Chapitre 20 - Elias.
28 mai, bureau d'Anton.
J'ai presque fini les comptes. L'argent de ces deux derniers jours, plus celui de cette nuit, repose dans le coffre derrière moi. Je me redresse, colle les épaules contre le dossier en cuir du fauteuil du patron et fait craquer ma nuque. Je tourne la tête à gauche puis à droite, soupire en sentant mes vertèbres se remettre de la position courbée que j'ai tenu pendant une heure.
Je dois encore amener toute cette somme à la banque. En jetant un œil sur l'horloge murale, je me confirme que j'ai encore un peu de temps avant l'ouverture. Bien que je puisse y aller sans rendez-vous ou même hors des heures ouvrables, j'aime passer inaperçu dans la foule des gens normaux. De par mon expérience, il est plus suspect d'avoir trop de privilèges que de suivre les règles du commun des vivants. Les flics surveillent les allées et venues. Mais ils ne peuvent se permettre de fouiller sans raison. L'anonymat que me fournissent les clients en nombre est aussi un avantage pour notre complice à la banque. Il peut en toute impunité s'occuper de blanchir notre argent et remplir nos comptes multiples.
Je pose la mallette sur le bureau et l'ouvre. Une à une, les liasses de dollars s'empilent en ordre dans leur écrin. La satisfaction du travail bien fait me comble d'aise. C'est un toc chez moi, une tendance à tout ranger, et compiler. Je peux passer des heures à aligner les chiffres pour que tout le chaos devienne ordre. Ce qui m'attire dans les mathématiques, ce sont les règles qui, si elles sont suivies et comprises, offrent une réponse à nos questions. Tout devient équilibré et sensé.
La porte du bureau s'ouvre au moment où je referme le coffre. Je fronce les sourcils surpris d'être interrompu à cette heure de la journée. Cependant, je me détends en découvrant que mon visiteur est la jolie blonde qui m'a manqué ces derniers jours.
— Helena ?
Un nœud amer essaie de s'installer dans mon ventre à la pensée qu'elle recherche la présence d'Anton. Je serre le poing pour me calmer et éviter de dire une connerie. Il faut que j'apprenne à contrôler mes paroles.
— Tu voulais parler au boss ?
Je ne peux pas prononcer son prénom en ce moment et ça me fait chier. Je ne devrais pas être aussi faible. C'est quoi ces sentiments de femmelettes ?
Elle rougit légèrement et mordille sa lèvre inférieure. Ses yeux se posent sur tout dans le bureau sauf moi. Le fait qu'elle évite de me regarder prouve-t-il quelque chose ou son malaise provient d'autre chose ?
Je m'installe sur le fauteuil et lui tends les mains, surpris de vouloir la consoler. Helena soupire et redresse les épaules comme pour se donner du courage. Ses talons claquent sur le parquet ciré puis s'étouffent dans le tapis. J'attrape sa silhouette dès qu'elle est à ma portée et l'installe entre mes genoux écartés. Ses yeux n'ont pas leur éclat habituel, des cernes bleues marquent son visage et m'indiquent sa fatigue.
— Qu'y a-t-il ? Tu es malade ?
— Juste un peu, me répond-elle en passant ses bras autour de mon cou.
Ses doigts jouent avec le tissu de ma chemise et mes cheveux. Je suis distrait par cette sensation douce et délicate. Un pas en avant, sa joue sous ma mâchoire. Son corps est de nouveau souple dans mon étreinte. J'aime cette sensation.
— J'ai quelques soucis et j'aurai besoin d'aide. Je... je vais devoir partir quelques jours et tu vas... me manquer, ajout-elle dans un souffle.
— Je peux faire quelque chose ? T'aider ?
Elle secoue lentement sa tête et ses boucles blondes me caressent. Son parfum sucré me fascine, je ne peux m'empêcher de plonger les doigts dans ses mèches et m'enivrer de leur douceur.
— Si seulement tu pouvais, mais je ne veux pas t'attirer des ennuis.
Des ennuis ? Pourquoi craint-elle cela ? Je perds le fil de mes pensées quand ses lèvres pulpeuses se posent sur les miennes. Helena s'assied sur mes genoux et je l'entoure de mes bras pour la rapprocher encore plus. Ses seins se plaquent contre mon torse et je plonge dans sa bouche. Nos langues se touchent, se cherchent, jouent et se séduisent. Mes mains sont partout, je n'écoute plus mon instinct qui me crie qu'il y a un problème.
— Elias ! S'il te plait, oui, comme ça.
Sa voix rauque à l'accent russe chauffe mon sang. ses mains passent sous mon veston, ses ongles griffent mon dos et je frémis sous cette caresse sexy. Je veux soulever sa robe mais notre position n'est pas pratique pour ce que je désire. Je grogne de frustration puis prends les choses en main. Littéralement. D'un seul mouvement, je me lève avec Helena et la dépose sur le bureau. lui écartant les genoux, je remonte sa robe et pose enfin les doigts sur sa culotte. La chaise se renverse dans un fracas qui ne nous ralentit pas. Les feuilles, les carnets et le téléphone tombent, balayé par ma main. J'ai quand même une seconde de clairvoyance et ferme la mallette dans un claquement sec.
— Que... commence Helena, mais je la coupe en l'embrassant à nouveau.
Mes doigts s'insinuent sous le rebord de dentelle et trouvent enfin le paradis sur terre. Une fournaise. Chaude et humide. Un vrai délice.
Ma belle halète et gémit son plaisir. Se penchant en arrière, elle rejette la tête et offre son cou long et fin à mes baisers. Bien que se tienne pour ne pas tomber, une de ses mains est encore dans mon dos, comme si elle ne pouvait pas se passer de me toucher.
La voix repoussée dans un coin sombre de ma conscience reprend des forces. Pourquoi ne se perd-elle pas autant dans nos baisers que je ne le voudrais ? Elle est un peu distante, enthousiaste mais détachée. Ses problèmes l'empêchent-ils de savourer notre étreinte ? Pourquoi l'a-t-elle entamée ?
Ses doigts tâtonnent mon flanc puis disparaissent d'un coup. Je me fige sous le froid du métal contre ma joue. Elle vient de me voler mon arme !
— Re-recule Elias ! bégaie -t-elle.
Je ne m'exécute pas immédiatement. Je réfléchis à toute vitesse. Elle m'a berné, dans les grandes largeurs, se servant de mes désirs pour me détourner de son objectif premier. Qu'y a-t-il dans le bureau qui puisse être assez important pour qu'elle trahisse et mette sa vie en danger ?
Mon regard se pose alors sur la valise à moins de dix centimètres de nos épaules.
— Tu es sérieuse ? Tu vas me flinguer si je ne t'obéis pas ?
— Je... ce n'est pas ce que je veux, mais je suis obligée. Alors, lève-toi et recule.
Ses yeux brillent de larmes, elle est pâle. Sa main tremble malgré son apparente habitude des armes. La sécurité est retirée, merde ! Je dois faire diversion.
— Et je fais quoi de ça ? j'ironise en collant mon bassin contre sa chatte mouillée. Je constate que même si tu m'as joué la comédie pour me piquer mon flingue, tu as apprécié mes doigts.
Elle ouvre ses jolies lèvres sous le choc de mes mots crus. Et de mon érection dure qui se frotte en mouvements rotatifs contre son bourgeon sensible. J'en profite pour passer autour de mon poignet le bracelet libre de la menotte qui pend à la poignée de la mallette. Le cliquetis caractéristique avertit ma traîtresse de mon geste.
— Qu'as-tu fait ? crie-t-elle d'une voix aiguë.
Elle panique et me repousse assez fort pour que je recule de deux pas. La mallette se balance au bout de la chaîne qui me relie à elle. Elle ne peut que constater ma manœuvre pour la contrer.
— Tu voulais le fric ? Tu me déçois, Helena. Je ne te pensais pas vénale. Tu accuses les hommes de se servir de toi et de ton corps, mais c'est tout le contraire. Voler ton vor ! Tu es stupide ou suicidaire ?
— Tu ne comprends pas ! J'ai besoin de cette valise, retire cette menotte ! exige-t-elle en me mettant en joue.
Elle tremble, les larmes coulent sur ses joues. Je ne sais pas si c'est de rage pour avoir été contrecarrée ou par peur de quelque chose. Même en lui jetant mes reproches à la figure, elle n'explique pas la raison de sa conduite.
— Non ! répliqué-je en secouant la tête. Impossible, je n'ai pas la clé.
Je mens comme un arracheur de dents. Mon instinct me dit qu'il y a plus que je ne comprends. Helena a toujours été loyale envers le clan. Pourquoi changerait-elle d'attitude ? Pour qui ? Je dois savoir ce qu'il se passe. Et si je dois la manipuler pour découvrir le fin fond de l'histoire, je le ferai.
— Je ne te crois pas ! Tu ne peux pas t'être attaché sans avoir la clé ! Dis-moi où elle est !
Je lui souris sans remords.
— Si tu me révèles la raison de tes actes, peut-être que je ferai un pas dans ta direction.
Elle me fixe un instant, puis commence à ouvrir les tiroirs un à un. Elle est intelligente et reste hors de ma portée tout en fouillant. Ses yeux bleus vont et viennent entre moi et les cachettes possibles.
— C'est froid, je lui confie en riant. Glacé même.
— Tu crois que c'est un jeu, Elias ? Tu t'amuseras moins si je te tire dans la jambe.
Sa menace n'est pas à prendre avec désinvolture. Elle sait aussi bien que moi que la pièce est insonorisée. Anton n'aime pas que les clients entendent ce qu'il se passe ici. Que ce soit les conversations ou les interrogatoire plus bruyants.
— Je peux te tuer.
— Le tremblement dans ta voix démontre le contraire.
— Tu vas parier ta vie là-dessus ? Je viens de Russie, d'une bratva plus brutale que la nôtre. Tu ne me connais pas. Je tremble mais je n'hésiterai pas.
— Vraiment ?
J'avance vers elle et la domine malgré son arme pointée dans ma direction. Elle recule jusqu'à toucher le mur. Ma main libre se pose au-dessus de son épaule. Je ne veux pas lui prendre le flingue, elle se sent en sécurité avec. Je vais lui soutirer ses secrets grâce à ce faux sentiment.
— Donne-moi le code alors, tente-t-elle de négocier.
— Non, toujours pas.
— Qu'est-ce que tu veux en échange ?
Ah encore de la négociation, elle a vraiment un problème avec ça. Elle croit que je ne peux m'intéresser à elle que pour une raison précise. Je soupire de dépit et me penche pour l'embrasser sous le lobe de son oreille. Helena frémit et se laisse aller vers moi. Elle peut se mentir, mais elle ne peut cacher les réponses de son corps. Il me fait confiance, suffisamment pour croire que je ne lui veut que du bien. Mais je suis un irlandais au sang chaud, j'ai besoin de cette femme. Je pose les lèvres à nouveau sur sa peau et oublie son arme appuyée contre mon flanc, ses menaces.
De sa main libre elle me touche, gémit, ondule contre moi. Ses doigts entoure mon sexe dur, puis le contourne. Je reprends ses lèvres et entame un baiser sauvage. Quand elle sépare sa bouche de la mienne en respirant fort, je suis prêt à la baiser à même le sol.
— Recule, exige-t-elle encore.
— Helena, on ne va pas recommencer, je râle en grognant.
Un tintement me fige. Elle agite dans sa main deux petites clés reliées à un anneau. Putain ! Elle m'a fait les poches pendant que je ne pensais qu'avec ma bite ! Elle m'a branlé à travers mon pantalon pour détourner mon attention. Je me frapperai bien tellement je suis con. Un con qui ne pense qu'au sexe.
Et pendant ce temps la petite maline se marre.
— Je ne te révélerai pas le code d'ouverture. Et si tu forces le mécanisme, tu abimeras le fric avec le système antivol.
— Je dois partir, je n'ai pas le temps. Donne-moi ton poignet.
— Non !
— Tu es stupide Elias, tu m'obliges à te tirer dessus.
— Pff, tu es trop douce pour...
Une détonation coupe autant ma phrase que mon souffle. La peste a tiré près de mon oreille. Je ne suis pas touché, mais le bruit résonne encore dans mon crâne et la douleur qui me traverse n'est pas de bonne augure. Mes doigts sont tachés de sang, il provient de mon oreille. La tête me tourne, j'ai des nausées et une douleur aiguë au niveau de mon tympan. Elle ne m'a pas visé, et je suis certain que c'était voulu, malgré cela je suis presque à genoux. Elle a réussi sa démonstration de volonté.
— La prochaine balle ira dans ton genou.
Voilà qui ne me donne pas le choix. Elle est désespérée au point de me blesser. A contrecœur peut-être, mais elle le fera si je la pousse trop loin.
Putain ! Je ne peux pas la laisser partir avec cet argent. Elle sera en danger et pour une raison que je ne m'explique pas, j'ai besoin de la protéger. D'elle comme de ce qui la pousse à ces extrémités.
Je laisse mes genoux flancher et je constate qu'Helena s'inquiète de mon état puisqu'elle me soutient. Je pourrais lui arracher mon arme facilement. Même à moitié sourd, j'ai encore plus de force brute qu'elle. Je prends une décision qui va changer ma vie sans retour en arrière.
— Ça va, je murmure avec difficulté. C'est mon équilibre. Tu es une sadique.
Je souris malgré les sons aigus qui recouvrent ses paroles et ma voix.
— Pardon, mais tu es plus têtu qu'une mule aussi.
— C'est mon sang irlandais.
— J'en suis certaine, réplique-t-elle en levant les yeux au ciel.
— Faisons un compromis, proposé-je. Quelques soient tes problèmes, je t'accompagne un moment. Tu essaieras de me soutirer le code et moi tes secrets.
— Non impossible.
Elle se braque dès que j'en parle, il est impératif de trouver des arguments plus forts.
— Mais si, je lui susurre. Tu auras un otage comme bouclier quand Anton t'enverra ses hommes. Je les connais, eux et leur stratégie.
— Je peux tirer sur la chaîne de la menotte.
— Tu n'auras pas la combinaison et tu abîmeras les billets en forçant la serrure.
— Je tente cette possibilité, je suis pressée.
— Ecoute, si je viens avec toi... Anton pensera que c'est moi le coupable. Il enverra ses hommes après moi. Je connais leurs techniques, je peux prédire leurs manœuvres. Tu n'es pas une fugitive, as-tu réfléchi à ta fuite, à être poursuivie et à te cacher ? Je peux t'aider, te conseiller. Pendant notre cavale, je te promets de ne pas m'enfuir, mais j'essaierai de connaître tes raisons.
Elle hésite, les rouages de son cerveau commencent à chauffer. Ma jolie intrigante réfléchit à ma suggestion. Si elle croit qu'elle peut m'utiliser et me "forcer" à la suivre, elle finira par me dire pourquoi elle se met dans une telle merde. Je lui laisserai le flingue aussi longtemps qu'il faudra pour qu'elle se sente en sécurité, puis j'inverserai les rôles.
— D'accord, lève-toi, on part, ordonne-t-elle en agitant l'arme devant mon nez.
Elle me soutient et passe un bras autour de ma taille comme si on sortait ensemble. Mon équilibre est encore bancal et la nausée s'installe confortablement dans mon estomac. Malgré tout, j'esquisse un sourire qu'Helena ne remarque pas. Nous sortons en refermant la porte du bureau d'Anton. Il aura les nerfs en le trouvant en désordre, puis certainement la rage quand il comprendra. Jamais il ne croira que c'est elle qui lui a pris un quart de million de dollars.
Je suis un hommemort, une cible ambulante. Autant mettre le plus de kilomètres possibles entrenous.
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