ce qu'il voulait dans sa vie : dû à son statut de prince, il possédait une part d'ombre immense en lui. Son regard n'exprimait aucune émotion positive. De plus, ses cicatrices, que j'avais pu remarquer, m'interrogeaient. Étaient-elles volontaires ou non ? Dans les deux cas, je ne pouvais que le comprendre. Mes pensées furent interrompues par mon corps. Un escalier, c'était dévoilé par magie. Une illusion venait de se dissoudre. L'escalier s'enfonçait dans le sol de marbre blanc.

Je ne pouvais brider ma curiosité, elle me poussait à découvrir ce qui se cachait sous mes pieds.

Alors que mes pieds s'enfonçaient peu à peu dans les abîmes de l'Académie, mon cœur recommença à battre. Le danger, l'imprévu, la surprise, l'émotion voilà les ingrédients qui me gardaient encore en vie aujourd'hui.

L'obscurité fit place à la lumière lorsque des flambeaux s'allumèrent automatiquement sur mon passage. Leurs rayons se composaient d'orange et de rouge, comme un coucher de soleil.

Le blanc du marbre de la surface avait laissé place au noir. Je m'enfonçais dans le couloir vide. Je crus ne jamais voir la fin de ce passage. Le couloir avait cédé la vedette, à une pièce avec de nombreux murs, des vitrines étaient disposées un peu partout dans la salle. À l'intérieur, se trouvaient diverses armes et armures. Quelques parchemins étaient aussi exposés.

Le moindre bruit me faisait sursauter. Je me trouvais seule ici. Enfin, je l'espère. Mais ces bruits étaient bien souvent qu'une de mes chaussures raclait contre le mur, ou bien un de mes coudes qui heurtaient une vitrine.

Toutes les armes avaient un aspect mythique. Elles étaient incrustées de pierre précieuse, des runes étaient inscrites sur les lames. Il y en avait de toute taille. Les pommeaux étaient faits d'or ou de métaux encore plus précieux venant d'autres planètes. Un carquois avait une lanière faite d'une sorte de fils sombre. On aurait dit de l'ombre à l'état pur. Un poignard avait du vide entre deux bouts de sa lame. Pourtant, la lame à l'extrémité ne tombait pas. Un bident complètement noir, avec des reflets violets, ne me semblait pas affûté, pourtant, je savais qu'au fond de moi, il pouvait rentrer en nous, comme un couteau dans du beurre.

Il y avait encore du sang sur certaines lames. D'autres ne semblaient pas ne jamais avoir servi.

J'étais fasciné, j'ignorais où je me trouvais. Mais s'était certainement l'endroit qui m'ébahit le plus dans ma courte et misérable vie. Chaque objet semblait raconter une histoire.

Mes pieds me guidèrent, comme attirés par la gravité, vers un présentoir. Mes yeux rencontrèrent alors deux lames, toutes deux aussi belles l'une que l'autre. Elles ne semblaient pas ne jamais avoir servi toutes deux. L'une était blanche avec des reflets chauds, son pommeau était à l'inverse noir et irrégulier, comme si du verre le constituait. Cette lame me rappela la chaleur, le courage, la fierté... Des souvenirs que je ne m'étais pas remémoré depuis longtemps refirent surface. Ces pensées étaient comme attirées par l'épée. Mon attention se tourna vers la deuxième. Elle était entrecroisée avec la blanche. Celle-ci était noire, comme le vide, sa lame se fondait parfaitement dans le mur noir. Des reflets bleu clair croisaient la lumière qui se reflétait dans la lame. Tout comme sa jumelle, cette épée avait un pommeau de la couleur opposé, tout aussi irrégulier, comme fait de verre. L'amour, le réconfort, la sécurité... Tout comme précédemment d'autres souvenirs me submergèrent.

Ces épées étaient spéciales. Elles tentaient de me rappeler des moments positifs. Comme m'incitant à me concentrer sur ce qui comptaient. Elles avaient leurs propres consciences. Cette évidence me figea. Je ne pris pas peur. J'étais seulement stupéfaite. Elles m'appelaient. Je tendis ma main contre mon gré. Comme pour essayer de traverser la protection qui me séparait d'elles.

Alors que ma main était comme attirée par les épées. Mon attention se focalisa instantanément derrière moi. On m'observait. Un regard fixait mes faits et gestes. La connexion que j'avais soudain ressentis avec les épées se brisa, je me retournai.

Des yeux bleus mélangés à de l'ombre me scrutèrent. Se questionnant sur la présence de la folie en moi. Je l'avais oublié. J'avais oublié qu'à la base, ma priorité était de fuir quelqu'un. Blake.

Il s'avança, ne disant toujours pas. Il se tenait sur ses gardes, prêt à toute éventualité. Heureusement pour moi, il était revêtu de l'uniforme. Il scruta à mes côtés les deux épées. Essayant de comprendre leur mystère. Elles ne semblèrent pas lui parler, comme avec moi.

- Tu m'as suivi ? Lui demandais-je enfin en bisant le silence.

Être à ses côtés de cette façon me sembla naturel. C'était étrange. Sa mâchoire se serra, comme déranger par ma prise de parole. Son regard bascula sur moi. Il me toisait de toute sa hauteur. Je ne lui arrivais qu'au cou, à peine.

- Comment es-tu arrivé ici ? Seules les premières générations arrivent à trouver cet endroit d'eux-mêmes... Lâcha-t-il enfin

Son regard exprimait de la curiosité, comme fasciné parce que j'étais capable de faire.

- Sérieusement ? Dès que l'on parle avec un de vous. Les premières générations : « L'Élite », ironisais-je. On revient toujours sur votre statut dont vous êtes si fier. Vous n'avez absolument rien fait pour en venir là. Vous n'avez aucun mérite. Vous êtes privilégiés depuis votre naissance, quand nous à côté devons réussir à garder la tête hors de l'eau pour ne pas flancher !

Je ne m'étais pas rendu compte que ma voix avait fini par hurler ce que je pensais au fond de moi. Ces paroles, je les ai ruminées toute la journée.

Les extrémités de ses lèvres se levèrent, lâchant un sourire que je n'avais jamais vu orner son visage. Un sourire sincère.

- Tu es la première à exprimer ces injustices. La première à dire tout haut ce que tu penses devant une première génération. Ce que tu ne comprends pas, c'est que le monde est injuste. Alors que certains devront se contenter toute leur vie de rafraîchir l'air, moi, je pourrais créer un tsunami, créer de la glace et respirer sous l'eau !

Sur ces paroles, de l'eau se rassembla dans sa main créant ici des formes géométriques, puis il fit geler le tout.

- Le monde est injuste, j'en conviens. Mais ces rapports d'écart sont entretenus par les jeunes, les étudiants. C'est-à-dire nous. On peut détruire les stéréotypes. J'en suis sûr. Si seulement l'idiot de Torcyne n'existait pas...

- Tu ne le connais pas, tu ne sais pas ce qu'il a dans la tête et ce qu'il a vécu, le défendit-il aussitôt (il me jeta un regard furieux.). On pense que faire partir de « l'Élite » est facile, mais en réalité, c'est plus un fardeau qu'autre chose. On doit être parfait sans cesse, ne pas décevoir les autres. De plus, les autres se servent de toi sans arrêt...

Sa voix trahissait un mélange de tristesse et de mélancolie. Ces révélations me coupèrent le souffle. Mais une évidence venait à mes yeux, bien évidemment que les autres premières générations avaient vécu la même chose que moi. Les gens sont malhonnêtes, calculateurs. On ne peut les éviter. Je n'ai pas réussi à les contourner évidemment que Blake a échoué, tout comme moi.

- Je comprends... Chuchotais-je

- Tu ne peux pas comprendre, tu ne l'as pas vécu. Cette peur de sortir de chez soi, l'absence de courage de se lever, se stresse mental...

- Je comprends bien plus, que tu ne le pourrais imaginer. Je connais toutes ses épreuves.

Je me mordis la lèvre. J'ai failli révéler qui j'étais. Seulement pour consoler quelqu'un. Il fallait que je me re saisisse. Lui aussi l'avait fait apparemment. Toute trace d'émotion avait disparu dans son regard et dans sa respiration.

Il se racla la gorge.

- Tout cela est sans importance, et n'explique pas comment tu as pu rentrer en ce lieu.

J'étais à court d'idée, pour changer l'axe de la conversation. J'étais en quelques sortes piégé. Sa voix était claire. Il s'avançait d'un pas déterminé vers moi. On peut donc dire que le moment d'émotion est complètement clos. Je regardais derrière moi, un mur approchait dangereusement au fur et à mesure que je reculais.

- Tu caches quelque chose, et je vais le découvrir, me menaça-t-il

Mon dos heurta le mur plus vite que je l'aurai cru. Ses pieds se trouvaient maintenant un moins d'un mètre de moi. J'étais coincée. Sa mâchoire était complétement serrée. Il était furieux, furieux de s'être dévoilé devant moi.

- Tu me le diras d'une façon ou d'une autre.

Sa main s'avançait vers mon cou, comme curieuse. Son regard avait changé une nouvelle fois. Je compris ce qu'il vit grâce à un reflet d''une vitrine. Mon col de chemise s'était baissé, laissant apparaître des marques marron. Bien plus foncé que ma peau. Une cicatrice à ma gorge. Une cicatrice causée par un étranglement.

- Qu'est-ce que... s'interrogea-t-il.

- S'il te plaît... Lui suppliais-je.

- Ciaeron ! L'interpella une voix derrière lui.

Oh, merci, les dieux, Maxime s'avançait à travers la pièce. Blake s'écarta de moi. Comme surpris de sa découverte. Son regard était toujours aussi stupéfait et fixé sur ma gorge. Que je m'empressais de masquer avec mes cheveux.

- Si elle est là, c'est grâce à moi. As-tu oublié que c'est ma cousine ?

Maxime n'était pas aussi grand que Blake, mais son assurance contrastait avec l'étonnement de Blake. Il fit barrage entre moi et Blake. J'étais à bout de souffle. L'air était chargé de tension et tous les deux faisaient face.

- Tout s'explique alors... songea-t-il.

Il semblait toujours aussi dubitatif, par rapport à cette explication soudaine de ma présence ici. Mais ne posa aucune question.

- Eh bien, tu diras à ta chère « cousine » que c'est le couvre-feu, reprend-il sur ton moqueur.

Alors qu'il opérait un demi-tour, quittant la salle. Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il me faisait de la peine. Je le vois maintenant sous un autre jour. J'ai percé l'une de ses nombreuses barrières un peu plus tôt. Il est brisé. Aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, se réfugiant sous un masque de nonchalance et d'insensibilité. Comme moi en vérité. Seule une minorité de personnes ont réussi à voir l'intérieur de moi-même. 5 en vérité. Thaïs, Théo, Asher, Nyko...

Et Ambroise...

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