Chapitre 9 - Harry

La nuit a été des plus courtes si bien qu'à six heures trente ce matin, je suis allé courir sur la plage... Alors que je ne cours jamais ! J'avais besoin d'évacuer un trop plein d'énergie, mes pensées tournées vers Louis, son acceptation à mon invitation à déjeuner, le baiser échangé, nos conversations. Tout tourne en boucle dans mon esprit.


Ca me change des idées noires que je trimballe depuis des mois. Je commence à prendre mes marques ici et je dois reconnaître que, entre la sérénité de l'endroit et ma rencontre avec Louis, je songe à prolonger mon séjour.


Quand je suis parti, j'ai pensé que je ne tiendrais pas longtemps, seul dans un endroit inconnu, sans rien à faire de mes journées. Mais je me suis tout de suite senti bien ici et je me suis lancé dans ce projet un peu fou que je gardais pour moi depuis des années. Et puis, un jour, Louis est apparu sur ce banc et l'idée de rentrer ne m'a plus traversé l'esprit.


Je couche sur le papier les émotions qu'il me fait ressentir, comme une source d'inspiration, de motivation. Louis est un modèle de persévérance pour moi qui sombre trop souvent dans mes états d'âme. C'est à le voir chaque jour se battre pour retrouver sa mobilité que je me suis aperçu que je baissais trop rapidement les bras.


Impatient à l'idée de le retrouver et de partager un moment avec lui, je termine de me préparer. J'enfile une chemise à petits motifs bleus sur mon jean stone que je boutonne en allant dans la salle de bain. Mes cernes sont un peu atténués. Je passe mes mains sur mon visage puis glisse mes doigts dans mes cheveux, tentant de les mettre en place. Une inspiration, un petit sourire et je sors. Je mets ma paire de baskets blanches, récupère mon portefeuille, mon téléphone et mes clefs. Je suis en avance mais ce n'est pas bien grave.


Je parcours le chemin que j'emprunte habituellement à pied et tourne dans la rue du centre. Déjà au loin, je l'aperçois, assis sur le banc. Mon cœur s'emballe légèrement dans ma poitrine. Je ralentis et arrête la voiture juste devant lui. Sans couper le contact, je descends et m'avance vers Louis, le sourire aux lèvres.


"Votre taxi, Monsieur..."


C'est le rire de Louis qui me répond et je m'aperçois que c'est la première fois que je l'entends. Sincère, doux. Louis bascule sa tête en arrière, le regard étincelant. Attendait-il lui aussi ce moment avec impatience ? Il s'avance sur le banc et récupère ses béquilles pour se mettre debout mais c'est mon bras que je lui offre et ma main au creux de ses reins.


"Merci, murmure-t-il alors que nos regards se croisent. J'espère que ce n'est pas un endroit chic parce que..."


Il ne termine pas sa phrase et laisse son regard glisser sur sa silhouette. Il est en pantalon de survêtement noir avec un polo bordeau et une paire de basket.


"C'est parfait comme ça, ne t'inquiète pas, je le rassure.

- OK. J'étais un peu ennuyé en me préparant.

- On va juste déjeuner dans une brasserie Louis. Tu es très beau comme ça.

- Quel charmeur !

- J'espère bien te voler un ou deux baisers... Je mets toutes les chances de mon côté."


Je sens mes joues s'empourprer. Je mordille mes lèvres alors que le visage de Louis est tout près du mien, son souffle caressant mon cou. Je baisse légèrement mon regard et tombe dans le sien. Sa main gauche toujours sur mon bras exerce une légère pression. Sa main droite vient se caler dans ma nuque et m'incite à incliner mon visage. Sa bouche effleure la commissure de mes lèvres.


"J'ai hâte de voir si tu vas y arriver..."


Je secoue la tête en souriant puis l'aide à s'installer dans la voiture. Il cale les béquilles entre ses jambes alors que je referme la portière. Je m'installe derrière le volant et prends la route.


Je sors du village en empruntant la route du bourg qui nous fera longer la côte. Puisqu'il n'y a pas beaucoup de circulation, je ne roule pas très vite. Je profite du temps clément et dégagé pour laisser à Louis le loisir de découvrir l'endroit où il vit depuis plus de deux mois. Je lui lance quelques coups d'œil, guettant ses réactions. Il a le visage tourné vers le paysage, un fin sourire sur les lèvres.


Je me concentre sur les quelques virages qui se succèdent puis amorce la descente vers Diélette, notre destination. La route borde la côte, abrupte sur la roche et la plage de sable fin. La marée est basse et la mer est d'un bleu intense - semblable à la couleur des yeux de Louis. Son sourire s'agrandit et nos regards s'accrochent lorsqu'il tourne son visage vers moi, ébahi. Il reporte son attention sur le paysage, baissant la vitre et offrant son visage à l'air marin.


A cet instant, Louis semble insouciant. Détendu. Je suis heureux de lui avoir proposé de sortir déjeuner, heureux de lui montrer autre chose que la façade jaune du centre de rééducation. Son sourire contribue à alléger mon cœur.


Nous rentrons dans le village et apercevons la marina, le petit phare au bout de la jetée et le cap de Flamanville. Je m'engage sur le parking et me stationne juste devant le restaurant L'Escale. Je remonte les vitres et coupe le contact. Louis se tourne vers moi, le regard brillant.


"Deux mois enfermé, ou presque. J'étais loin d'imaginer ce paysage. Merci, me dit-il.

- Avec plaisir. J'ai été époustouflé en découvrant les environs.

- C'est la première fois que tu viens ici ?

- Oui, j'acquiesce.

- Comment tu as choisi cette région. Pourquoi, surtout ?

- On va s'installer et je te raconte ?

- Bien sûr..."


Louis rougit, légèrement gêné. Je glisse mes doigts sur son genou que je presse, pour lui signifier que tout va bien. Il ouvre sa portière et s'apprête à sortir.


"Laisse-moi t'aider, Louis."


Je sors rapidement de la voiture et en fais le tour. Je récupère les béquilles de Louis dans ma main droite et lui offre ma main gauche comme appui. Nos sourires se répondent.


Nous nous dirigeons vers le restaurant. Je n'y suis venu qu'une seule fois, juste prendre un café en début d'après-midi au début de mon séjour. Le parquet et le mur en briquettes rouge foncé m'ont tout de suite plu. Je m'étais promis d'y venir manger. Je suis ravi d'y inviter Louis. Nous sommes accueillis pas une jeune fille aux cheveux longs et bouclés ramenés en queue de cheval. Le vent fait virevolter les quelques mèches qui s'en échappent.


"Bonjour Messieurs. Deux personnes ?

- Bonjour, oui, s'il vous plaît, je réponds.

- Vous préférez manger à l'intérieur ou en terrasse ?

- La terrasse, intervient Louis.

- Parfait. Suivez-moi !"


Je laisse Louis passer devant moi. La serveuse nous installe à une table de quatre places, donnant sur le port de plaisance. Nous nous installons alors que la jeune femme dépose devant nous le menu. Louis inspire fortement en fermant les yeux, un sourire se dessinant sur ses lèvres, le rendant radieux. Je souris à mon tour en l'observant avant de m'emparer du menu et de me plonger dedans, espérant cacher à Louis mes joues rougies.


"On prend quelque chose à boire ? m'interroge-t-il en se penchant légèrement au-dessus de la table. Je me laisserais bien tenter par une bière..."


L'index sur les lèvres en signe de réflexion, Louis parcourt le menu avant de reporter son regard interrogateur sur moi.


"Ca me va, je réponds.

- Tout me fait envie, ça va être compliqué de choisir.

-J'imagine que ça te change de la cuisine du centre...

- Franchement, je ne me plains pas. Ce n'est pas si mauvais, rétorque Louis. Mais, j'avoue que j'apprécie d'avance ce repas, rit-il.

- J'en suis ravi !"


La serveuse revient vers nous et dépose une carafe d'eau et une corbeille de petits pains chauds. Nous commandons les boissons et après quelques conseils de la jeune femme, choisissons nos plats : Burger Normand pour Louis et Dos de saumon pour moi.


Rapidement, nos bières sont servies et Louis propose que nous trinquions à notre déjeuner.


"Le premier d'une série ? je lui propose.

- Avec plaisir, oui."


Le sourire de Louis à ce moment-là, et son pied contre ma cheville font chavirer mon cœur et contracter mon estomac.


Louis savoure sa première gorgée avant de reposer son verre.


"Putain, ça fait du bien !"


Je ris de bon cœur avant de l'imiter.


"Alors, commence-t-il, on a parlé de moi, de la pluie et du beau temps, de sujets divers mais... Très peu de toi, Harry.

- Que veux-tu savoir ?

- Tout ?

- Le repas ne suffira pas...

- Raison pour laquelle, je souhaite qu'il y en ait d'autres, argue-t-il.

- Et c'est moi le charmeur !?! je réponds dans un rire.

- Je suis un peu déçu que tu n'aies pas tenté de m'embrasser dans la voiture..., murmure Louis avec espièglerie.

- Je me rattraperai après le déjeuner alors" je réponds tout bas, comme un secret.


Mon cœur accélère ses battements. Ca fait environ deux semaines que Louis et moi discutons quotidiennement, mais aujourd'hui, ça semble différent. Un petit jeu de séduction s'installe. Si j'ai été celui à l'initiative du premier baiser, Louis se révèle taquin et enjôleur.


"Raconte-moi comment tu as découvert cet endroit...

- Par hasard, vraiment, je commence. J'avais envie de sortir un peu de ma routine, j'avais besoin de changer d'air. Je voulais partir quelque part sans avoir à rouler pendant des heures. J'ai cherché une destination à environ trois heures de chez moi.

- Où vis-tu ?

- Dans les Yvelines, près de Paris.

- Oh ? Vraiment ? Je suis natif des Pyrénées mais j'ai déménagé il y a cinq ans avec ma sœur, Charlotte. On s'est installés chez son copain à Bry-Sur-Marne.

- On s'est peut-être déjà croisé dans le RER, qui sait ?!

- Peut-être ! sourit-il. Continue...

- J'ai cherché un endroit calme, en bord de mer. Pas trop cher et disponible pour une longue durée.

- Qu'est-ce qui t'a poussé à prendre le large ? Parce que c'est ça, n'est-ce pas ?

- Ouais... Je crois que j'étais à deux doigts du burn-out. Professionnellement, je remets beaucoup de choses en question. Personnellement... C'est compliqué. Difficile, plutôt."


L'arrivée de nos plats m'interrompt et j'en profite pour souffler doucement avant de prendre une gorgée de bière. Nous remercions la serveuse qui nous souhaite un bon appétit. Louis et moi nous sourions devant nos assiettes bien garnies et joliment présentées.


Manger permet de mettre un peu de côté la conversation. Ca ne me dérange pas de me confier à Louis, au contraire. C'est agréable de discuter avec une personne totalement inconnue, qui ne porte pas de jugement sur mes décisions. C'est simplement un peu douloureux pour moi de ressasser ce qui m'a poussé à tout plaquer du jour au lendemain parce que le trop-plein d'émotions devenait ingérable.


Alors, je préfère observer Louis déguster son plat. Il savoure chaque bouchée de son burger, les yeux fermés. Il prend le temps de mastiquer et ça me fait sourire. Je le découvre vraiment. Le Louis triste, assis dans son fauteuil roulant, semble bien loin quand je vois le jeune homme en face de moi, les cernes moins marqués et le sourire aux lèvres.


Louis relève son regard et tombe directement dans le mien, qui l'observe. Je pince les lèvres, un peu gêné, et baisse le regard vers mon plat, prenant une bouché du saumon parfaitement cuisiné.


La serveuse revient vers notre table et s'empare de nos assiettes vides.


"Vous souhaitez prendre un dessert ? Un café peut-être ? propose-t-elle.

- Je vais prendre un thé gourmand, s'il vous plait, commande Louis.

- Je vais juste prendre un café. Merci.

- Très bien. Je vous amène ça."


La serveuse nous quitte dans un joli sourire. Je m'adosse à ma chaise et profite du cadre où nous sommes installés. La terrasse donne juste sur le port de plaisance et les bateaux amarrés ont quelque chose de reposant.


Je me redresse, croise les mains devant moi sur la table, prêt à reprendre notre conversation, mais je suis coupé par Louis.


"Merci beaucoup de m'avoir proposé ce déjeuner, dit-il.

- De rien, Louis. Vraiment, ça me fait plaisir de partager cet instant avec toi, je réponds en lui souriant sincèrement. Je dois reconnaître que ça me fait autant de bien qu'à toi.

- La solitude te pèse ? demande-t-il doucement.

- Oui."


Je réponds sans détour mais n'enchaîne pas lorsque nos boissons chaudes nous sont servies. L'assiette de Louis regorge de petites mignardises qu'il lorgne d'un regard gourmand. Je ne peux m'empêcher de rire légèrement en le regardant. Il relève son regard vers moi et prends entre ses doigts un petit chou à la crème couvert de caramel qu'il me tend.


"Ne me fais pas croire que ton saumon t'a suffi... Il faut toujours finir sur une touche sucrée."


Je prends le chou et le glisse dans ma bouche, savourant le croquant du caramel et la douceur de la crème pâtissière. C'est délicieux.


"J'ai raison, n'est-ce pas ?

- Je ne peux pas te contredire."


Le rire de Louis résonne et mon estomac se contracte. Oui la solitude me pèse mais je ne me pensais pas prêt à succomber aux charmes de quelqu'un. Je croyais mon cœur bien trop meurtri encore.


Nous terminons notre repas et j'insiste pour inviter Louis. Je règle l'addition et nous remercions la serveuse pour le délicieux repas et sa gentillesse. Il y a de fortes chances que je revienne. En compagnie de Louis, je l'espère.


*

* *


Hello ! J'espère que tout le monde va bien.

Les fêtes de fin d'année sont enfin derrière nous. Je vous souhaite le meilleur pour 2023, de jolies histoires, des concerts, de bons moments.


J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu et que vous avez pris autant de plaisir que moi à le lire.


A bientôt.

Mimi 🦋

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