CHAPITRE 1: LA RÉSISTANCE D'HYRULE
Une pâle silhouette se détachait dans l'obscurité du centre-ville de la citadelle d'Hyrule. Une large capuche recouvrant ses cheveux noirs, elle se dirigeait directement au Sud, dans un renfoncement de la rue, et descendit un escalier en pierre. Juste devant la porte, un miaulement l'arrêta.
-Bouge de là, Louise...
Le chat persan, avec un air vexé, se décala aussitôt pour la laisser entrer. La porte claqua derrière elle, faisant tourner les rares têtes présentes dans la taverne à cette heure tardive.
-Tiens! Ash! fit une femme plutôt ronde, derrière le comptoir, portant une veste noire au décolleté aguicheur, occupée à sécher un verre avec un torchon.
Le chat blanc, qui avait passé la porte avant qu'elle ne se ferme, sauta sur le bar et s'allongea près de la gérante, qui posa son verre pour rejoindre Ash, occupée à retirer son manteau, laissant ainsi voir ses nattes noires et ses vêtements aux airs de samouraï.
-Telma... murmura la dénommée Ash en guise de bonsoir. Les autres sont là?
-Dans la pièce du fond. répondit la gérante de la taverne avec un sourire bienveillant.
Ash s'y dirigea aussitôt. Elle poussa un rideau et deux hommes, attablés autour d'un verre apparurent à sa vue.
*********
- À ce rythme là, la Citadelle sera prise avant la fin de la semaine, finit par s'énerver Ash en tapant du poing sur la table, après vingt minutes à peine de discussion.
- Et qu'est ce que tu veux qu'on fasse? répondit Moï d'un air exaspéré.
La nuit de bataille avait été la plus dure de toutes, et leurs humeurs s'en trouvaient échauffées. Ash avait passé la nuit près des remparts, prête à tout pour repousser les mécréants qui profitaient du chaos provoqué par l'invasion des Ombres pour piller villes et villages. La jeune femme regarda le bretteur, agé d'une trentaine d'années, assis face à elle. Il passait machinalement une main dans ses cheveux blonds et paraissait réfléchir.
-Je ne sais pas! Hum... attends... Nous défendre peut-être?! cingla la jeune guerrière.
-Car tu crois que je ne fais rien? Se défendit Moï d'un ton devenu agressif, ses yeux bleus envoyant des éclairs dans la direction de la jeune femme.
-Disons qu'on ne te voit plus beaucoup en ville en ce moment! lui reprocha Ash.
La colère sembla submerger le bretteur qui serra dans sa main sa chope, qui menaça un instant de se briser.
-Moï... le calma Telma en lui posant une main apaisante sur l'épaule.
- Nous devons renforcer nos défenses, leur annonça-t-il soudain, tentant d'éviter le regard assassin d'une Ash épuisée, et donc encore plus de mauvaise humeur qu'à l'accoutumée.
Il but une longue gorgé avant de poursuivre son discours:
- Et nous devons défaire le Roi des Ombres. Coûte que coûte.
- Xanto, compléta le deuxième homme avec froideur.
Il était agé, peut-être la soixantaine, mais semblait toujours dynamique et utile en combat. Il se nommait Lafrel, et son expérience était un grand atout pour la résistance.
-Je crains, chers amis, que les heures les plus obscures de cette triste époque ne sont pas celles que nous vivons en ce moment mais celles que nous nous apprêtons à vivre, finit-il par déclarer avec calme.
-Fais gaffe, grogna la guerrière, ton optimisme va te tuer.
-Il a pourtant raison. intervint Moï, il est inutile de se voiler la face: nous sommes dans l'impasse. D'un côté, nous avons la plaine ravagée, avec seulement le village de Toal qui tient encore debout et de l'autre, nous avons le château, aux mains de l'ennemi.
-Et à Toal, demanda Lafrel sans grande conviction, pourrions nous avoir recours à l'appui des habitants?
-Sans nul doute ils voudront nous aider. Mais ils ne font pas le poids... soupira le bretteur.
Ash eut un soupir d'agacement:
-En es-tu au moins sûr?
Moï hocha la tête:
-J'habite là-bas, je les connais tous. La seule chose qui leur permet de vivre encore en paix, c'est le fait que le village se trouve au fond de la forêt de Firone.
-Et encore, intervint Telma en se remplissant une chope, la forêt est d'après les rumeurs en proie aux ténèbres.
-Vraiment? s'exclama Ash. Elle tourna ses yeux noirs vers Moï, qui faisant semblant de ne pas avoir remarqué son regard accusateur.
-C'est donc pour cela que tu es moins souvent là! finit elle par lui crier, tu aurais pu nous prévenir, on aurait put t'aider à le défendre, ton village! Comme ça tu pourrais rester en ville au lieu de retourner là-bas dès le levé du soleil!
-Tu sais très bien que tu dois rester ici pour défendre la citadelle. répliqua le Toalien avec calme, Ash, si la ville tombe, on a tout perdu.
-Et c'est pour cela que tu es ici, à risquer ta vie chaque nuit alors que tu pourrais être à Toal avec les tiens. dit Lafrel avec sagesse. Ash, il fait déjà beaucoup pour nous.
-Mais on a besoin de lui tout le temps, pas que la nuit!
Elle se leva et marcha avec agacement vers le mur du fond, où elle colla son front fiévreux contre la pierre. Elle était fatiguée, sa dernière bataille face au groupe de pilleurs Bokoblins l'avait épuisé.
-Et ta femme ne se doute toujours de rien? finit-elle par demander, toujours en leur tournant le dos.
-Elle croit que je fais des rondes, dans la forêt. Chaque soir.
-Et elle y croit réellement? questionna Ash d'un ton suspicieux.
-Tant qu'elle me trouve dans le canapé en se réveillant, elle y croit.
La jeune femme fronça les sourcils:
-Tu devrais lui dire la vérité.
-Surtout pas! trancha Moï, Elle ne doit pas être au courant! Elle ne doit jamais l'être.
Telma, qui faisait onduler autour de son doigt une de ses mèches rousses foncées, hocha la tête.
-Il a raison. Elle aurait peur et le stress est mauvais pour une femme enceinte.
-Quelle idée d'avoir un enfant par les temps qui courent... grommela Ash.
Moï ne repondit pas. Il fixait sans vraiment la voir sa chope mousseuse à moitié vide, songeur. Bien évidemment, il pensait à Ute, sa femme, si frêle et fragile, qui portait leur deuxième enfant. Comment pourraient-ils élever un bébé si la paix ne revenait pas?
Lafrel se redressa subitement et tourna les yeux vers l'unique porte de la taverne.
-La ponctualité est une vertue. déclara t'il devant les regards étonnés des trois autres.
-Désolé! lui répondit une voix masculine bien qu'un peu aigue, je n'ai pas vu l'heure passer!
Un garçon de même pas vingt ans, au nez chaussé d'une grosse paire de lunettes noires poussa le rideau et entra, un livre à la main. Ses oreilles aussi pointues que celles de Lafrel et Telma montraient son appartenance à la race Hylienne, race qui d'après les légendes, descendait des Dieux. Il avait ses cheveux bruns parfaitement bien coiffés et portait des vêtements d'un certain prix, -veston en soie et chaussures en cuirs, avec des chaussettes à carreaux ridicules.
-Jehd... gronda simplement Ash.
-Bien! s'exclama Telma en se levant bruyamment, coupant cours à la dispute qui s'annonçait, maintenant que nous sommes tous réunis, je peux vous dire pourquoi je vous ai demandé de venir!
Elle se dirigea vers le comptoir, non sans murmurer un "va t'asseoir" au jeune historien qui s'empressa d'obéir. La gérante de la taverne attrapa la grande carte d'Hyrule qui était accrochée au mur et revint vers ses compagnons. Elle plaqua la carte sur la table et s'assit entre Moï et Ash, face à Jehd, qui avait prit place entre Lafrel et le bretteur, par crainte d'être trop près de la jeune guerrière. La table ronde leur permettait d'avoir la carte en face de chacun d'eux.
Ash baissa la tête vers la carte, ses yeux sombres fixant celle-ci d'un regard neutre. Installée ainsi, son regard était à peine visible, caché derrière sa frange aussi noire que l'ébène.
-Bon! commença Telma, Nous savons tous les cinq que nous devons changer de stratégie si nous voulons préserver la paix en Hyrule!
-Préserver? interrompit Jehd en remontant d'un doigt ses lunettes, le mot juste est plutôt "réinstaurer".
-Ne commence pas à parler pour ne rien dire. le fit taire Lafrel, qui savait pertinemment comment la discussion allait se terminer si on le laisser parler.
En effet, le jeune historien avait un don pour parler sans pouvoir s'arrêter, se qui agaçait très souvent ses compagnons.
Jehd obéit au doyen du groupe, non sans une petite moue boudeuse.
-Donc, reprit Telma, les évènements récents nous ont prouvé qu'une force obscure agissait dans l'Ombre pour prendre le pouvoir sur le monde de la lumière... Jehd, tu peux parler.
Une expression de joie illumina le visage enfantin du jeune homme qui remonta de nouveau ses lunettes avant de déclarer, d'un ton didactique:
-Il y a des centaines d'années, peut-être même plus, les gens étaient extrêmement croyants et le monde vivait en paix. Mais un jour, les conflits et guerres pour le contrôle du Saint Royaume d'Hyrule éclatèrent. Certaines personnes à cette époque excellaient dans l'art de la magie noire et tentèrent de prendre possession de la Terre d'Or en utilisant leurs puissants pouvoirs. Mais malheureusement pour eux, les trois déesses, Din, déesse de la Force, Nayru, déesse de la sagesse et Farore, déesse du courage, envoyèrent quatre Esprits de Lumière sur Hyrule. Ceux-ci scellèrent ces magies noires en cristaux d'Ombres et enfin, en utilisant un miroir magique appelé le Miroir des Ombres, les quatre esprits firent en sorte que ces magiciens noirs soient envoyés dans un monde parallèle: le Crépuscule! Il est impossible pour eux de revenir dans le Monde de la Lumière. Ces bannis sont appelés "les Twilis" ou alors "les habitants du peuple de l'Ombre" , c'est comme vous voulez!
Les autres le regardèrent avec plus ou moins d'incompréhension:
-Quel est le rapport avec les attaques des monstres? finit par lâcher Ash.
Jehd leva les yeux au ciel.
-C'est pourtant simple! s'exclama t'il, cet homme, Xanto, et bah c'est un Twili.
-Mais ce ne sont pas des monstres des Ombres qui attaquent. résuma Lafrel avec bon sens. Ce sont des monstres lambdas, bien que plus nombreux qu'à l'accoutumée.
Telma se racla la gorge en se dandinant sur sa chaise pour remettre correctement sa jupe avant d'expliquer:
-Les Monstres qui attaquent ont été recruté par le roi des Ombres. Lézalfos, Bublins, Bokoblins... Ils ont tous reçu l'ordre de semer le chaos ici.
-De plus, ajouta Jehd, ne me faîtes pas croire que vous n'avez pas entendu la rumeur disant que les habitants du village de Cocorico ont vu un immense monstre noir rôder.
-Ça ne veut rien dire! contredit Ash, moi je continue de dire qu'il se passe des choses étranges et malfaisantes du côté des Pics Blancs!
-C'est peut être à cause des Twilis.
La jeune femme frappa du poing sur la table avant de planter son regard venimeux dans les yeux clairs de l'historien qui déglutit péniblement:
-Ah oui? Des Twilis? Des Twilis qui font de la luge, c'est ça?
-Il se trouve que les ténèbres semblent avoir également engloutis le désert, à l'ouest d'Hyrule. coupa Lafrel avant que Jehd n'ait le temps de répondre.
Moï hocha gravement la tête, une lueur inquiète traversant son regard azur:
-Et comme nous le disions tout à l'heure, la forêt n'est plus aussi sûre qu'auparavant.
-Plus rien n'est sûr de nos jours, acquiesça Telma dans un froncement de sourcils, même les soldats d'Hyrule ne sont pas sûrs, ils tremblent au moindre bruit.
Louise le chat parut approuver sa maîtresse puisqu'elle se glissa sur les genoux de celle-ci dans un ronronnement mélodieux. La douceur du chat envers Telma eut au moins l'effet de faire sourire Moï, qui se leva presque aussitôt.
-Le soleil va se lever, je dois retourner à Toal. dit-il.
-Ces voyages de nuit vont finir par te tuer. maugréa Ash en croisant les bras.
-Que dis-tu? sourit Lafrel, il en a vu d'autre ce preux et jeune bretteur!
Moï eut un petit rire, qui réchauffa aussitôt l'atmosphère.
-Jeune, jeune, plus si jeune que ça...
Lafrel soupira, amusé:
-Non mais m'as-tu vu? Tu es très jeune comparé à moi. Je dois bien avoir le double de ton âge. Alors par respect pour moi-même, je t'interdis de dire que tu es vieux!
Telma eut un grand éclat de rire:
-Il est peut-être jeune comparé à toi, mais comparé à Jehd, c'est un papy!
-Tu exagères toujours! ricana le Toalien, se retenant de lui faire remarquer qu'elle était plus vieille que lui.
-Donc, reprit Lafrel, si nous suivons ton raisonnement, je suis une momie pour Jehd.
Celui-ci eut un sursaut gêné:
-Oh non! Je ne me permettrai pas de te comparer à une momie! J'ai beaucoup de respect pour toi!
Ash soupira, mais elle avait malgré elle un petit sourire en coin:
-Et tout le monde sait que messire l'historien n'a de respect que pour les antiquités! dit-elle.
-Donc Jehd vient de traiter le vieillard courbé par les ans que je suis d'antiquité. résuma le doyen, le regard brillant d'amusement.
Jehd se confondit aussitôt en excuses, s'exclamant que ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire. Moï sourit de nouveau et ouvrit la porte pour partir.
-Hé! le rappela Ash, fais gaffe à toi.
-Comme toujours! répondit-il en fermant la porte en bois derrière lui.
Dehors, l'air était doux, bien qu'un peu frais. Moï monta rapidement les quelques marches qui le séparaient de la rue Sud et remonta celle-ci jusqu'au centre-ville. Le centre de la Citadelle était orné d'une sublime fontaine, qui laissait habituellement entendre un doux clapotis. Mais aujourd'hui, elle était cassée. À vrai dire, elle était cassée depuis le début de l'invasion des Ombres. Le bretteur tenta de ne pas faire attention au silence inhabituel qui régnait et sortit de la ville par la rue Ouest. La plaine d'Hyrule s'étendait à perte de vue face à lui. Le soleil n'avait toujours pas commencé à se lever et Moï posa machinalement une main sur la garde de son épée. Il siffla et un cheval de couleur clair arriva au galop de derrière une colline. Le bretteur carressa machinalement l'encolure de l'animal avant de monter en selle.
-Aller, on rentre à la maison. souffla Moï à l'oreille du cheval.
De bruyants "tagada" retentirent dans la plaine sous les sabots de l'équidé.
Durant tous le voyage, de nombreux monstres -Bokoblins ou Lézalfos, sans parler des Baba-Mojos- tentèrent de lui barrer la route mais Moï avait prit l'habitude de les esquiver, et son cheval était bien trop rapide pour eux.
Et enfin, lorsque le soleil pointa le bout de son nez, discipant les étoiles, le bretteur arriva à Toal. Il venait de traverser le chemin qui reliait la plaine au village et avait jeté des regards inquiets à la forêt de Firone, bien plus sombre qu'à l'habitude.
Moï descendit de cheval et laissa l'équidé devant sa petite maison avant de pousser tout doucement la porte. Ute était dans un coin de la pièce, endormie, leur fils, Colin, blottit dans ses bras. Le bretteur posa son épée contre la porte et se coucha dans le canapé le plus silencieusement possible. Il tourna les yeux vers sa femme, grande, aux cheveux blonds coupés au carré. À l'habitude, elle était longiligne mais avait depuis quelques mois le ventre bien arrondi. Moï sourit, puis dans un soupire, il s'endormit.
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