California Love
J'ai longuement hésité. Parce que même si j'avais très envie de garer ma nouvelle Ferrari dans mon cul j'étais malgré tout un peu dubitatif sur l'intérêt de cette relation. J'aurais eu quinze ans de moins j'aurais certainement moins tergiversé et j'aurai pris un congé pour aller baiser quinze jours sous le soleil de Los Angeles. Mais là je me demandais vraiment ce que j'allais bien pouvoir faire de lui et ce qu'il allait bien pouvoir faire de moi.
Troquerait-il ses avant-premières et ses mondanités pour mes soirées bières entre potes barbus? Supporterait-il de m'accompagner sur les routes le dimanche pour avaler une centaine de kilomètres à vélo? Pourtant à chaque fois que je trouvais une raison de l'oublier j'en trouvais une autre pour me le rappeler. Je m'imaginais dans un smoking de couturier, une coupe de champagne à la main en train de mater le cul de Jake Gyllenhal tandis que Dylan serait en train de serrer la main de deux ou trois greluches gravitant autour de Tarantino pour tenter un rapprochement, je me voyais rentrer dans une chambre d'hôtel ou un penthouse sublime, l'écouter me faire une scène dans le taxi après avoir trop bu et le dévorer des yeux pendant qu'il se repentirait à genoux. Il aurait pu aussi se réveiller tard à Paris et je serai aller chercher des viennoiseries dont nous nous serions empiffrés sans en dire un mot à son personnal trainer. On aurait fait une ou deux expos et on serait allés descendre des canons avec des amis et en rentrant je l'aurai laissé visiter mes recoins sombres de parigot.
Pourtant Sylvain avait raison sur un point: cet état ne pouvait plus durer.
Clément dit: Je sais que tu es désolé. Je suis désolé aussi. Je pense aussi à toi.
C'est à se demander si les acteurs bossent vraiment, il a répondu aussi sec.
Dylan Obi-Wan dit: Viens. Viens me voir. Juste quelques jours. Je suis pas bien, j'ai du mal à manger, à me concentrer. J'ai pris deux jours de repos: je suis une merde sur le tournage j'arrive à rien. J'ai perdu du poids, la production m'a passé un savon.
Clément dit: J'aimerai vraiment mais je viens d'acheter mon appartement, j'ai eu de grosse dépenses, je n'ai pas du tout les moyens de m'offrir un aller-retour à L. A. en ce moment. Je verrai ça le mois prochain si c'est faisable. Je regarderai si je peux poser des congés.
C'est dément Clément. T'es en train d'envisager tes futures vacances pour aller revoir ton plan cul sur L. A. Je te rappelle qu'il y a une "Girl-Friend" dans ton scénario, elle dormira dans la baignoire? Je fais taire ma voix intérieur et profite d'une pause avec un café pour taper "vol los angeles pas cher" sur le moteur de recherche. Non. J'aurai du filer en spécialité esthétique après mon doctorat plutôt que de m'orienter vers les stats épidémiologiques. J'ai été très con sur ce coup là. J'ai pas les moyens. Pas ce mois-ci, j'en ai minimum pour 1 000 euros de budget, je peux pas me faire ça.
Quoi que je choisisse je me fais du mal. Je bois mon café. Je repense à sa langue. J'en reprendrai bien une lichette. Je me raisonne tant bien que mal, jette un œil morne sur Grindr.
Dylan Obi-Wan dit: Dis moi tu ne m'as pas raconté d'histoire l'autre soir? Tu travailles bien à l'Info Médicale rue de Miromesnil?
Clément dit: Oui bien-sur pourquoi? T'es en bas avec des fleurs?
Je suis sur qu'il est en train de me Googeliser parce qu'il s'ennuie. Je trouve ça con mais au fond de moi ça me flatte un peu. Il a perdu du poids. Il ne mange plus. Il est malheureux comme Joey quand Chandler s'en va. L'idée qu'il soit triste et pas en forme me fait du bien. Je suis content de lui avoir répondu finalement.
Avant la fin de ma journée je reçois un SMS de Nico et de Sylvain qui me proposent d'aller boire une bière. Je trouve ça toujours marrant cette expression "boire une bière, "prendre un pot", "boire un coup, un verre": on sait tous qu'on en descendra au moins deux.
Je dis à Nico qu'on se retrouve à l'Express de Lyon car ils ont reçu un nouveau fût de ma bière favorite, vu mon état j'ai du mal à résister à l'appel.
Je mets mon casque et me prépare à remonter vers la Gare de Lyon pour rejoindre mes amis quand un scooter arrive à ma hauteur et se gare à coté de moi. Le coursier descend à toute vitesse et s'engouffre en courant dans l'immeuble. Il est un peu tard pour livrer, il va se prendre un savon par son client.
Je réfléchis un instant à mon trajet et décide de descendre l'avenue de l'Opéra pour reprendre par les quais. Une fois en selle je reste concentré sur mon souffle et mon environnement. Je ne prête pas attention au scooter qui redémarre plusieurs mètres derrière moi, je file, je trace. J'ai du bol ce soir je ne me tape pas tous les feux, je les laisse pour le coursier qui me suit et qui va rendre son prochain pli avec un peu plus de retard. Je profite du printemps sur les quais, c'est tout de même agréable Paris lorsqu'il fait beau, je repense alors à Paris sous la pluie et je me dis que j'ai bien aimé aussi la dernière fois.
Lorsque j'arrive et que je commence à sortir mon attirail bondage pour éviter qu'on me vole ma monture le scooter grimpe sur le trottoir et retire son casque, hors d'haleine.
-Vous êtes Clément?
-Euh oui, vous êtes le livreur qui est passé à mon boulot rue de Miromesnil? dis-je méfiant.
-Oui, vous êtes rapide! J'ai un pli urgent pour vous.
-Ça ne pouvait pas attendre demain? Fallait le laisser sur mon bureau, j'ai fini ma journée là.
-Non, on m'a dit que c'était urgent et personnel, je dois vous le remettre en mains propres. Signez là s'il vous plait.
Je signe, je le remercie et attache mon vélo alors qu'il est déjà reparti. Il n'y a que mon prénom sur l'enveloppe. Je pense à mes proches, j'ai un mauvais pressentiment. Une fois dans le bar je rejoins Sylvain et Nico qui sont déjà installés.
-Tu nous as écrit un poème?demande Nico
-Non, mais apparemment c'est important et personnel. Le mec m'a suivi du boulot jusqu'ici. Ça me fait flipper.
-Ben ouvre si c'est important!
J'ouvre l'enveloppe. A l'intérieur il y a un billet aller-retour open pour Los Angeles.
Nico siffle et me demande si je peux expliquer qui m'envoie ce genre de ticket gagnant tandis que Sylvain lève les bras et remue les épaules dans un mouvement de danse ridicule en chantant niaisement "I'm sorryyyyyy!"
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