Chapitre 28.


J'avais le nez plongé sur ma tablette, lisant les rapports que j'avais reçus de Peter. Fumant tout en les parcourant du regard, je savais que mon frère était encore avec Diego je ne sais où, alors j'avais du temps à dépenser.


— Maman.. Maman ! Pourquoi le soleil il brûle les yeux ?


J'arquais un sourcil, répondant sans même lever les yeux de ma tablette. Expliquant de long en large pourquoi. Rencontrant une nouvelle question aussi vite, j'y répondu tout en continuant de lire. Finissant par me figer en clignant des yeux, relevant lentement le regard de ma tablette pour y rencontrer deux billes d'un bleu profond.


Ok...

L'âge : tcheck.

Taille : tcheck.

Couleurs des yeux : Pas tcheck

Visage : Pas tcheck


Non non vraiment... C'est pas le mien ça.

Oups.



— Et pourquoi on voit pas le soleil en permanence ? Demanda sans se démonter l'enfant devant moi.


Je verrouillais ma tablette, fumant tout en lui répondant sans même chercher à me mettre au niveau d'un enfant de cinq ans. Laissant mon cerveau couler à travers mes lèvres alors que je voyais ses yeux pétiller d'intérêts. Devinant qu'il comprenait par lui-même tout mes mots. Il continua de me poser des questions, se complexifiant peu à peu, relevant le niveau pour le commun des adultes. Et mon sourire s'étira alors que je lui répondais. Abreuvant sa soif, lui expliquant, l'amenant à se demander d'autre choses... Y répondant encore et encore. Et sûrement oui que nous y passions des heures tout deux à parler. Lui me posant les questions, moi y répondant.

Priant juste pour que personne ne surprenne cela, sinon elle aurait l'air bien ma réputation de femme sans coeur tiens....


On parla de tout, de cette terre sous ses pieds à l'air nous entourant. Du passé au futur. Et je reconnaissais cela, je le reconnaissais pour en être aussi. De ce cerveau partant dans tous les sens tellement nous voulions tout comprendre.


Ce petit était du même sang que Peter ou moi. Un putain de gamin surdoué. Un putain de diamant brut.



— Lucas ! Qu'est ce que... Arrêtes d'embêter les gens !



Je détournais mon regard de l'enfant, perdant mon sourire pour fixer la femme s'amenant.



— En vérité il ne m'embête pas, et je suis ravie de répondre à ses questions. La vrai question est, comment vous, pouvez vous laisser votre enfant sans surveillance autant de temps ?



Une main vient se poser sur mon épaule, en une pression rassurante et je détourne le regard pour croiser le regard de Maikan.



— Je le surveillais de loin en vérité. Aucun enfant ne reste sans notre surveillance.

— Madame ! Madame !


Je reposais mon regard sur l'enfant, me penchant à sa hauteur alors qu'il me faisait signe d'approcher. Se penchant à mon oreille.



— On pourras encore parler ? Chuchota t-il



Je ne pus retenir un sourire de s'étirer, et je hochais la tête doucement. L'observant partir avec sa mère alors que Maikan prenait place à côté de moi. Je me rallumais une cigarette, sentant la question qui lui brûlait les lèvres.



— Oui. Mais vous l'aviez compris dès que j'ai répondu par réflexe non ? Répondis-je en soupirant. Seulement.. On le garde secret. Par sécurité, pour eux.

— Eux ?

— De faux jumeaux... Aylan et Mila... Le même âge que lui.. D'où ce réflexe. Il est surdoué c'est ça ?

— Oui. Et apparemment.. Il vous adore déjà. Personne n'arrive jamais à suivre la rapidité de ses changements de sujets... Tu commence à comprendre maintenant pourquoi ? Pourquoi pour lui, c'est toi que j'ai demandé en personne ?



Oui je commençais à comprendre. Sacré vieux loup... Tu m'avais bien eu.



— Tu préfère qu'on parle de tes horreurs plutôt que de tes actes les plus beaux. Tu n'aime pas qu'on te voit comme ça... Pourtant je comprends pourquoi ce vieux grincheux de Diego parle de toi avec tant de douceur. C'est quand tu te crois pas observé, avec des personnes innocentes que tu es la plus magnifique. Si le petit n'avait pas dû aller manger, je vous aurais laissé parler des heures encore... Parce vos sourires étaient vraiment magnifique. Oh d'ailleurs... Luc a dit que si tu le cherchais.. Il était dans notre salle de musique.



Je sursaute, attrapant ma tablette, allant pour partir en courant avant de me tourner vers lui perplexe.


— Je sais pas où c'est en fait... Ricanais-je avec gêne.



Il se met à rire doucement, se levant et m'accompagnant devant une petite salle. Et je devine à la mélodie en sortant qu'en effet mon frère est bien dedans. J'y entre aussi vite, le voyant suspendre ses gestes avant qu'il ne tourne la tête. Son sourire s'étirant en me voyant entrer. Je m'approche de lui, l'enlaçant en l'embrassant sur le front. Découvrant mon étuis posé sur le piano, je le fixe, ne comprenant pas ce qu'il fait là.



— Iblis l'a fait mettre dans la voiture avec le mien. Me réponds mon frère. Apparemment il savait qu'on allait en jouer. Il te connaît vraiment bien.



Ouais... Devinant avant moi comment je réagirais...

Flippant.



— Tu vas vraiment te faire prier ? Ricane Luc.



Je sursaute, clignant des yeux avant de me détacher de lui, me dirigeant vers mon étuis. Allant le poser plus loin pour en sortir mon violon.



Mon violon, ce cadeau que m'avait fait Luc quelques mois après mon arrivée chez les Gomorra. Aussi noir que nos cheveux, mais mon dragon gravé en rouge dessus pour marquer à jamais son appartenance. Comme une continuité de mon corps. Mon violon, que j'avais depuis mes dix-sept ans... Dont j'allais jouer ici.



Cela me faisait vraiment étrange je le reconnais.


[Morceau d'inspiration : Canon in D (Pachelbel) - Violin & Piano ]



Je le prends, m'avançant vers Luc, lui souriant alors qu'il se met à jouer. L'admirant alors que je vois son corps se détendre en même temps que les notes s'élèvent. Le soleil venant faire briller la poussière en suspension dans les airs, rend l'atmosphère encore plus magique. Et je me positionne, souriant en fermant les yeux, laissant mon archer danser sa valse sur les cordes.


Sentant la douceur de l'instant se répandre dans toute mes veines. Sentant la chaleur de son étreinte.


Laissant la mélodie susurrer cette douceur au creux de l'oreille de l'univers, nous nous perdons sur nos instruments. Baissant tout nos remparts pour juste parler à nos souvenirs. Se racontant nos rires et notre amour tout en se répondant entre son piano et mon violon.


Et je peux voir son sourire grandir comme le mien, je peux deviner nos visages alors même notre mélodie raisonne.


Comment me lasser de cela ?


De cette énergie que tu fais naître en moi au sons de tes notes ?


Comment cesser un jour de faire raisonner mon âme quand tu peux l'entendre si facilement ? Qu'importe la distance, qu'importe nos silences... Ce son nous unissant était notre façon de communiquer.



[Musique d'inspiration : Baroque Reinvention. David Garett ]



J'ouvre les yeux, sentant ce sourire carnassier sur mes lèvres alors même que je le vois sur les siennes. Ma posture changeant et il rit tout en commençant de jouer.


Putain oui.


Oui.


Faisons exploser tout ça.


Que personne puisse ignorer nos cris.


Et je saute tout en commençant de jouer avec lui, sentant mon souffle s'emballer. Entendant mon rire alors que son piano vient accompagner mon violon. Vient l'enlacer, le relever...


Putain oui.


Oui.


Sentant chaque particule de mon corps exploser d'un bonheur pur alors que je fixe mon frère.


Repartant à l'assaut tout en riant, laissant la folie s'emparer de mon corps.


Ne sachant même pas si je respire ou si je retiens mon souffle, juste focalisée sur le regard de mon frère.


Putain ouais.



Entends ça.


Entends chaque chose. Chaque putain de mot d'amour que j'ai juste pour toi.



Entends ce qu'on est putain.



Encore putain encore !


Plus fort ! Plus fort putain.


Que ce putain de monde sache ce qu'on est !


Hurle avec moi. Hurle, toi l'éternel homme de ma vie.


Et je ris tout en jouant, mon corps aussi tendu que mes cordes... Riant avec lui.


Nous laissant happer encore plus profondément dans notre musique.



Putain ouais.


Entends comme mon coeur bat fort putain.



Encore putain.



Je le fixe, la respiration saccadée et il se lève du piano. Marchant avant d'aller ouvrir son étuis. Se redressant en positionnant son violon, l'archer prêt à s'abattre alors que je le fixe avec hâte.



— Faisons cela alors... Déchaînons nos passions. Murmure t-il en me fixant.



Oui .


Oui.


Ça bouillonne en moi.



Je regarde passer perplexe une adolescente blonde, venant prendre au piano. Elle nous regarde enfin, haussant les épaules.


— Allez-y, je tenterais de suivre. Je suis Maureen, et c'est mon piano... Du coup..

— Tu vas en chier. Riais-je. Testons cela pour toi... Paganini.. Caprice 24



Luc ricane et je hausse innocemment les épaules. Un sourire narquois sur les lèvres.



— Tu t'en souviens au moins ?

— Oui oui... Qu'attendons nous pour plonger ?



Je ricane, me mettant en position, entamant aussi vite les hostilités. Un sourire carnassier s'étirant sur nos lèvres alors qu'on s'approche l'un de l'autre tout en jouant parfaitement synchronisés.


Et je laisse aller ma tête en souriant au son de la douceur de son violon, mon regard venant luire de provocation alors que je rattaque le morceau avec rapidité. Me léchant les lèvres.


Nous tournant autour tout en jouant, oubliant bien le reste de l'univers dans les yeux l'un de l'autre.


N'écoutant que les mots de l'autre à l'instant précis. Sentant notre corps se disperser aux sons des notes.


Et nous pourrions voler sur le dos des étoiles que cela nous ferait le même effet. Nous nous sentons totalement libre, nous fixant et riant tout en reprenant avec force.


Sentant trembler la terre sous nos notes, sentant gronder le ciel de nos menaces.


Riant bien de ce qui nous attends.


Dansant autour de lui alors qu'il ne me lâche pas du regard.


Cette impression ne nous lâchant pas que jouer ici c'est comme si nous étions encore ces gosses insouciants.


Quand nous avions le monde à conquérir. On croyait à tout. On avait peur de rien.


Et là.


Regarde nous putain.



Nous dansons sur le toit du monde. Nous dansons sur la tombe de nos ennemis. Nous n'avons toujours peur de rien. Parce que nous sommes tout en ce monde.


Ces terres avaient vues naître deux enfants innocents, nous y revenions en deux dragons surpuissant...


Tu le sens n'est ce pas ?



Je ris avec lui alors que nous finissons le morceau. Et je le vois froncer les sourcils en regardant derrière moi. Je me tournes, perplexe, clignant des yeux sans comprendre ce que fait ce petit là... Encore une fois.


Et comme un besoin de vérifier, je relève mon violon. Me mettant en position, fixant l'enfant tout en me mettant à jouer ce morceau qu'avait joué mon frère. Jouant à mon tour Copper and Tin.


Fermant les yeux tout en laissant couler toutes mes émotions, toutes nos douleurs, tout nos non-dits...


Repensant à toutes ces choses qui continuaient de nous faire mal. Repensant à Léone. Repensant à ce gâchis de vies qui se croisent sans oser se toucher.


Et je laisse mon violon hurler mes larmes, je laisse ma mélodie transcrire ma douleur muette.


Oubliant de nouveau le monde qui m'entoure.


Espérant bien que les choses finiront par s'améliorer. Que les coeurs s'ouvriront.



Lorsque je rouvres les yeux, Luc a repris place au piano. Me fixant et je referme les yeux, me mettant à jouer la sonate numéro 9 de Beethoven.


Laissant nos douleurs exploser, ce dialogue là se faire.


Puis mon sourire reviens, et je rouvres les yeux en fixant l'enfant devant moi. Jouant sans le lâcher du regard. Absorbant ses réactions tout en laissant les miennes couler sur le violon.


Riant silencieusement en le voyant totalement plongé dans la mélodie. Pouvant sentir son coeur battre au rythme de notre mélodie, alors même que son âme semblait prendre vie au son de mon violon.


Putain


Putain de merde


Tu le sens aussi Luc ?


Regarde putain.


Regarde le putain.


Regarde son âme en tempo avec tes notes, regarde son coeur battre au son de nos notes.


Regarde le respirer notre air, comme si c'était une évidence telle pour lui.


Imagine putain.


Imagine le putain dans quelques années.



Oui.


Tu avais raison Maikan.


Chaque particule de mon être débordait de curiosité pour ce petit être devant moi.


Et si son âme résonnait si fort avec nos instruments... Je voulais voir oui. Je voulais le voir grandir pur, qu'il puisse se révéler en tant que diamant.


Je voulais qu'un jour il me montre. Qu'un jour il me montre c'est quoi la mélodie qu'allait créer son âme.


Et si nous avions de la chance. Alors nous jouerons à deux.



Je le fixe alors que la mélodie s'arrête, le voyant regarder mon violon avec admiration.


— C'est comme ça que je veux jouer Maureen ! S'écrie le petit . Comme ça !

— Y joue tu ? Demandais-je


Il hoche vivement la tête, se précipitant dans un coin de la pièce pour en sortir un violon adapté à son âge. Se mettant à jouer et mon sourire s'agrandit alors que mon impatience explose.


Oui.


Oui.


Magnifique petit diamant.



Je m'approche de lui, m'agenouillant et l'observant jouer avec toute sa petite âme.


Le détaillant, attentive. Et il me regarde à son tour, plongeant son regard dans le mien. Semblant attendre ce que je vais en dire.


— Faisons un pacte Lucas, tu veux bien ?



Il fronce les sourcils mais hoche finalement la tête.



— Je vais te laisser une partition. Et avant de la maîtriser parfaitement, tu t'entraîneras des années. Quand tu sera suffisamment fort, tu t'entraîneras à maîtriser le morceau que je vais te laisser, et pour le maîtriser... Tu t'entraîneras dessus. Tu t'entraineras dur, et tu finiras par le maitriser parfaitement sur ceci.


Je pose ma main sur mon violon. Et il fronce les sourcils de plus belle.


— Je vais te prêter mon violon, et quand tu seras prêt... Je viendrais le récupérer. Voir de mes yeux tes progrès. Je te laisse... Cinq ans. Et dans cinq ans, je viendrais le récupérer, et toi, tu me montreras comment tu joue.

— Mais comment vous...

— Je suis un dragon mon lapin... Où que tu sois, je te rejoindrais pour te voir jouer. Et si tu es suffisamment fort... Alors peut-être jouerons nous ensemble. Montre moi donc le son de ton âme sur ce violon, et nous parlerons alors encore de l'univers. Tu as cinq ans mon lapin.



Je l'embrasse sur le front, allant ranger mon violon dans mon étuis avant de le poser devant lui.



— Mais attention, prends en très grands soin. J'y tient énormément.



Il hoche vivement la tête et je me redresse, attrapant un cahier de partition vierge. Luc me filant un stylo en grommelant, me laissant pourtant écrire l'ode de notre mère en entier. Me serrant contre lui alors qu'il pose son menton sur mon épaule, lisant en même temps.



— Faudrait leurs jouer pour qu'ils comprennent... Murmure t-il comme pour lui même.



Je me fige, avant de la terminer. Me redressant pour rouvrir mon étuis. Sortant mon violon en observant le petit et sa sœur visiblement.



— N'écoute pas avec tes yeux. Fermes les yeux. Toi aussi petite. Si tu veux un jour maîtriser cela. Alors écoute avec ton coeur. La musique, c'est avec son âme que cela se joue. On ne peut lui mentir, si on veut la rendre vivante... Alors il faut être entière avec elle.



Nous finissons par ressortir de là alors que la nuit est tombée, et je m'allume une cigarette tout en partant marcher vers l'étendu des montagnes. Ayant besoin de réfléchir et de faire le tri dans tout cela.



Je n'écope malheureusement que d'une heure tranquille, observant un cavalier se ramener. Regardant Nako descendre de son cheval alors que je fume un mélange. Un sourire s'étirant sur mes lèvres.


Repas livré à domicile, la chance.



Ça tombe bien, j'avais un petit creux moi. Pas vous ?




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Note de l'auteur : Une première rencontre pleine de promesses futures.

Qu'en avez vous pensé?

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