Chapitre 20 - Louis
"Et bien voilà, Louis. Tout est rentré dans l'ordre."
La main d'Elin sur mon thorax provoque un frisson d'émotion dans mon corps. C'était notre dernière séance après plusieurs mois de rééducation au centre. Je reprends mes esprits et me redresse pour remettre mon pantalon. Je descends de la table sans difficulté et m'assieds sur le fauteuil pour mettre mes chaussures.
Puis, comme à mon habitude, je m'installe devant le bureau de Elin. Elle a mon dossier devant elle et inscrit quelques notes dessus avant de compléter la fiche sur son ordinateur. Tout semble comme d'habitude mais l'atmosphère qui nous enveloppe est lourde.
Elin et moi avons noué une belle amitié et quitter la région, le centre, c'est aussi quitter une amie.
"Toutes nos séances sont répertoriées dans ce dossier. Je te le laisse. Si tu as besoin d'aller voir un kiné chez toi, pour t'aider à te détendre, n'hésite pas à lui transmettre. D'accord ?
- D'accord. Merci Elin.
- De rien. Je suis fière du chemin que tu as parcouru Louis, me dit-elle, le regard doux.
- Ce n'était pas gagné, hein ? je ris pour cacher mon trouble.
- Tu m'en as fait baver mais je suis ravie de n'avoir rien lâché. Et de t'en avoir fait baver également, ajoute-t-elle espiègle.
- Je t'en serai éternellement reconnaissant. Adam et toi avez été d'un grand soutien."
Elin balaye mes remerciements de la main. Je sais qu'elle ne les minimise pas mais c'est une manière de ne pas se laisser submerger par ses émotions.
"Vous passerez nous dire aurevoir avant de prendre la route ?
- Bien sûr.
- Ca va être bizarre de ne plus te voir tous les jours...
- Elin, arrête ! Je n'arrive pas à me réjouir d'en avoir fini avec la rééducation !
- Qui l'aurait cru ?! Allez file..."
La jeune femme se lève et vient près de moi. Instinctivement, elle place son bras devant moi pour m'aider avant de se raviser et de me laisser me mettre sur mes deux jambes seul. Je suis venu sans ma canne d'ailleurs. Et je m'en rends compte lorsque ma jambe gauche tremble légèrement. Je la secoue doucement puis prends une grande inspiration avant de me tourner vers la jeune kinésithérapeute. Nous tombons dans les bras l'un de l'autre. Je glisse un merci au creux de son oreille auquel elle répond d'un baiser sur ma joue.
Je sors du bureau de ma kiné et remonte le couloir, le cœur serré. Je prends sur moi pour ne pas me retourner ni me rapprocher du mur pour me tenir à la main courante. Je sais qu'Elin m'observe et je sais aussi que mes faiblesses ne sont liées qu'à mes émotions. Je vais mieux. Je vais bien.
Mais lorsque je passe les portes du centre et que j'aperçois la silhouette d'Harry, assis sur notre banc, le soulagement m'envahit.
"Hey ! je le salue en arrivant tout près de lui.
- Salut, dit-il doucement. Ca va ? m'interroge-t-il en se levant, glissant ses mains sur mes hanches.
- Oui. Tout va bien. Je suis content de te voir.
- Tu es parti une heure. Je te manquais déjà, susurre-t-il à l'orée de mes lèvres.
- Evidemment... Et puis, je suis parti sans ma canne...
- Tu n'en as pas besoin, me coupe Harry.
- Je sais. Mais, émotionnellement, c'est bien plus dur que je ne l'aurais pensé il y a quelques semaines.
- C'est pour ça que je suis là. Je m'en doutais."
Harry resserre ses bras autour de ma taille. Je cale mon front contre son épaule, profitant de cette étreinte réconfortante.
C'est sur ce banc que tout a commencé entre nous. Juste pour ça, c'est compliqué de quitter le centre, même si Harry et moi prenons la route du retour ensemble.
Je glisse mes lèvres sur la peau fine de son cou et remonte mes mains dans son dos.
"On rentre par la plage ? me propose-t-il
- Oui, avec plaisir. Profitons de cette dernière balade.
- l y en aura d'autres, ailleurs...
- Je sais. Mais j'aime cette plage. C'est notre plage.
- On reviendra."
Harry scelle sa promesse d'un baiser sur mes lèvres. Il glisse sa main dans ma main droite et nous nous mettons en route. Le temps est ensoleillé avec une petite brise marine agréable. La marée descendante nous offre un banc de sable mouillé, plus praticable pour moi pour marcher.
Nous prenons notre temps, profitant du panorama, du calme et de l'odeur iodée apaisante. Ce climat, ce paysage va réellement me manquer. Les mots de Zayn se rappellent à moi et je m'aperçois que je n'ai aucune envie de retrouver la région parisienne, la foule, la promiscuité des immeubles.
"A quoi tu penses ?"
La voix d'Harry me sort de mes pensées. Il serre mes doigts entre les siens, posant son regard interrogateur sur moi.
"Je pensais au fait que tout ça allait me manquer, j'explique en enrobant le paysage d'un geste du bras. Je n'ai pas envie de rentrer.
- Tu n'as qu'un mot à dire et je t'emmène où tu veux.
- Si seulement c'était si simple... je souffle.
- Ce ne sera l'affaire que de quelques jours et puis la routine s'installera, répond Harry en haussant les épaules.
- Ouais. C'est toujours ce qu'il se passe, tu as raison. Mais...
- Mais ?"
Je m'arrête et tourne mon regard vers la mer, la valse des vagues.
"Rien. Laisse tomber. Je suis déjà nostalgique mais, tu as raison, en quelques jours seulement, retrouver le confort de mon appart me conviendra.
- Ou le mien ?
- Quoi ? je l'interroge, incertain du sens de sa réponse.
- J'sais pas..., dit-il hésitant. Si toi, tu n'as pas envie de rentrer, moi je n'ai pas envie de te quitter...
- Moi non plus. On est clairs là-dessus Harry. Tu doutes encore à cause de ce que j'ai pu dire à Charlotte ?"
Une boule d'anxiété m'étreint soudainement. Mais les bras d'Harry autour de ma taille et ses lèvres juste à la commissure des miennes me rassurent immédiatement.
"Non. Je n'ai aucun doute justement. Je me disais qu'une fois que nous serions rentrés de chez tes parents, l'un de nous deux pourrait investir l'appartement de l'autre."
Je vois le rouge colorer légèrement ses joues. Harry glisse sa main libre dans ses cheveux et les ramène en arrière. Ce geste trahit sa nervosité tandis que les battements de mon cœur accélèrent avec frénésie dans ma poitrine.
Harry hausse les épaules et s'apprête à reprendre la parole face à mon silence. Mais je glisse ma main libre sur sa nuque et me hisse légèrement sur la pointe des pieds pour l'embrasser avec fougue. D'abord surpris, il ne répond pas à mon baiser mais ma main ferme sur sa peau le fait réaliser tout le sens de celui-ci.
Il relâche ma main et glisse ses deux bras autour de mon corps qu'il soulève légèrement, accentuant notre baiser. Je perds mon souffle si bien que je suis obligé de me reculer un peu, gardant mes doigts dans les cheveux courts de mon partenaire.
"Je n'imaginais pas un jour sans toi. Je n'osais même pas y penser, en fait" je murmure contre sa bouche.
Harry dépose ses lèvres souriantes doucement sur les miennes.
"Je ne savais pas comment aborder le sujet. Je suppose que les choses se seraient faites naturellement...
- Sûrement, oui."
Je lui souris, heureux et serein. Je sais désormais que le retour à la vie quotidienne sera plus doux.
***
"Quand on y pense, c'est quand même fou qu'Augustin nous ait fait confiance pour nous laisser sa maison pendant près de trois semaines."
Harry a raison. Augustin fait partie de ces personnes qui ont bouleversé mon quotidien pendant la rééducation. Il m'a pris sous son aile. Comme je l'avais dit à sa fille lorsqu'elle était venue lui rendre visite, Augustin et moi avons comblé le manque de nos familles au quotidien. Et grâce à lui, Harry et moi avons pu laisser s'épanouir notre relation, au point de décider de vivre ensemble à notre retour chez nous.
Les bras d'Harry encerclent mes épaules alors qu'il est installé dans mon dos. Je porte la tasse de thé qu'il m'a préparé à mes lèvres, savourant la chaleur de la boisson, le regard rivé aux vagues qui déferlent devant nous. Les kitesurfeurs sont de sortie.
Ca aussi, ça va me manquer. Ces moments où nous sommes juste ensemble, sans ressentir le besoin de parler, juste admirer les prouesses de ces sportifs intrépides.
Je me love un peu plus contre le corps de Harry qui en profite pour nicher son visage dans mon cou.
"Oui, c'est incroyable. Je crois que je lui en serai toujours reconnaissant. Il va me manquer aussi..., je finis par murmurer.
- On viendra lui rendre visite, c'est une bonne excuse pour revenir dans la région.
- Oui, tout comme Adam et Elin.
- Oui, répond Harry avant d'embrasser ma joue.
- On s'arrêtera au centre pour leur dire aurevoir ?
- Bien sûr."
J'inspire fortement, les émotions en désordre au fond de moi. La seule chose constante actuellement, c'est Harry. Il est devenu, en quelques semaines à peine, mon pilier. Je glisse ma main sur son bras que je presse et tourne légèrement mon visage à la rencontre de ses lèvres.
"Tu sais, il ajoute, on n'a aucun impératif. Je me doute que tu as hâte de retrouver ta famille, mais, on pourrait décaler notre départ d'un jour ou deux, et organiser un repas ici. Pour remercier Augustin de sa confiance, pour partager un moment avec Adam et Elin. Qu'en penses-tu ?"
Son regard émeraude me sonde et moi, je tente de lire à travers ses prunelles. Je ne sais pas s'il appréhende de rencontrer ma famille ou si c'est sa propre vie qu'il retarde à retrouver. Mais, je dois reconnaître que son idée me tente beaucoup.
"Oui. On peut prolonger de quelques jours notre séjour. Je vais prévenir mes parents. Appelle Adam ou Elin et propose-leur de venir demain ou après-demain, je réponds en souriant, ravi de prolonger cette parenthèse.
- D'accord."
Son sourire répond au mien. En vérité, je pense que ni lui ni moi ne voulons retourner à notre vie, comme si, une fois que nous aurons quitté la Normandie, le charme sera rompu. Parce qu'une fois de retour, la réalité va nous frapper de plein fouet et l'un comme l'autre, nous le savons parfaitement.
*
* *
When you know, you know...
Ces deux-là ne s'encombrent pas de principes ou de règles. Ils se sont trouvés, ils s'apaisent, se soutiennent alors vivre ensemble est une évidence.
Le retour en région parisienne approche... La confrontation d'Harry avec sa sœur aussi. Il est temps qu'il dise ce qui l'affecte, qu'il puisse désormais avancer.
Merci d'être là.
Je vous embrasse
Mimi
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