Chapitre 14 - Louis
J'arrive en retard à la piscine du centre. La nuit a été courte ; après avoir eu Zayn en FaceTime pendant une heure, Harry et moi avons passé une bonne partie de la nuit à discuter. J'ai d'ailleurs commencé à parler de lui à mon meilleur ami. J'avais besoin de me confier un peu sur les sentiments que je ressens, cette sérénité qui m'envahit lorsque je suis près de lui. Zayn m'a écouté sans porter de jugement. Il avait remarqué un changement de comportement dans les messages que nous nous envoyons et dans les conversations que nous avons échangées. Mon ami m'a avoué m'avoir trouvé rayonnant, le regard rieur. Juste pour cette raison, il est ravi de ma rencontre avec Harry.
Mais à cause du jeune homme aux yeux verts qui a chapardé mon cœur, j'arrive avec une vingtaine de minutes de retard à ma séance quotidienne de natation et d'aquagym. J'ai rapidement avalé une barre de céréales retrouvée au fin fond de mon sac à dos, ayant loupé l'heure du petit-déjeuner.
Iliane m'accueille avec un clin d'œil et un sourire narquois au coin des lèvres. J'enlève mon peignoir que je dépose sur le banc, près de mes béquilles, et descends dans le bassin, frissonnant au contact de l'eau fraîche.
"Alors, Louis, panne de réveil ?! me demande le coach sportif.
- Ouais... Je ne peux pas trop le nier, je réponds en haussant les épaules face à l'évidence.
- J'espère que tu es quand même en forme .
- Ca va, oui, j'acquiesce.
- Parfait. On commence par un petit échauffement. Tu fais une quinzaine de longueurs en brasse, à ton rythme. On n'a pas besoin de rattraper le retard, OK ? On va ajuster les exercices.
- D'accord."
Je remercie Iliane d'un hochement de tête et m'élance dans l'eau. L'exercice est agréable parce que l'eau supporte mon poids et allège mes muscles. Mes mouvements sont fluides et aisés. J'inspire et j'expire, concentré sur mes gestes.
Il y a plusieurs résidents dans le bassin, comme tous les jours, mais je suis surpris de ne pas voir Augustin. J'ai un peu délaissé le vieil homme à cause de mes escapades avec Harry. Hier soir, notamment, je suis arrivé trop tard pour partager mon dîner avec lui.
Je termine ma seizième longueur juste devant Iliane qui m'observe. Il s'accroupit devant moi pour me donner ses instructions sur la suite du programme du jour.
"Pas de courbature Louis ?
- Non, ça va. Aucune crampe, non plus.
- C'est bien. Aucune gêne au niveau des broches ?
- Ca tire quelques fois quand je marche trop longtemps ou que je reste debout. Mais de manière générale, je me sens bien.
- C'est parfait. Tu es en bonne voie de guérison, en fin de convalescence."
L'information que j'espérais depuis des semaines me serre le ventre. La fin de la convalescence est synonyme de la fin de mon séjour au centre. La fin de mon séjour en Normandie.
La voix d'Iliane est un peu lointaine et je dois m'obliger à me reconcentrer pour écouter ses directives. J'effectue les exercices comme un automate pendant les trente minutes suivantes.
La douche chaude que je prends après cette séance est bienvenue pour me détendre. Cette journée sera sûrement décisive sur la suite de ma convalescence et mon ressenti à cette idée est des plus confus.
Une fois séché et habillé, je récupère une petite bouteille d'eau dans le réfrigérateur mis à disposition des résidents et me dirige tranquillement vers le bureau d'Elin pour ma séance quotidienne.
La porte est encore fermée alors je patiente un peu dans le couloir, assis sur l'un des fauteuils. J'ai envie de prendre mon téléphone et d'envoyer un message à Harry. Je n'hésite pas très longtemps et récupère l'appareil dans la poche de mon pantalon de jogging.
Harry m'a devancé et, tandis que mon sourire s'élargit, les battements de mon cœur accélèrent.
📧From Harry : Bonne séance Louis. J'espère que tu n'es pas trop fatigué.
📧From Harry : Il ne fait pas très beau aujourd'hui, je vais essayer d'écrire un peu dans le cottage. Mais appelle-moi, quand tu veux, quand tu peux. J'espère aller voir la mer avec toi d'ici ce soir...
Le troisième message est un smiley bisou qui contracte mon estomac. Comment puis-je être si attaché à Harry en si peu de temps ? Et comment cela peut-il être réciproque ?
Je rédige rapidement un message alors que j'entends du bruit dans le bureau de ma kinésithérapeute. Je promets à Harry de le tenir informé et lui révèle que, moi aussi, j'espère partager un moment avec lui aujourd'hui.
La porte du bureau s'ouvre sur la jeune kiné qui salue une femme d'âge mûr. Ce n'est pas une résidente, peut-être un membre de la famille de l'un d'entre eux. Je me redresse et me lève, mon corps en appui sur mes béquilles.
"Bonjour Louis, comment vas-tu ce matin ?"
Comme à son habitude, le sourire d'Elin et sa jovialité illuminent son bureau. Elle apaise immédiatement mon humeur.
"Bonjour Elin. Ca va bien, merci.
- La séance avec Iliane s'est bien passée ?
- Oui."
J'ôte mon pantalon et mon sweat avant de m'installer devant la table. Elin se place face à moi et met ses mains sur mes épaules, m'obligeant à détendre mon buste. Elle m'intime de me tourner et de me tenir droit sans appui pour m'aider. Je m'exécute. La kiné dessine ma colonne vertébrale avec ses doigts, détendant au passage mes muscles. Elle appuie ses mains sur mes hanches et exerce une pression sur mon côté gauche.
"Bien. Merci Louis. Tu peux t'installer, on va commencer."
J'observe Elin masser mes jambes et mes cicatrices. Elle alterne entre étirements et massages relaxants, quelques exercices de pression contre ses mains. La jeune femme est extrêmement consciencieuse. Il y a des séances, comme aujourd'hui, où nous ne parlons pas. Nous échangeons à peine quelques mots sur mon état.
Elle abaisse le dossier et je me retrouve allongé. Elle masse mes cervicales puis dévie sur mon bras gauche.
Malgré le silence, la séance est agréable. L'odeur des baumes qu'Elin utilise et la fraicheur de ses doigts sur ma peau sont réconfortantes. Je somnole légèrement et reprends totalement conscience lorsque la main de la jeune femme se pose sur mon torse.
"Tu es un peu tendu et un peu fatigué. Tu as bien dormi ? m'interroge-t-elle alors qu'elle se lave les mains et que je remets mes vêtements.
- La nuit a été courte.
- Tu es contrarié ?
- Pas du tout, je réponds en sentant mes joues s'empourprer. J'étais... au téléphone.
- Je vois, sourit Elin. Assieds-toi Louis."
Je m'exécute et prends place sur l'une des chaises devant son bureau tandis qu'elle s'installe devant son ordinateur. Elle tape quelques notes, en consulte d'autres avant de reporter son attention sur moi.
"Tu as bien progressé en très peu de temps, Louis. A croire que nos exercices sont moins efficaces que tes balades avec Harry. On va finir par le recruter, à moins que tu ne sois "son patient privilégié", dit-elle en souriant et en mimant les guillemets.
- Je ne suis pas sûr, en effet, qu'il réserverait le même traitement à quelqu'un d'autre, je réponds en riant légèrement. Et... honnêtement, je crois que j'en serais jaloux. Je dois bien avouer que notre rencontre a été bénéfique, tant sur ma motricité que sur mon moral.
- On a tous pu constater le changement. Et on est tous heureux pour toi.
- Merci.
- Tes progrès vont te permettre d'aller de l'avant et surtout de quitter le centre. Tu as retrouvé toute ton autonomie. Il n'y a pas de raison qu'on te garde dans l'établissement. L'examen de cet après-midi sera décisif sur ce point, notamment concernant le décalage de ton bassin. Mais je pense que tu vas retrouver ta liberté."
Je reste muet à l'annonce que j'attendais autant que je redoutais. Mon cœur bat un peu trop fort dans ma poitrine.
"Tu n'es pas heureux de sortir ? m'interroge Elin, surprise face à mon mutisme.
- La vérité ? Je ne sais plus... Bien sûr que le centre n'est pas le meilleur endroit mais c'est rassurant d'être ici. D'être entouré, je me confie.
- Tu t'en sortiras très bien Louis. Tu n'as plus besoin de nous au quotidien et ça depuis plusieurs semaines déjà.
- Je sais.
- Qu'est-ce qui t'embête vraiment ? me demande Elin en se penchant sur son bureau.
- C'est absurde..., je dis en baissant la tête, mon regard sur mes mains.
- Harry..., comprend-elle sans difficulté.
- Ouais. C'est... Je me sens si bien avec lui.
- Il t'a été d'une grande aide.
- C'est plus que ça, Elin.
- Tu es sûr ? Je veux dire... Est-ce que ce n'est pas juste la distraction qu'il te fallait pour te sortir la tête de l'eau ?
- Non, je réponds vivement en relevant le visage. Non. Ce que je ressens pour Harry est bien plus que de la gratitude. Il m'apaise, c'est vrai. Mais, il m'intéresse. J'aime découvrir sa personnalité au fil de nos conversations. C'est agréable de pouvoir me livrer aussi. On s'écoute mutuellement, on se soutient. On se rassure aussi, je crois. Je ne sais pas comment te l'expliquer. J'en suis le premier surpris.
- Ta sortie ne signifie pas que vous ne pourrez pas rester en contact, répond Elin.
- C'est vrai.... Mais est-ce que ce sera pareil ? Est-ce que ça ne rompra pas le charme ? je souffle.
- Si les sentiments sont partagés et authentiques, non. C'est le destin qui vous a mis sur la route de l'autre. Ce n'est sûrement pas par hasard."
Les mots de la jeune femme me rassure.
"Tout se passera bien Louis."
Elin me sourit avant de se lever pour se diriger vers la porte de son cabinet. Je me redresse, un peu fourbu, plus par l'inquiétude que par les exercices de la matinée.
"Tu passes me voir quand tu rentres de Cherbourg ?
- Oui."
La kinésithérapeute presse mon épaule avant de me laisser sortir.
Je parcours le couloir jusqu'aux ascenseurs. Alors que les portes de la cabine s'ouvrent devant moi, je sens la vibration de mon téléphone dans ma poche.
📧From Lottie : Salut frangin ! Tu donnes pas beaucoup de nouvelles ces derniers jours. J'espère que tu vas bien. Tu m'appelles après ton rendez-vous ? C'est aujourd'hui, si je ne me trompe pas
📧To Lottie : Salut ! Oui c'est aujourd'hui. Juste le temps de déjeuner et un taxi m'amène à l'hôpital. A tout à l'heure
📧From Lottie : Tout va bien ?
Je prends une profonde inspiration. Oui, je vais bien mais le nœud au creux de ma gorge s'épaissit et je déteste cette sensation.
📧To Lottie : Ca va p'tite sœur 😉
📧To Lottie : J'espère que tu vas bien aussi. Mon petit neveu aussi, j'ai si hâte de le rencontrer enfin
Pour toute réponse ma sœur m'envoie une photo de son fils. Ma sortie du centre et mon retour à la maison me permettront enfin de rencontrer ce petit William. Voir sa frimousse me fait sourire instantanément. Et c'est le cœur un peu plus léger que je sors de l'ascenseur et rejoins ma chambre.
Je me change et m'habille d'un chino beige et d'un pull léger blanc. Lottie m'a fait parvenir quelques vêtements autre que mes survêtements. C'est agréable de pouvoir remettre ce genre d'habits maintenant que j'ai retrouvé une certaine aisance dans mes mouvements.
Je passe rapidement par la salle de bain et me coiffe. Je récupère une veste légère, mon portefeuille et mon téléphone, et descends à la salle à manger. Je ne suis pas sûr d'avoir le temps de remonter avant l'arrivée de la voiture qui me conduira à Cherbourg.
Lorsque je passe les portes de la salle à manger, mon regard est immédiatement attiré par la table où est installé Augustin. La femme que j'ai croisée un peu plus tôt est à ses côtés, sa main posée la sienne.
Le vieil homme semble m'avoir également repéré puisque je l'entends m'interpeler.
"Hey gamin ! Viens donc t'asseoir par ici."
Je souris et me dirige vers la table. Je tire une chaise et cale mes béquilles après m'être assis. Je salue les personnes qui entourent Augustin.
"Tu es bien élégant, me dit-il. Tu as rendez-vous avec Harry ?"
Je ne retiens pas le petit rire qui franchit mes lèvres alors que je sens mes joues s'empourprer.
"Je préfèrerais... je réponds. J'ai rendez-vous à l'hôpital.
- Tu vas enfin quitter ce centre ?
- C'est en bonne voie, en tout cas.
- Je suis content pour toi, gamin. Je te présente ma fille et son mari, enchaîne-t-il. Et là, le nez plongé dans son fichu téléphone, c'est ma petite-fille. La plus jeune.
- Bonjour, je salue la tablée.
- Louis est un gamin bien courageux. C'est presque un miracle de le voir sur ses deux jambes aujourd'hui.
- Mon père nous a souvent parlé de vous, Louis, intervient la fille d'Augustin, d'une voix douce.
- Augustin me rappelle mon grand-père. Comme pour lui, ma famille n'a pas pu venir souvent me rendre visite. Je crois qu'on s'est tenus compagnie lorsque nous en avions besoin, je dis avec un léger pincement au cœur. Augustin me manquera aussi. Je suppose que vous quittez le centre aussi... je l'interroge.
- Et oui, gamin. Je pars chez ma fille pendant quelques temps avant de retrouver ma maison.
- Je savais que vous quitteriez le centre avant moi, dis-je en riant avec amertume.
- Ce n'était pas un concours Louis. Il fallait être prêt à encaisser cet accident et ses conséquences. Le centre est là pour ça aussi."
Augustin est vraiment un homme incroyable. Derrière son franc-parler, il y a un homme généreux, sensible et sage. On devrait tous avoir un Augustin dans sa vie. J'espère que sa famille est consciente de l'homme formidable qu'il est.
Il se penche à mon oreille alors que sa fille et son gendre commencent à se lever pour quitter la table, sa main sur mon avant-bras. Les quelques mots glissés au creux de mon oreille me touchent énormément. Un merci étranglé franchit mes lèvres alors que nos regards se croisent.
*
* *
Vous vous souvenez, vous, de cette histoire ? Parce que moi, pas tellement...
Je profite de mes vacances en Normandie pour m'y remettre. La Normandie m'inspire toujours mieux. Alors, je me suis dit, quitte à relire les derniers chapitres, autant en poster un.
Et si, en même temps, ça peut vous faire plaisir, ça me fait plaisir.
La convalescence de Louis semble toucher à sa fin.
Qu'en sera-t-il de son début de romance avec Harry ? Louis va-t-il partir chez ses parents dans le Sud de la France ou rentrer chez lui ?
Un autre scénario est-il envisageable ? La Normandie apaise autant les acteurs de cette histoire que son auteure...
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