CHAPITRE 2: MAIS OÙ SONT LES ENFANTS?


-Moï! s'écria une voix aigue et douce, bien qu'à ce moment inquiète. Moï, je t'en pris! Réveille-toi!

Le bretteur obtempéra d'un air fatigué. Il s'assit sur le canapé et bailla:

-Ute? maugréa t'il en se massant la nuque, que se passe t'il? Tu as un air inquiet.

Sa femme avait en effet le regard perdu et elle soufflait d'inquiétude en se prenant la tête dans les mains.

-Ce sont les enfants! s'exclama t'elle, ils sont partis dans la forêt à la suite du singe!

-Du singe? répéta Moï d'une voix encore embrumée par le sommeil.

Et soudainement, tout lui revint en tête. Depuis quelques temps, un singe semait la panique au village, volant nourritures et effets personnels.

Et les enfants, surtout Fénir, s'étaient jurés de l'attraper.

-Où sont-ils? Et où est Colin?

Ute posa une main sur son ventre avant de répondre.

-Colin était avec eux. Mais Anaïs et lui n'ont pas suivi Fénir et Balder. Il est revenu nous prévenir de leur disparition.

Moï enfila ses chaussures et sortit, suivit de sa femme. Il fut aussitôt interpelé par Jaga et sa femme, Pia.

-Moï, s'exclama Jaga, un homme de taille plutôt petite et au nez legerement aplati, qui possédait le moulin du village, Fénir et Balder ont disparu... Tu ne les aurais pas vu?

-Anaïs est également introuvable! s'exclama une voix grave de femme derrière eux. Cette voix appartenait à Négocia, l'unique commerçante de Toal. Les mains sur ses larges hanches, elle fixait Moï, comme si celui-ci détenait la réponse qu'elle cherchait.

-Ils sont partis chercher le singe... expliqua Ute de sa voix douce, se calant contre l'épaule de son mari, fatiguée de rester debout.

-Le singe?! s'égosilla Négocia. Et il est où le singe?

-Dans la forêt. avoua le bretteur.

Après cette déclaration, la commerçante eut un long gémissement avant de s'écrouler. Jaga la rattrapa de justesse avant qu'elle ne touche le sol. Malheureusement, le poids de la mère d'Anaïs l'entraîna avec elle à terre.

Tous étaient habitués au fait que Négocia en fasse trop, aussi, ne firent-ils pas attention à elle plus longtemps. Pia, le visage pâle d'inquiétude pour ses deux fils, croisa les bras sur son débardeur blanc:

-Comment sais-tu qu'ils sont dans la forêt? demanda t'elle.

Une petite voix timide lui répondit:

-C... C'est moi qui leur ai dit...

Un garçon blond, aux yeux aussi bleus que ceux de son père, venait de surgir de derrière Ute. Il s'accrocha aussitôt à la jupe de celle-ci, effrayé par tous ces regards posés sur lui. Malgré ses airs de petit garçon timide, il avait douze ans et se prénommait Colin.
Moï hocha la tête. Si son fils disait que les autres enfants étaient en forêt, c'était la vérité. Ce n'était pas une blague idiote. Ce n'était malheureusement pas une blague idiote.

-Explique-nous Colin. dit-il au jeune garçon.

Celui-ci vira aussitôt au rouge écarlate:

-Ils... Enfin, on jouait, quand le singe est arrivé, commença t'il de sa petite voix, Fénir, Balder et Anaïs se sont rués à sa poursuite mais moi, j'avais trop peur de me faire gronder, alors je suis resté sans rien faire. Link est parti les chercher mais... ils ne sont toujours pas revenus.
Le bretteur n'eut pas besoin d'en écouter plus. Il rentra chez lui, prit son épée, et ressortit aussitôt. Sans un mot, il se dirigea vers la sombre forêt.

-Moï! s'exclama simplement Ute.

-Je vais les chercher. répondit-il sans se tourner vers elle.

Ute aurait voulu ajouter quelque chose mais le réveil brutal de Négocia lui fit tourner la tête. Et lorsqu'elle reporta son attention sur son mari, il n'était plus là.

****************

-Tu lis quoi? demanda Ash en s'asseyant lourdement sur une chaise.

Jehd sursauta, puis remonta ses lunettes avant de fusiller du regard la jeune guerrière.

-À t'entendre t'asseoir, on croirait que c'est un Goron qui s'assoie et non pas une jeune demoiselle.

-Encore ce vieux bouquin? s'exclama t'elle en ignorant sa remarque.

D'un geste vif, elle s'en empara sous les protestations de l'historien qui se mit à battre ridiculement des bras pour le rattraper.

-"L'histoire des Célestiens", lu Ash, encore ton délire avec la civilisation des cieux...

-Ce n'est pas... un délire! grogna Jehd en s'allongeant presque sur la table, la main tendue, pour attraper le précieux ouvrage que la jeune femme lui avait dérobé.

Ash feuilleta quelques pages avant de bailler bruyamment.

-C'est d'un barbant! soupira t'elle en lui lançant à la figure.

Jehd le rattrapa avec tant de délicatesse que le vase du porcelaine le plus fin ne se serrait pas brisé à son contact.

-Fais attention avec ça! pria t'il en époussetant le livre et en vérifiant chaque recoin pour être sûr qu'il n'était pas abîmé.

-Au lieu de bouquiner, tu devrais prendre une arme et apprendre à te battre!

-Non merci, Ash, très peu pour moi. Ça ne me plaît pas de me battre pour vivre.

Un énorme soupir lui répondit:

-Imaginons, commença t'elle en plantant son regard d'acier dans les yeux innocents de l'historien, imaginons que tu es seul, perdu dans la plaine d'Hyrule...

-C'est impossible, j'en ai exploré chaque recoin pour mes recherches!

-... Perdu dans un lieu inconnu! Des hordes de monstres arrivent... Que fais-tu?

-Quelle question. Je cours.

Une claque lui frappa la tête et il gémit:

-T'es vraiment qu'un abruti et un lâche! cracha t'elle en s'éloignant.

Vexé, Jehd ne put s'empêcher de lancer une dernière pique:

-Tu vas où? Rejoindre Moï à Toal? Car lui, au moins, il est courageux! Dommage pour toi qu'il soit marié, vu que c'est le seul type au monde qui arrive à te supporter, tu risques de finir vieille fille! Quoique non, lui aussi tu commences à l'énerver! En fait la seule personne qui te supporte c'est... c'est... Lafrel!

Ash se tourna aussitôt vers lui. Ses yeux paraissaient cracher du feu.

-Tu insinues quoi là?

-Mais rien du tout! répondit l'historien qui commençait à regretter ses paroles.

Il déglutit lorsque la jeune femme fit claquer ses mains sur la table, le regardant avec les yeux les plus méchants qu'il était possible de lancer:

-Fais gaffe à ce que tu dis le binoclard!

Sur ces mots, elle tourna les talons et fit claquer la porte derrière elle.

******************

La forêt était bien plus belle lorsque les jours de paix régnaient sur Hyrule. Moï l'avait bien remarqué, et c'est pour cela qu'il marchait avec prudence. Mais à peine la lisière du bois qui longeait Toal passée, une voix enfantine l'appela:

-Moï! M'sieur Moï!

C'était une jeune fille qui l'interpelait. Elle ne dépassait pas les quatorze ans et se tenait devant la cabane du jeune berger du village. Elle avait des cheveux mi-long, châtains aux reflets blonds, et son visage était parsemé de tâches de rousseurs.

-Anaïs! s'exclama le bretteur, où sont les autres?

-Je leur avait bien dit à cette bande de gamins que c'était dangereux de le suivre! Mais ils ne m'écoutent jamais!

-Anaïs, répéta Moï, la voix tremblante d'inquiétude, que s'est-il passé?

-Mais j'en sais rien moi! Ils sont tous partis en courant comme des idiots! Ils sont bien trop rapides pour moi, j'ai pas pu les rattraper!

Le bretteur hocha machinalement la tête.

-D'accord. Finit-il par dire, Retourne au village, je vais chercher les autres.

Elle hocha gravement la tête, comme s'il venait de lui confier une importante mission. Moï se força à lui sourire pour la rassurer et lui mit une main dans le dos pour la pousser dans la direction du village avant de prendre le sentier qui menait à la forêt.

-Moï! le rappela Anaïs, tu n'es pas obligé d'y aller, Link y est déjà, il va les ramener.

-Je n'en doute pas! sourit le bretteur en tournant les yeux vers la cabane du jeune berger, à qui il avait apprit le maniement de l'épée. Oui, si quelqu'un pouvait ramener les enfants sains et saufs, c'était bien Link.
Moï reprit sa route. Il passa devant la source du village et le bruit de la petite cascade le fit soupirer. Toal était encore si calme. Pourvu que le chaos qui menaçait de s'abattre sur la citadelle ne vienne pas troubler la sérénité du petit village.

Arrivé au pont qui séparait la région de Latouane de celle de Firone, il vit Balder, le fils cadet de Jaga et Pia. Cet enfant était incroyable tant son physique et son esprit ne concordaient pas: il était petit, tant en âge qu'en taille et avait encore une tête de gros bébé. Mais cela ne l'empêchait pas d'être le plus intelligent des enfants, et même peut-être le plus intelligent du village.

-Balder! appela Moï, tu devrais retourner au village.

-C'est ce que je comptais faire. J'attendais simplement que Link revienne avec mon frère. répondit l'enfant d'une voix calme qui contrastait avec sa petite taille et son jeune âge.

-Je me charge de les ramener, va retrouver tes parents et dis leur qu'on arrive.

L'enfant/bébé parut hésiter mais finit par obéir. Il tourna les talons et partit d'un pas comique à voir, à cause de ses petites jambes. Le bretteur le suivit du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse et se tourna vers le portail en bois qui empêchait l'accès au pont et donc à la forêt. Il était grand ouvert.

-C'est impossible... grommela Moï, qui se souvenait parfaitement de l'avoir fermé.

Le bretteur jeta un dernier coup d'œil sur la serrure et traversa le pont, se forçant à regarder droit devant lui pour ne pas voir le vide qui s'étendait sous les lamelles de bois. En effet, un immense précipice séparait Latouane de Firone. Habituellement, il le traversait à cheval, quand il revenait de la citadelle, et le pont était bien plus long à traverser à pied.

Une fois de l'autre coté, si on quittait le sentier, il fallait faire très attention: les monstres rôdaient. Moï se dirigea rapidement vers la forêt et se retrouva à une intersection: tout droit, c'était la route qui menait à la plaine d'Hyrule, la route la plus sûre, avec à mi-parcours, la cabane de Kikolou le vendeur de lanternes et d'huile, et à droite, c'était le chemin vers le coeur de la forêt. Moï prit une grande inpiration et tourna à droite. Mais au bout de quelques minutes, un bruit de pas qui se voulait silencieux se fit entendre. Aussitôt, le bretteur défera sa lame qui ôta à la vitesse du vent la vie du mesquin Bokoblin qui avait voulu le prendre à revers. Par ce geste, il avait tourné le dos à sa destination et, lorsque des bruits se firent de nouveau entendre derrière lui, il se tourna aussitôt, l'épée en avant. Mais il la baissa bien vite, le sourire aux lèvres:

-Je vois qu'il y a bien plus rapide que moi! Colin vient juste de me prévenir, désolé de ne pas être venu avant.

Link lui sourit alors que Fénir semblait tout honteux, craignant sûrement une quelconque punition. À côté du jeune berger, une jument brune s'ébroua. Link carressa doucement son cheval et se tourna vers Fénir.

-Tu devrais retourner voir tes parents. conseilla le jeune berger à l'enfant.

Tout en remettant son bandeau rouge en place dans ses cheveux bruns, Fénir arqua un sourcil insolent. Il voulait sûrement répliquer par une phrase cinglante mais, ne trouvant rien, il soupira et partit en courant en direction de Toal, suivit par les deux hommes et la jument.

-Oh! Anaïs! hurlait Négocia lorsque Link, Épona, Moï et Fénir arrivèrent au village. Le père de la petite fille semblait vouloir la prendre dans ses bras mais les grands gestes de sa femme l'empêchaient de s'approcher d'Anaïs. C'est que le père de celle-ci était bien moins imposant que sa... large femme.

-Fénir! s'exclama Pia en se ruant vers son fils, Balder sur les talons. Elle le prit dans ses bras et le chef de la bande des enfants de Toal grimaça.

-M... Maman! grommela t'il en tentant de s'échapper de son étreinte.

Mais étrangement, lorsqu'il vit son père, Jaga, arriver avec un air furieux, les bras de sa mère lui parurent très protecteurs.

-Oh, merci Moï! s'exclama Négocia avec chaleur.

-Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, répondit le bretteur en souriant, c'est Link!

L'imposante femme prit le jeune berger dans ses bras, sanglotant stupidement de joie. C'est à cet instant que Moï vit Bohdan, le chef du village, assis sur son porche. Le bretteur le rejoignit et s'assit à ses côtés.

-Merci d'avoir ramené les enfants.

-C'est Link qu'il faut remercier.

Bohdan sourit:

-Alors tu es sûr de toi?

-Oui. Link a le droit de découvrir le monde. Depuis qu'il est ici, je lui ai tout appris, il marche dans mes pas et est même plus doué que moi. Il est donc tout naturel que je le laisse aller porter le cadeau à la famille royale à ma place.

Moï avait prononcé la dernière phrase d'une voix étrange. En réalité, il savait que le château était aux mains des Ombres mais au plus profond de lui, le bretteur espérait pouvoir profiter du soutien de Link dans la résistance. Si le jeune berger se rendait à la Citadelle, la condition des habitants le toucherait peut-être et alors, il viendrait prêter main forte au groupe de Telma. C'est ce que Moï espérait.

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