Chapitre I, Partie I : Aiguiser ses armes

PREMIÈRE PARTIE 


Je suis Alena Kan-Gelane, reine de l'Elément-Clan Gelane.

Ces mots flottent dans mon esprit comme des nappes de brume sombre. Je tente de m'y raccrocher, mais ils glissent entre mes doigts intangibles. 

Je suis Alena Kan-Gelane, reine de l'Elément-Clan Gelane.

Astranis, l'immense cité du Clan Falune, s'élève à l'horizon. Ses nombreuses tours crénelées m'évoquent des colonnes couronnées de dentelle rouge qui jaillissent de hauts murs fortifiés. Derrière moi, j'entends des soldats Falunes pousser des exclamations de joie. Ils rient en se tapant cordialement dans le dos, excités à l'idée de rentrer au bercail et de retrouver leurs familles après leur troisième campagne militaire.

En ce qui me concerne, la vue s'avère plus que sinistre.

Astranis sera ma prison pour la nuit.

Mais surtout, elle sera mon tombeau demain.

Mon corps me semble infiniment lourd. Ce n'est guère à cause du poids des chaînes, bien que conséquent, qui entravent mes poignets et mes chevilles.

Ce n'est pas non plus à cause de la chaleur accablante qui règne sur les terres arides de mes ennemis. Le soleil couchant n'est plus qu'un timide arc de cercle derrière la courbe sanguinolente des dunes du Désert Rouge. Cette interminable journée caniculaire est sur le point de s'achever.

Tout comme ma vie.

Ma dernière journée dans ce monde à demi ravagé touche à sa fin.

Je suis Alena Kan-Gelane, reine de l'Elément-Clan Gelane, et à l'aube, je vais mourir.

Si on vous a dit que les Gelanes n'éprouvaient pas la peur de la mort, on vous a menti.

Pourtant, je n'en montre rien. Mon visage est un masque de glace impénétrable.

Le cheval alezan sur lequel je suis juchée piaffe d'impatience. Mes chaînes sont attachées à sa selle et ses rênes sont tenues par mon geôlier qui progresse à ma droite sur son propre destrier. 

Je ne connais guère le nom de ce colosse au visage rude sillonné de balafres et, en toute franchise, je m'en contrefiche. Son mépris à mon égard est manifeste : il ne m'a pas adressé la parole une fois de toute la journée. Son regard noir s'emplit de répulsion lorsqu'il croise le mien, c'est-à-dire rarement. Il s'est contenté de me donner des ordres muets en esquissant des signes de la tête ou de la main et de me tendre de temps en temps une gourde remplie d'eau tiède  pour que je ne me déshydrate pas pendant la route. Ce n'est pas par bonté d'âme : son devoir est de me ramener vivante à Astranis et confronter mon cadavre à la populace ferait probablement mauvais genre...  

Il s'agit d'un officier de l'armée ennemie. Je n'ai pas la moindre idée de son rang militaire puisque son équipement ne comporte aucun insigne. Comme tous les Falunes, il arbore une peau mate et des cheveux sombres. Les siens sont tressés et décorés de perles en bois gravées de runes traditionnelles. Ses oreilles sont percées de cinq anneaux en or chacune. La signification de ces bijoux est excessivement morbide : ils prouvent que mon geôlier est un combattant vétéran qui a tué cinquante ennemis... minimum, car je ne peux pas voir s'il a d'autres piercings de ce genre sur le corps. Des guerriers Falunes comptabilisent également leurs victimes à travers des tatouages représentant des rigoles pourpres. Ces pratiques triviales m'ont toujours fait froid dans le dos.

Il devrait crever de chaud sous son armure cuivrée au plastron frappé du soleil emblématique de son Clan, mais tous les Falunes sont naturellement immunisés contre la chaleur et le feu. A l'instar de ses frères d'armes, il n'a donc pas sécrété la moindre goutte de sueur aujourd'hui, contrairement à moi qui suis en nage, plusieurs parcelles de ma peau claire rougie par le soleil impitoyable de ce maudit désert. Les vêtements blancs qui m'enveloppent quasiment tout le corps n'ont fait que limiter les dégâts. Je supporte mal la chaleur et le soleil, je n'y suis pas habituée. J'ai failli m'évanouir à trois reprises sur ma selle aujourd'hui. Dans mon royaume au bord de l'océan, les conditions climatiques sont totalement opposées à celles que j'endure présentement : les étés sont frais et humides, les hivers extrêmement froids. Le littoral est toujours venteux. A l'intérieur des terres, nos plaines sont recouvertes d'un manteau de neige huit mois dans l'année.

Tandis que nous arrivons à une centaine de mètres des portes des remparts d'Astranis, j'aperçois un cavalier qui galope en sens inverse par rapport aux soldats qui nous précèdent. Un autre officier, sans doute. Il vient de l'avant-garde. Il longe la longue colonne de métal rouge qui se déplace. Il dédie un signe d'invite à mon geôlier qui entraîne mon cheval dans sa direction sans l'ombre d'une hésitation. Mon cœur fait une embardée en même temps que ma monture qui s'élance au galop pour suivre le rythme du cavalier chargé de me surveiller. 

Nous nous détachons du corps de l'armée et remontons rapidement la procession militaire sous le regard intrigué des fantassins Falunes qui continuent à avancer au pas vers leur cité.

De plus en plus nerveuse, je me répète en boucle comme pour m'en convaincre :

Je suis Alena Kan-Gelane, reine de l'Elément-Clan Gelane.  

Puis je le distingue, lui.

Mon pire ennemi.

Mon bourreau.

Mon futur époux...

Et mon futur assassin.

Perché sur son imposant cheval de guerre caparaçonné dont la robe rousse rappelle la couleur du feu, le roi de l'Elément-Clan Falune, j'ai nommé le tristement célèbre Sylvan Ren-Falune, s'apprête à franchir les énormes portes ornées de lapis-lazulis à la tête de son armée de trois mille soldats.

Il va présenter à son peuple sa prise de guerre et, accessoirement, sa fiancée.

Moi.

Je ne sais pas à quoi il ressemble, car jusqu'à présent, je l'ai toujours vu avec son terrifiant heaume en forme de tête de dragon enfoncé sur le crâne. Il a beau être assis sur sa selle et engoncé dans son armure noire et or, on devine son impressionnante carrure. Il parait presque aussi grand et musclé que mon geôlier. Il ne m'a pas dit un mot, lui non plus, même lorsque ses rustauds d'hommes m'ont capturée dans la salle du trône du palais d'Océanar sous ses yeux dissimulés derrière les fentes de son heaume. Sa cape en soie rouge vif repose sur la croupe de sa monture comme un étendard sanglant, visible de loin. Le pommeau en or ouvragé de son épée de maître dépasse de son baudrier.

Je hais viscéralement l'homme – ou le démon sans âme et sans cœur – qui se cache derrière le métal qui réverbère les ultimes rayons d'un soleil à l'agonie.

Et il me terrorise tout aussi viscéralement.

Mon geôlier ralentit à quelques mètres de son roi, obligeant mon destrier à faire de même, et incline la tête vers lui pour le saluer. Je m'étonne vaguement de constater que Sylvan lui rend son geste respectueux. Avant de pivoter son heaume doré imitant une gueule écailleuse de dragon et surmontée d'une paire de cornes en ivoire dans ma direction. Abrité derrière son casque, il me fixe en silence. Les sourcils froncés, je garde mon regard braqué sur les fentes derrière lesquelles les yeux du despote assassin me scrutent... en m'efforçant de ne pas lui dévoiler la frayeur qu'il m'inspire.

– Daegan, dit une voix profonde quelque peu déformée par le heaume.

– Oui, Majesté ? s'enquiert mon geôlier.

– Tu sais ce que tu as à faire.

Daegan acquiesce en se renfrognant.

Déesse de l'Océan, je n'aime pas cela du tout...

Mon geôlier tire sèchement sur mes rênes, forçant mon cheval à se rapprocher du sien. Je me tends comme un arc en réprimant les tremblements qui agitent mes jambes. 

Daegan se penche en extirpant une clé de la poche de son pantalon et retire mes chaînes aux chevilles, puis aux poignets. S'il était seul, en théorie, je pourrais tenter une évasion. Mais il ne l'est pas. Je suis cernée par des milliers de soldats. La fuite n'est pas une option envisageable dans ma situation délicate.

Je frotte mes poignets endoloris écorchés par les fers sitôt qu'il m'en libère. Enfin, libérer est un bien grand mot. 

En effet, j'arbore toujours l'épais collier en or ensorcelé qui a pour propriété de neutraliser ma ô combien dangereuse Magie élémentaire ! Un artefact ancien, légendaire et unique en son genre crée par un cercle de magiciens un siècle auparavant, perdu, oublié, mais soit-disant miraculeusement retrouvé par Sylvan lors d'une chasse aux trésors dans un temple en ruine parsemé de pièges mortels. 

Je ne crois pas à cette version. 

Il a dû poignarder quelqu'un dans le dos pour lui dérober cet objet de pouvoir.

Le roi des Falunes a eu recours à certaines précautions d'usage à mon égard, ce qui était prévisible. Il avait déjà effectué la démarche préventive du collier en séquestrant ses précédentes épouses. Lia, la fille de Cyriel Ler-Voline et Belise, la sœur d'Idric San-Tilone. 

Cette lamentable parure a été portée par deux princesses avant moi. Désormais mortes. Cette simple idée propage des frissons le long de mon épine dorsale.

Mon geôlier me lance un regard plein de dédain.

  – Déshabille-toi avant d'entrer en ville, traînée blanche, exige-t-il d'un ton péremptoire.

J'écarquille les yeux, abasourdie par sa sommation.

Révérée déesse, je vous en prie, dites-moi que j'ai mal entendu.

Mon regard débordant d'incompréhension se reporte sur mon... mon futur époux. Sylvan m'observe à distance, telle une statue noire et or en acier qui scintille sous les flambeaux piqués sur les remparts.

– Obéissez ou je vous garantis que vous le regretterez, Alena, menace tout bas le roi des Falunes avec une froideur polaire.

Spontanément, avec une vulgarité seyant mieux à une paysanne qu'à une reine, je crache dans sa direction. Mon offense visqueuse loupe son heaume et atterrit sur son genou – c'est toujours cela de pris.

Daegan lâche un rugissement colérique et lève un poing massif pour me cogner la figure, mais Sylvan le stoppe net d'un geste vif de la main droite. Le poing de mon geôlier se fige dans les airs à dix centimètres de mon visage. 

 – Interdiction formelle d'abîmer ma fiancée avant le défilé, Daegan ! aboie le souverain en essuyant son genou taché de salive d'un revers de gant en cuir. Ne me rends pas plus impopulaire que je ne le suis déjà auprès de mes sujets. 

Impopulaire auprès de ses sujets ? Depuis quand se préoccupe-t-il d'être populaire ou pas ? Tout le monde sur Symbiose le déteste, avec raison !

 – Mais c'est une furie, Majesté !

 – Je ne m'abaisserais pas à faire molester une prisonnière. Elle est notre ennemie, mais elle est aussi ma future reine.

 – Votre future reine le temps d'une nuit, ricane Daegan en me jaugeant méchamment.

 – Toi, en revanche, tu conserveras l'envergure intellectuelle d'un cafard toute ta vie, je réplique d'une voix mordante. 

Mon geôlier gronde en retroussant les babines dans un rictus féroce, pareil à un cabot enragé. Je lui dédie un petit sourire moqueur.

– Alena, je vous accorde une minute pour enlever tous vos vêtements, ordonne calmement Sylvan. Si vous ne coopérez pas, je dirais à Daegan de le faire lui-même et il ne vous ménagera pas, croyez-moi.

Mon sourire s'étiole. Je blêmis. Il ne plaisante pas, évidemment.

– Qu'allez-vous... ( Je déglutis pour humidifier mon gosier asséché. ) Qu'allez-vous faire ? je demande avec appréhension.

Me violer en public ? Me jeter en pâture à ses hommes ?

Il ne me répond pas. Il pianote sur le pommeau de sa selle avec une pointe d'impatience. Mon angoisse augmente d'un cran.

Hélas, je n'ai pas vraiment le choix.

Je possède quelques vagues notions de combat grâce à mon frère, un guerrier, mais je ne suis absolument pas de taille à me défendre face à Sylvan et ses chiens du désert et j'en suis consciente.

D'un mouvement mal assuré, machinal, je commence à me délester un à un de mes vêtements de voyage. J'ôte également mon turban ; ma chevelure argentée caractéristique des Gelanes, emmêlée à cause du sable, se déroule jusqu'à mes reins. Je sens le poids du regard de Sylvan, mais également des regards concupiscents de tous les hommes aux alentours. Des ricanements et des sifflements fusent dans mon dos. Bientôt, je me retrouve nue comme au jour de ma naissance sur ma selle, mes habits roulés en boule devant moi camouflant mon entrejambe. Par chance, mes cheveux  sont suffisamment longs pour couvrir une partie de mes seins. En revanche, les fantassins derrière moi jouissent d'une vue imprenable sur mes fesses.

Qu'importe. Ce n'est qu'un corps. Une enveloppe. Ce qui m'appartient à l'intérieur n'est pas exhibé. Ce que je suis est préservé. 

Mon précieux secret est intact, enfoui tout au fond de mon cœur qui palpite à toute vitesse.

Je fais abstraction des réflexions salaces et dégradantes qui accueillent mon effeuillage parmi les soldats. Je capte des bribes de mots obscènes ici et là dans mon dos. "Putain, elle a un de ces culs, la salope !" "Je la baiserais bien, moi, la reine Gelane !" "Ouais, ben pas moi, je suis sûr que sa chatte est aussi frigide qu'une caverne de glace". Le poing contracté sur ses rênes, Sylvan tourne brusquement la tête en direction des hommes qui m'outragent. 

Il n'a même pas besoin de les rappeler à l'ordre : ils se taisent à l'unisson en détournant les yeux. 

L'aura de violence et d'autorité qui émane de cet homme sanguinaire est écrasante. 

De nombreuses rumeurs sordides courent dans mon royaume sur son compte. L'une d'elle atteste que le roi décapite lui-même les soldats de son armée qui contestent ses directives ou lui manquent de respect en public. 

Ainsi que les déserteurs. Les tire-au-flanc. Les incompétents.

Tous ceux qui ne collent pas à sa vision étriquée des choses, somme toute.

Vraisemblablement, ces rumeurs sont fondées.

"La loi du plus fort règne sur ces terres brûlantes", m'a expliqué ma mère au début de la guerre qui a éclaté sur Symbiose six mois en arrière."Les Falunes ne raisonnent pas comme nous, ma chérie. Ils ont toujours été de redoutables guerriers. C'est certainement lié à leur tempérament de feu et à la nature de leur Magie élémentaire. Ils ne vivent que pour se battre et détruire. La plupart des parents Falunes placent une épée entre les mains de leurs fils dès leurs premiers pas et leur apprennent à maîtriser leurs pouvoirs. Ce sont des combattants aguerris. C'est pourquoi ce sont eux parmi les quatre Eléments-Clans que l'on envoyait dans la Forêt de l'Exil pour mater les Renégats. Malheureusement, leur nouveau roi Sylvan Ren-Falune a attisé leur soif de sang et de mort dès son accession au trône afin de servir sa propre soif de conquête, de pouvoir et de domination. Prions la Déesse de l'Océan de protéger notre peuple si Sylvan et ses armées décident de nous envahir à notre tour, ma chérie..."

Voilà où j'en suis à présent... Nue devant des centaines de spectateurs et captive du tyran qui a exterminé une partie des miens. Future souveraine éphémère des Falunes, condamnée à mort par son cruel époux le lendemain même de nos noces, contrainte à un mariage abject par les événements tragiques survenus au sein de mon royaume annexé. 

Pourtant, en dépit des apparences, je ne suis pas complètement résignée à mon sort. 

Daegan délivre les rênes de mon cheval à Sylvan. 

Il va me faire parader devant son peuple comme un trophée, je réalise, l'estomac noué.

Ma nudité affichée aux yeux de toute la ville est une démonstration de force. 

Une méthode exécrable destinée à m'avilir, m'humilier, m'assujettir et me déposséder de mon propre pouvoir de reine des Gelanes. Il montre ainsi à tout le monde ma position de faiblesse. Dépouillée de mes atours régaliens, je suis moins qu'une femme, moins qu'une esclave, moins qu'un animal : pour Sylvan Ren-Falune, je ne suis qu'un objet. 

Le fruit d'un pillage de guerre.

Dont il va se servir à sa guise.

Dont il se débarrassera sans broncher une fois qu'il aura légalement acquis le statut tant convoité de roi des Gelanes en m'épousant.

Il est né prince des Falunes. Lorsque son père est décédé il y a un an, en tant que fils unique, Sylvan est monté sur le trône par le droit du sang. 

Un jeune homme à la réputation discrète. Réfléchi. Taciturne. Réservé. 

A l'époque, du moins.

Ensuite, le masque des convenances est tombé et le dictateur sanguinaire s'est révélé au grand jour, suscitant l'incompréhension, la stupeur et l'horreur au sein de notre île qui était pourtant si prospère. Certains sceptiques disaient qu'il était possédé par l'âme d'un démon, d'autres qu'il avait été frappé de folie furieuse à la mort de son père. Plusieurs théories ineptes circulaient parmi la population au sujet de son radical changement de personnalité : envoûtement, malédiction, corruption... 

Pour ma part, je ne vois que le résultat de sa démence. Sur son passage, Sylvan sème la mort, le sang et la douleur. La désolation et le désespoir. 

Cet homme est un fléau vivant pour Symbiose.

Il a assassiné les rois et les héritiers mâles du Clan Voline et du Clan Tilone après avoir assailli leurs royaumes. L'une après l'autre, il a ramené les deux princesses héritières à Astranis afin de les épouser... avant de les faire exécuter le jour suivant. Actuellement, grâce à ses mariages officiels, il est le roi incontestable des trois autres Clans. Je suis son dernier tremplin  – ou obstacle, selon les points de vue  – pour pouvoir régner sur tout Symbiose. 

Les portes d'Astranis s'ouvrent devant nous avec une lenteur théâtrale.

Sur mon cheval, je redresse dignement le menton, les épaules et le dos. 

Mon regard droit devant moi. Mon expression impassible. Mon port altier.

Reine ou esclave, je reste avant tout une Gelane.

Je ferai honneur à la devise ancestrale de mon Clan.

"Face à son ennemi, un Gelane ne verse aucune larme,

Et jamais il ne renonce à brandir ses armes."

Je suis Alena Kan-Gelane, reine de l'Elément-Clan Gelane, et à l'aube, je vais mourir... 

Mais je suis bien déterminée à me battre avec mes armes jusqu'à mon dernier souffle.

Reste encore à trouver les armes je vais pouvoir utiliser contre Sylvan Ren-Falune.

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