Chapitre 7 : "Fais gaffe où tu mets les pieds"

Les deux semaines passèrent si vite que Gatien soupçonna un instant sa supérieur de plaisanter en annonçant qu'ils partiraient au combat le lendemain.

Autour de lui, Gatien avait vu les garçons se réjouirent. Certains avaient déjà participé à des batailles et racontaient aux autres leurs victoires avec fierté.

Hugo était le seul à ne pas avoir montré d'enthousiasme à l'annonce de l'attaque. Il avait simplement haussé les épaules et rétorqué que les combats n'avaient pas vraiment d'intérêt pour lui : ils étaient bien trop faciles. Gatien avait pensé qu'il cranait, mais Nikita lui avait glissé que Hugo avait déjà participé à trois batailles et qu'il s'en sortait toujours remarquablement bien, en donnant au passage de nombreuses aides précieuses à l'armée pour remporter la victoire. Un vrai fils de cheffe !

C'est ainsi que Gatien se retrouva dans un camion avec ses camarades, armé, puis devant la muraille du château du duc de Nytra.

Il y avait énormément de monde : des centaines de résistants et plusieurs dizaines de nouveaux robots inventés par les scientifiques de la résistance. Alida dirigeait les machine depuis un poste en hauteur, à l'arrière. Fulbert surveillait le bon déroulement de la mission aux côtés de sa femme et de leur fils qui s'amusait à trafiquer le réseau téléphonique et électrique du château pour le neutraliser. Hélène n'était pas venue, préférant parler aux commandants par téléphone. Elle avait envoyé des gens de la logistique, dont Estelle, pour veiller à remettre de l'ordre en cas d'imprévus.

-Groupe N ! s'exclama la supérieure de Gatien. Tenez-vous prêts !

Gatien sursauta et se rendit compte que l'attaque avait commencé : une troupe de résistants aviateurs avaient bombardé la muraille de la ville, et celle-ci s'était écroulée sur plusieurs dizaines de mètres. Alors que des civiles fuyaient, aidés par des hélicoptères de la résistance, et que les avions étaient pris en chasse par ceux du duc, de nombreuses garnisons étaient déjà entrées dans la ville.

Autour d'eux, ce fut bien vite le chaos. Des bombes explosaient de tous côtés, les résistants et les robots marchaient sur les soldats du duc, des avions s'écrasaient plus loin, des infirmiers couraient pour sauver les blessés... Gatien aperçut Estelle donner des ordres pour apporter des bandages vers la zone Est de la muraille.

-Groupe N, c'est à nous ! lança la supérieure.

Gatien sursauta de nouveau et fut entraîné par son groupe vers la muraille. Ils levèrent ensemble leurs boucliers pare-balles quand trois soldats du duc de Nytra firent feu sur eux, puis Hugo et la supérieure mirent fin à leur vie en quelques tirs. Ils passèrent la muraille et entrèrent aux enfers.

Gatien perdit toutes notions du temps, il ne pensait qu'à survivre. Ils tiraient sur les soldats qu'ils voyaient, les manquant le plus souvent faute de concentration, s'abritait derrière son bouclier, et restait avec son groupe en se répétant que tout allait bien se passer. Il était paniqué.

À un moment, il vit l'un de ses compagnons tomber, mais ne sut jamais s'il était mort ou seulement blessé : une troupe de soldats arriva en chars de guerre et tous les résistants reculèrent pour se mettre à couvert.

Ne sachant pas où aller, il suivit instinctivement Hugo qui se faufila à l'intérieur d'une maison pour être en sécurité. Trois autres garçons et une fille les suivirent.

-Purée, fit cette dernière, je n'ai jamais vu une bataille aussi bruyante !

Elle semblait plus âgée que Gatien, peut-être dix-huit ans. Elle avait une peau bronzée et des cheveux teints en rouge, cachés tant bien que mal sous un bonnet brun pour éviter d'attirer l'attention.

-C'est ma première bataille, dit un jeune homme avec des piercings au nez en haussant les épaules. En fait, moi, c'est Rick.

-Je suis le seul à m'en foutre ? demanda un autre garçon, du groupe de Gatien, nommé Paul.

-Non, répondit Hugo en barrant la porte d'entrée avec un bureau et un canapé. Gilbert ! Toi, ta taille et ta force, venez m'aider !

Le dernier garçon, un type aux cheveux aussi roux que Gatien, attrapa une bibliothèque et la fit tomber en travers de la porte.

-Les chars viennent de passer devant la maison, les prévint la fille en regardant avec précaution à travers la fenêtre.

-Merci, Alice, dit Hugo en vérifiant qu'il avait encore assez de munitions. Bon, les gars, vu que vous êtes là, rendez-vous utiles et suivez-moi !

-Mais on ne devrait pas retourner voir notre supérieure ? demanda Gatien, n'osant pas proposer aussi de rester cacher là.

-Pourquoi donc ? fit Hugo en haussant les sourcils. Ce serait débile : les chars ont fait reculer les autres, et passer leur barrière serait trop périlleux. On a la chance d'être du côté du château : il faut en profiter ! Et puis, si tu tenais vraiment à rester avec les autres, fallait pas me suivre.

Puis il se précipita dans les escaliers et monta les marches quatre à quatre, vite imité par les autres. Gatien les suivit à contrecœur, ne souhaitant pas rester seul.

Une fois arrivé en haut, Gilbert enfonça une porte sur ordre d'Hugo, que tous semblaient avoir pris pour chef malgré son jeune âge, et ils grimpèrent sur le toit grâce à une échelle.

-Rampez sur le sol, leur conseilla Hugo. Il ne faudrait pas qu'on nous repère.

Gatien ne discuta pas et obéit. Il s'allongea par terre et observa Hugo jeter un coup d'œil en bas.

-Super, la barrière de chars est à quelques maisons de la nôtre et repousse toujours les résistants. Je ne vois aucun soldat : ils ont dû se réunir le long de la muraille, au château, ou ils sont morts. Cette ville n'a pas une très grande armée.

-Et elle a des robots ? demanda Alice.

-Elle a passé commande, mais nous avons intercepté la livraison, comme tu devrais le savoir.

-Bien joué. Et pour info, je travaillais sur une autre mission, donc excuse mon ignorance sur certains points.

Gatien lui glissa un regard étonné. Sa manière de parler et son ton à la fois cinglant et exaspéré montrait clairement qu'elle ne respectait pas particulièrement Hugo, ni craignait de le contrarier. C'était plutôt surprenant. Il n'avait jamais vu cette Alice, mais elle semblait se croire au moins égale au fils d'Hélène.

La jeune fille empoigna un pistolet, en plus de celui qu'elle avait dans la main gauche, et jeta un coup d'œil furtif à la rue.

-Alors, je suppose qu'un groupe va au château pendant qu'un deuxième attaque les chars par derrière, fit-elle.

-Exactement, approuva Hugo. Gilbert, tu as toujours tes grenades sur toi ? Prends Paul et Rick avec toi, et envoyez-en le plus grand nombre au milieu des chars pour les faire sauter et permettre aux résistants de passer. Alice, suis-moi !

-Et moi ? demanda Gatien, perdu.

-Toi ? soupira Hugo en le détaillant du regard. Ben je suppose que tu vas venir avec nous, pour faire des groupes équilibrés.

-Fais gaffe où tu mets les pieds, le prévint Alice.

Puis elle rampa vers le bord du toit et, une fois sûre que personne ne la verrait, se leva pour sauter sur le toit d'à côté. Hugo s'élança à son tour et Gatien les imita. Il réussit à sauter, mais atterrit cependant avec beaucoup moins de grâce que les autres.

-Eh bien... souffla Alice. Faudra le surveiller, celui-là. Il risquerait de se casser avant d'affronter les soldats.

-Ça ira, assura Gatien en grimaçant.

Ils sautèrent encore quelques toits, puis descendirent les escaliers d'une maison pour arriver dans la rue. Là, ils se cachèrent dans un coin sombre lorsque trois avions de la résistance et deux du duc passèrent au-dessus d'eux en se pourchassant. Ensuite, ils coururent en remontant une grande avenue et arrivèrent aux abords du château.

-On y est, dit Hugo, satisfait de lui-même. Bon, Gatien, t'as intérêt à te faire discret à partir de maintenant si tu veux survivre. On n'a pas besoin d'un boulet avec nous pour une mission pareille.

-Je suis un voleur, répliqua Gatien. Je sais très bien me montrer discret et silencieux pour entrer chez quelqu'un et lui dérober quelque chose sans me faire remarquer.

-Ah ouais ? Eh bien tant mieux. Pense que c'est le duc qu'on doit voler, alors.

-Comment on rentre ? demanda Alice.

Un bruit de pas les fit sursauter. La jeune fille fit volte-face et se retrouva nez à nez avec un soldat qui venait de tourner l'angle d'une ruelle. Elle fut plus réactive que lui : d'un bon coup de pied circulaire dans la mâchoire, une petite pirouette pour se rattraper tout en attrapant le canon de son pistolet, et en abattant le manche de celui-ci sur la tempe de l'homme, Alice mit le soldat hors d'état de nuire.

-J'ai toujours apprécié le fait que tu neutralises tes adversaires efficacement et en silence, dit Hugo.

-Mieux vaut garder les balles pour plus tard, et tirer aurait attiré l'attention des gardes, lâcha Alice en haussant les épaules. Alors ? Comment on entre ?

-Laisse-moi réfléchir...

-On pourrait peut-être passer par les égouts, proposa Gatien. On arriverait avec un peu de chance dans la cuisine : les deux endroits sont souvent reliés pour permettre aux cuisiniers de jeter les restes directement dans les égouts. De là, on pourra facilement monter dans le bureau du duc en nous déguisant comme des serveurs.

Alice et Hugo le regardèrent avec attention. La première semblait intéressée, et même quelque peu admirative, comme si elle se disait qu'elle l'avait peut-être jugé un peu trop vite. Mais le deuxième ne semblait pas très content : il n'avait pas l'habitude que quelqu'un d'autre ait une bonne idée.

-Ouais, ça pourrait marcher, ton truc ! s'exclama Alice. On reconnait le voleur qui se cache en toi, là. Bien, bien...

-Attends, tu fais confiance à son plan ? s'étonna Hugo. C'est un nouveau, Alice !

-Je sais : ça se voit très bien, figure-toi. Mais c'est quand même une bonne idée, même si elle ne vient pas de toi.

-Qu'est-ce que je dois comprendre, là ? s'énerva Hugo. Tu insinues que je n'accepte que mes idées ?

-C'est exact, répondit Alice avec un grand sourire, ce que Gatien trouva très courageux, Hugo étant le fils d'une femme capable de réduire la carrière d'un résistant à néant.

-Alors là, si...si tu n'étais pas... grogna Hugo en levant un doigt menaçant.

-Si je n'étais pas quoi ? se moqua Alice. Ta cousine ? Aussi bien la nièce d'Hélène que de Fulbert ? Si je n'étais pas fiancée au fils du chef d'alchimie ? Si je ne faisais pas partie des futurs chefs de la résistance ? Si je n'avais pas l'hirondelle ? Allez, franchement Hugo ! Arrête de t'énerver pour rien : ça n'en vaut pas la peine.

Gatien soupira : finalement, vu sa famille, Alice n'était plus si courageuse que ça de tenir tête à Hugo. Et ça expliquait son assurance.

-T'as raison, dit Hugo. Concentrons-nous plutôt sur le duc ! Allez, pour te prouver que je peux accepter d'autres idées, on va faire le plan de Gatien.

Il lui adressa un grand sourire, que Gatien trouva bien hypocrite, puis recula pour atteindre la bouche d'égout la plus proche.

-Bon, ça sentira pas la rose, mais si ça nous permet d'arriver dans le château, pourquoi pas ?

Ils descendirent prudemment, puis se dirigèrent vers l'endroit où devait se trouver le château.

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Bon, je crois bien que ce chapitre est un peu plus court que les précédents, mais sinon il serait vraiment très grand...

Bref ! Alors, pensez-vous qu'ils vont réussir ?

Que va-t-il se passer ?

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