Falling in love at coffe shop

Le restant de la soirée est plus gaie. Dylan ne revient pas sur sa diatribe, je crois qu'il en a autant conscience qu'il a accepté les règles du jeu il y a bien longtemps.
Je ne dis rien mais la soirée du lendemain m'angoisse et j'en suis terrifié d'avance, il va très certainement devoir aller serrer des mains à droite à gauche et sourire aux photographes. Je vais me retrouver habillé comme un pingouin à faire tapisserie toute la soirée. Espérons que le champagne soit à la hauteur de mon ennui. J'ai bien envie de parler de sa "Girl Friend" mais je suis trop heureux de passer ces instants avec lui comme si nous étions un couple normal en pleine lune de miel. Je n'ai pas envie de gâcher ça à cause d'une fille.

Un couple?

Je suis tout de même épuisé par le décalage horaire, le voyage, nos retrouvailles et l'heure tardive. Il s'en rend compte et m'accompagne dans la chambre. Je remettrai bien ça mais mes yeux se ferment tout seul. Dylan éteint ma lampe de chevet et attrape une liasse de papier qui ressemble à un scénario. Je n'ai pas le temps de lui demander ce que c'est, je m'endors avec ma question dans la bouche.

Ce qui ne me plait pas dans ce réveil c'est qu'il annonce une journée shopping suivie d'une soirée V.I.P. Les deux m'ennuie prodigieusement à l'avance. Je ne vois aucune issue pour moi, rien qui pourrait m'empêcher d'y aller. Je vais être mal à l'aise en public d'autant que je ne sais même pas qui je suis censé être pour Dylan lors de cet événement. Le cousin frenchie? L'oncle de Paris? Le vieil ami qui passe par là? Les questions insupportables concernant l'évolution de notre relation recommencent à m'éperonner.
Il te quittera tôt ou tard.
Vous ne vous connaissez pas vraiment.
C'est incompatible avec ton mode de vie.
Tu vas souffrir avec un peu plus de paillettes dans le cul que d'habitude mais tu vas souffrir tout de même.
Rappelle Bertie78.
Je rappellerai jamais Bertie. Je souffrirai pas, je me suis blindé, je sais très bien que ça n'aboutira à rien, je compte juste profiter de mes vacances au soleil avec lui tant que je pourrai. Quand je rentrerai à Paris je mettrai un terme définitif à notre aventure et quinze jours plus tard ça ira mieux. C'est pas comme si on était un couple amoureux, on n'a rien vécu ensemble. On couche ensemble et c'est bien mais demain? Et puis vivre dans le secret ça me gonfle, j'assume ma sexualité et j'emmerde ceux qui se permettent de porter un jugement dessus. Pas envie de vivre comme ça. Pas planqué.
A ces pensées je me tourne vers lui et le regarde endormi, confiant et serein la bouche ouverte. Il y a un méchant pincement qui me blesse le cœur.

Je le laisse finir sa nuit et me rends dans la cuisine en quête d'un truc à manger.
Le frigo est aussi vide que mon ventre. Il y a des bières de la veille et le restant du libanais. Pas de pain. Pas de confiture. Pas de beurre. Rien. J'accuse mon âge. Je mets plus de temps à me remettre d'un jet-lag. La fatigue me fout le cafard et je n'arrive pas à reprendre le dessus. Le couloir de natation me fait de l'œil et je succombe rapidement.
Dans l'eau je nage longtemps sans m'arrêter. Focalisé sur ma respiration et les mouvements j'arrive à faire disparaître peu à peu tout ce qui me gâche mon plaisir. Sa copine. Son lieu de vie. Son bras dans l'attelle. Ses soirées professionnelles. Son frigo vide.
Lorsque j'émerge hors d'haleine il est en train de rôder autour du bassin un sourire en coin.
Il s'agenouille au bord et attend que je m'approche pour tendre la main vers mes cheveux et la passer dedans.

-Tu ne manges jamais chez toi?
-Rarement. Tu as faim?
-Très.
-Habille-toi je t'emmène quelque part.

Une casquette à l'envers et deux paires de solaires plus tard nous descendons dans le sous-sol où il s'approche d'une berline grise hybride et automatique, aussi confortable qu'ordinaire. Il l'ouvre d'une pression sur la clef et lance un regard triste sur sa gauche avant de murmurer dans un soupir "I miss you so much my Beauty."

Je m'avance à ses côtés et découvre l'objet de sa tendresse. Cachée derrière la voiture se trouve la dernière Midual. La moto la plus luxueuse de ces dernières années.
L'aluminium brossé est paré d'un cuir d'excellente facture et la planche de bord est constituée de plaques de chênes d'Australie. Le centre de gravité de la belle routière est relativement bas de part son architecture de précision. La puissance et le design félin de l'engin me laissent sans voix. Je ne peux m'empêcher de les imaginer l'un sur et dans l'autre: je suis muet de jalousie.
Je touche du bout des doigts le Flat-Twin dans l'axe de la route et je sens presque l'ébrouement des 106 chevaux qu'il abrite.

-J'imagine que c'est la tienne?
-That's my girl! Répond-il en bombant le torse de fierté.
-Elle te va bien. Une Midual. J'aurais jamais pu imaginer en tripoter une.
-Tu as eu des motos?
-Non, mais quelques motards.

Il se marre et me montre son bras et son attelle l'air consterné.
-J'aurai tellement aimé faire un tour avec toi.
En repassant derrière lui je l'enlace de mon bras gauche.
-Tu réussirais à tenir dessus comme ça?
-Bien sur pourquoi?
-J'ai pas de moto mais j'ai le permis. Je peux t'emmener faire un tour sur ta chérie si tu le souhaites.
Il se laisse aller en arrière et tourne la tête vers moi. Je lui donne ce qu'il quémande sans discuter.

Dylan sort deux casques d'un placard métallique. Je me dis en tant que médecin qu'emmener un convalescent au bras cassé faire un tour de moto dans une ville que je ne connais pas est l'idée la plus con que j'ai eu cette année après celle de faire rentrer un inconnu chez moi un soir de pluie.
Je fais un tour seul sur le parking pour me familiariser avec la cylindrée puis je l'aide à s'installer derrière moi. Trop con Clément.

Il m'indique le chemin pour nous rendre sur le lieu où il souhaite déjeuner et je démarre. Après quelques kilomètres où je suis encore gauche et hésitant je commence juste à prendre plaisir sur la luxueuse moto que Dylan me fait signe de me ranger sur le parking qui borde une plage immense.

Une fois garés je le suis jusqu'à la porte d'une enseigne aux couleurs vertes et marrons qui semble hurler "ENTRE, JE SUIS HEALTHY!!!". J'imagine qu'il a ses habitudes ici, je le laisse commander à sa guise en précisant tout de même un café. Le sac en papier plein que nous remet la serveuse sent bon le pain chaud et les fruits frais. Je porte les casques et lui notre petit-déjeuner et nous nous dirigeons vers la dune.

Une fois installés sur le sable je l'aide à ouvrir son thé vert Sencha pendant que je cherche en vain une odeur de café dans la lavasse qu'on m'a servie. Nous sommes bien en Amérique. On dévore nos muëslis et nos bagels aux graines germées. Il est tôt et seuls quelques surfeurs profitent des vagues, personne autour. Dylan creuse un trou dans le sable entre nous, petit au début puis de plus en plus profond.

À un moment donné je place la main dedans sans savoir exactement pourquoi, Dylan pose aussitôt la sienne par dessus et referme ses doigts autour des miens. J'en ressens la pression si fort que j'ai l'impression qu'il serre mon cœur dans sa paume.

Mon regard cherche le sien mais il garde les yeux rivés sur l'océan un sourire doux et tranquille sur les lèvres.

Je regarde les vagues sans les voir à mon tour. Putain, je suis amoureux.

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Une petite dédicace pour OrezzaDantes dont l'immense culture musicale lui a permis de trouver sans difficultés la réponse au quizz du chapitre précédent, il fallait reconnaitre les Spice Girls et leur hit "Wannabe". Quand on lit le terriblement bon "Howlin' For You" d'Orezza on ne peut qu'être surpris par sa promptitude à donner la bonne réponse face à une vidéo de Dylan O'Brien chantant ce vieux tube pop des années 90. Donc un grand bravo!

J'en profite pour vous dire qu'elle est en train de réaliser un portrait axé lecture/écriture de mon humble personne. Elle m'a donc dédiée une page pour que l'on puisse me poser des questions et l'aider dans son interview (je suis très touchée et très sensible à cette attention je dois vous dire, vraiment hein!). Donc n'hésitez pas à aller faire un tour, c'est juste là:

https://www.wattpad.com/292161898-dans-ma-pile-1ere-faq-saahthegrey

Dernière chose, toutes mes excuses par avance pour les grands fans de motos. J'ai fait ce que j'ai pu : ça me fout une trouille grave et je n'y connais strictement rien. Je me suis débrouillée avec les moyens du bord et l'inspiration. Je reconnais par contre la beauté de certaines et j'imagine la sensation intense que cela peut procurer... Mais très peu pour moi, merci.

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