Chapitre 18 - Louis
Je perds la tête.
Je perds pied.
Je suis perdu entre le bonheur de retrouver ma famille, mon meilleur ami, et la culpabilité d'être resté en Normandie plutôt que de rentrer chez moi. La culpabilité d'avoir menti par omission à ma sœur.
J'ai bien vu que mes mots ont blessé Harry. Dès lors qu'il s'est levé pour quitter la table, j'ai su que j'étais allé trop loin. Je ne pense pas un seul mot des derniers que j'ai prononcés. Je ne veux surtout pas que nous nous quittions.
Je profite que William se réveille dans le creux de mon bras pour me concentrer sur autre chose et rendre mon neveu à ma sœur.
"Charlotte, intervient Zayn, me coupant dans mes pensées. Il faut que tu dises à ton frère que tu ne lui en veux pas...
- Mais je lui en veux, répond-elle alors qu'elle s'apprête à nourrir son fils.
- Il va faire la plus grosse connerie de sa vie... soupire mon meilleur ami.
- Quoi ? répondons en cœur Charlotte et moi.
- Louis, va voir comment va Harry, suggère Zayn, tandis que le regard de ma sœur passe de l'un à l'autre incrédule. Lottie, ton frère est tombé amoureux ! Ca se voit à des kilomètres !"
Je n'écoute pas la fin de la conversation et me lève de la banquette. Je récupère ma canne, calée contre la chaise qu'occupait Harry, et me dirige vers les WC.
La plupart des clients est installé sur la terrasse alors je traverse la salle sans obstacle. Un homme sort des toilettes et me tient la porte avec courtoisie. Harry est là, les mains appuyées sur le lavabo, la tête baissée. Son regard brillant capte le mien dans le miroir quand il se redresse.
"Je suis désolé."
Il tourne son visage vers moi et ça me brise le cœur de lire la tristesse dans son regard. Je m'approche, espérant que personne n'entre dans la pièce.
"Tu sais que je ne pense pas un mot de ce que j'ai dit.
- Pourquoi le dire alors ? Je ne comprends pas... répond-il amer.
- Parce que... Charlotte est déçue et je voulais...
- Tu penses qu'elle ne peut pas comprendre que tu fasses tes propres choix, que tu vives ta vie ? m'interrompt-il. N'a-t-elle pas choisi de quitter votre région natale pour s'installer avec son compagnon ?"
Harry marque un point. D'autant que Lewis n'est pas l'homme pour lequel elle a tout quitté. Je mordille mes lèvres, me sentant idiot.
"J'ai peur J'ai peur de ce qu'elle peut penser, parce que j'ai peur de ce que je ressens Harry."
Il se recule du meuble et vient se placer devant moi, m'emprisonnant entre la porte et son corps. Les battements de mon cœur accélèrent et je savoure la proximité de son corps contre le mien. J'aime devoir lever le visage pour croiser son regard, actuellement incandescent, partagé entre colère et désir. Je déglutis tandis que son visage s'approche plus près du mien. Je sens son souffle percuter mes lèvres, ses doigts effleurer ma hanche. Je n'ose pas bouger, ma main crispée sur ma canne, je ne veux pas rompre cet instant.
Aucun autre de mes partenaires ne m'a fait ressentir ce que Harry me fait ressentir. Et je suis peut-être en train de tout gâcher.
Je m'apprête à lui présenter mes excuses à nouveau, mais il pose son index sur ma bouche pour me faire taire. Il capture mes lèvres et m'embrasse avec passion. Je remonte ma main libre dans ses cheveux pour l'empêcher de se reculer et de mettre un terme à ce baiser fiévreux.
Pourtant, à bout de souffle, nous nous écartons l'un de l'autre.
"Aujourd'hui, je n'ai plus d'attache Louis. Tu le sais. Peu importe ce que tu décides, si tu veux de moi dans ta vie, j'irai où tu iras. Augustin m'a dit être tombé amoureux de sa femme au premier regard. Je ne croyais pas au coup de foudre jusqu'à toi... C'est terrifiant mais c'est exaltant. Souviens-toi de ce que tu m'as dit quand on a quitté la maison tout à l'heure. Tu as dit que Charlotte serait heureuse pour toi. Elle te bouscule un peu et tu perds toute confiance. Mais si tu as confiance en moi, tu peux avoir confiance en nous aussi."
Pour toute réponse, j'effleure ses lèvres. J'appuie ma main gauche sur sa poitrine, sentant les battements de son cœur sous mes doigts. Son regard se voile légèrement mais je lui offre un sourire rassurant. Il penche son visage vers le mien, embrasse mes lèvres, ma joue. Je le sens inspirer contre ma peau, me faisant frissonner. N'y a-t-il pas une sortie de secours par laquelle nous pourrions échapper à ma sœur ?
"On devrait retourner à la table, suggère-t-il contre mon oreille, sans pour autant s'écarter de moi.
- On devrait, oui..."
Harry s'empare de ma main sur son torse, porte mes doigts à ses lèvres avant de les entrelacer. Il m'attire un peu contre lui pour lui permettre d'attraper la poignée de la porte et de l'ouvrir. Nous avançons dans la salle du restaurant, main dans la main.
Mon cœur accélère lorsque je vois Charlotte nous observer. Harry presse mes doigts pour me soutenir. Alors que nous approchons de la table, Lottie donne le petit William à son père et se lève pour venir à notre rencontre.
Elle glisse ses bras autour de mes épaules et m'offre une étreinte forte. Je glisse mon bras droit dans son dos, ma main gauche toujours fermement accrochée à la main d'Harry.
"Je ne suis pas vraiment fâchée, Louis, commence-t-elle. Tu m'as fait si peur et j'ai tant culpabilisé de ne pas pouvoir venir te voir régulièrement, poursuit-elle en se redressant légèrement pour pouvoir ancrer son regard dans le mien. J'ai cru que tu nous en voulais et que c'était la raison pour laquelle tu ne rentrais pas.
- Mais non, voyons... je l'interromps. Je sais bien que c'était difficile. Ta fin de grossesse, l'arrivée de William. Je sais. Je ne vous en veux pas."
Les larmes montent aux yeux de ma sœur. Alors pour se cacher un peu, elle resserre ses bras autour de moi. Je l'enlace de mes deux bras cette fois, caressant son dos dans un geste de réconfort. J'embrasse sa joue doucement avant de la relâcher.
Ses deux mains sur mes épaules, elle dirige son regard vers Harry et lui sourit gentiment avant de reporter son attention sur moi. Son regard devient pétillant et un petit sourire espiègle s'étire sur ses lèvres.
"Par contre, je suis fâchée que tu ne m'aies jamais parlé d'Harry !!!"
Le soulagement s'empare de moi et la pression quitte mes épaules. Je ris de bon cœur, basculant mon visage en arrière.
***
Charlotte et Lewis sont rentrés au gîte avec leur fils. Zayn nous a accompagnés à la maison et, tandis qu'Harry est parti faire quelques courses pour préparer de quoi dîner tous ensemble ce soir, mon meilleur ami et moi sommes installés sur la terrasse, le visage tourné vers la mer.
Je suis tellement heureux de le voir, de pouvoir parler avec lui de vive voix. Ca me manque au quotidien, certains jours plus que d'autres. Et je dois bien avouer que les premières semaines enfermé au centre, totalement dépendant, ont été un vrai supplice. J'ose enfin me confier sur mes sentiments. Tout est rentré dans l'ordre aujourd'hui, moralement et physiquement. Je ne voulais pas inquiéter mes proches outre mesure. J'étais en vie et en voie de guérison, je n'avais aucune raison de m'apitoyer sur mon sort. Le regard de Zayn me sonde sans me mettre mal à l'aise. Lui et moi pouvons tout nous dire. Il ne porte aucun jugement sur mon attitude ou mes paroles. Il m'écoute, attentif.
Il prend le temps d'allumer une cigarette et de m'en proposer une que j'accepte, avant de se lever et de s'installer face à moi, dos à la plage. Il tire sur la clope en fermant les yeux, cherchant ses mots peut-être.
"Comme je l'ai dit à Lottie, je ne vous en veux pas. Pas du tout, crois-je bon de préciser. Je me suis juste senti très seul et j'ai fini par me créer un cocon ici.
- Tu sais que j'aurais voulu être plus présent.
- Je sais.
- Si nous avions trouvé un centre près de chez nous, on aurait fait des pieds et des mains pour te rapatrier. Mais les places sont si limitées.
- Je sais Zayn. Ne te méprend pas, je ne fais de reproche à personne, sauf peut-être à moi-même, je me confie.
- Pourquoi te faire des reproches ? Tu as pensé à toi pour une fois, en prolongeant ton séjour ici. Tu vis enfin pour toi !
- J'ai toujours vécu pour moi, je réponds en fronçant les sourcils, incrédule.
- Vraiment ? Tu es parti avec Lottie...
- Parce que les propositions de boulot étaient plus intéressantes sur Paris... je l'interromps.
- Vraiment ? répète mon meilleur ami.
- Oui.
- Louis, on sait parfaitement toi et moi, que tu es parti parce que Lottie était terrifiée même si elle retrouvait quelqu'un là-bas. Elle t'en a parlé et quelques jours plus tard, tu as décidé de monter avec elle, peu importe ce que tu laissais en bas.
- Tu m'en veux ?
- Non !!! Mais reconnais que ce n'est pas la vie que tu t'étais imaginé ? Le bruit, le béton, le monde..."
Zayn me connaît vraiment très bien. Ce qu'il révèle aujourd'hui est quelque chose que je n'ai jamais osé m'avouer.
"C'est pour ça que tu te sens bien ici, reprend-il. Cet endroit est à ton image, à l'image du gars que je connais depuis plus de quinze ans. Tu le portes sur toi, Louis. Et même si Harry y est sûrement pour beaucoup, je t'ai rarement vu aussi épanoui depuis que tu as quitté la maison. Et pourtant, tu t'es pris un bus !"
Je ne retiens pas mon rire. La sincérité de Zayn me touche énormément et me rassure sur mes propres sentiments.
"Quels sont vos projets ? me demande mon meilleur ami en revenant s'installer près de moi.
- Je vais quitter la Normandie et descendre un peu voir papa et maman. J'ai encore un mois d'arrêt avant de reprendre le boulot.
- Et Harry ?
- Il est prêt à me suivre, je réponds la voix étranglée par l'émotion. On en a parlé tout à l'heure.
- Il est d'où ?
- Tout près de chez moi. On s'est peut-être déjà croisés dans les transports en commun, je souris.
- Et son boulot ?
- Il est en congé actuellement. Il est parti avant de faire un burn-out. C'est un peu compliqué, mais il en parle peu.
- Deux âmes en peine qui se sont rencontrées...
- Exactement. Il peut travailler d'où il veut m'a-t-il dit et il aimerait se lancer en freelance.
- Il fait quoi ?
- Il est traducteur pour une maison d'édition.
- Cool !"
Je tire une dernière taffe sur la cigarette avant d'écraser le mégot dans le cendrier entre Zayn et moi. Le regard tourné vers la mer, je me perds dans mes pensées. Mon meilleur ami près de moi ne reprend pas la conversation, me laissant à mes réflexions.
Le silence est interrompu par la porte d'entrée qui se referme et la voix d'Harry qui s'élève derrière nous pour nous faire part de son retour. Je l'entends déposer les sacs sur le plan de travail puis ouvrir le réfrigérateur pour ranger les quelques courses. Je sens une certaine impatience tordre mon estomac, sentir son corps près du mien, son contact sur ma peau, ses lèvres sur les miennes. Sans m'en rendre compte, je me tortille sur mon siège et croise le regard de Zayn dont le sourire est bien trop grand. Il bouscule mon épaule en laissant échapper un rire et se lève.
Harry ? Tu as besoin d'aide ?" demande-t-il en pénétrant dans la cuisine.
J'inspire profondément. L'air marin emplit mes poumons et mon esprit. Zayn a raison. Malgré les raisons de mon arrivée dans cette région, je me suis rarement senti aussi bien. En tout cas, certainement pas depuis que j'ai quitté ma région natale.
Je me redresse sur mon siège pour rejoindre Harry et Zayn dans la maison lorsque j'entends la baie vitrée se refermer légèrement. Je fronce les sourcils en me tournant mais tombe directement dans le regard émeraude de mon amant. Un frisson de plaisir recouvre ma peau quand sa main glisse sur mon avant-bras jusqu'à mes doigts. Mon corps se love immédiatement contre le sien. Je savoure le câlin qu'il m'offre juste avant de déposer mes lèvres sur les siennes.
*
* *
Il ne pouvait pas en être autrement entre eux. Louis est sincère avec Harry, bien sûr. Il a juste été pris au dépourvu avec Charlotte et ne voulait pas qu'elle se sente délaissée ou blessée. Louis a été maladroit mais a su se faire pardonner par Harry :-)
Ces deux personnages sont le reflet de tant de points de ma personnalité. Je viens de boucler le chapitre 19 et jamais je me suis autant livrée dans une histoire. Ils représentent tous les sentiments qui se bousculent en moi depuis plusieurs mois. Et c'est assez drôle parce que je leur fais dire, vivre, ce que je ne parviens pas à faire moi-même...
Merci d'être là. Vous êtes ma petite bulle de bonheur actuellement.
Je vous embrasse.
Mimi
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