XXXII. Overdose - (1/2)

Dursun s'étira dans le lit. Dans la salle de bain, mitoyenne de cettet chambre, elle entendait des bruits d'eau. Dënea devait s'ébattre. Elle sourit. Elle s'imaginait rejoignant sa partenaire et remettant un service. Cette nuit avait été décevante, elle n'en avait pas eu assez. Dënea était montrée distante. Elle se leva. Des yeux, elle chercha de quoi se couvrir. Elle n'était pas chez elle, ses affaires étaient dispersées sur le sol. Et elle ne vit aucune trace d'un peignoir. Sa partenaire avait dû le prendre. Mais après tout, elle envisageait de finir le bain en sa compagnie, elle n'avait pas besoin de s'habiller.
Toujours nue, elle sortit dans le couloir et se dirigea en boitillant vers la porte de la salle de bain.

— Dënea ! J'arrive ! cria-t-elle.

Elle ne reçut aucune réponse.

Elle tourna la poignée. La porte ne bougea pas. Dënea avait poussé le verrou. Voilà qui ne lui ressemblait pas.

— Dënea ! Tu m'ouvres.

Dënea resta silencieuse. Le battant était épais. Elle n'avait peut-être pas entendu. Elle répéta sa demande.

— Laisse-moi tranquille !

Elle ne s'attendait pas à cette réaction.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Tu oses demander ce qui se passe !

Dursun se figea.

— Tu as changé ! reprit Dënea. Tu n'es plus cette jeune femme avec qui je me suis mise en ménage il y a quelques mois.

— J'ai grandi. Je suis une adulte maintenant.

— En plus, ce n'est pas ton coup d'essai. J'ai appris que tu avais abusé de Serlen aussi.

— Je me suis excusée.

— Et tu crois que des excuses suffisent pour ça !

Dursun sentit les larmes lui monter aux yeux.

— Dënea. Je t'en prie. Ouvre-moi.

Elle n'obtint plus aucune réponse. Si elle avait eu la carrure de Naim, elle aurait pu envisager d'enfoncer la porte. Avec sa petite taille et sa musculature de moineau, cette option était inapplicable. Heureusement, il lui restait une solution.

— Tu n'es pas la seule qui a des vues sur moi, lâcha-t-elle d'un ton blessant.

— Va la retrouver alors !

Dursun hésita un moment. Elle retourna dans la chambre.D'un coup d'œil circulaire dans la pièce, Elle trouva ce qu'elle voulait négligemment posé sur le fauteuil. Elle prit la ceinture que lui avait offert Doragen, quelques douzains plus tôt. Sur la face intérieure, une poche secrète permettait de cacher des petits objets. Elle en tira six gélules. Il ne lui en restait plus beaucoup, il allait falloir qu'elle se réapprovisionnât. Elle n'avait pas vu la concubine depuis ce dernier cadeau, mais elle connaissait la localisation de sa suite. Elle hésita en voyant les doses, semblables à des bonbons, posées dans sa main. Une seule lui faisait un effet incroyable. Trois devaient faire encore plus d'effet. Elle en rangea la moitié et avala les autres qu'elle fit passer avec un verre d'eau puisé sur la carafe posée sur la table de nuit.

Dënea écouta avant de quitter la salle de bain. Elle ne percevait plus aucun bruit. Pourtant elle n'avait pas entendu Dursun sortir. Elle avait pu la rater, elle-même faisait beaucoup de bruit pour couvrir ses paroles. Par précaution, elle s'enveloppa dans une serviette. Puis prudemment, elle ouvrit la porte. Dursun était toujours là, allongée nue sur le lit. La chanceuse ne réagit pas à son entrée dans la pièce. En fait, elle ne réagissait pas du tout. Elle se contentait de garder les yeux grands ouverts, fixés sur plafond.

— Je crois qu'il faut que nous prenions du recul tous les deux.

Dursun ne répondit pas. Toujours immobile.

— Dursun, nous faisons partie de la même faction. Et je me rends compte que tu en es un membre important alors que je ne représente qu'une pièce rapportée. Nous serons donc amenées à nous croiser fréquemment. Mais plus dans l'intimité. Tout au moins dans un premier temps. Tu n'es plus la Dursun que j'ai connue.

Devant l'absence de signes de vie de la jeune femme, elle s'approcha.

— Tu ne dis rien ?

Elle remarqua alors le léger tremblement du bras. Inquiète, elle posa la main sur son épaule et la secoua.

— Dursun ! Tu réponds.

Elle n'obtint pas davantage de réactions.

— Dursun, tu me fais peur.

Elle la secoua violemment. Elle devait se rendre à l'évidence, Dursun était partie. Elle respirait, son cœur battait, mais elle n'était plus là. De panique, elle se mit à hurler.

Les cris de la concubine attirèrent l'attention. La porte s'ouvrit brutalement, livrant le passage à Arsanvanague.

— Quoi il se passe ? demanda-t-elle.

La présence de la stoltzin rassura Dënea qui se calma. Elle désigna Dursun de la main. Arsanvanague grimpa sur le lit et se pencha sur la chanceuse. Elle l'examina rapidement, lui souleva les paupières.

— Elle ne respire presque plus, fit-elle remarquer.

Dënea resta paralysée, incapable de bouger. Soudain, le mouvement léger de la poitrine s'arrêta.

— Chercher aide, hurla Arsanvanague.

La concubine réagit. Précipitamment, elle quitta la suite pour chercher du secours. La stoltzin allongea le corps de Dursun, ôtant l'oreiller qui lui soulevait la tête. Puis elle s'accroupit à côté d'elle et commença à lui insuffler de l'air dans les poumons.

Deirane faisait les cent pas dans la salle d'accueil de l'infirmerie du palais. Dënea s'était assise dans un coin, le visage baigné de larmes. En état de choc, elle ne réagissait pas à ce qui se passait autour d'elle. Seule Arsanvanague paraissait avoir conservé ses esprits. Elle gardait les yeux fermés, donnant l'impression de dormir. Deirane ne comprenait pas ce qu'elle avait fait pour sauver Dursun, mais ça semblait épuisant. Même l'arrivée de Sarin ne la réveilla pas.

Deirane se rassit une fois de plus. Et une fois de plus, elle se releva. Puis se rassit. Puis elle se releva.

— Serlen, l'appela doucement Sarin.

Deirane ne lança qu'un rapide coup d'œil à la peintre.

— Serlen, recommença-t-elle plus assurée. Que s'est-il passé ? Pourquoi Dënea est-elle blessée aussi ?

— Blessée ?

Sous l'étonnement, elle réagit. Elle se tourna vers Sarin. Elle tenait le menton de Dënea dans la main, pour examiner son œil qui s'ornait d'un bel hématome violacé.

— Que t'est-il arrivé ? s'inquiéta Deirane.

Elle s'accroupit devant la concubine.

— Raconte-moi.

La douceur de Deirane ne réussit qu'à déclencher une série de sanglots.

— J'ai entendu elles se battre, expliqua Arsanvanague sans ouvrir les yeux, puis Dënea crier au secours.

— Dursun t'a battue ? s'enquit Deirane.

Elle enlaça la jeune femme. La façon dont celle-ci se raidit avant de s'abandonner à l'étreinte renseigna Deirane. Dursun avait fait plus que la frapper.

Quand le médecin entra, Deirane confia Dënea à Sarin.

— Alors ? demanda-t-elle d'un ton qui laissait transparaître son inquiétude ?

— Elle est tirée d'affaire.

— Merci. Merci mille fois.

La nouvelle entraîna une explosion de joie dans la pièce. Même Dënea parvint à esquisser un vague sourire.

— Je n'ai rien fait. En fait, c'est cette femme qui l'a sauvée.

Il désigna Arsanvanague de la main.

— Il faudra qu'elle m'explique comment elle a fait, je ne connaissais pas cette technique.

— Technique meliale, répondit-elle. Une autre technique pour le cœur.

— Madame, je voudrais bien qu'on parle sérieusement un jour tous les deux.

— Et Dursun ? s'enquit Deirane.

— Elle est forte et jeune. Son organisme a pu éliminer la drogue.

— La drogue ? s'étonna Deirane. Quelle drogue ?

— Ça, je l'ignore. On trouve un peu de drogue douce dans le palais. Certaines concubines se font même pousser un peu d'herbe dans un coin. Depuis peu, même le Seigneur lumineux s'y adonne de temps en temps. Mais là, c'est une autre affaire. Je n'ai encore rien vu d'aussi violent.

À l'annonce que Brun fumait, Deirane ne put réfréner un sourire. Très vite, son inquiétude vis-à-vis de Dursun l'emporta.

— Souffrira-t-elle de séquelles ?

Le médecin haussa les épaules en signe d'ignorance.

— Nous devrons attendre son réveil pour le savoir.

— Si je vous donne la drogue, intervint Dënea, ça vous aidera ?

— Vous l'avez ?

Deirane lança un regard hostile à Dënea.

— C'est toi qui l'as...

Dënea écarta l'accusation d'un geste désinvolte.

— Après que vous l'avez emportée, j'ai fouillé ses affaires. J'ai trouvé ça dans sa ceinture.

Elle sortit une gélule de sa poche de poitrine qu'elle tendit au médecin. Celui-ci la posa sur la paume de sa main et l'examina.

— Nous ne sommes pas capables de préparer ce genre de cachet. Et à ma connaissance, personne au monde ne le peut sauf les gems et les machines de Sernos. Ce produit est très rare et très cher en Orvbel.

— Rare et cher à quel point ? s'enquit Deirane.

— Entre deux et quatre cels la dose.

Tout en réfléchissant, Deirane se mit à marcher.

— À un tel prix, elle n'a pas pu s'en acheter beaucoup, même avec l'allocation que nous verse Brun. Est-il possible que son changement de caractère récent vienne de là ?

— C'est tout à fait envisageable, confirma le médecin. Certaines substances produisent cet effet. Je peux l'emporter pour vérifier quelque chose.

— Pas tout de suite.

— C'est important.

— Dans ce cas, faites.

Le médecin partit avec la drogue, abandonnant les trois concubines. Deirane reprit ses réflexions.

— C'était la seule gélule ? demanda Deirane à Dënea.

— La ceinture en contenait trois.

Deirane lui tendit la main. Dënea déposa dedans les deux dragées qui lui restaient. La concubine les examina.

— Donc ces petits bonbons coûtent entre deux et quatre cels. Dursun ne peut pas sortir du harem pour en acheter. Et le trafiquant ne peut pas y entrer. Quelqu'un l'a donc fait pour elle, ce qui augmente encore le prix de la dose. Mais elle devait pour cela connaître l'existence de ce genre de produits pour s'en procurer. Donc quelqu'un lui a donné au moins la première. Mais qui ?

— Ces derniers mois, Dursun est passée entre de nombreux bras, fit remarquer Sarin.

— Mais ce n'était que des expériences sans lendemain, objecta Deirane. Sa première relation sérieuse c'est avec Dënea. Les autres ne représentaient que des passades. Comment une amante occasionnelle a-t-elle pu accepter de sacrifier une dose d'un produit si cher pour une simple aventure d'une nuit ?

Deirane referma la main sur la drogue.

— Tu penses que c'est volontaire ? Que quelqu'un l'a droguée pour la rendre dépendante ?

— C'est mon opinion.

— Pourquoi ?

— Il est possible qu'un trafic se développe dans le harem.

— Si c'était le cas, le médecin en aurait entendu parler. Dursun n'aurait pas été la première victime d'une overdose.

— Il faut une première fois à tout, pontifia Deirane. Mais il reste une deuxième hypothèse, on cherche une fois de plus à m'atteindre à travers Dursun. Peut-être en me poussant à la chasser.

— Dursun est intelligente. Comment a-t-elle pu se laisser embarquer là-dedans ? protesta Sarin.

— Dursun est magnifique. Et chaque jour la rapproche du moment où Brun la prendra dans son lit et la dépucellera.

— Elle en parle souvent, confirma Dënea. Et ça l'angoisse.

— La première nuit que j'ai passée avec Brun, j'étais droguée, expliqua Deirane. Elle a peut-être voulu m'imiter. Et quelqu'un en a profité.

— Qui ? demanda Sarin.

— Qui s'en est pris à nous depuis que je suis arrivée dans ce harem ?

— Larein ? Mais elle est morte !

— Mais sa faction existe toujours.

— Terel n'est pas assez intelligente pour monter un tel complot, fit remarquer Dënea.

— Terel, non. Mais elle connaît ses limites. Elle a très bien pu se faire conseiller.

— Et si tu te trompes, si Terel n'y est pour rien.

— On va savoir très vite si c'est le cas. Vous, vous restez surveiller Dursun. J'y vais.

— Tu y vas seule ? objecta Sarin.

— Elle ne peut rien me faire alors que la réciproque n'est pas vraie.

D'un pas décidé, Deirane quitta la salle d'attente de l'infirmerie. Un eunuque de faction dans le couloir lui emboîta le pas.


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