XXV-3 : Le Cristal de Shawn


La tornade de glace balaya les dernières rangées kalendoriennes. Les tirs la traversaient, impuissants, sans parvenir à la perturber. Au sommet, Seyer, auréolé de lumière, étendait ses ailes démesurées, au plumage d'or.

Rien ne pouvait l'atteindre, tandis que retombaient tout autour de lui chars, canons, matériel militaire de toutes sortes. D'un mouvement ample, ses ailes l'élevèrent encore. Face à lui, les derniers Kalendoriens battaient en retraite, sans demander leur reste.

Pas plus d'une poignée. Ce front n'était rien de plus qu'une diversion. Et, pendant ce temps...

Un signal lumineux s'éleva dans les airs, depuis l'Œil de l'Aigle, avant d'éclater.

Une étoile ocre étincela au-dessus d'Hyktacrite.

L'un des autres fronts avait cédé, les Kalendoriens pénétraient dans la cité.

Seyer battit des ailes pour revenir, échappa aux tirs de chasseurs kalendoriens, les repoussa de plusieurs jets de flammes, puis déchira l'atmosphère d'un demi-arc orange vif.

Repli massif vers la seconde muraille, le danger ne viendrait plus du nord.

Sa Pierre redoubla d'éclat, le Grand Maître accéléra. Il ferma les yeux.

« Je sais que cette planète n'est pas exactement sous Ta protection, mais, une fois de plus, j'aurais besoin que Tu me prêtes Ta force. »

Ses paupières se rouvrirent, ses yeux irradièrent un blanc absolu.


La lutte s'était engagée dans les montagnes, sans pitié, crocs contre lames, griffes contre poings. Les loups de Shawn défendaient leur territoire.

D'un nouvel arc de cercle, l'épée du Commandant colora de rouge une fourrure blanche. L'homme fit volte-face, évita une mâchoire, riposta aussitôt de la pointe pour toucher l'animal en pleine tête.

Il retira sa lame ensanglantée.

« On avance ! hurla-t-il. Ils ne nous poursuivront pas dans l'à-pic ! »

Il fixa une corde à un rocher, l'attrapa, voulut commencer sa descente.

Un loup se jeta sur lui, toutes griffes sorties.


Les membres métalliques firent s'effondrer le mur de la maison. Galaniel se précipita dans la pièce voisine, tandis que la mitraille criblait parois et meubles.

Le Voyageur se plaqua contre le mur attenant à la porte. Bien sûr, cette pièce, en l'occurrence une modeste cuisine, ne comportait pas de sortie. Derrière, le Barzac détruisait le plafond, trop bas pour lui, afin de pouvoir progresser à travers le salon.

« Je sais qui tu es, Galaniel, résonna une voix métallique. Galaniel Zawhyka Espan, j'attendais, j'espérais ce moment depuis si longtemps. »

Le sang du Voyageur se figea.

« Ce... c'est vous, le Commandant de la garde noire ? »

Un ricanement lui répondit.

« Je suis un bien pire ennemi. Je brûlerai ta planète natale, je tuerai les fous qui te suivent, qui te protègent, je détruirai ta misérable existence. »

Une volée de balles fit trembler le mur. Le Barzac reprit la parole.

« Eh bien, Galaniel, vas-tu te cacher encore longtemps ou préfères-tu voir la mort en face ? »

Des étincelles ardentes parcoururent les doigts du jeune homme. Il fit volte-face pour se jeter dans le salon dévasté. Galaniel propulsa une sphère de feu, le Barzac un missile, puis le jeune homme roula au sol tandis que les deux projectiles se frôlaient.

Les trajectoires s'incurvèrent de part et d'autre. Le jeune homme se plaqua contre le plancher. Derrière lui, l'explosion projeta en tous sens des ustensiles de cuisine, tandis que, devant, la sphère percuta un mur tremblant et le fit s'effondrer sur le Barzac.

Le Voyageur se redressa, fébrile. Déjà, le Barzac agitait ses bras métalliques pour s'extirper des décombres. Sans attendre davantage, Galaniel fit demi-tour, traversa le mur de la cuisine, désormais éventré, et battit en retraite dans la ville.

« La fuite est vaine ! hurla le Barzac. Je jure que je te retrouverai, Galaniel, et que je te tuerai ! Je vous tuerai tous ! Aucun de vous ne m'échappera ! »


Alyne peinait à suivre la trace de l'inconnu. Véritable courant d'air, il s'engouffrait entre les bâtiments, essayait de la semer à chaque intersection. Elle poursuivit sa course, bifurqua, l'entrevit de nouveau, au coin de la ruelle, prêt à s'effacer une fois de plus.

L'elfine écarta les doigts. Quelques éclairs bien sentis se chargeraient de mettre fin à cette interminable course-poursuite, une fois pour toutes. Elle se concentra.

Pas la moindre étincelle ; ses doigts restèrent inertes

« Qu'est-ce que... ? »

Tout autour d'elle, la magie se perturbait, se brouillait. Quelque chose émanait de l'inconnu, quelque chose qu'elle n'avait encore jamais ressenti. Il ne s'agissait pas d'un Kalendorien.

Elle redressa les yeux, se rendit compte qu'il en avait profité pour disparaître, et reprit sa course. Ses doigts se refermèrent sur ses deux doubles lames. Peu importait que la magie lui fût inaccessible ; elle ne craignait rien au corps-à-corps, de toute façon.


Le ciel trembla. L'ouragan survola Hyktacrite jusqu'à se positionner au-dessus de la place du Cristal. Au-dessus de lui, les tirs kalendoriens se poursuivaient, mais se heurtaient toujours au dôme protecteur.

« Allez-y. »

Dans son dos, quatre ailes d'or démesurées brassaient l'air par mouvements réguliers, pour maintenir sa position. Tout son être irradiait d'une lumière blanche intense, porteuse d'un pouvoir absolu. Le pouvoir que seuls les Grands Maîtres pouvaient invoquer, le pouvoir d'un Dieu.

Il étendit un bras. La lumière se propagea pour matérialiser une coupole d'or, au-dessus de lui, ainsi que tout le centre-ville. Les magistrats lancèrent l'étoile de confirmation.


Accroché à sa corde, le Commandant remarqua la pâle lueur s'élever dans le ciel. S'il avait manqué de lâcher prise, quelques instants plus tôt, seul le loup s'était écrasé, plus de trente mètres en contrebas.

Il poursuivit sa descente, sans pour autant quitter des yeux l'être surnaturel qui déployait son pouvoir, au-dessus d'Hyktacrite. Ses mains se crispèrent. Voyageur, sans aucun doute, Galaniel n'était pas seul.

Le genre de considération qui pouvait renverser le cours d'une bataille.

Des dizaines de mètres plus bas, les mages s'affairèrent, autour du Cristal. Le dôme rougeâtre, sur lequel s'écrasaient les tirs, se dissipa. Plusieurs missiles s'approchèrent, mais éclatèrent tous avant même de rencontrer la coupole.

Bras tendus, auréolé de puissance, l'être continuait de maintenir sa protection impensable.

L'état du Cristal attira le regard du Commandant. Des filaments de lumière le reliaient aux mages, bleus, violets, rouges, et continuaient de s'amplifier, de s'agréger tout autour.

Ses yeux se relevèrent pour traverser la grande allée est, sur laquelle avançaient les chars noirs, sans presque plus personne pour les arrêter. Les Shawniens, loin de les affronter, se déplaçaient sur les toits ou dans des ruelles secondaires. Puis son regard s'arrêta sur la muraille du centre-ville.

Les portes étaient restées ouvertes.

« Non... »

Zagnar filait droit vers un piège ; d'une main, le Commandant attrapa sa radio.

Trop tard.

Le sifflement qui s'ensuivit lui transperça le cœur. En une fraction de seconde, le Cristal libéra toute son énergie accumulée. Un rayon azur intense, qui traversa toute l'allée d'une traite, qui balaya tout sur son passage.

Les chars éclatèrent, les Barzacs furent renversés, les machines de guerre broyées, les soldats anéantis en l'espace d'un instant.

Un massacre.

La seconde suivante, seule restait une traînée noirâtre, depuis le Cristal jusqu'à la sortie de la ville, et même au-delà.

Un massacre.

Le souffle court, il éteignit son commutateur. Encore une fois, il n'avait pas su éviter le pire. Des survivants Kalendoriens émergeaient des décombres, mais les Shawniens les prenaient désormais en embuscade depuis les toits. Des tirs s'échangeaient, flèches, magie, contre fusils. L'élan de l'armée noire venait de se briser net. Incapables d'avancer, les troupes ne se battaient désormais plus que pour leur survie.

Le Commandant poursuivit sa descente, le regard absent. Au-dessus, la coupole d'or venait de se briser, et l'être surnaturel engageait le combat contre des chasseurs kalendoriens. Des traits de feu déchiraient le ciel, pour répondre à la mitraille aérienne. Quelques appareils s'écrasèrent çà et là, en flammes. Un tir du vaisseau-mère cibla le Cristal, avant d'exploser à mi-parcours.

L'être, quel qu'il soit, s'éleva dans les cieux, auréolé de lumière. Il toucha le vaisseau-mère d'un jet de flammes, avant d'être assailli par un essaim de missiles. Il battit en retraite, fut propulsé au loin tandis qu'une myriade d'explosions saturait l'atmosphère, et se perdit en périphérie de la ville.

Des canons du vaisseau-mère se portèrent de nouveau vers le Cristal. Les tirs fusèrent, mais s'interrompirent tous sur un dôme translucide, qu'ils irisèrent de rouge.

Les magiciens venaient de rétablir leur sortilège de protection.

Le Commandant posa pied à terre, aussitôt rejoint par son bataillon de gardes noirs. Le reste dépendrait d'eux, désormais. La bataille n'était pas encore perdue, et ils allaient en renverser le cours.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top