Chapitre 4 - Helena
Ma semaine se déroule calmement, les hommes respectent trop Anton, ou suffisamment peur, pour que je ne sois pas harcelée. Son ombre plane toujours sur moi, faisant fuir ceux qui seraient intéressés par mes courbes. Un avantage dont je ne me plains pas, les mecs ne me tentent pas en ce moment.
L'ambiance est légère pour une fois, pas de tensions, pas de plaintes. Les filles servent de façon rapide et efficace, leurs tenues sexy et minimalistes aident aux pourboires.
— Helena ? Tu peux venir en bas, s'il te plait ?
— Oui, j'arrive, je réponds à Meg en pensant que j'ai parlé trop tôt.
Mes pieds douloureux me mènent à l'étage inférieur. Les salons privatifs résonnent de rires et de bruits plus sensuels. La musique y est plus lente et langoureuse. Le champagne est distribué gratuitement et coule à flots dans cette partie des 7 Péchés Capitaux. Meg désigne de la tête un homme débraillé et rougeaud. D'un regard, elle comprend que c'est tout pour elle, mais je la retiens quand elle me frôle en partant. La main sur le poignet, je la force à se rapprocher de moi.
— Idi za Yuriem ili odnim iz yego lyudey *, j'ordonne à son oreille.
— Da. *
Je plaque un sourire artificiel qui fonctionne toujours sur les hommes. Il fonctionne comme à l'habitude, le client éméché tourne son attention vers moi. Ses yeux brillants se focalisent sur ma silhouette, la parcourant de haut en bas et inversement. Ses lèvres se retroussent et il passe sa langue sur le devant de ses dents. Un frisson de dégoût me traverse, je n'ai pas besoin de connaître ses pensées, elles se lisent sur son visage rougeau et porcin.
— Cher monsieur ! je commence en roulant les r. On m'a fait savoir que vous avez un souci avec vos demandes ?
Mon accent russe est plus prononcé, presque caricatural. Je ne sais pas pourquoi les américains fantasment sur notre pays. Ils trouvent dépaysant et exotique notre peuple alors qu'il y un peu plus de trente ans, nous étions considérés comme des communistes pires que Satan. De nos jours, nous reflétons la richesse, le pouvoir et la classe, surtout les femmes. Je joue de mon personnage de princesse de glace, intouchable et un peu perverse pour contenter nos clients.
— Oui ! C'est un scandale, s'énerve-t-il en postillonnant. J'ai réservé Iris et on me dit qu'elle ne peut pas s'occuper de moi ce soir ! C'est inadmissible ! Vous savez qui je suis ?
— Monsieur, je débute dans une tentative pour l'apaiser. Venez avec moi, je vais vérifier la situation.
— Je vais me plaindre à Monsieur Yourenev ! Ça ne se passera pas comme ça.
Vérifiant d'un coup d'œil son niveau d'accès, je retiens un sourire suffisant. Il n'a qu'un bracelet Argent qui donne accès à la Gourmandise et la Paresse. Donc, il n'est pas aussi riche et puissant qu'il voudrait le paraître. Anton ne perdra pas son temps avec un type pareil.
Je l'emmène vers l'Envie et la Luxure dans l'intention de lui offrir un verre, le faire patienter en regardant les effeuillages et lui trouver une autre fille qu'Iris. Dans le couloir qui dessert les deux ascenseurs, je pose un doigt sur le bouton d'appel tout en regardant l'heure sur ma montre. Soudain, un souffle alcoolisé me parvient par-dessus mon épaule. Ce pauvre type attrape mes hanches et se colle à mon dos. Il est plus petit que moi, son ventre pousse contre mes fesses et me sauve de sentir son sexe à la place.
— Tu es bien jolie, toi aussi, me souffle-t-il. Je te laisse remplacer Iris sans soucis. J'aime les grandes blondes avec de beaux seins.
Une de ses mains baladeuses me contourne et tente une approche entre mes jambes. Je les resserre et projette mon talon dans son tibia. Et dire que certains se moquent de mes chaussures hautes de quinze centimètres. Elles viennent de me sortir d'un mauvais pas, si j'en crois le grognement de douleur de mon assaillant.
— Hey ! Tu pourrais te laisser faire, j'ai payé.
Il me retourne et une douleur fulgurante explose dans ma joue gauche. La brûlure de la claque se diffuse et remonte vers mon œil.
— Non ! Pas question, vous n'avez pas le droit ! je crie en le repoussant.
— Pétasse ! Deux refus en une soirée, les Russes n'ont plus de respect ?
— Je suis hors limite, personne ne me touche ! Et vous, vous êtes viré de cet établissement. Vous avez signé un contrat dans lequel vos obligations sont bien définies. Votre comportement a dépassé les limites.
— Je veux être remboursé et des excuses !
— Comment ? Non, jamais de la vie. Vous ne les méritez pas.
Je tente de m'éloigner en priant que Youri arrive vite. Ce pervers aura bien plus peur face à lui. Mais je n'arrive pas à le dépasser, car il m'attrape les cheveux avec violence et tire vers le bas.
— Tu vas te mettre à genoux et me sucer, ce sera déjà un début !
Il frappe une de mes chevilles de son pied et je tombe à terre. Il fouille son entrejambe sans faire attention à l'ombre qui tombe sur nous.
C'est le comptable d'Anton. Il laisse tomber la serviette en cuir brun et attrape l'épaule de mon agresseur. L'homme est projeté contre la porte de l'ascenseur réservé à la clientèle. Le choc produit un son métallique qui le sort de sa stupeur. Il se redresse dans l'intention évidente de continuer à me malmener. Il n'a pas compris que je ne suis plus seule.
Les pupilles chocolat de mon sauveur fusillent le client. Elias fait craquer les articulations de ses doigts et sourit, la grimace me ferait trembler si elle m'était destinée. Je me recroqueville dans un coin pour ne pas gêner les adversaires dans les prochains instants.
— Vous êtes qui pour me pousser ? s' insurge le client.
— Je suis celui qui va vous virer de cet établissement.
La voix d'Elias gronde, ses mâchoires sont serrées de fureur.
— Comment ? Mais je n'ai rien fait !
— Vous agressez cette femme.
— Elle est là pour combler tous mes désirs, c 'est son job.
Son ton condescendant et méprisant me donne envie de vomir. L'image qu'il renvoie de moi est dégradante. Je ne suis pas une pute, même si je n'ai rien contre ce métier. Pour un homme comme lui, nous ne valons rien.
— Non ! Mademoiselle n'est pas à votre service. Elle vous a dit non. C'était suffisant !
L'homme défroisse son veston et reprend contenance. Il gonfle le torse pour se donner plus de prestance. On dirait un vieux coq défraîchi. Ce qui n'est pas réaliste en comparaison de son adversaire Elias est grand, élancé, musclé sous son costume gris foncé et sa chemise blanche en soie. Sa jeunesse ne diminue en rien le charisme qui émane de lui.
— Allons ! Il y a toujours moyen de s'arranger. Combien voulez-vous pour me laisser avec elle ?
Il parle de moi comme si j' étais un objet ou une chose. C 'est dégoûtant. Le poing d'Elias se fracasse contre la joie rebondie de ce porc. L'homme crie comme une fillette et reçoit un deuxième coup dans l'estomac.
— Je n'obéis qu'à Monsieur Yourenev, je ne suis pas corruptible. Gardez votre argent, j'ai ce qu'il me faut.
Elias me tend la main et m'aide à me relever. Je tremble sur mes talons.
— Merci, je chuchote.
— Veuillez raccompagner ce monsieur à la sortie et prévenir Youri. Il n'est plus le bienvenu s'il recommence à intimider et à agresser le personnel, ordonne Elias aux deux hommes qui viennent de surgir par l' escalier de service.
Elias ramasse la serviette abandonnée un peu plus tôt et vérifie sa fermeture. J'en déduis qu'elle contient l'argent des combats de cette nuit. Malgré ma curiosité, je n'en dis rien. Ce n'est pas mon rôle de me mêler de cette partie des affaires du clan. Je rejette derrière mon épaule mes cheveux blonds pour me donner du temps pour me reprendre. Ce n'est pas la première fois que je me fais secouer par un client agressif, mais la surprise d'être attaquée est toujours un choc.
— Je vous remercie encore, Elias. J'espérais que Youri allait arriver, mais votre présence m'a sorti d'un mauvais pas.
— La prochaine fois, vous ferez attention.
Le ton sec et dur me surprend. Pourquoi est-il si froid et cassant envers moi ? Qu'ai-je fait pour l'énerver ?
— Quelle prochaine fois ?
— Celle où vous serez seule avec un homme et dans une tenue telle que la vôtre.
Il me scrute de bas en haut, lentement. L'effet serait torride, sous l'intensité de son regard s'il n'échappait pas autant de mépris envers moi. Un frisson se répand dans mon dos, j'hésite entre le dégoût et le désir. Ce mec est contradictoire.
— Ma... tenue ?
J'allonge ma question, lui donnant le temps de se reprendre. Va-t-il oser s'embourber dans cette galère ? Le sujet est une pente glissante vers un piège connu de tous les hommes, il ne serait pas assez bête pour s'y aventurer ? Si ?
— Oui, confirme-t-il. Vous êtes un appel au sexe dans un établissement qui le vend. C'est une invitation pour tous les détraqués.
— Tu ne vas pas me critiquer sur ma façon de m'habiller. Tu ne me connais pas, tu n'as aucun droit sur moi et même si c'était le cas, jamais je ne laisserai un homme me dire ce que je dois ou non mettre !
Je passe au tutoiement et aux cris tant ce sujet me met hors de moi. Mais quel con ! Tout le positif de m'avoir aider dans une situation difficile vient d'être piétiné par sa misogynie et ses idées patriarcales.
— Wow ! On se calme, poupée !
— Encore un mot mal placé. Je ne suis la poupée de personne. Je voulais être polie, te remercier, mais maintenant tout ce que je veux c'est de t'envoyer au diable.
— Mais...
— Poshel ty ! * je le coupe en le laissant dans le couloir.
Mes talons ne claquent pas sur le tapis, je ne peux donc pas montrer ma colère en faisant une sortie qui en jette et ce fait m'énerve encore plus.
Traduction :
Idi za Yuriem ili odnim iz yego lyudey : Va chercher Youri ou ses hommes.
Da : Oui
Poshel ty : Va te faire foutre !
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