Puppy Toy

J'ai envie de me servir un whisky. J'ai envie de boire le pack de bières. De mettre de la musique. D'appeler un pote. D'ouvrir la porte de la salle de bain et de prendre des photos. D'ouvrir la porte. De boire. D'appeler un pote.

Je reste planté comme un con sans bouger, comme déconnecté du moment. Avec beaucoup de difficulté j'arrive à rassembler mes idées et j'allume l'ordinateur pour mettre de la musique, le temps que ça charge je fais chauffer l'eau et prépare la théière, ça va lui faire du bien une boisson chaude, je lance une playlist pop-rock aléatoire sur le logiciel de musique et après avoir vaguement tourné sur moi même pendant quelques instants je me sers une tasse de thé fumante et m'installe confortablement dans le canapé pour me détendre un instant.

J'ai besoin de vacances.

Depuis que j'ai emménagé dans cet appartement je pète un câble. J'entends les moindres de bruits de tout l'immeuble, j'ai le cœur au bord des oreilles tellement le stress me ronge littéralement nuit après nuit. Je dors mieux depuis quelques semaines mais je me sens toujours oppressé le soir, parfois je me demande si je ne rêve pas ces bruits. Je me demande si je ne deviens pas raide barge au point de m'imaginer qu'un jeune acteur américain vient prendre une douche chez moi le jeudi soir.

Je bois une gorgée.

Je me concentre sur ma respiration. Je me détends un peu. Je me dis que je devrais sortir ce soir plutôt que de rester seul après m'être imaginé un truc aussi dingue. Je devrais en parler à quelqu'un. Ça me semblait tellement réel pourtant ce mec aussi beau que mouillé au milieu de l'appart.

Je bois trois gorgées d'affilée.

Je vais faire ça, je vais appeler un pote et aller boire tellement de bières que je n'aurai plus aucune hallucination en rentrant, que j'irai m'effondrer sur mon oreiller dans un sommeil sans rêves. Je me lève pour attraper mon téléphone ; devant la porte de la salle de bain il y a un sweat à capuche en boule et j'entends l'eau couler dans la baignoire.

Au même instant le robinet se ferme. Je recule sans bruits jusqu'au canapé. Je me recroqueville sur moi-même les talons sous les fesses et hésite entre composer le numéro des pompiers, de Solène, de mon père ou de St Anne. Je compose le 15 au cas où et attends un peu avant de lancer l'appel.

Trois gorgées de thé.

Cliquetis du verrou de la salle de bain.
Grincement léger du gond supérieur à l'ouverture de la porte.
CLAC de l'interrupteur.
Il frotte ses cheveux avec la serviette, le bas de son jean est mouillé et il marche pieds nus jusqu'à son IPhone et le repose l'air désolé. Il se tourne alors vers moi et s'approche avec un grand sourire la main tendue, la douche lui a fait beaucoup de bien semble-t-il

— Dylan. Merci pour ta salle de bain.

— Clément. Il y a du thé dans la cuisine si tu veux, réponds-je en serrant la main qu'il me tend.

Tandis qu'il se dirige vers la théière il me jette par-dessus son épaule :

— Mon T-shirt et ma chemise étaient vraiment wet je les ai mis à sécher un peu.

Je ne pense plus. Je ne réagis plus non plus. Je me contente de le regarder passer, se déplacer torse nu dans mon petit appartement. Je ne bouge pas d'un pouce. J'ai l'impression d'avoir fait rentrer un léopard chez moi et que celui-ci se comporte comme un chat domestique. Je reste sur mes gardes, si le léopard se met à battre de la queue c'est qu'il va attaquer. Rester sur ses gardes, tout ça va m'exploser à la gueule dans cinq minutes, c'est certain.
L'animal revient avec une tasse pleine, pose la serviette sur une chaise et se déplace souplement jusqu'au canapé. Compose le 15 tout de suite. Il se passe la main dans les cheveux et avec un sourire gêné me demande :

— Tu pourrais me prêter un T-shirt peut-être ? Ou un pull n'importe quoi, juste le temps que le mien sèche un peu.

Non. Malheureusement je ne peux pas, ils viennent tous de brûler dans le micro incendie qui vient de ravager exclusivement tous les pulls, T-shirt, sweat et chemises de ma garde-robe. Il ne me reste que celui que je porte qui ne va pas tarder non plus à prendre feu si tu n'arrêtes pas de me sourire comme ça. Sinon j'ai de l'huile d'olive. Tu peux t'en mettre partout si tu veux. Et même je t'aiderai. Et après je mettrai du sel sur tes épaules et je mordrai dedans à pleine bouche et ensuite je m'occuperai de ton ventre et je finirai par tes pectoraux avec du caramel beurre salé. PUTAIN MAIS C'EST UNE BLAGUE OU QUOI ? C'EST POUR LA CAMÉRA CACHÉE ???

— Oui bien sûr, attends je t'apporte ça.

Je lui rapporte un T-shirt qu'il enfile en vitesse. C'est pire. On ne fait pas la même taille et il a dû pousser de la fonte depuis la dernière saison : mon T-shirt lui moule le torse d'une façon indécente. Ça me brûle les yeux.

Je pars vers la cuisine. Il me faut quelque chose de frais. Je prends deux bières et les ouvre machinalement. Il est encore en train de tripoter son téléphone et le mien en même temps. Ferme les yeux, pense à ton crédit, à tes impôts, à tes charges, à cette saloperie de VMC. Ses cheveux commencent à sécher et ondulent légèrement sur le dessus de sa tête. Il tourne la tête vers moi et me sourit de toutes ses dents, ses yeux en amande s'étirant sincèrement vers ce qui deviendra plus tard de séduisantes pattes d'oie s'il ne cède pas aux injections. Je lui tends une bière qu'il attrape avec poigne puis retourne m'asseoir sur le canapé pendant qu'il reste debout à tenter d'obtenir désespérément une connexion. Je bois presque la moitié de ma bière d'un trait. Je le regarde. Je me détends et j'en profite pour le contempler, fasciné comme un môme au zoo devant les grands fauves.

Il est plus grand que je ne l'aurais cru et ses cheveux sans coiffeur agrégé disponible partent en volutes désorganisées de tous côtés. De dos son jean de luxe tombe parfaitement sur ses hanches droites. Il a un putain de cul d'enfer. La lumière des LED inonde son visage d'une clarté magique à laquelle il est évidemment habitué. Sans succès, il relâche le téléphone, porte le goulot à sa bouche et boit les yeux fermés. Une goutte de bière s'échappe de la commissure de ses lèvres et roule le long de son cou. Les mots comme les pensées me manquent alors pour le décrire, il est si jeune et si puissant avec cette façon de prendre la lumière que c'en est indécent. Insolent. Solaire. Indécent. Insolescent.

Quand il rouvre les yeux, il se remet à sourire et vient s'installer près de moi sur le canapé.
Tant que le léopard ne bat pas de la queue tu ne risques rien.
Nous discutons. De la pluie au début. De sa présence à Paris ensuite et de mon métier après. On ouvre une deuxième bière. La conversation devient agréable et détendue. Il est en France pour quelques jours, il a suivi un cursus en français au lycée et a toujours apprécié pratiquer la langue. Il est doué. De fil en aiguilles on se trouve des atomes crochus en parlant gastronomie, je lui propose un whisky et nous en savourons finalement deux. Il s'avachit mollement dans le futon et mon T-shirt trop petit se retrousse laissant son ventre nu jusqu'à la lisière de son nombril. La ligne toujours superbe de ses abdominaux négligemment exposée, il passe et repasse la main dans ses cheveux encore un peu humides comme un chat qui se toilette autant qu'il se donne une contenance.

— Tu vis seul ?
— Oui.
— C'est étonnant, dit-il sans détourner le regard.


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Battement de queue ou pas je ne suis pas certaine qu'on tienne bien longtemps face à un léopard... Vous restez stoïque ou vous succombez au charme de la bête ^^?

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