Chapitre 22 - Louis
Nous faisons tinter nos verres, saluant cette belle journée et cette occasion particulière qui nous a réunis. Je regarde chacune des personnes autour de cette table, celles que je connais bien, Adam et Elin, celles que j'aurais voulu connaître plus, Augustin et ses enfants. Et celle que je vais continuer à découvrir chaque jour un peu plus : Harry.
La journée s'étire tranquillement. Je crois qu'aucun de nous n'est vraiment prêt à y mettre un terme. Harry et moi sûrement plus que les autres. Ca nous peine sincèrement de quitter la région, de quitter cette maison. Nous l'avons répété plus d'une fois pendant le repas. J'ai passé plus de trois mois ici. J'ai voulu rentrer chez moi au bout de trois jours et ce sentiment ne m'a pas quitté pendant huit longues semaines. Mais, aujourd'hui, je m'y sens définitivement bien, définitivement mieux. Ma rencontre avec Harry a tout changé évidemment.
Je tourne mon visage pour l'observer et tombe directement dans son regard. Un sourire taquin se dessine sur ses lèvres. Je prends une gorgée de ma boisson avant de reposer mon verre sur la table, puis, je me penche vers lui, glissant ma main sur sa nuque. Peu importe que nous ne soyons pas seuls, les personnes autour de nous nous soutiennent. Alors, je dépose un baiser sur ses lèvres souriantes. La main d'Harry presse ma cuisse avant de remonter doucement sur ma taille et au creux de mes reins. Il me rend mon baiser puis glisse ses lèvres sur ma joue. Il n'existe rien de plus tendre, de plus intime que ce geste. Mon cœur s'emballe un peu. Mon cœur bat différemment depuis lui. Harry m'a définitivement sorti de ma morosité. J'espère réussir à lui rendre la pareille, qu'il perde cette mélancolie qui le submerge trop souvent.
Je crois qu'il pense que je ne m'en rends pas compte. Pas à chaque fois, en tout cas. Mais depuis quelques jours, depuis que nous savons que la fin de notre séjour en Normandie est imminent, il se perd dans ses pensées, le regard un peu triste, parfois contrarié. Je sais qu'il a tenté de joindre sa sœur mais qu'ils ne se sont pas encore parlés. Je ne pourrais pas être là pour le soutenir lors de leur conversation. C'est trop personnel et malgré nos sentiments récents l'un pour l'autre, je ne suis pas légitime à participer à cet échange. Je ne pourrais que l'encourager à la rejoindre et le retrouver ensuite, les bras ouverts et le cœur prêt pour deux.
Je savoure le contact de sa paume glissée sous mon t-shirt contre la peau de mon dos. J'aimerais que cette journée ne s'achève jamais.
Augustin se lève et tous les visages convergent vers le vieil homme.
"Continuez sans moi les enfants. Je vais faire une sieste."
Sa fille, Agnès, lui offre son aide pour entrer dans la maison et gagner sa chambre mais il balaye la proposition d'un geste de la main et d'une bise sur sa joue. Elle l'observe marcher lentement et une pointe de nostalgie inonde son regard.
"Il refuse toujours de déménager ? je l'interroge alors qu'elle se rassoit près de nous.
- Toujours oui. Je crois qu'on ne le fera plus changer d'avis, souffle-t-elle. Il a passé un bon séjour chez nous, heureux de côtoyer ses petits-enfants au quotidien. Mais cet endroit lui manque. Il est rempli de souvenirs et papa aime vivre au milieu de ses souvenirs.
- On viendra veiller sur lui, la rassure Elin en glissant sa main dans la paume d'Agnès. Ca nous fera plaisir.
- Merci beaucoup, répond Agnès, visiblement touchée par la proposition de ma kiné.
- On s'est tous pris d'affection pour Augustin, j'ajoute.
- Louis et Augustin au centre, ça a changé nos journées ! Louis était le p'tit vieux et Augustin le jeune intrépide" rit Adam.
Toute la tablée se joint à lui. Je me retiens de bougonner pour éviter de lui donner raison.
Nous prenons un dernier café puis vient le moment où Elin et Adam se lèvent pour nous quitter et rejoindre leur domicile. Mon cœur se serre. Nous nous sommes promis de revenir dans la région, promis de nous donner des nouvelles, de nous revoir mais... le ferons-nous lorsque chacun aura retrouvé son quotidien ?
Adam me serre la main avant de m'attirer contre lui dans une étreinte amicale. Je ris de sa brusquerie pour masquer mon émotion. Quand il s'écarte, son regard est brillant.
"Tu fais gaffe à toi, hein ?
- Promis, je lui réponds.
- Tu lèves ton nez, tu regardes où tu mets les pieds !
- Je n'y suis pour rien, moi, dans tout ça... J'attendais juste le bus ! je rétorque les mains en l'air.
- Pour le coup, tu ne l'as pas raté !"
J'ai découvert l'humour d'Adam plusieurs semaines après mon arrivée au centre, quand il a fallu me faire sortir de la déprime dans laquelle je plongeais. Il ne faut pas être susceptible.
"Bon courage Elin, je dis à l'attention de ma kiné alors qu'elle s'approche de moi. Désolé de te l'avoir mis dans les pattes.
- Pour l'instant je ne t'en veux pas, Louis. Mais je te préviens que le jour où il me saoule beaucoup trop, soit je débarque soit je te l'envoie ! me prévient la jeune femme.
- Marché conclu ! je réponds en riant.
- Vous serez les bienvenus à la maison tous les deux, ajoute Harry en glissant son bras autour de ma taille.
A la maison...
- Merci Harry. Merci pour tout."
Les mots sont murmurés, étranglés par l'émotion qui nous submerge tous à ce moment-là.
Une dernière étreinte, des mots encourageants puis Adam et Elin quittent la maison. Agnès et son mari débarrassent la table alors que Harry et moi regardons la voiture s'éloigner. Dire au revoir à Augustin sera tout aussi difficile si ce n'est plus. Tout comme quitter cette plage, cette région.
Je me tourne entre les bras d'Harry et niche mon visage dans le creux de son cou. J'inspire son odeur rassurante alors qu'il resserre son étreinte autour de mon corps.
***
Je ferme mon sac alors que Harry rentre dans la chambre pour venir m'aider à descendre mes affaires et charger sa voiture. Je jette un regard circulaire à cette pièce qui a abrité la naissance de notre relation, nos moments intimes, nos conversations. J'inspire fortement. C'est vraiment difficile.
Harry glisse sa main sur la mienne et s'empare de l'anse de mon sac. Il dépose un baiser sur ma joue et me laisse quelques minutes seul dans la pièce.
Augustin en profite pour me rejoindre.
"Ne t'inquiète pas d'oublier quoi que ce soit, gamin. Rien n'est perdu ici, me dit-il, la voix un peu étranglée.
- Oui, je sais, je réponds doucement.
- Ca vous fera une bonne excuse pour revenir.
- J'espère que nous n'aurons pas besoin de cette excuse.
- La maison vous est grande ouverte, chaque fois que vous le souhaitez, chaque fois que vous en avez besoin.
- Merci Augustin, je dis en plongeant mon regard dans celui brillant du vieil homme.
- Vous allez me manquer. Si tu penses que je suis celui qui a égayé tes journées, je peux te dire que c'est bien l'inverse. J'ai été heureux de te rencontrer Louis, heureux de te voir te relever pour tomber amoureux."
Je laisse échapper un rire sur la formulation de sa phrase. C'est vrai que c'est en tombant amoureux que je me suis relevé. Je m'approche du vieil homme et le serre dans mes bras, bisant sa joue flétrie.
"Merci du fond du cœur Augustin. Pour votre écoute, votre soutien, votre accueil. Les personnes comme vous sont rares et je vous promets que Harry et moi allons rapidement revenir.
- Ce sera avec plaisir. Allez viens ! Ton amoureux va t'attendre et vous avez de la route."
Sur ces mots, il se détache de moi et sort de la chambre. Mon regard est attiré vers le coin près de la commode. Je souris.
En quelques jours seulement, je l'ai oubliée. Je récupère la canne offerte par Adam et m'appuie dessus quelques secondes. Je ne pourrais jamais oublier ce séjour au centre, mon parcours, les rencontres, tous les sentiments et les humeurs que j'ai éprouvés.
Un dernier regard et je quitte la pièce. En bas des marches, Harry donne une étreinte à Augustin. Agnès et son mari les observent avec tendresse.
La fille du vieil homme m'accueille et me remercie encore. Je lui souris avec émotion. J'ai hâte de retrouver ma famille, mais cette famille-là, celle de cœur, va me manquer.
"Soyez prudents sur la route, les garçons."
Augustin nous a accompagnés jusqu'à la voiture et est penché à ma fenêtre pour un dernier aurevoir. Je glisse ma main sur la sienne et lui promets de lui donner des nouvelles. Il sourit, le regard brillant puis, parce qu'il faut bien se mettre en route, Harry démarre la voiture. Augustin se décale et nous le saluons tous les deux. Dans le rétroviseur, alors que la voiture s'éloigne, j'aperçois la silhouette du vieil homme et la mer au loin. Mon cœur se serre.
Harry glisse sa main sur ma cuisse qu'il presse doucement. Je prends sa main dans la mienne alors qu'il tourne son visage vers moi, un sourire sur les lèvres mais le regard triste.
Nous quittons Siouville par le chemin des écoliers.
Harry longe la côte jusqu'à Diélette. Dans la petite ville portuaire, il prend la direction de Flamanville puis descend sur Sciotot par la route de Caubus. La vue sur l'Anse est magnifique. La mer est pleine, bleue intense.
"Merci de m'avoir fait découvrir ces endroits, je dis, le regard tourné sur le paysage.
- Avec plaisir."
Je n'ai pas besoin de me tourner vers Harry pour savoir qu'il est ému par la vue.
Dans Sciotot, après nous être arrêtés quelques minutes pour regarder la mer une dernière fois, Harry prend la direction de Les Pieux. Au fur et à mesure, l'étendue bleue disparaît. En une trentaine de minutes, nous atteignons la Nationale et dans trois heures, nous atteindrons la région parisienne.
*
* *
Je sais exactement le sentiment qui envahit Louis et Harry en quittant cette Normandie. C'est comme quitter une amie qu'on ne reverra pas avant un long moment.
Il est temps maintenant de rentrer... Et de se confronter à la réalité qu'Harry a choisi de fuir.
J'espère que ce chapitre vous aura plu.
Merci... Toujours, à vous mes plus fidèles lecteurs et lectrices.
Je vous embrasse,
Mimi
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