0 | La fin du monde tel que nous le connaissons.


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Vers la fin du quatorzième siècle, l'historien arabe Ibn Khaldoun écrit :
« La civilisation, à l'est comme à l'ouest, a connu une terrible peste qui a dévasté des nation et anéantit des populations. Elle a englouti nombre des bienfaits de la civilisation, les a abolis. »

Aujourd'hui, près de 700 ans plus tard, le cycle est sur le point de se répéter.
L'humanité va connaître son plus grand tournant.

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4 septembre 2013 - 8. 23 pm
ILLINOIS - Chicago

Taddeus était un homme occupé. Haut placé au sein d'une grande multinationale, ses journées se voyaient remplies de paperasse interminable, de rendez-vous successifs et d'affaires brillantes.
Il lui arrivait fréquemment d'avoir de mauvaises journées, des négociations qui s'étaient mal passées, un café mal fait, un temps désagréable ; un rien pouvait le mettre de mauvaise humeur, et en général, il le restait longtemps.
Il n'était pas quelqu'un de particulièrement colérique mais sa patience n'était pas aussi aiguisée que sa maîtrise de ses émotions.
C'est d'ailleurs pour cette raison que cet homme menotté à une chaise face à lui ne semblait pas avoir envie de jouer au plus malin.

Ils étaient dans un vieil entrepôt perdu quelque part à la périphérie de la ville, le soir avait repeint le ciel et à l'intérieur, des lumières électriques, oppressantes et grésillantes avaient été allumés. Taddeus se trouvait au centre de la pièce, droit et parfaitement stable, aucune hésitation ne venait l'effleurer à ce moment-là. Son œil droit fixait attentivement l'homme qu'il avait fait kidnapper et qui le regardait avec une peur sans nom au fond de ses yeux oscillants.

C'était une nuit comme tant d'autres, ses hommes avaient finalement chopé ce type qui lui devait encore une certaine somme et qui n'était pas parvenu à le payer à temps. Cet imbécile avait tenté de fuir le pays en avion mais il n'avait pas su assurer ses arrières et maintenant, voilà où il en était. Attaché sur une chaise comme un chien, près à être exécuté dans les règles de l'art.
Il était de la responsabilité de Taddeus de le punir, d'en faire un exemple pour les prochains qui oseraient se défiler face à lui, qui oseraient se rebiffer contre son autorité.

Finalement, la voix de Taddeus s'élèva dans l'entrepôt, réduisant au silence le parasite qui pleurnichait. Elle était assurée et tranchante, c'était une voix qui prouvait que c'était lui l'Ange de la Mort.
La sentence tomba aussi évidemment que la pomme tombe de l'arbre.

« Abattez-le. »

Taddeus vit le cafard réaliser qu'il ne pouvait plus supplier sa cause, il vit la vie quitter ses pupilles avant même que la détonation ne retentisse, il avait cessé de se battre, ce déchet humain n'était même pas capable de résister un minimum.
Si seulement il avait su que Taddeus exécrait les gens comme lui à un point inimaginable, qu'il haïssait voir leur air abattu, résigné. Peut-être qu'il aurait finalement pu marchander, peut-être qu'il aurait pu rester en vie et rentrer chez lui retrouver sa fille et sa femme, s'il avait eut un peu plus de hargne. Mais ce n'était qu'un homme vide de sens, et Taddeus avait déjà lâché la guillotine.

Un coup de feu mit fin aux gémissements étouffés de l'homme, le silence emplit l'air, lourd de sens.
Malgré ce qu'il laissait croire et ce qu'il continuait à faire jours après jours, Taddeus n'aimait pas les exécutions, c'était quelque chose de sale et de monstrueux, il arrachait une vie et sa conscience ne le laissait pas tranquille avec ça. Mais la vie n'était pas un conte de fée, elle était vile et impitoyable, seuls les plus forts survivaient et jamais elle ne se finissait bien. Pour Taddeus, les choses étaient claires. La fin justifiait les moyens, c'était la féroce et inéluctable loi de l'Univers.

Taddeus se detourna du corps gorgé de sang, d'un geste leste du poignet, il ordonna à ses hommes de nettoyer l'endroit et de laisser le message habituel. Il espérait que le sacrifice de cet homme sauve la vie des prochains, c'était un avertissement mais aussi un ordre silencieux de ne pas être faible, de survivre dans la jungle.

Il réajusta la veste de son costume hors de prix alors qu'il quittait le bâtiment, l'air extérieur lui fouetta le visage, faisait voleter ses cheveux presque rasés. Il ferma la porte derrière lui, les sons typiques de ce moment-là, post-exécution, où les molosses qui lui obéissaient nettoyaient le lieux, s'effacèrent. Le bruit proche de la ville les remplaça, la lumière des immenses buildings de Chicago baignaient la nuit d'une touche claire et artificielle.
Taddeus inspira profondément et expira longuement, sa main vint effleurer le cache-œil - fait sur mesure par un grand couturier - plus par réflexe que par réelle volonté, savoir que son œil aveugle n'était pas visible le rassurait, c'était une faiblesse et il ne devait pas l'exposer. Avec le cache-œil, il ne cachait pas son infirmité mais au moins, il savait que ça le rendait plus terrifiant encore aux yeux de ses ennemis.

Les secondes s'écoulèrent lentement, paisibles et silencieuses. À cet instant, la seule chose dont il avait envie était de rentrer chez lui, et de plonger dans l'immense baignoire en marbre qui l'appelait depuis sa salle de bain. Il l'entendait crier au loin et s'autorisa alors à lui répondre par une petite pensée attristée de ne pas pouvoir la retrouver immédiatement.
L'envoi de sa lettre télépathique se trouva accompagné des grincements de la porte dans son dos.

Taddeus tourna la tête vers la gauche et vit Herman arriver. Herman était son bras droit, enfin plutôt son œil droit mais aussi un très bon ami depuis des années, il aimait profondément cet homme. Herman était un homme fort, inébranlable, il était comme ces montagnes immortelles qui s'élevaient à en obscurcir le ciel. Et à cet instant, alors que le cafard venait d'être écrasé, l'ombre peinte sur le visage d'Herman paraissait bien surréaliste.

« Il n'est plus mort. »

Il y eut un instant de latence, le cerveau de Taddeus ne comprenant pas correctement cette information. Puis ses sourcils se froncèrent, accentuant les ombres nocturnes qui découpaient durement son visage.
Il n'eut pas à dire quoi que ce soit, Herman fit demi-tour et s'engagea dans l'entrepôt, Taddeus le suivit et c'est seulement une fois à l'intérieur que les bruits le frappèrent enfin. Ce n'était pas le silence caractéristique de la mort mais des gargouillis inintelligibles qui n'avaient d'humain que le son.

Taddeus marcha vers le corps mouvant qui se trouvait retenu par les molosses. La semelle de ses chaussures claquait sur le sol poussiéreux, il détestait cet endroit, c'était sale, puant, ce n'était décidément pas un endroit pour lui qui aimait tant le confort moderne de la vie de luxe.
Il s'approcha du corps et la première chose qui le frappa c'est que malgré son air de faim avide, il était bel et bien mort. Sa peau avait le tein cireux caractéristique de l'épuisement du sang, il n'avait pas de pouls selon les dires d'Herman, et ses yeux, ils étaient pâles, froid, effrayant.
Taddeus eut un bien grand mal à cacher le frisson d'effroi qui le secoua lorsqu'il vit ce monstre. Une sonnette d'alarme hurla dans son esprit, lui faisant percuter presqu'immédiatement que ce phénomène surnaturel n'était que le prémice annonçant un cataclysme d'une grave importance pour l'humanité. Il avait suffisamment lu de livre et vu de séries télévisées ou de films sur la fin du monde pour comprendre que c'était de cette façon que la société était entraînée dans la chute.
L'Armageddon venait de commencer et le compte à rebours avant le chaos avec lui.

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Taddeus était de ceux qui adoraient les histoires de fantômes, il avait toujours voué une curiosité malsaine aux esprits, et aux démons ; les vampires le passionnait et tous les folklores touchant de près ou de loin au surnaturel, suivaient dans cette fascination méphitique.
C'était un sujet qu'il avait exploré de long en large durant son adolescence, président du club d'occulte de son lycée qu'il avait lui-même fondé et qui ne comportait malheureusement que peu d'adhérents. Puis à la faculté, il avait continué ses recherches en parallèle de ses études d'économie à Harvard, des heures durant passées dans les bibliothèques de la ville et du campus à étudier les phénomènes connus et imaginaires des phénomènes paranormaux, des créatures fantastiques, des monstres créés par l'homme.

Et maintenant qu'il se trouvait face à l'un d'eux, un monstre-humain à la mâchoire claquante et aux râles engorgés, il se sentait démuni. Il ne contrôlait plus rien, enfin si, c'était lui le chef ici, c'était son devoir d'avoir le contrôle, même lorsqu'il ne l'avait pas.
Il tira un petit revolver de l'intérieur de sa veste hors de prix et fit feu. Une balle dans le cerveau était toujours la solution, le cerveau était ce qui faisait de l'être, un être intelligent doué d'instinct, le tuer éradiquait à coup sûr la menace.
Une détonation sinistre eut lieu et silence emplit à nouveau l'espace.

« Rentrez chez vous, » ordonna Taddeus.
« Retrouvez vos familles et ne les quittez plus. »

Puis il se détourna des molosses qui le fixait d'un même regard déstabilisé, mais personne ne sembla vouloir bouger. La voix d'Herman claqua dans le hangar désaffecté.

« Exécution. »

Il le rejoignit ensuite, alors que les autres s'affairaient dans leur dos. Herman marcha jusqu'à lui, les poings secoués d'étranges spasmes, serrant et desserrant ses doigts compulsivement.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-il en sortant une seconde fois du lieux.
« Qu'est-ce que j'en sais.
- Rien, c'est vrai. Tu vas faire quoi ?
- Je vais retrouver ma famille et tu devrais faire de même. »

Taddeus appuya sur la fin de sa phrase, un regard lourd de sens jeté de son unique œil. Il savait Herman fidèle, il insisterait très certainement pour aller avec lui. Mais Taddeus ne voulait pas, pas qu'il ne l'aimait pas, bien au contraire, il avait une place toute particulière dans sa vie, mais les faits étaient là, Taddeus ne voulait pas d'Herman dans son voyage et c'était tout.

« Je n'allais pas demander à t'accompagner, soit tranquille », lança Herman calmement comme s'il avait lu dans ses pensées.

Taddeus leva un sourcil interrogateur.

« Je sais que tu veux le faire sans moi, ce voyage, et puis, tu vas voir tes parents et ton neveux, je n'y ai pas vraiment ma place. Non, je vais plutôt aller retrouver les enfants, je ne peux pas les laisser seuls à leur tante. Tu sais comment est Maddie, incapable de gérer la moindre situation de crise. »

Les paroles d'Herman avaient amené une douloureuse et insinueuse pensée qui se déverrouilla lentement dans leur esprit. La réalité dure les frappa de plein fouet, dans un même constat cruel.
C'était sûrement la dernière fois qu'ils se voyaient et il avait l'impression de s'être prit un coup de batte de base-ball dans le ventre. À en juger la tête que faisait Herman, lui aussi avait du mal à digérer la chose, à cet instant, il avait la tête d'un type à qui on venait annoncer que sa femme était condamnée.

Taddeus pivota légèrement sur ses jambes pour lui faire face. L'air était devenu glacé et voir les yeux presqu'humides d'Herman avaient quelque chose de profondément sec.
Aucun des deux ne sauraient dire qui bougea le premier, même le corbeau perché sur un potos électriques à quelques mètres de là ne parvint pas à le savoir. Ils se déplacèrent en concert, comme animés d'un instinct primaire.

Quand leurs lèvres se rencontrèrent l'instant suivant, ni Taddeus, ni Herman ne ressentirent cette vague d'endorphine qui occultait habituellement leurs sens lorsqu'ils se retrouvaient pour une de leurs coucheries régulières. La réalité dure du monde autour d'eux se fit violente dans chaque petits détails, même l'œil fermé et ainsi collé à son ami, Taddeus avait parfaitement conscience de ce qui l'entourait. Le vent piquant qui sifflait entre les conteneurs, le corbeau croassant à quelques pas de là, l'écoulement d'essence hors de son jerricane qui se déversait sur de la chaire humaine, le cliquetis d'un briquet et les flammes s'élevant brusquement dans le silence. Dans l'oreille de Taddeus, les crépitements s'apparentaient plus à des rires aiguës et saccadés comme ceux d'un groupe de petites filles courants et riants ensembles.

Lorsqu'Herman se recula, il eut l'impression de se faire arracher les lèvres tant le choc fut brutal, l'air les géla la seconde suivante, alors que son ami lui adressait un sourire confiant et empreint de tendresse.

« Merci Taddeus, merci pour toutes ses années passées à tes côtés, à être ton ami et puis plus tard, ton amant. Je ne regrettes rien de notre rencontre, tu m'as rendu meilleur, tu survivras. »

Herman tendit sa main devant lui, comme un dernier geste, une dernière chance de retarder un peu ces séparations - trop - amers.
Taddeus écarquilla un peu son œil, puis un sourire vint étirer ses lèvres. Cet enfoiré d'Herman était sacrément doué pour les adieux émouvants, s'il avait pu, Taddeus aurait presque lâché une larme.

« Je ne t'oublierais jamais, Herman Miller. Merci de toujours avoir été là. »

Taddeus leva le bras et retira le gant en cuir qu'il portait, la peau de leur main vint se rencontrer. Celle d'Herman était chaude, comme toujous. Ils savourèrent ce dernier contact qui dura plus longtemps qu'une poignée de main habituelle, les deux hommes étaient incapables de se détacher des yeux, chacun noyé dans le regard de l'autre.

Finalement c'est Herman qui bougea le premier, il se détourna de lui et marcha en direction de sa voiture sans lui jeter un regard. Avant qu'il n'y monte, Taddeus le vit distinctement lui adresser un signe de la main désinvolte tout en lui tournant le dos.
Il sourit, Herman avait toujours été très bon pour les grandes sorties théâtrales.

Taddeus souffla, d'abord doucement alors que les voitures délaissaient progressivement l'endroit, puis un peu plus fort une fois seul. Même avec la présence rassurante de son arme contre sa poitrine, il avait l'impression que l'air devenait plus dense, plus difficile à respirer. Il regarda les alentours et fut prit d'une soudaine bouffée d'angoisse, la nuit était claire, elle dessinait parfaitement les silhouette des conteneurs et hangars (similaires à celui-ci) qui l'entouraient. Mais elle appuyait également chaques recoins plongés dans l'ombre, chacun de ses angles morts devenaient évidents dans l'obscurité, il était totalement à découvert, un monstre pouvait surgir de n'importe où.
Taddeus déglutit bruyamment, son cœur s'affolait, sans prendre le temps de faire attention à son chemin, il courut jusqu'à sa Berline noire. La porte conducteur claqua et la voiture démarra en trombe, la peur au ventre, il quitta cet endroit abominable.

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Sur la route pour rentrer chez lui, Taddeus n'eut que faire des limitations de vitesse. La voiture fonça plein gaz vers le centre de Chicago, zigzaguant comme un missile entre les obstacles. Mais ce qui devait arriver à rouler aussi dangereusement dans une si grande ville, arriva finalement. Des gyrophares bleus reflétèrent leur lumière dans le rétroviseur et bien vite, Taddeus - fortement contrarié par ce petit insecte qui venait lui faire perdre du temps - fut contrain de s'arrêter sur le bas-côté. Il inspira profondément alors que le policier s'arrêtait devant lui et s'approchait de la portière, il lui fit un signe de la main pour qu'il baisse sa vitre teintée, ce qu'il fit non sans une mauvaise pensée contre cet homme qui ne faisait, finalement, que son travail.

« Vous savez pourquoi je vous contrôle, n'est-ce pas ? » lança l'officier d'un air que Taddeus trouva profondément irritant.

Il lui tendit une épaisse liasse de billets, suffisamment pour prendre des vacances d'au moins un an, il la tira avec aisance de sa poche, d'un geste leste et assuré. Le policier le regarda hébété quelques secondes, il cligna des yeux et avala piteusement sa salive avant de prendre la parole.

« Je ne sais pas pour qui vous me prenez mais ça ne marche pas avec moi. »

Il sourit. Ce type minable voulait lui faire croire qu'il était différent des autres, non ce n'était rien de plus que ces vermines faibles et impuissantes se retrouvants fort démunies quand Taddeus fut venu.

« Allons, ne soyez pas ridicule. Si je vous promets de ralentir, vous pouvez bien me laisser partir. »

Le policier gonfla ses joues qui prenaient une teinte rouge, il était sur le point de s'indigner quand Taddeus mit le pied au plancher, agacé par cet échange bien trop long à son goût. Dans son rétroviseur, il vit le regard hébété de l'homme, il n'esquissa pas le moindre geste pour le poursuivre. Ainsi, Taddeus fonça sans plus de cérémonie vers l'appartement luxueux en plein centre de Chicago qui lui appartenait.

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4 septembre 2013 - 9. 04 pm
GEORGIE - Atlanta

Au même moment, alors que les rues animées d'Atlanta grouillaient encore et toujours malgré l'heure tardive, dans un bar d'Euclid Avenue, Nikki et son groupe donnaient le dernier -vrai- concert de leur vie. Mais ça ils ne le savaient pas encore.

Quelques kilomètres plus loin, au plein centre d'Atlanta, une femme au nom inconnu et qui restera malheureusement anonyme, mourait seule dans sa chambre d'hôtel après avoir subit une fièvre terrible qu'elle croyait être une simple intoxication alimentaire.
Partout dans le pays à 8 heure 23 du soir, une terrible bactérie commença à faire effet.

Atlanta. New-york. Washington. Chicago. Los Angeles. Las Vegas. San Francisco. Et ainsi de suite.

Toutes les mégalopoles, et métropoles jusqu'aux simples bourgades. Partout aux États-Unis, la mécanique mortelle s'était mise en branle.

Mais la catastrophe ne s'étendait pas qu'au pays colonial. Elle envenimait le monde entier.
Les gens venaient de l'ingérer, naïf comme des agneaux. Partout en Europe, en Asie, du Nord arctique jusqu'à l'île la plus isolée de l'océan Pacifique.

Si le monde avait sû sa propagation plus tôt, s'ils n'avaient pas ignoré les signes avant-coureurs et qu'ils n'avaient pas fermé les yeux sur ces étranges fièvres qui se déclaraient presque miraculeusement, alors peut-être auraient-ils eut une chance de sortir la tête de l'eau avant de se noyer.
Mais maintenant c'était trop tard.
Le bateau était déjà presqu'entièrement coulé et personne ne s'en était rendu compte.

Et Nikki ne fit pas exception.
Sa vie était déjà un bordel complet, il ne fût pas étonné de constater que le début de sa nouvelle vie se fit dans un capharnaüm de violence, de cris, de métal et de sang.

Leur concert touchait à sa fin. Billy, leur batteur, venait d'entamer leur dernier morceau à coup de baguettes bien maîtrisées. De l'autre côté de la scène, Aly continuait d'échauffer la salle à l'aide de grands cris de guerre, elle secouait sa basse en rythme avec la musique.
Les doigts de Nikki glissèrent habilement sur les cordes, le son qui sortit des enceintes lui fit frissonner sa nuque couverte de sueur. Il sentait l'adrénaline pulser dans ses veines et l'euphorie tambouriner dans sa poitrine.

Matt empoigna brutalement le trépied du micro, prêt à donner tout ce qu'il avait. Il ouvrit la bouche et à la seconde où il s'apprêtait à chanter, un cri déchirant se répercuta depuis l'extérieur jusqu'à l'intérieur du bar.

Le groupe de Nikki cessèrent immédiatement de jouer et le silence rempli l'endroit pour la première fois depuis le début de la soirée. C'est Aly qui le brisa, les sourcils froncés, elle s'était approchée du micro et l'avait arraché des mains de Matt.

« C'était quoi ça, putain ? »

Elle avait posé une simple question, mais son ton agressif s'était pleinement fait ressentir et personne dans la foule de biker n'avaient osé répondre. Les plus proches de la sortie avaient leur attention braquées dessus. Mais la salle était grande et la foule, opaque.
Le silence était tel qu'on pouvait entendre les mouches voler.
Ou entendre les gens courir subitement dans la rue.

« Il se passe un truc pas net. » Billy avait murmuré à l'attention de Nikki.

Le jeune homme hocha la tête, les dents serrées. Il le sentait lui aussi, et de leur place, ils voyaient très bien tous les quatre que quelque chose était en train de se passer.

Puis un second cri glacial retentit. À l'intérieur du bar cette fois.

Aly et Matt se rapprochèrent instinctivement de leurs deux amis.

« On se barre maintenant avant que ça ne dégénère ? » suggera Matt qui était de loin le plus avisé et réfléchi de la bande.

Aly secoua vivement la tête, les épais cheveux roux qui n'étaient pas collés à son visage par la sueur, voletèrent autour d'elle.

« T'as oublié notre crédo ou quoi ? »

Matt eut un air dépité, mais un léger sourire amusé fleurissait ses lèvres. Nikki et Billy avaient eux aussi un grand sourire.

« Très bien ! » trancha Nikki en brandissant sa basse. « L'Enfer, nous voilà ! »

le son de sa basse hurlant brusquement dans les enceintes fit crier tout le monde dans la salle et augmenta d'un cran la jauge d'angoisse commune.

Tout au fond, Nikki voyait des gens à l'air complètement cokés se jetter contre les portes d'entrée fermées. Son sourire s'élargit et redoubla d'ardeur.
Le monde lui criait dessus ? Très bien, il allait faire gueuler sa guitare plus fort encore.

Soudainement la voix de Matt attira son attention. Ce n'était plus les paroles de leur chanson qu'il chantait.
Il décrivait ce qu'il se passait, toujours en rythme avec la musique.

« Uh oh, overflow, population, common group
But it'll do, save yourself, serve yourself
World serves its own needs, listen to your heart bleed
Tell me with the rapture and the reverent in the right, right
You vitriolic, patriotic, slam, fight, bright light
Feeling pretty psyched »

Matt avait ce étincelle de folie qui luisait au fond de ses yeux noirs. Il regardait la foule à ses pieds se perdre dans une lutte acharnée contre l'inévitable.
Aly et Nikki se lancèrent un regard équivoque.
Il y avait des putains de mort-vivants dans le bar.
Et ils bouffaient tout le monde ces enfoirés.

« It's the end of the world as we know it
It's the end of the world as we know it
It's the end of the world as we know it
And I feel fine »

Mais Nikki ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin, son solo commençait à peine.

Ses doigts grattèrent les cordes avec un sang froid hors-norme, il s'approcha dangereusement du bord de la scène où une jeune femme à la joue arraché essayait de lui attraper les chevilles et lui balança un violent coup de bottine en pleine gueule. Sa mâchoire craqua et elle fut avalée par la foule en délire.

La musique était si forte qu'elle couvrait les tirs de fusils à pompe du barman. Ça et là, des têtes explosaient comme des piñata à une fête d'anniversaire, rajoutant des couches de rouge dans la salle déjà bien repeinte dans les lumières bariolées.
À un moment, vers la fin de la chanson et alors que le volume baissait, un mec monta sur le bar. Il avait un couteau dans une main et une bouteille brisée dans l'autre, il était barbouillé de sang des pieds à la tête.
Il cria si fort qu'il se fit comprendre malgré la musique et les grognements.

« Putain mais vous allez arrêter ! Vous avez pas encore pigé que le bruit attire ces monstres ?! »

Et en effet, quand Nikki et les autres sortirent enfin de leur bulle d'invincibilité suicidaire alors qu'ils cessaient de jouer, il virent nettement les monstres en question se pressaient stupidement contre les portes vitrées.
Ils étaient de plus en plus nombreux et dans la rue, on pouvait voir ceux qui n'avaient pas entendu la musique, se diriger d'un air vachement pressé vers les diverses sources de bruit que créer une panique générale dans une ville aussi grande qu'Atlanta.

« Dégagez de là, les gamins ! » hurla le barman en rechargeant son fusil.

« Et comment on fait ?! » répliqua Billy sur le même ton. « On est cerné !
- Oh, enfin Billy, » ricana Nikki. « Je t'ai connu plus hargneux. »

Aly débrancha sa basse et l'attrapa par le manche, un air enrangé déformant son visage.

« Oh yeah ! On va s'battre putain ! Attrapez vos armes les gars, on fonce dans l'tas ! »

Nikki souriait à s'en déchirer les joues, il imita son amie et attrapa sa guitare par le manche. Les autres étaient en train de faire de même mais la voix de l'homme retentit une nouvelle fois.

« Essayez de vous frayer un chemin jusqu'à l'arrière, on pourra s'enfuir par là ! Joe couvre les !
- Que crois-tu que je fasse, Dixon ?! »

Les quatre acquiescèrent et après un cri de guerre déchaîné, ils se jetèrent dans la foule déjà bien dégagée.
Leurs instruments volaient à toute vitesse pour venir percuter des crânes et détruire des côtes où des genoux. Ils tapaient mal mais ils tapaient vite et fort.
Ils ne se voyaient plus les uns des autres, l'amas de gens aux yeux vitreux et aux dents claquantes qui tentaient désespérément de les bouffer les isolaient. Chacun avançait à l'aveugle vers le mec qui beuglait et distribuait des coups. Il était toujours debout sur le bar derrière lesquel Joe se protégeait pour les couvrir.
La peur agissait comme un réacteur chez Nikki, il se surprit même à avancer facilement sans se rendre compte des têtes pétantes autour de lui que le barman abattait comme s'il attendait ce moment depuis le début de sa vie.

Finalement, après ce qui lui parut une éternité, il arriva derrière le comptoir. Aly et Matt l'attendaient déjà, et ils tiraient une drôle de tronche tous les deux et Nikki sentit son sang se glacer.
Il fit volte-face, ses yeux cherchant Billy dans la cohue, s'attendant à ce qu'il surgisse n'importe quand mais la main sanglante du barman - Joe, avait-il retenu -  se posa sur son épaule et il vit son visage compatissant.

« Je suis désolé, gamin. Je l'ai perdu de vue.
- Pas l'temps d'jacasser. » s'écria l'homme sur son perchoir. Il sauta derrière les trois rescapés et les poussa vers une porte dissimulée derrière le barman. « Joe, déverrouille cette putain de porte avant qu'on s'fasse bouffer l'cul ! »

Joe se dépêcha d'obéir tandis que son coéquipier de fortune protégeait tant bien que mal ces foutus mômes cons comme leurs pieds. La porte fut finalement ouverte et l'homme couvert de sang poussa tout le monde à l'intérieur avant de claquer brutalement le battant. Juste à temps pour briser les dents d'un petit gringalet qui s'était jeté sur eux.

Aly et Matt se dépêchèrent de trouver quelque chose pour bloquer la porte et Nikki se laissa tomber contre le mur, les yeux exorbités cachés entre ses genoux repliés.
Il murmurait en boucle : « Putain, putain, putain, putain ». Comme si ça allait arranger la situation.
Comme si ça allait ramener Billy.

Visiblement l'Enfer criait plus fort que lui.


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nda:

et voilà ce premier chapitre avec l'arrivée de toute une flopée de personnages importants et d'autres un peu moins.
merci pour votre lecture et j'espère que cette petite mise en bouche vous aura plu.

j'ai adoré écrire le groupe de Nikki ! et je meurs de hâte de vous en dire un peu plus à propos de ces personnages dont je suis tombé love.

d'ailleurs pour celleux qui le souhaiteraient, la chanson que Matt chante est « It's the end of the world as we know it » de R.E.M

[Il devrait y avoir un GIF/vidéo ici. Procédez à une mise à jour de l'application pour le voir.]

enfin c'était la petite paranthèse de l'auteur,
en espérant que la suite (pas encore prévue pour la publication) vous plaira aussi (pour l'instant c'est un one-shot avec un big-cliffhanger).

-mars

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