Chapitre 19 - Harry
La soirée s'étire agréablement sur la terrasse. Emmitouflés dans des vestes ou sweats, Louis et ses proches profitent de leurs retrouvailles. Son sourire ne quitte pas ses lèvres ni ce petit éclat dans son regard.
J'observe la scène depuis la baie vitrée, attendant que l'eau se mette à bouillir pour le thé. Les bras croisés sur mon torse, je sens mon sourire s'étirer sur mes lèvres lorsque mon regard croise celui de Louis. Une chaleur agréable se propage dans mon corps et mes joues s'échauffent. Je mordille ma lèvre inférieure sous son regard incandescent. Son bonheur irradie entièrement autour de lui. J'inspire fortement alors que je me décale pour retourner dans la cuisine.
La machine à café couvre le bruit des pas de Charlotte qui descend l'escalier après avoir été voir son petit William. Le son de sa voix dans mon dos me fait légèrement sursauter.
"Désolée, je ne voulais pas te faire peur, Harry, s'excuse-t-elle.
- Ce n'est rien.
- Tu as besoin d'aide ?
- Oui, tu peux sortir les tasses s'il te plait ? Elles sont juste dans le placard derrière toi."
Je me tourne pour indiquer brièvement le meuble à Charlotte. Elle hoche la tête et ouvre la porte. J'entends le cliquetis des tasses les unes contre les autres puis la sœur de Louis se racler la gorge. J'hésite à engager la conversation, peut-être présenter des excuses pour avoir retenu Louis ici, même si je ne crois pas être le seul responsable de la situation... Enfin pas totalement. Je souffle doucement, attendant les mots de Charlotte.
"Louis semble vraiment aller mieux, commence-t-elle, l'hésitation s'entendant dans sa voix. Je... Je voulais te remercier d'avoir été là pour lui. D'être là pour lui, poursuit-elle. Je n'aurais pas dû réagir aussi vivement tout à l'heure. Louis a toujours fait passer le bien-être des autres avant le sien. Aujourd'hui, il s'est choisi lui et c'est une bonne chose. J'ai été surprise...
- Ta réaction était légitime, Charlotte, je la rassure en l'interrompant. Un peu déroutante mais je comprends.
- Tu es une belle personne Harry...
- Oh non ! je l'interromps en riant.
- Bien sûr que si. Ca se ressent ! Et puis si Louis t'a choisi, c'est pour une bonne raison. Je lui fais confiance.
- C'est gentil. On s'est trouvés à un moment de nos vies où nous en avions tous les deux besoin.
- Le destin fait bien les choses...
- Oui" je réponds dans un sourire.
Charlotte me sourit, avec ce même éclat dans le regard que Louis, et sort de la cuisine, les tasses à la main. Je récupère un plateau et dépose les cafés pour Zayn et Lewis, la bouilloire et la boîte de sachets de thé.
Sur la terrasse, le vent s'est levé et la nuit un peu tombée. Je dépose le plateau sur la table avant de rejoindre Louis. Je m'installe derrière lui et lui offre mon corps pour appui. J'entoure son buste de mes bras et enfouis mon nez dans son cou. Ses doigts glissent sur ma peau, dessinent de petits cercles en douces caresses.
J'apprécie cette soirée, heureux de découvrir Louis au milieu de sa famille. Zayn n'hésite pas à le taquiner, Charlotte le couve d'un regard bienveillant, presque maternel. Je me demande si elle a toujours été comme ça avec lui ou si les rôles se sont inversés depuis l'accident ou depuis la naissance de son fils.
Ils forment une belle famille. Et forcément, je ne peux empêcher mes pensées de se tourner vers la mienne. Que font-ils actuellement ? Parlent-ils de moi ? Est-ce que je leur manque ?
J'y pense régulièrement même si c'est moi qui ait fait le choix de prendre mes distances. C'est une décision douloureuse même si c'est celle dont j'avais besoin. Je ne pouvais pas continuer à faire semblant d'aller bien, accepter les remarques sur ma vie, les regards emplis de jugement ou encore cette sensation d'être utilisé.
Quand je vois Louis et sa famille, la bienveillance qui ressort de leurs échanges, je ne peux m'empêcher de penser que, moi aussi, j'ai le droit de vivre sereinement.
Louis gigote entre mes bras, attirant mon attention.
"Est-ce que tout va bien ? m'interroge-t-il doucement.
- Oui, je réponds simplement.
- Vraiment ? Je te sens ailleurs...
- Ca va... Ne t'inquiète pas."
J'embrasse doucement sa joue tandis qu'il glisse un doigt contre la mienne. Je lui souris tendrement.
"Cette fossette est tellement craquante..."
C'est juste un murmure pour que je sois le seul à l'entendre. Ca chamboule le creux de mon ventre. Louis m'offre la sérénité dont j'avais besoin. Je me regorge de sa bienveillance.
"On va vous laisser, dit Charlotte en se redressant de son siège. Tu peux aller chercher William, s'il te plaît Lewis ?
- J'y vais, répond son compagnon en se levant.
- Il y a son sac sur le petit canapé du couloir.
- OK !
- Merci beaucoup pour cette soirée, ajoute-t-elle à l'attention de Louis et moi. On profite de la journée ensemble demain ?
- Evidemment ! répond Louis. Harry et moi allons préparer un petit circuit pour vous faire découvrir les environs.
- Est-ce qu'on peut envisager une petite session de surf ? intervient Zayn.
- Sans moi, rétorque Louis, déclanchant nos rires autour de la table.
- On ira sur la plage de Sciotot. Charlotte et Louis pourront nous attendre installés en terrasse, je réponds en souriant à Zayn. Lewis serait partant ?
- Il faut lui demander mais le connaissant, je n'en doute pas, nous informe Charlotte.
- J'appellerai l'école de surf pour savoir s'ils ont de la dispo alors, et si la mer le permet, on peut se faire ça en fin de journée."
Zayn acquiesce alors que Lewis nous rejoint ; le petit bien calé contre lui et le sac sur l'épaule. Charlotte récupère son sac à main et s'approche de Louis. Elle glisse sa main sur son épaule avant de lui donner une étreinte. La tension de l'après-midi est totalement dissipée. Louis est souriant même si son visage laisse entrevoir des signes de fatigue. La journée a été éprouvante, physiquement et moralement.
Je salue tout le monde et laisse Louis raccompagner sa famille jusqu'à la rue. J'en profite pour ranger la vaisselle qui traine, mettre le lave-vaisselle en route. Je sors sur la terrasse et débarrasse la petite table.
Je ferme la baie vitrée, éteins la lumière de la terrasse et celle de la cuisine avant de rejoindre le salon lorsque j'entends la porte se refermer. Je craque un petit sourire lorsque mon regard croise celui de Louis et lui offre mes bras. Il se blottit contre moi et resserre ses bras autour de ma taille.
"Tu sens la clope, je lui dis doucement.
- Oh... Désolé. Ca te dérange ? m'interroge-t-il en s'éloignant.
- Pas du tout, je réponds en le rapprochant. C'est surprenant. Je ne savais pas que tu fumais.
- Je ne fume que rarement. Le plus souvent en soirée... Quand je me sens bien.
- C'était une bonne soirée alors ?
- Oui. Je suis content qu'ils soient venus. William est si mignon !"
Louis se décale légèrement et m'offre un sourire éclatant et des yeux brillants d'émotion, emplis de cet amour d'un oncle pour son neveu. Je l'aime un peu plus ce soir.
Je glisse mes mains dans son dos et le guide vers la chambre que nous partageons à l'étage. Après un passage dans la salle de bain, nous nous installons sur le lit. Je récupère la petite bouteille d'huile et, comme j'en ai pris l'habitude depuis que je partage mes nuits avec Louis, j'entreprends de masser ses cicatrices pour les atténuer. Je glisse mes lèvres sur la cicatrice sur son tibia puis mes mains depuis sa cheville jusqu'à son genou. Les premières fois où j'ai réalisé ces gestes, Louis était mal à l'aise, pudique. Mais ce soir, je le sens se détendre sous mes doigts, son corps s'enfonçant un peu plus dans le matelas, ses doigts glissant dans mes cheveux.
L'instant devient tendre, l'atmosphère se réchauffe brusquement.
"Et si on inversait les rôles ce soir ? demande Louis alors que je relève mon visage vers le sien.
- C'est une proposition indécente ? je l'interroge en mordillant ma lèvre inférieure.
- Ca pourrait, mais non... Mais si ce soir, c'était moi qui m'occupais de toi... Tu as semblé bouleversé pendant la soirée."
Je déglutis avec difficulté. Je savais que Louis avait remarqué mon trouble mais j'espérais qu'il mette ça sur le compte de ma rencontre avec sa famille. Il se redresse sur ses coudes et d'un regard, m'incite à abandonner sa jambe. Je m'exécute et frotte mes mains sur mon t-shirt avant de m'installer près de lui.
Aussitôt, Louis se tourne sur le côté et s'appuie contre mon torse. Ses doigts dessinent des formes abstraites sur ma peau, remontant de mes pectoraux à mon cou, jusqu'à trouver ma joue. Il se redresse et se penche au-dessus de moi, déposant ses lèvres contre les miennes. Le baiser est doux, lent, empli de tendresse.
"Je ne peux pas te forcer à en parler, mais je suis là si tu as besoin de te confier..."
Jamais, depuis que nous nous connaissons, Louis s'est montré indiscret. Il a écouté ce que j'ai bien voulu lui dire et n'a jamais insisté pour en savoir plus, me laissant mon intimité. Nous nous connaissons depuis peu et j'apprécie sa discrétion. Louis et moi sommes différents sur ce point. Il ne cache pas ses sentiments, n'hésite jamais à ouvrir son cœur pour se délester de certains poids.
Devrais-je en faire autant ?
Mon cœur s'emballe un peu et ma gorge s'obstrue légèrement par l'anxiété qui m'envahit. Je suis à bout, je le sais. Rencontrer Louis m'a permis de me concentrer sur autre chose que moi-même. Cette rencontre est salvatrice. Mais peut-être que le temps est venu de lâcher prise et d'enfin affronter ce que j'ai fui en venant en Normandie.
J'inspire fortement et serre Louis tout contre moi. Je glisse mes lèvres sur sa joue avant d'embrasser ses lèvres doucement.
"Tu as raison... J'étais bouleversé ce soir. Voir ta famille agir avec tant de bienveillance et d'amour à ton égard, c'était beau. C'est ce que je croyais avoir avec la mienne avant de me rendre compte que beaucoup de nos échanges étaient faux."
Louis ne dit rien. Je sens son regard sur moi alors que mes yeux sont fermés, retenant les larmes qui menacent de s'en échapper. Cette situation est douloureuse pour moi. Je ressasse sans cesse certains évènements qui se sont produits ces deux dernières années.
Il poursuit les caresses sur ma peau, attendant patiemment que je poursuive.
"Je suis plein de rancœur et c'est insupportable, je lâche. C'est insupportable de vivre avec ce sentiment juste parce que je ne sais pas dire aux personnes qui me blessent qu'elles m'ont blessé. Je préfère partir. Je fuis, je disparais. Je m'efface. Mais ça me ronge. Ca me ronge tellement. Il ne se passe pas un jour où je n'y pense pas. Alors je me remets en question. Je me pose constamment des questions. Je me sens toujours responsable des situations que je vis. Si quelqu'un me blesse ou s'éloigne, je pense que c'est ma faute... Je n'en peux plus. Mais je ne sais pas affronter ces situations. Parce que je suis persuadé que ça se retournera contre moi."
La larme qui s'échappe sur ma joue est arrêtée par les lèvres de Louis qui m'embrasse. Je renifle, ne pouvant plus retenir ce qui me pèse depuis des mois.
"Il n'y a qu'avec toi, Louis, que je ne me pose pas de question... Enfin sauf tout à l'heure...
- Je suis désolé pour ça, souffle-t-il.
- Non... Je comprends que ce n'était pas intentionnel et que toi-même tu étais pris au dépourvu de tes propres sentiments. Les choses se seraient passées différemment si...
- Si j'avais parlé à Charlotte avant qu'elle ne débarque, m'interrompt-il.
- Ce n'est rien, Louis. Vraiment. On en a parlé et tout va bien désormais."
Je l'embrasse et l'étreins. Je ne veux surtout pas le faire culpabiliser de quoi que ce soit. Comme je l'ai dit à Charlotte plus tôt ce soir, Louis et moi nous sommes trouvés à un moment de nos vies où nous en avions le plus besoin. Je chéris cette rencontre et je ne veux surtout pas assombrir notre relation.
Louis se redresse un peu sans pour autant rompre le contact réconfortant de nos peaux.
"Tu es sûr de vouloir m'accompagner chez mes parents ?
- Tu ne veux plus de moi ?
- Arrête... Ce n'est pas ce que je dis. Mais, si cette situation te pèse tant, sachant que ta sœur a essayé de te joindre, ne crois-tu pas que le moment est venu de parler ?
- Je ne sais pas, je souffle.
- Tu ne peux pas rester avec tout ça sur le cœur. Tu dois lui dire qu'elle te blesse quand elle juge ta vie, que tu te sens utilisé. Tu es une personne à part entière, Harry. Les gens, qui qu'ils soient, ne peuvent pas faire abstraction de tes sentiments. S'ils te connaissent vraiment, s'ils t'aiment, ils savent. Alors tu as raison de prendre tes distances si la sincérité n'est pas là. Mais tu dois malgré tout en parler, parce que partir sur un éventuel malentendu, sur une maladresse, c'est te rendre malheureux et risquer de rendre malheureuse l'autre personne. Tu dois dire à ta sœur que son comportement te blesse et que tu regrettes qu'elle ne t'accepte pas comme tu es. Si elle est intelligente, elle prendra conscience de la situation et te présentera des excuses. Et même si c'est un peu long, un jour, vous retrouverez une jolie relation.
- Mais je suis épuisé d'être celui qui se remet en question et qui fait le premier pas, je réponds un peu sèchement.
- Elle a tenté de te joindre, Harry. Le premier pas elle l'a fait."
Je ne réponds rien, commençant à bougonner au fond de moi. Je déteste quand on me pousse dans mes retranchements.
"Harry... Je veux juste que tu sois plus serein. Toutes les personnes qui ont pu te blesser ne méritent pas ton pardon mais ta sœur... C'est différent. Écoute-la, laisse-lui le bénéfice du doute. Tu seras plus à même de juger la situation alors ; situation dont tu n'es pas responsable. Tu vis juste ta vie. La tienne, pas la sienne. Et elle doit le comprendre et l'accepter. Sinon, oui, elle ne te mérite pas dans sa vie.
- Tu as le numéro du chauffeur de bus ?
- Quoi ? rétorque Louis interloqué par cette demande improbable.
- J'aimerais quand même le remercier de t'avoir mis sur mon chemin."
Louis éclate de rire et ça allège immédiatement l'atmosphère autour de nous. Il a raison. Je le sais. L'entendre est toujours difficile mais c'est sûrement la meilleure solution pour moi d'avancer. Je ne peux pas continuer à me morfondre de cette manière.
"Tu m'accompagnerais ? Avant qu'on descende chez tes parents ?
- Oui."
Un mot. Juste un et mon cœur est déjà plus léger.
*
* *
Il y a quelqu'un ?
Non, parce que sincèrement, vu le délai de publication, je comprendrais que vous lâchiez l'affaire.
Je me disais que j'attendrais de terminer pour poster, mais bon...
Ce chapitre est très personnel, très marqué par ma propre personnalité (celle d'Harry). Je me débats chaque jour contre mes insécurités et c'est fatiguant.
Merci alors si vous êtes encore là
Je vous embrasse
Mimi
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top