Chapitre 26.


- Rassurez moi... Y'as pas des gens hypers croyant là bas ? Demande méfiant Angelo.



Je me fige, déglutissant avant d'essayer de partir l'air de rien. Vite rattrapée par le col par Iblis.



- Pourquoi ? Se renseigne Diego

- Parce que quand on est arrivé dans ce village en Écosse, le premier jour... On a eu la visite de vieilles bigotes de l'église du coin. Et les vieilles, elles se sont mises à demander si on allait venir à la messe.



Je ne peux m'empêcher de ricaner mais me pince les lèvres aussi vite face au regard lourd de reproches d'Angelo.



- J'ai gentiment expliqué qu'on était pas croyant ni pratiquant. Pour éviter qu'elles s'étalent sur le sujet.

- Mais elles ont insisté. Devine Iblis.

- Oui. Grogne Angelo. Elles ont dit qu'il fallait aller à l'église pour sauver notre âme du diable.



Je ne peux retenir un nouvel éclat de rire et Angelo fermes les yeux en secouant la tête.



- Ah ça continue de te faire marrer toi hein ! Grommelle t-il.

- Me dites pas que... Commence Diego.

- Si ! Elle a rit, et elle a dit aux bigotes que elle le diable elle l'avais baisé comme jamais justement avant d'arriver, et qu'à choisir elle recommencerait sans problème ! Résultat ? Trois putains de crises cardiaques ! Ah bah c'est sûr qu'après ça on avait la paix !



Je continue de rire, haussant les épaules face au regard amusé d'Iblis.



- Quoi ? J'allais pas mentir ! Riais-je. C'est bon j'ai pas commenté la queue du... Ah si.



Iblis rit en posant sa main sur ma bouche, secouant la tête en reculant avec moi face au regard noir d'Angelo.


- Rhoo pas de ma faute si elles étaient sensibles !

- Nani... Tu as détaillé les positions ! Rajoute t-il choqué

- J'imageais juste la chose. Argumentais-je alors qu'Iblis continue de nous faire reculer en riant.

- Vous en faites pas. Interviens Luc. Déjà gamine, elle était interdite de messe. Elle faisait des débats avec le curé alors mes parents lui ont foutu la paix avec ça. Mais là où nous allons, elle a toujours eu du respect pour leurs croyances. C'est pour cela qu'elle appelle ça les terres sacrées. Parce que c'est sur des terres sacrées pour eux. Au moins vous comprenez la douleur de ma mère quand elle devait excuser ma sœur de ses paroles blasphématoire en pleine messe. C'était drôle pour nous et mon père, mais pas pour elle je crois. Grace à ma sœur, ma mère n'a tenté l'expérience qu'une fois.




Je ricane avec Luc alors que les deux vieux secouent la tête en soupirant.



- Bien le sang de Kitchi tiens. Soupire Diego. Je sais même pas comment votre mère a pus le traîner à l'église pour se marier ! Elle a dû le droguer ce jour là je vois que ça.



Il s'éloigne, continuant de marmonner face à mon regard perplexe.


- Eh le vieux. L'interpellais-je.


Il se retourne, arquant un sourcil.


- Tu crois aller où là ? T'as cru que j'allais subir ça seule ? Prépare tes valises hein. Si t'as cru y échapper aussi facilement, tu me connais vraiment mal.



Il lève les yeux au ciel, secouant doucement la tête avant de se remettre à marcher.



- Aaron a déjà fuit ou pas encore ? Me renseignais-je l'air de rien.

- Oui. Y'a une heure. Me répond Luc.

- Hm. Papa, tu peux dire à Arno qu'il écope de mon gage pendant mon absence. Je reviens dès que possible. Je rattraperais ça en décalé. Et s'il te demande pourquoi, dis lui que ça lui apprendra à me faire perdre mes paris. En plus il a les cheveux longs... Mila va s'en donner à coeur joie. S'il écope pas d'une épilation il aura du bol...

- Je vais éviter de lui dire la dernière phrase... S'il découvre à quel point ta fille est comme sa mère... Il voudra jamais. Marmonne t-il en s'éloignant.

- Oh je suis pas comme ça moi ! M'indignais-je

- Non ! Tu es pire ! Hurle t-il en riant.

- T'as raison.. Parle lui du vernis papa ! C'est bien le vernis ! Criais-je à Angelo.

- Putain si la mère aide en plus... Je sens que ça va empirer les choses. Ricane Iblis.

- Je n'aide pas. J'informe, nuance. Et puis t'en fais pas pour eux, ils ont déjà bien compris les avantages de s'entraider. Surtout pour les conneries. On va vraiment en chier quand ils grandiront..



Iblis ricane avant de hocher la tête, commençant à s'éloigner.


- Je vais aider les vieux pour vos bagages. Décide t-il en s'éloignant.



Je me contente de grogner, m'allumant une cigarette alors que je sens le regard de Luc sur moi. Il semble attendre que Iblis soit suffisamment loin pour se mettre à parler, et dès qu'Iblis n'est plus dans notre champ de vision, cela ne manque pas.



- C'est quoi la vrai version pour les vieilles ?


Ma cigarette reste en suspends devant mes lèvres et je tournes le regard vers lui en arquant un sourcil. Finissant par inhaler une bouffées sans répondre.


- Tu t'amuse jamais à provoquer comme ça sans raison. Continue t-il. Et cet Angelo avait pas l'air si en colère que ça de ta connerie.

- À ton avis ? Crachais-je. Une gonzesse qui débarque seule avec deux bébés. Tu crois que ça visait qui le sauver son âme du diable hein ? J'aurais bien répandu leurs tripes dans tout le village pour en refaire la déco mais niveau discrétion c'était pas conseillé il paraît. Alors ouais, je me suis fait un plaisir de leurs raconter mes ébats avec le diable de long en large. Et même quand elles faisaient leurs attaques je continuais. Pour être sûre de pas les louper, rajoutant les détails les plus morbides pour bien imprimer dans leurs putains de cerveau la leçon.



Il ricane, me massant les épaules en m'embrassant la joue.


- C'est bon c'est bon j'ai pigé. Rit-il. Tu te changeras dans l'avion ?


Je hoche la tête, et il va pour partir avant de se retourner vers moi.


- Je te revois quand du coup ?

- Heu dans une heure mec. Tu viens. Et c'est pas une proposition. C'est un ordre.

- Mais....

- S'il te plait Luc... Je veux pas y aller seule... Murmurais-je.



Je baisse le regard, et je l'entends s'approcher avant de le sentir m'enlacer. Me serrant doucement contre lui.


- Bien sûr grande sœur... Bien sûr.. Ok... Que peut-on craindre hein.... On est invincible... On est des Dragons après tout.. Murmure t-il. Je peux être ridicule juste une fois s'il te plaît ?


Je hoche la tête contre son torse, et il resserre son étreinte.


- Si vraiment j'ai trop peur...Tu me promet de me prendre la main et de pas la lâcher ? Juste pour me rappeler... Que tu es bel et bien là ?



Mes mains serrent son haut avec force, et je me contente de hocher la tête sans même penser à rire ou à me moquer. Je sens qu'il pose son front sur ma tête, me gardant serré contre lui.



Soyons honnête et réaliste, aucun de nous deux n'avaient jamais remis les pieds là-bas depuis ce jour là. Et c'était comme si nous avions peur d'y retourner à présent. Pour se rappeler, pour constater le temps passé. J'avais beau avoir changé, j'avais beau avoir appris à maîtriser mes peurs... On me demandait là d'aller sur les terres qui m'avaient vu grandir et mourir dans un sens. Je voulais y aller bien sûr d'un côté, pour aller sur les tombes de nos morts... Mais d'un autre... Je sentais bien que j'étais comme cette enfant de dix ans qui était si loin et qui n'osait plus rentrer de peur de se faire disputer.



- Maman ?



Je me redressais, tournant le visage pour voir deux petites bouilles inquiètes me fixant.

C'est vrai. Rien que pour vous, je devais bien affronter tout mes démons du passé. Rien que pour vous, j'avais promis de ne plus me laisser guider par mes peurs.

Rien que pour vous déjà, j'obligeais vos pères à grandir. Alors je me devais bien de le faire aussi.





Hier comme aujourd'hui et demain, vous serez toujours là n'est ce pas ? Vous ces immenses montagnes sacrés. Hier comme aujourd'hui, j'avais l'impression de ne jamais être partie tellement ce paysage me paraissait le même.

Bien des heures plus tard, alors même que Diego était en voiture... Luc et moi avions pris les motos. Incapable de rester assis, pas que nous étions pressés de venir ici mais... Nous avions besoin de vider nos esprits sur nos bolides avant d'être là.


Là, où nous étions nés. Sur la terre même de nos racines véritables.


Des immeubles avaient poussés bien sûr dans cette ville. Oui. La ville avait peut-être un peu changé. Oui.


Et j'avais espéré je le reconnais, que toi tu ne sois plus là.


Pourtant tu étais là. Identique à mes souvenirs. Te dressant devant mes yeux, et je te trouvais toujours aussi belle toi la maison qui avait entendu tout nos rires d'enfants. Je restais avec les pieds enfoncé dans le sol, mes mains crispés le long de mon corps. Attendant désespérément je ne sais quoi.


Ah si.


J'attendais bêtement qu'elle sorte de la maison pour m'engueuler d'avoir tant tardé. De voir Léone sortir de derrière elle en riant, écartant les bras pour se précipiter. J'attendais, désespérément... Fixant la maison comme si elle allait me rendre ces personnes là.


Posant ma main sur mes lèvres pour me retenir de hurler après eux. Pourtant je le sentais tellement ce cri qui enflait en moi. Je le sentais si fort....


Pourquoi... Pourquoi tout était-il comme dans ce passé si lointain ?



Je sentis une énorme main se glisser dans la mienne, et je la serrais avec toute ma force. Ne sachant pas bien qui de nous deux cela empêchait de s'écrouler. Mais il me la serra en retour, et je posais mon regard dans le sien. Voyant ses incertitudes, ses doutes, ses peurs... Ses douleurs. Tout comme lui pouvait me lire.


Mais si j'ouvrais la bouche, c'était pour demander pourquoi ils ne sortaient pas. Si j'ouvrais la bouche, c'était pour hurler. Hurler après eux. Et espérer que tout ça, ce jour-là n'ait jamais existé...


Je ne pensais pas tiens, qu'il me restait de la naïveté en moi...



Et ce fut Luc qui amorça le mouvement, poussant le portail. Nous faisant entrer dans le jardin, et je me figeais alors que je le refermais. Sur le point d'engueuler mon frère d'oublier de le faire parce que le chien allait se sauver.


Quel chien putain..



Mais ce fut moi qui ouvrit la porte, la parcourant avec lui. Restant planté pourtant en bas de l'escalier alors qu'il montait. Sentant la peur me brûler les veines alors que je fixais avec terreur l'étage. Il redescendit, venant me porter avant de remonter en silence. Ne faiblissant même pas alors que je plantais mes ongles avec force dans son dos.



- Pitié... Pas ça... Pas là... Suppliais-je



Je secouais la tête encore et encore, sentant bien que les larmes trahissaient tout alors qu'il s'avançait vers la chambre de nos parents. Et quand il poussa la porte, je le reconnais oui, je m'attendais vraiment à le voir lui présent. Lui m'attendant comme ce jour là. Mais cette fois, j'avais fermé les yeux. Hurlant contre le cou de mon frère comme un enfant.



- Il n'y a personne... Tu l'a déjà tué Naë... Tu les a déjà vengé.. Ils sont en paix grâce à toi..


Je le sentis avancer alors que je me crispais de plus belle, le serrant avec force.



- Dis moi s'il te plaît... Ce jour là... Qu'est-il arrivé ? Personne n'a jamais voulu me dire.. Et je t'ai juste récupéré détruite sans savoir. Si j'avais été là, est-ce que j'aurais pus te protéger ? Dis moi s'il te plaît... Tu crois que si avec Arno on avait été présent... On aurait pus vraiment vous sauver de tout ça ? Demanda t-il d'une voix cassée. Est-ce que j'ai raison de m'en vouloir de pas avoir pus te protéger ? De pas avoir pus protéger Léo ? Je me rappelle encore de ces instants où tu hurlais dans la nuit... Je me rappelle de ce regard que tu avais... De cette douleur que j'ai toujours de pas avoir pus te protéger... Dis-moi je t'en prie... Juste cette fois... Je veux comprendre... Je t'en supplie.. Je suis ton frère... Laisse moi comprendre qui tu es, ce que tu as vécu à cause de lui...



Je le serre plus fort contre moi alors que je sens qu'on s'assoit, glissant sûrement sur le sol. Et je lui murmure le récit de cette journée là. Sentant bien les sanglots le secouer. Sentant bien sûr son âme hurler alors que je continue de lui murmurer cette terrible journée.


Son corps m'entoure, me serrant contre lui, jouant le rôle d'ancre dans cette réalité. Tout comme je dois être la sienne dans sa douleur. Mais il m'écoute, se contentant de me serrer aussi fort qu'il le peut. Comprenant sans doute au fur et à mesure que son absence fut la clé de sa survie. Que son absence fut la clé de ma propre survie. Parce que c'était cela, la seule obsession que je gardais tout le long... Le seul frère me restant. Et si il avait péri ce jour là, rien en moi n'aurait survécu, aucun instinct même de survie ne serait né. Son prénom fut la seule chose que mon esprit garda en mémoire sur ces cinq années. Alors oui, je lui expliquais.. Que c'était lui qui m'avait sauvé. Même s'il l'avait toujours ignoré. Cela avait toujours été lui, le seul frère me restant, qui m'avait maintenu en vie malgré tout cela. Même si mon égoïsme par la suite me l'avait fait oublié. J'étais persuadée que ne rien lui dire était la meilleure solution sans me donner la peine de voir les choses de son point de vue. J'étais persuadée le protéger. Trop occupée déjà à vivre avec ma propre culpabilité, je n'avais jamais vu la sienne.


- ... Pourras tu un jour me pardonner ? Finissais-je



Il se redresse, prenant mon visage entre ses mains. Embrassant mon visage doucement.


- Je ne t'en ai jamais voulu Angelina..Jamais. Tu as toujours été mon modèle, ma grande sœur que j'aimais plus que tout au monde. Au contraire... Je te remercie de ne pas m'avoir laissé seul dans ce monde... Vraiment. Tu es ma sœur, mon sang, la femme la plus essentielle de toute ma vie... Je t'aime et je continuerais de t'aimer quoi que tu fasses. Et je continuerais de courir après toi pour te rattraper...



Je souris, posant mon front contre le sien, finissant par blottir mon corps contre le sien. Il finit par se relever, me portant tout en marchant, redescendant les escaliers et marchant encore avant de se figer. Me tapotant pour que je descende. Je me remet sur mes pieds, l'observant se diriger vers le centre de l'immense pièce, tout les meubles ont disparu. Pourtant en son centre, il trône encore.


Beau, majestueux. Imposant. Le dieu de cette maison. Son âme éternelle.


Le piano de ma mère.


Et Luc enlève le drap le recouvrant. Y découvrant avec moi le violon de mon père posé dessus.



Qu'importe où vous aviez été enterré, c'est bien là que reposaient vos âmes. Liés à jamais, ton violon et son piano dans votre maison.



Je m'approche de l'instrument, le caressant du bout des doigts . Prenant place sur le tabouret, laissant mes doigts retrouver le chemin. Comprenant tout comme mon frère que quelqu'un avait veillé à garder les deux instruments accordés. Luc se contente d'aller ouvrir en grand toutes les portes et fenêtres, laissant l'air chaud entrer dans la maison. Et alors que la brise vient caresser notre peau, nous nous contentons de fermer les yeux. Entamant chacun sur un instrument la mélodie de ma mère, faisant raisonner encore une fois l'âme de cette maison.


Une dernière fois.


Une ultime mélodie remplit de tout notre amour, de nos mots les plus doux et de nos souvenirs les plus tendres.


Laissant le vent porter nos notes, comme un souvenir passé... Tsaile entendrait une dernière fois la musique raisonner, venant de la demeure des Tchirkoyas... Comme dans ce passé si lointain. Mais cette fois, cela serait les enfants qui venaient répandre le son de la mélodie des âmes de cette demeure.


Une dernière fois. L'ode de Julia serait joué par ses enfants dans sa maison.


Dans le secret de ce territoire sacré, on jouait notre propre musique sacrée.


Juste une dernière fois.

Rendant hommages à nos morts et à nos vivants. Rendant hommage à la mort et à la vie.

Guérissant du passé pour affronter notre futur.

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