CHAPITRE 6: LES ENFANTS
Moï galopait depuis désormais plus d'une heure, la cape qu'il avait revêtu pour contrer le froid volant sous la vitesse. Encore quelques minutes et il arriverait à Cocorico.
Son coeur battait à cent à l'heure. Colin... Colin se trouvait peut-être ici! Après une longue semaine d'errance et de recherches, voilà enfin que la possibilité de serrer son fils dans ses bras se profilait!
Mais il faisait nuit, les enfants dormaient sûrement.
Fénir, Balder, Anaïs, Colin, Iria...
Il allait enfin tous les retrouver! Moï voyait déjà les mines réjouis et rassurées de leurs parents, qui pleureraient probablement de soulagement malgré eux... Ute serait si heureuse...
Le bretteur descendît de cheval à l'entrée du village et laissa l'équidé non loin de la source d'eau de celui-ci. Face à celle-ci se trouvait une petite église. C'était la seule chose que Moï pouvait discerner dans l'obscurité, grâce aux candélabres. Le bretteur s'en approcha et regarda discrètement par l'une des fenêtres. Il vit une jeune fille, avoisinant les quatorze/quinze ans, somnolant contre un pilier en pierre. Elle avait de courts cheveux noirs, coupés au carré, et une frange recouvrait son front halé. Elle portait un haut en cuir teinté et brodé de motifs, une jupe grisâtre avec un mouchoir orangé noué autour de la taille et des bottes remontant jusqu'aux cuisses, ornées de métal au niveau des chevilles. Elle avait également une queue de pie avec bandelettes dans le dos et une sacoche sale et bon marché.
Elle luttait visiblement pour ne pas s'endormir.
De l'autre côté de la pièce se trouvait un homme peu avenant, d'une quarantaine d'années, profondément endormi. La seule chose que Moï pouvait voir d'où il était était ses lunettes rondes. La petite fille aux cheveux noirs se leva brusquement et se mit à faire les cents pas pour se garder éveillée. Le bretteur supposa qu'ils devaient monter la garde.
Le fillette finit par se diriger vers la porte de devant et l'ouvrir brusquement.
L'air frais de la nuit l'enveloppa et elle frissonna légèrement. Cela faisait maintenant deux heures qu'elle se trouvait là, et elle commençait un tantinet à fatiguer.
Soudainement, alors que son regard vagabondait vers la source, elle aperçut un cheval inconnu. Interloquée, elle s'en approcha. Cela ne pouvait pas être la monture d'un monstre, ils ne chevauchaient que des bêtes porcines aux yeux rouges. De plus, elle les aurait entendu arriver à des kilomètres.
-Qui es-tu? murmura-t-elle de sa douce voix en levant une main vers l'encolure de l'animal.
-Et toi, qui es-tu? lui répondit une voix derrière elle.
La fillette sursauta et fit volte-face. Un inconnu se tenait devant elle, bras croisés. Instinctivement, elle recula et heurta le flanc droit du cheval, qui s'ébroua. L'enfant perdit l'équilibre et atterrît sur le derrière, dans l'eau peu profonde.
L'inconnu eut un sourire qui éclaira ses yeux azurs un bref instant et il lui tendit la main, pour l'aider à se relever.
Désormais trempée, elle ne bougea pas, le fixant de ses grands yeux bruns.
-Navré de t'avoir fait peur. déclara l'inconnu, la main toujours tendue.
Il souriait encore, patient.
La fillette finit par accepter l'aide proposé, non sans rester sur ses gardes.
-Comment t'appelles-tu? demanda-t-il en retirant sa cape pour lui passer autour des épaules.
Elle se laissa faire, intimidée. Mais cela la mettait mal à l'aise.
Visiblement, elle n'avait pas l'habitude de parler aux inconnus. Ou même aux gens en général.
-Moi c'est Moï. poursuivit-il devant son mutisme apparent.
-Louda. finit-elle par murmurer d'une petite voix.
-Et que fait une petite fille comme toi dehors en pleine nuit? questionna le blond.
-Je ne suis pas petite! protesta-t-elle avec une moue vexée, J'ai quinze ans! Et j'ai été chargé par mon père de surveiller le village en cas d'intrusion de monstres!
-Ton père?
-Oui, mon père! Il était le prêtre de ce village avant que les habitants ne soient tous tués! Aujourd'hui, il ne reste plus que lui, moi et Crahmé!
Moï repensa aussitôt à l'homme dormant dans l'église.
-Et toi? reprit Louda, qui es-tu "Moï"? Et que viens-tu faire ici?
Le bretteur haussa un sourcil et eut un nouveau sourire face à l'air fier de cette gamine. Elle avait dû en voir beaucoup, son air méfiant et épuisé le montrait.
-Je... je suis à la recherche de mon fils. finit par avouer Moï en secouant légèrement la tête.
En entendant ces mots, Louda écarquilla les yeux.
Brusquement, elle le bouscula et partit en courant vers l'une des maisons:
-Père! Fénir, Balder! Anaïs! criait-elle.
"Fénir"? "Balder"? "Anaïs"?
Ils étaient donc bien là? Et Colin?
Moï se rua aussitôt à la suite de Louda.
La jeune fille entra dans ce qui avait dû être un hôtel. Elle poussa les deux battants de la porte et s'y engouffra, le coeur battant à cent à l'heure.
-Papa!
Le prêtre de Cocorico apparut dans sa longue tunique écru, brodée d'anciens motifs. Il dégageait une aura de respect, avec son air sage et ses longs cheveux bruns. Son regard se peint légèrement d'inquiétude en voyant sa fille dans cet état.
-Louda? Que se passe t'il?
Mais à peine eut-il finit cette phrase que Moï entra dans l'hôtel.
Aussitôt, le prêtre empoigna sa fille par le col et la mit à l'abri derrière lui.
En voyant cela, Moï leva instinctivement les mains en l'air, pour montrer qu'il n'était armé que de bonnes intentions.
Il avait couru si vite qu'il avait le visage légèrement rouge et respirait plus rapidement que d'habitude.
-Qui êtes-vous? demanda le prêtre d'une voix calme et grave.
-Je ne viens pas chercher de problèmes! répondit Moï en reprenant son souffle, les mains toujours en l'air.
-Vous avez effrayé mon enfant et vous vous êtes introduit dans ce village en pleine nuit. Si vous comptiez profiter des monstres pour le piller, c'est trop tard, un jeune bretteur nous en a débarrassé.
-Non, non, non! Ce n'est pas du tout ça!
-Vous feriez mieux de vite partir, l'interrompit son interlocuteur d'un ton soupçonneux.
-Il cherche les enfants... souffla Louda, toujours accrochée à un pan de la tunique de son père.
-Le enf...?
Au même instant, une porte claqua à l'étage.
-Monsieur Reynald? On a entendu du bruit, que se passe t'il?
Moï eut un sursaut. Cette voix... C'était la voix...
Brusquement, il se rua vers l'escalier et le monta quatre à quatre.
-Revenez là! Cria le prêtre.
Sans l'écouter, le bretteur poursuivit son ascension, le cœur battant à cent à l'heure. Une fois en haut, il se retrouva face à une petite fille médusée.
-Oh, Anaïs, je vous ai tous cherché partout!
-M...Moï?!
Elle lui sauta dans les bras en riant:
-Oh, je suis si contente de te voir!
La porte s'ouvrit de nouveau et deux petites têtes brunes apparurent dans l'embrasure.
-Moï! s'écrièrent Fénir et Balder en lui sautant dessus à leur tour.
Le bretteur était maintenant à genoux sur le palier, les trois enfants dans les bras.
Le père Reynald, en les voyant ainsi, comprit qu'il n'y avait pas de danger. Aussi s'approcha t'il du nouveau venu:
-Vous êtes le bretteur de Toal, n'est-ce-pas?
Le principal intéressé hocha la tête avec émotion.
Il se releva avant de poser la question qui lui trottait dans la tête depuis un bon moment maintenant:
-Où est Colin? Et Iria?
Les trois enfants se regardèrent puis Fénir déglutit avant de prendre la parole:
-Iria n'est pas avec nous. On ignore où les monstres l'ont emmené. Quant à Colin...
Le jeune garçon montra la porte derrière lui et Moï s'empressa de s'engouffrer dans la pièce.
Ce qu'il y vit lui fit le même effet qu'un coup de poignard.
Son enfant, son fils, son Colin, inconscient dans un lit aux draps blancs. Moï courut jusqu'au chevet de son fils, le souffle coupé.
-Q...Que s'est t'il passé? demanda-t-il d'une voix étranglée en prenant la main froide de son garçon.
-Il m'a sauvé... murmura Anaïs.
-Quoi? Colin?
La petite fille hocha la tête avant de poursuivre:
-Le roi Bublin a attaqué, sans doute pour nous récupérer. Il... Il allait m'attraper mais Colin s'est interposé. Il m'a sauvé et s'est fait prendre à ma place.
-Puis Link l'a sauvé! s'exclama Fénir avec entrain, À dos d'Épona, il a poursuivit le Bublin dans la plaine! Il a vaincu une cinquantaine... Non, une centaine de ses sbires puis il a affronté le roi en combat singulier pour sauver Colin! Et il a réussi!
-Votre fils a été vaillant. Il est juste épuisé, aucune de ses blessures n'est très grave. Il a besoin de repos. déclara le père Reynald en posant une main sur l'épaule du bretteur dans le but de l'entrainer dans le couloir.
Moï embrassa le front de son fils et lui remonta la couverture jusqu'au cou avant d'obtempérer.
Reynald envoya les plus jeunes enfants se coucher et demanda à Louda d'aller dans l'église chercher Crahmé, qui devait sans doute toujours dormir.
Il emmena ensuite Moï dans la cuisine de l'hôtel, ou du moins ce qu'il en restait. L'attaque des monstres avait vraiment presque tout ravager.
-Vous voulez une tisane? proposa le prêtre en lui faisant signe de s'asseoir.
-Ce ne sera pas de refus. répondit Moï en esquissant un sourire.
-Donc vous êtes le père de Colin.
-Exactement.
-C'est un garçon formidable. Il a très bien été élevé.
-Je vous remercie, sa mère serait au comble de la joie si elle entendait ça.
Après quelques instants, le père Reynald posa une tasse devant le bretteur et s'assit face à lui.
-Je vois que le renouveau de Cocorico est déjà parvenu à la capitale.
-Effectivement. En entendant cette rumeur courir, j'ai décidé de venir en personne la vérifier.
Moï eut un air songeur puis, avec une légère pointe d'émotion dans la voix, il demanda, presque hésitant:
-Ce bretteur qui vous a sauvé... Se prénommait-il Link?
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