XXIII-1 : Le Général de Brocélie


Le rocher des dieux est la seule terre d'Oriale dont l'homme n'ait jamais pris possession. Cet îlot perdu dans l'océan, à plusieurs centaines de kilomètres des côtes brocéliennes, reste entouré de légendes et de mystères. Considéré comme la demeure des dieux, ce lieu cerclé de brumes est protégé par de dangereux récifs ainsi que de puissants courants marins. Des quelques aventureux qui voulaient autrefois s'y risquer, aucun n'est jamais revenu. Toutefois, leurs lamentations se font parfois entendre jusqu'à Kystan, les soirs de brouillard.

Selon la légende, et suite à l'Exode, les hommes rencontrèrent les dieux, le jour de leur débarquement sur Oriale. Pris de pitié, leurs créateurs les laissèrent alors s'installer sur la lune afin d'y prendre un nouveau départ. Les hommes eurent ainsi le droit de coloniser toutes les terres, à l'exception d'une seule : le rocher, la seule terre située sur la face que la lune présentait à Zyx, et que les dieux voulaient continuer de contempler.

Ce Pacte, qui aurait été conclu il y a plus de trois mille ans, continue d'être respecté par les Généraux d'Oriale. Aucun d'entre eux n'a jugé bon d'y mener d'expédition officielle, depuis, n'ajoutant par-là même que plus de mystère à la légende du rocher.

Légendes d'Oriale, auteur inconnu


Un signal strident tira Galaniel de son sommeil réparateur. Le jeune homme se massa les tempes, et se demanda un instant ce qu'il faisait ici, allongé sur une couchette inconfortable, dans un obscur recoin de métal. Les souvenirs ne tardèrent cependant pas à lui revenir. Oriale, la Brocélie, le sous-marin. Près de lui reposait un livre sur les légendes d'Oriale qu'un membre de l'équipage lui avait prêté, afin de passer le temps. Exceptionnellement, l'ouvrage possédait une traduction en langue du nord, qui avait permis au Shawnien de le comprendre.

Encouragée par l'alarme, une certaine effervescence commençait à gagner le sous-marin. Le jeune homme se leva finalement, à la fois curieux et inquiet.

« Que se passe-t-il ?

— Vous êtes réveillé ? Nous venons d'arriver à destination, lui répondit-on en langue du nord. Excusez-moi, je vous prie, mais la manœuvre à effectuer est assez délicate et requiert notre totale attention.

— J'ai compris ; je me planque dans un coin et je vous laisse travailler. »

Face au sous-marin, le roc s'ouvrit à la manière d'un diaphragme. L'appareil s'engagea dans l'étroit conduit, tandis que se refermait la porte derrière lui. Sa progression se poursuivit d'interminables minutes durant, avant qu'il n'arrive dans une grande salle ovale et qu'il ne puisse remonter à la surface. Des vérins se rapprochèrent de tous les côtés pour l'immobiliser, puis il arrêta ses moteurs. Un pont coulissant se déploya jusqu'à sa trappe supérieure, qui s'ouvrit enfin. L'Amiral en sortit aussitôt, accompagné de Galaniel et d'Esmène, ainsi que des autres membres d'équipage, enthousiastes de retrouver le sol ferme de leur terre natale.

Après quelques remerciements, Esmène et Galaniel prirent congé de l'équipage. Le Voyageur put observer à loisir la salle dans laquelle ils se trouvaient. Des quais d'amarrage les entouraient pour conduire à divers passages. Un port souterrain, capable d'abriter quatre sous-marins similaires et creusé à même la roche, sous la capitale même de la Brocélie, Kystan. Les couloirs de sortie menaient d'ailleurs tous au palais du Général, Octale Zdalavitch, qu'allait rencontrer Galaniel. Au fur et à mesure qu'ils franchissaient les étages, les gardes, en majorité des femmes, se faisaient de plus en plus nombreux, et les contrôles de sécurité, de plus en plus fréquents. Beaucoup arboraient l'uniforme rouge vif, et reconnaissaient aussitôt leur Commandant et supérieure, Esmène Vlata. Ils échangeaient alors quelques mots en langue du croissant, enthousiastes de pouvoir se retrouver après cette longue absence.

Le décor changeait de même ; les multiples pièces se faisaient moins massives, plus décoratives. Aux murs délavés et autres lumières artificielles du sous-sol succédaient de grandes ornementations à la gloire du pays, ainsi que d'éclatantes baies vitrées. Les feux du soleil couchant venaient irradier l'écarlate des drapeaux et autres effigies de serpents. Toujours plus bas apparaissaient la vaillante Kystan et les flèches de ses immeubles rougeoyants, qui s'étiraient en direction du ciel. Et, pourtant, elles restaient loin d'égaler le palais du Général, dont les tours s'élevaient jusqu'à rencontrer les nuages, véritable pont de feu dressé entre ciel et terre.

Ils traversèrent de nouveaux couloirs et salles impeccables, aux murs recouverts de décorations, de dorures, et sertis de rubis étincelants. De nombreux Brocéliens s'affairaient tout autour afin de régler des questions administratives ou militaires. Plus loin, des hauts gradés s'étaient réunis pour traiter le cas de la frontière nord, et de la situation du front contre les Kalendorien. De grandes cartes retraçaient les mouvements de troupe, ainsi que des estimations données par des rapports d'espionnage.

Le dernier couloir menait à un ascenseur aux portes recouvertes d'insignes en or, et ornées de deux gigantesques reptiles de rubis. Il menait aux étages réservés à Octale Zdalavitch ainsi qu'à sa garde personnelle. Plusieurs femmes en armure rouge montaient la garde ; et l'une d'entre elles vint aussitôt à leur rencontre tandis qu'ils approchaient.

« Vous pénétrez dans le secteur de sécurité maximale, prévint-elle en langue du croissant. Seuls les gardes rouges ou les personnes munies du code rouge sont habilités à y pénétrer.

— Semnen, c'est moi, Esmène... »

Elle redressa la visière de son casque pour dévoiler un visage jeune, encadré de cheveux blonds, avant de désigner Galaniel.

« Et lui, qui est-il ?

— Galaniel Zawhyka Espan, qu'Octale m'a demandé de conduire jusqu'à elle. Elle est bien dans ses quartiers, n'est-ce pas ?

— En effet, ce qui ne m'empêche pas de désapprouver cette visite. »

Semnen se détourna pour pianoter sur un tableau numérique. La paroi d'un mur coulissa pour dévoiler un écran sur lequel elle apposa ses dix doigts avant de tracer des signes secrets.

« Une fois de plus, Octale n'a encore pas cru bon de conserver ma présence pour assurer sa sécurité. Malgré l'arrivée de cet... inconnu. »

— Tu connais Octale, s'amusa Esmène.

Un bip retentit, et l'ascenseur descendit avant d'ouvrir ses portes. Le panneau coulissant se referma, pour se camoufler de nouveau dans le mur.

« Une dernière chose, Commandant. »

À son tour, Semnen lui adressa un sourire.

« Bon retour parmi nous. »

Esmène la remercia d'un nouveau sourire, puis s'engagea dans l'ascenseur, accompagnée de Galaniel. Il n'y avait pas de liste de destination, comme le jeune homme s'y attendait, mais seulement un clavier numérique. Les portes se refermèrent.

« L'ascenseur mène à plusieurs étages ; mais il faut rentrer un code pour chacun d'entre eux, lui expliqua Esmène.

— Et si quelqu'un rentre un code qui n'existe pas ?

— L'ascenseur l'emmène directement dans des cachots où des gardes se feront un plaisir de l'accueillir. »

Elle pianota sur le clavier ; l'appareil s'éleva de quelques étages.

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