Chapitre 8 - Louis

Je referme la porte de ma chambre en poussant un léger soupir. Partagé entre deux sentiments, le cœur en déroute et pourtant léger, j'avance doucement jusqu'à mon lit où je m'assieds. Je suis épuisé et pourtant totalement revigoré. Je bascule en arrière sur le matelas, mes jambes pendues dans le vide. Je glisse mes doigts sur mes lèvres, légèrement sèches à cause de l'air iodé. Mon cœur n'a cessé de battre vite depuis le baiser échangé avec Harry.


Qui aurait pu prédire cette situation entre Harry et moi ? J'étais loin d'imaginer faire une rencontre pendant ma convalescence, une rencontre qui me fait avancer de jour en jour, aussi utile que les conseils de l'équipe médicale.


Je ferme les yeux, un sourire sur les lèvres. Je ne m'étais pas senti aussi bien depuis des mois, même avant mon accident, ma bonne humeur était parfois mise à rude épreuve par le quotidien.


Je plonge la main dans la poche ventrale de mon sweat, sors mon téléphone et le petit carré de papier où Harry a noté son numéro de téléphone.


Est-ce que j'accepte de déjeuner avec lui ? Discuter quelques minutes sur un banc c'est une chose, partager un repas, ça devient quelque chose, non ?


Je souffle, un peu indécis. Je fais tourner mon téléphone entre mes doigts, tenant le papier dans mon autre main. Je me redresse et déverrouille l'appareil. J'enregistre le numéro et ouvre l'application "messages". Je commence à pianoter quelques mots, les efface, recommence. Je mordille ma lèvre inférieure.


Je me trouve ridicule à hésiter de la sorte alors que mes journées ne sont rythmées que par nos rencontres et nos discussions.


Mon téléphone dans ma main vibre et me sort de mes pensées. Le visage grimaçant de mon meilleur ami apparaît sur l'écran. Je ne retiens pas mon sourire et prends la conversation en visio.


"Attend ! je commence. Je me redresse...

- Tu dormais ? demande Zayn.

- Non. J'étais juste en train de... En train de somnoler, je réponds avant de me racler la gorge. Je suis sorti sur le bord de plage, ça m'a tué !

- Tu es sorti ? Excusez-moi j'ai dû me tromper de Louis dans mon répertoire !"


Je vois mon meilleur ami feindre de chercher le bon numéro dans son téléphone, les sourcils froncés.


"Tu devrais plutôt me féliciter ! je grogne.

- C'est vrai. Pardonne-moi d'être surpris Louis. Ca fait des semaines que Charlotte et moi t'encourageons. Et là, sans prévenir, tu m'annonces que tu es sorti... Au-delà du banc devant le centre ! Quelle réaction attendais-tu ?"


Je lève les yeux au ciel devant l'air éberlué de Zayn. Il me manque. S'il est difficile pour Charlotte de me rendre visite, ça l'est encore plus pour Zayn. Il vit dans les Pyrénées, là où j'ai grandi avec ma famille. Mes parents sont toujours installés là-bas avec mon autre soeur. Charlotte et moi avons quitté les montagnes pour la vie citadine et francilienne ; elle par amour, moi pour le travail.


"Une fanfare ! Des félicitations ! Un encouragement, je propose.

- Ca t'a fait du bien ?

- Un bien fou, oui. C'était très agréable. Changer de décor, me rendre compte que mon état s'améliore vraiment. Évoquer mon accident et les premières semaines difficiles sans me sentir oppressé.

- Eh bien... Je suis ravi de t'entendre tenir ce discours, Louis. Tu en as bientôt fini avec ce centre. Tu vas pouvoir retrouver ta vie. Tu viens t'installer un peu chez tes parents en sortant du centre ?"


Zayn me prend de court. Je n'ai aucune idée de ma date de sortie, même approximative. Je sais qu'elle approche mais nous évitons tous un peu le sujet. Je ne sais pas du tout si je reprendrai le travail ou si je serai encore en arrêt. Après ces mois d'isolement, bien sûr, j'aimerais passer du temps dans le cocon familial.


"Je n'y ai pas encore réfléchi, je t'avoue. Ma rééducation est plus longue que ce que j'imaginais en arrivant au centre.

- Oui mais tu vas mieux. Tu es autonome maintenant. Tu peux sûrement quitter le centre et avoir un kiné ici. Ton moral s'en porterait encore mieux. Charlotte a prévu de voir ça avec ton équipe médicale. Elle a dû t'en parler, non ?"


La voix de Zayn se fait lointaine. Ca fait des semaines que je n'attends que de quitter ce centre mais... aujourd'hui, après ce baiser échangé avec Harry, je n'ai plus si hâte de partir.


"Louis ? Louis ? Je t'ai perdu ?!

- Désolé Zayn. Oui, Lottie... Enfin, non, elle ne m'a rien dit. Je sais qu'elle parle souvent avec Elin par rapport à mon état. J'ai confiance en cette équipe médicale, tu sais. C'est grâce à eux si, aujourd'hui, je suis sur mes deux jambes et plus confiant. Je ne veux rien précipiter. Le trajet jusqu'à Tarbes est long...

- OK ! T'as pas envie de me voir !

- Je ne bouge pas, tu peux venir ! je réponds en riant.

- Qu'est-ce qui t'a pris de t'exiler comme ça, aussi..., soupire mon meilleur ami. Des bus on en a aussi ici, si tu voulais te la couler douce pendant des semaines !"


Derrière sa taquinerie, j'entends les inquiétudes de Zayn à mon égard. Il avait fait un aller-retour express juste après mon accident, pendant que j'étais en chirurgie pour réduire les fractures et poser vis et broches. Je n'oublierai jamais, je crois, les cernes creusés sous son regard d'habitude si lumineux.


Malgré la distance géographique, nous arrivions toujours à nous organiser pour nous voir régulièrement. La vie reprendra bientôt son cours.


J'oriente la conversation sur mon ami. Il me raconte ses anecdotes de boulot, le nouveau collègue qui vient d'intégrer la société, qui à coup sûr me ferait craquer, souligne-t-il. Il évoque mes parents qu'il a croisé le week-end dernier puis il enchaîne sur ses rencontres. Sa voix se brise un peu ; il est toujours épris de sa dernière petite-amie qui l'a quitté à cause d'un malentendu mais qui refuse toujours de l'écouter. Mon propre cœur se brise un peu ; ils parlaient mariage et enfant juste avant l'incident.


Trois petits coups frappés à ma porte interrompent la conversation. Je me tourne vers la porte pour découvrir Lynn dans l'embrasure.


"Le repas est servi Louis. Tu nous rejoins ou tu préfères qu'on t'amène un plateau ? demande-t-elle doucement, voyant que je suis en communication.

- Non, j'arrive. Je n'ai pas vu l'heure.

- OK. Tu as besoin d'aide ? propose-t-elle.

- Merci, ça va aller."


Aussi discrètement qu'elle est arrivée, Lynn s'éclipse. Je reporte mon attention sur Zayn.


"Je vais devoir te laisser. On m'attend pour le dîner.

- Il est à peine 19h...

- Je sais... Je prends des habitudes étranges ici, je ris. On se rappelle bientôt, OK. N'hésite pas, si tu as besoin.

- Merci Louis. Pareil pour toi si le moral se fait la malle."


On se souhaite une bonne soirée puis nous coupons la conversation. Je m'étire un peu pour me dégourdir les jambes, récupère mes béquilles et descends du lit. Je quitte ma chambre et remonte le couloir jusqu'aux ascenseurs. Quand les portes de l'appareil s'ouvrent devant moi, je trouve Adam et Elin bien proches l'un de l'autre. Je pouffe légèrement en pénétrant dans l'ascenseur. Nous échangeons un regard complice.


"Tu es en retard Louis. Est-ce que tout va bien ? s'inquiète immédiatement Elin.

- J'étais au téléphone avec mon ami Zayn.

- Ah ! Tu lui as raconté ton escapade avec le beau Harry ? m'interroge Adam en faisant danser ses sourcils.

- Non... Non. J'ai pas eu l'occasion.

- C'est ton jardin secret Louis, enchaîne Elin.

- Mais à nous tu peux nous raconter, enchérit Adam alors qu'Elin lui donne une petite tape sur le torse.

- Bande de curieux !!!

- Allez, dis-nous au moins un petit truc... insiste Adam. Elin fait genre que ça ne la regarde pas mais elle n'attend que ça de potiner !"


Alors que ma kiné râle contre son collègue et soupirant, l'ascenseur s'arrête au rez-de-chaussée. Nous sortons tous les trois et nous dirigeons vers la salle de restauration. Tout le monde ne prend pas ses repas ici mais je dois reconnaître que c'est plus agréable que seul dans la chambre.


Adam ouvre la porte, je laisse Elin pénétrer dans la salle puis entre à mon tour.


"On dîne tous les trois ? propose Adam.

- Oui, je réponds insouciant.

- Iliane est installé là-bas. Rejoignons-le."


Adam part devant à grandes enjambées tandis qu'Elin se poste à côté de moi se calant sur mon rythme.


"Tu sembles fatigué mais il y a quelque chose de... différent dans ton regard.

- Je suis un peu fatigué, oui. Mais ça va. J'ai eu une bonne journée.

- Tu as beaucoup marché parait-il...

- J'ai accompagné Harry jusqu'au bord de plage, là où il y a les bancs. C'était un peu difficile, la petite montée puis le sable. Mais ça valait le coup.

- Je ne doute pas que ça t'a fait du bien. La vue est bien plus agréable.

- Oui, plus agréable" je rétorque dans un sourire.


Alors que nous nous installons autour de la table, Adam dépose devant Elin et moi nos plateaux repas. Je repense à cet après-midi, à Harry et à notre baiser. Mon estomac se contracte et mon cœur se serre au souvenir doux des lèvres de Harry sur les miennes, la pression affectueuse de ses mains autour des miennes.


Je sors mon téléphone et pianote un message rapide.


📧To Harry : J'accepte volontiers ton invitation à déjeuner. A demain. Louis


***


Je crois que c'est l'un des premiers matin où je me réveille de bonne humeur, sans appréhension pour le déroulement de ma journée, mais plutôt avec une certaine impatience.


Les jours au centre avaient quelque chose de monotone, jusqu'à lui. Harry a embelli mes journées. Nos conversations ont donné un rythme à cette convalescence qui semblait s'étirer.


C'est donc avec entrain - un entrain tout à fait relatif compte tenu des courbatures dans mon corps - que je suis allé dans la salle de bain pour me préparer. J'ai rejoint les pensionnaires dans la grande salle à manger et pris mon petit-déjeuner en compagnie d'Augustin, fier de me montrer les photos reçues hier de son adorable arrière-petite-fille. Le viel homme est attendri devant la bouille souriante du bébé. Lottie m'envoie régulièrement des photos de mon neveu et je dois reconnaître qu'il fait partie de mes motivations pour rentrer chez moi. J'ai hâte que ce petit bout de cul grandisse, que nous jouions ensemble au foot dans le jardin de la maison de mes parents.


Un peu songeur, je termine mon fromage blanc et le muesli avant de vider ma tasse de café. La vibration de mon portable dans la poche ventrale de mon sweat me sort de mes pensées. J'extirpe l'appareil et souris devant la notification affichée sur l'écran.


📧From Harry : Salut ! J'ai réservé pour 12h30. Tiens-toi prêt vers 12h ;-)

📧To Harry : Parfait !

📧From Harry : Je n'ai pas pensé à te demander, mais ça ira par rapport à ton programme ? Tu seras dispo ?

📧To Harry : Oui oui. T'inquiète pas ! A tout à l'heure

📧From Harry : A tout à l'heure Louis


Je repousse le plateau au milieu de la table avant de reculer. Je me lève de ma chaise et récupère mes béquilles. Je salue Augustin et me dirige vers la sortie de l'espace repas. Je croise d'autres pensionnaires que je salue d'un grand sourire, les aides-soignants qui s'activent dans le couloir.


Lorsque j'arrive devant le bureau de Elin, je frappe quelques coups à la porte avant de tourner la poignée. Un fracas se fait entendre puis quelques jurons. Quand j'ouvre la porte, Adam retient tant bien que mal le porte-manteau qui manque de s'écrouler sur le bureau de ma kinésithérapeute. Ses cheveux sont en désordre, les joues d'Elin rougies. Je n'ai pas besoin de les interroger. J'interromps clairement leur petit câlin matinal !


"Bonjour Louis ! Tu es en avance ?! dit-elle après s'être raclée la gorge, lissant les pans de sa blouse.

- Ah ! J'avoue ne pas avoir regardé l'heure..., je réponds un peu confus, en voyant l'heure sur l'horloge murale.

- C'est pas grave, ajoute-elle.

- Je vous laisse à votre séance, intervient Adam en déposant un baiser sur la joue de la jeune femme. Bon courage Louis.

- Merci."


Le jeune orthopédiste quitte le bureau et ferme la porte derrière lui. Je m'avance vers Elin et cale les béquilles contre le mur avant d'enlever mon pantalon. Une fois installé sur la table de massage, je tourne la tête vers la kiné et lui présente une nouvelle fois mes excuses.


"Louis, arrête voyons ! Ce n'est pas comme si tu n'étais pas au courant pour Adam et moi, déjà. Mais en plus, ça me fait plaisir de te voir motivé ce matin, dit-elle dans un sourire bienveillant alors qu'elle se place à mes côtés. Tu as passé une bonne nuit ? demande-t-elle.

- Oui. C'est la première fois depuis que je suis au centre que je me sens... reposé.

- Tu guéris, Louis. Je suis contente. Comment te sens-tu après la marche d'hier ?

- Ca va. Les muscles un peu fatigués mais honnêtement, je m'attendais à pire, j'explique. Le retour de la plage jusqu'au centre était un peu difficile, je confesse.

- On va faire quelques étirements alors. Tu iras à la piscine ensuite pour marcher et nager un peu, histoire de solliciter tous les muscles de ton corps.

- OK.

- Vous avez prévu de vous revoir, demande doucement Elin. C'est une belle journée, vous pourriez retourner sur la plage.

- Et bien..., je commence, un peu indécis.

- Oui, m'encourage Elin.

- Harry m'a invité à déjeuner. Ce midi."


Les mains d'Elin quittent ma jambe gauche alors que son regard capte le mien.


"Tu vas y aller ?

- Oui, je réponds comme une évidence. Il m'a proposé de venir me chercher à midi et de m'emmener dans un restaurant.

- C'est une bonne nouvelle Louis. Ca va te faire tellement de bien de sortir du centre, de voir d'autres personnes que toutes ces blouses blanches ou roses.

- Ouais... J'avoue que j'ai un peu oublié comment est le monde extérieur", je ris.


Elin reprend son travail alors que nous continuons de discuter. Au bout d'une heure d'étirements et de massages, la kiné m'aide à me redresser. Elle contourne son bureau alors que je remets mon pantalon. En appui sur mes béquilles, prêt à sortir, Elin m'interpelle.


"C'est mon numéro, Louis. Prend-le."


Face à mon air confus, elle ajoute :


"Je ne pense pas que Harry soit un serial killer, mais c'est bien que tu aies un moyen de nous joindre."


Le petit clin d'œil qui ponctue sa phrase me fait sourire. Je lève les yeux au ciel en prenant le bout de papier. J'enregistre immédiatement le numéro dans mon téléphone et envoie un message à Elin. C'est une gentille attention, une marque d'affection qui réchauffe le creux de ma poitrine.


*

* *


A la base, je devais juste préparer ce chapitre pour le poster en fin de semaine, pendant mes petits congés.

Mais, en le relisant, je n'ai pas résisté à appuyer sur "Publier".

J'espère qu'il vous a plu.

On rencontre Zayn dans ce chapitre. Il est prévu qu'on le retrouve plus tard dans l'histoire.

Je vous embrasse.


Mimi 🦋



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