Chapitre 11 - Harry

Le serveur dépose devant chacun de nous une assiette contenant quatre petites crêpes différentes : sucre, beurre salé, miel et chocolat maison. Le regard de Louis s'illumine un peu plus quand nos tasses de chocolat chaud parsemé de mini chamallows rejoignent nos assiettes.


On a abandonné le banc devant le centre, et la plage. Depuis deux jours, j'emmène Louis visiter la région où il réside depuis deux mois. J'en profite aussi pour découvrir ces endroits incroyables, cette nature encore brute.


Je suis allé le chercher juste après son déjeuner. Je lui avais fait part de mes projets pour qu'il demande l'autorisation à son équipe médicale. Nous avons beaucoup marché avant d'atteindre l'auberge où nous sommes maintenant installés.


Il a eu le feu vert d'Elin, sa kinésithérapeute, à condition qu'on la tienne informée en cas de difficulté et surtout qu'on soit extrêmement prudents. J'ai vérifié mille fois la charge de mon portable et enregistré les numéros d'urgence avant de prendre la route. Mais Louis s'est révélé endurant. Apaisé et heureux de profiter du grand air et du paysage. Nous avons marché tranquillement dans un silence agréable. 

Si Louis n'était pas encombré par ses béquilles, j'aurais glissé ma main dans la sienne.


Je ne parviens pas à défaire mon regard de son visage rayonnant. Louis me procure un sentiment agréable. J'aime passer du temps près de lui, l'écouter parler, le regarder s'émerveiller. Je glisse ma main sur sa cuisse et presse légèrement mes doigts par dessus son pantalon. Il tourne son visage vers moi, le sourire aux lèvres malgré sa bouche pleine d'un morceau de crêpe. Il a choisi la sucrée en premier.


"Tu ne manges pas ? me demande-t-il après avoir avalé sa bouchée.

- Si, bien sûr. Elles sont bonnes ?

- Oui... Tièdes comme il faut. Je me régale !"


Je ne retiens pas mon sourire et n'ignore pas la douce chaleur qui contracte mon estomac. Je glisse mon pouce au coin de la bouche de Louis, cueillant une petite goutte de chocolat. Son regard s'encre dans le mien, brillant. Il pose sa fourchette et retiens ma main près de son visage. Il se penche un peu vers moi. Mon cœur s'emballe, sa proximité m'électrise. Rien ne semble exister autour de nous. Je n'entends plus les clients installés aux autres tables. Il n'y a que la brise, le bruit du ressac sur la roche et mon cœur qui bat si fort dans ma poitrine. Je déglutis, impatient d'enfin sentir les lèvres de Louis sur les miennes. Encore.


Je reprends mes esprits et coupe en deux l'une de mes crêpes. Celle au miel. Je me délecte de ce goûter en admirant le paysage. Le ciel est un peu chargé de nuages bas mais ils laissent filtrer les rayons du soleil, donnant une lumière particulière aux falaises du Nez de Jobourg que nous surplombons de la terrasse où nous sommes installés.


Quelques randonneurs viennent s'installer, parlant gaiement de leur promenade. L'un d'entre eux se prend les pieds dans les béquilles de Louis qui s'excuse en se redressant vivement. Je l'imite, plaçant mon bras dans le bas de son dos. Le randonneur s'excuse en même temps que Louis et les deux hommes se sourient avant de replacer les béquilles contre la table. Louis se réinstalle et décale sa chaise plus près de la mienne. Je m'assieds également et ne déplace pas mon genou lorsque je rencontre celui de Louis sous la table.


"J'ai hâte d'abandonner ces béquilles, retrouver ma liberté, souffle-t-il.

- Bientôt... je réponds en lui souriant doucement, pressant ses doigts entre les miens.

- Je crains de devoir terminer ma rééducation ailleurs qu'au centre...

- Pourquoi ? je l'interroge alors que mon estomac se contracte douloureusement.

- J'ai reçu un mail de mon assurance qui m'indique la fin de la prise en charge. Lors de mon admission, il était question de douze semaines. Et nous arrivons au bout... Il faut que j'en parle avec le Directeur du centre."


Il termine sa phrase en haussant ses épaules, un air triste sur le visage. Je prends sur moi pour le rassurer ; notre idylle n'est que passagère.


"Tu vas pouvoir rentrer chez toi, ou chez tes parents. Tu attends ça depuis longtemps.

- Bien sûr... Mais... j'apprécie trop nos petits moments."


Je sens mes joues s'empourprer à ses mots, ravi que Louis ressente la même chose que moi.


"Tu veux qu'on s'enfuit ? je suggère, un petit sourire malicieux au coin des lèvres.

- Et pourquoi pas ! rit-il. Mais j'aimerais quand même en savoir plus sur toi..."


Je ne peux pas y échapper. J'élude la plupart des questions de Louis alors qu'il répond aux miennes. C'est évident qu'il s'interroge.


"Dis-moi ce qu'il y a dans ton carnet en cuir ? demande-t-il sans hésitation.

- Des bouts d'histoires.

- Des bouts d'histoires ? Tu écris ?

- J'essaye en tout cas. Je suis correcteur et traducteur pour une maison d'édition, je commence.

- Oh, c'est sympa comme job, ça ! Tu parles quelles langues ? s'intéresse-t-il, le regard brillant.

- Anglais couramment et italien. Un peu de japonais.

- Waouh... Je suis impressionné. Perso, j'ai des lacunes dans ma propre langue !"


Nous rions ensemble avant qu'il ne m'incite à continuer.


"Tu me disais que tu remettais des choses en question professionnellement, enchaîne-t-il.

- Oui. J'aimerais me lancer en freelance. Pour justement tenter de me concentrer sur mes propres projets. De nos jours, je peux faire de la correction ou de la trad n'importe où. Et actuellement, j'étouffe en région parisienne. C'est pour ça que je suis venu ici.

- Je comprends, acquiesce Louis. On ne vit pas dans la région la plus paisible de France. Qu'est-ce qui te retient de te lancer ?

- Ca me terrifie un peu, je dois bien te l'avouer. C'est difficile de se lancer seul...

- Ta famille sera derrière toi...

- Justement... Non.

- Oh."


La main de Louis glisse immédiatement dans la mienne, comme le soutien que j'attends. Ma famille, c'est tout le problème ces derniers mois. Au détour d'une conversation, j'ai découvert qu'elle ne comprenait pas ma façon de vivre qui est pourtant, somme toute, normale. Je m'assume depuis de nombreuses années mais ça ne semble pas suffire. Je n'entre pas dans la norme. Célibataire, sans enfant et qui plus est homosexuel. Ce qui semblait être accepté depuis mon coming out, semble ne l'avoir été qu'en apparence. Dans mon dos, les langues se sont déliées mais j'ai fini par l'apprendre. Ca a donné lieu à une dispute avec ma sœur que je pensais être mon plus grand soutien et une ambiance très tendue avec ma mère. Mon père reste silencieux, comme à son habitude. C'est difficile de savoir ce qu'il pense, ce qu'il ressent.


Je raconte tout ça à Louis, sans retenue et avec mon cœur, les larmes à la lisière de mes yeux. Ses doigts sur ma peau apaisent les tremblements de ma main mais accentuent le rythme effréné de mon cœur dans ma poitrine.


Ca fait des mois que je rumine, que j'en parle à peine, me remettant sans cesse en question, cherchant à quel moment nos relations ont changé à tel point qu'on ne se comprend plus. Et puis, il y a eu la remarque de trop, l'attitude de trop. Sur un coup de tête, j'ai demandé un congé sans solde à mon boss et j'ai fait mon sac.


J'ignorais en parcourant les kilomètres que je trouverais une forme de sérénité dans cet endroit inconnu et surtout que je rencontrerais une personne comme Louis. Le regard qu'il porte sur moi à cet instant est dénué de jugement. Il m'écoute et m'offre la compassion dont j'ai besoin, le réconfort dans chacun de ses gestes.


J'expire fortement en resserrant mes doigts autour de ceux de Louis.


"Et si nous allions marcher un peu" propose-t-il.


J'acquiesce d'un hochement de tête et fais signe au serveur de nous amener l'addition. Louis s'en empare à peine est-elle déposée sur la table. Nous nous chamaillons gentiment avant que je capitule. Je laisse Louis régler et le remercie. Alors que le serveur s'éloigne, Louis se lève et récupère ses béquilles. J'ouvre le chemin entre les tables jusqu'à ce que nous rejoignons le sentier.


"Tu veux retourner à la voiture ?

- Je veux te serrer dans mes bras et t'assurer que tout ira bien."


*

*  *

Harry nous a enfin raconté son histoire, ses blessures. C'est douloureux pour lui, c'est un sentiment de trahison assez fort. Heureusement, Louis a croisé sa route, et malgré ses propres blessures (physiques), il soutient Harry. 

Les deux hommes sont là pour se réconforter et s'aider à se relever.


J'espère que ce chapitre vous a plu.

J'attends vos petits mots, qui sont mon réconfort.


Je vous embrasse

Mimi 🦋




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