Tromperie
- Enchantée.
Jane tend une main assurée vers Jeff qui reprend difficilement contenance.
Moins maquillée qu'à son départ, son rouge à lèvre à moitié défait, la mine plus réjouie, elle dégage une aura soporifique de bonheur.
- Des courses ? Où sont les sacs ?
Jeff me devance dans mon interrogation.
- Tout est fermé, je n'ai pas pu acheter mes bricoles.
Un sourcil arqué, je soutiens le regard. Elle comprend que j'ai compris, mon voisin en a fait de même.
Elle soupire.
- Puisque le mensonge n'a plus lieu d'être, je garde sa petite ce soir.
- Tu prévoyais de nous convaincre d'une profession parallèle de jeune fille au pair ? Je dis.
Elle passe outre ma remarque, précisant :
- Le petit s'appelle Yann Lawsford, je compte sur vous pour être gentils avec lui.
Lawsford, le nom de l'inspecteur m'ayant interrogé il y a quelques temps.
Hasard déconcertant.
On m'attrape le bras, murmure :
- Tu ne m'as pas répondu.
- Liu ne sait même pas que je me doute de votre fraternité. Lâche moi.
- Tu ne devrais pas rester ici ce soir.
Ses iris dans les miens, mon attention accrochée, sa main est toujours rattachée à ma manche.
- De futurs meurtres, dans le quartier ?
- Lawsford avance trop bien dans l'enquête.
Sa déduction un peu légère, je lui fais comprendre d'un regard.
- Fais moi un peu confiance, Immi.
Il déclare, le timbre de voix volant dans les aigus, la phrase accompagnée d'une moue exagérément boudeuse.
- Très drôle Woods, mais le message est passé.
La blessure était volontaire, pour que je te conduise ici ?
- Non. J'ai simplement profité de l'opportunité pour m'offrir une entrée gratuite.
- Précise moi les circonstances.
- La chasse à l'information.
Explication trop vague, je n'aurai pas plus pour l'instant.
Une stratégie, persistante, se faufile entre mes pensées, certes risquée, mais rattrapable et qui en vaudra la peine.
***
Un visage familier apparaît, je pose l'ouvrage en cours de lecture sur le bord d'un bureau.
- Bonjour Liu. Comment vas-tu depuis la dernière fois ?
Accumulation de formules toutes faites, j'attends qu'il me renvoie la politesse.
- Très bien. Et toi ?
Je baisse un peu les yeux, penche ma nuque sur le côté avant de lâcher la bombe.
- Je suis un peu perdue.
Il reste perplexe, m'indique de poursuivre en posant sa main sur mon épaule. Compatissant.
- J'ai appris que...
Je bafouille volontairement, mime de m'embrouiller pour claquer d'une voix forte :
- Je sais pour ton frère, Jeff. Je sais pour lui et toi.
Je sais tout, et je ne sais pas quoi faire.
La main se voit vite enlevée de mon épaule, les traits doux se durcissent. Le bluff a pris.
- Tu es ici pour m'aider ?
Jeu dangereux, mais la tentation trop forte. Avec le plus de conviction possible, je réponds.
- Évidemment.
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