L'explication ne pouvait se lire que dans l'histoire de Zyx. Plus exactement trois mille ans auparavant, lorsqu'elle comportait encore une myriade de pays indépendants. Usines, villes, et nations, alors en plein essor, commencèrent à raréfier les ressources de la planète. Plutôt que de remettre en question le système, les gouvernements s'entêtèrent dans cette voie, plus profitable à court terme. Des tensions commencèrent à poindre, bientôt suivie d'une véritable course aux armements.

Certains, décidèrent de construire des vaisseaux pour échapper à ce monde au bord du gouffre. Ils avaient en effet juste à portée un autre monde habitable, et même doté d'une gravité similaire : la lune d'Oriale. L'affaire fut cependant portée au grand jour, ce qui poussa Zyx à la révolte. Les riches et puissants s'apprêtaient tout simplement à quitter le navire qu'ils avaient eux-mêmes fait sombrer. Des émeutes éclatèrent dans les grandes villes, des groupuscules armés se démultiplièrent pour répandre le chaos. Les extrêmes s'emparèrent des pays pauvres, pour instaurer des régimes encore plus durs et autoritaires.

Malgré ce préambule d'apocalypse, sept vaisseaux parvinrent à quitter la planète. Si l'un d'entre eux se désintégra dans l'atmosphère, les six autres atteignirent Oriale dans les jours suivants. Chacun fut à l'origine d'une nation, inspirée de sa région d'origine : Wienskor, Neelhan, Orcalie, Ostrie, Furthyr, et enfin Brocélie. Kalendor ne fut quant à lui fondé que bien plus tard, suite à la prise d'indépendance d'une province wienskroise.

Sur Zyx, la situation continua d'empirer. Une petite nation déclara la guerre à sa voisine, bientôt suivie par d'autres. Par un jeu d'alliance compliqué, les grandes puissances rejoignirent à leur tour le conflit. Partout, sur le globe, les missiles quittèrent leurs silos pour embraser la planète du feu nucléaire.

Cette pluie d'apocalypse dura trois jours, trois jours à la fin desquels seul un dixième de la population humaine devait survivre. Cinq cents millions d'individus perdus, éparpillés sur des terres dévastées.

Moins d'un mois plus tard, les derniers représentants des nations se réunirent, et tâchèrent d'oublier leurs différends. Il en allait désormais de la survie de l'espèce humaine, et même celle de la planète toute entière.

La paix fut signée en hâte, et les pleins pouvoirs donnés à une pacifiste du nom d'Asmanthe. Après avoir été critiquée, bafouée, dénigrée, elle avait acquis une renommée mondiale dans son combat contre la guerre. Ses premières décisions eurent pour but d'éviter un retour à l'âge de pierre, ce qui commençait déjà dans les ruines du globe. Elle fit réunir tout le savoir de l'humanité, pour le conserver dans un ordinateur doté de conscience. Le projet fut mené par un scientifique dont le nom fut ensuite repris pour sa création, Karl. Quand bien même ses créateurs n'en seraient plus capables, la machine devait pouvoir continuer de transmettre leurs connaissances.

Une cité s'agença ensuite tout autour de ce projet, et prit le nom de Barcad. Au départ terrestre, elle devait par la suite devenir un gigantesque pilier soutenant une ville aussi haute que les nuages. Elle devint la capitale des survivants, et le dernier espoir de survie de l'humanité.

Asmanthe continua d'arpenter la planète des années durant, afin d'améliorer ce qu'elle pouvait. Elle encouragea les expéditions humanitaires dans des contrées désolées, vint en aide aux survivants toujours plus isolés. Elle-même ne survécu pas longtemps, rongée par les radiations, ainsi que des maladies autrefois disparues. L'ordinateur central, Karl, fut alors chargé d'assurer le commandement, et d'effectuer les choix nécessaires à la survie de l'espèce humaine. Barcad manquait alors d'eau, de nourritures, de sources d'énergie, et la mortalité atteignait des sommets. Avec les siècles, il parvint néanmoins à traverser la crise, jusqu'à rendre aux humains leur prospérité d'antan.

« La guerre a failli faire disparaître Zyx, conclut Galaniel, et toutes les générations futures en ont été marquées. Pour éviter un nouveau cataclysme, les anciennes nations, ou du moins ce qu'il en restait, se regroupèrent en une unique Fédération. Elles se réunirent autour d'un principe fondateur, à savoir le désarmement total, et l'interdiction de construire de nouvelles armes de guerre. Aujourd'hui encore, il s'agit du premier article de la Constitution des Nations Fédérées, un article resté intouché depuis trois mille ans.

— Et ce... cette machine, Karl, elle dirige toujours les humains ? Demanda Alyne

— Oui et non. Karl n'a eu officiellement les pleins pouvoirs que durant un siècle, pour les sauver de l'extinction. Puis un gouvernement s'est instauré, une fois passé l'état d'urgence. D'ordinaire, l'Ordinateur les laisse mener leur politique comme ils l'entendent. Toutefois, lorsque des sujets litigieux ou importants viennent à être traités, le Conseil de Barcad a pour coutume de solliciter son avis.

— J'ai pas tout compris, avoua Césape. Mais en gros, les Zyssiens ont tout cassé en se faisant la guerre, et ont ensuite renoncé à construire tout semblant d'armée.

— C'est cela. »

Ce pacifisme rendait Zyx plus que vulnérable face à une éventuelle invasion orialienne. Deux ans de cela, Zawhyk avait essayé de les convaincre de mettre en place un dispositif de défense, mais en vain. Il n'y avait alors aucune preuve concernant la construction de vaisseaux orialiens, et les Zyssiens refusèrent de modifier leur Constitution.

Ils acceptèrent cependant d'organiser un échange, qui permit à Galaniel ainsi que d'autres Shawniens de venir se familiariser avec leurs technologies. De leur côté, des scientifiques zyssiens purent quant à eux observer la maîtrise de la magie dont certains faisaient preuve. Le principal but restait avant tout d'instaurer un rapprochement entre les deux mondes, si différents l'un de l'autre.

Galaniel s'arrêta dans son récit. Son regard fixait une branche d'arbre sur laquelle se prélassait un autre reptile aux écailles dorées.

« Et ensuite, que s'est-il passé ? » Le pressa Césape, impatient d'entendre la suite.

Galaniel releva la tête.

« J'ai passé deux années zyssiennes à découvrir les technologies de la Fédération, mais la situation n'évolua pas durant ce temps. Comme je l'ai dit, ce n'est qu'il y a trois semaines que le Général Chef a commencé ses menaces, et ce n'est d'ailleurs qu'à ce moment que Zawhyk est revenu.

— Je vais sans doute poser une question bête, fit remarquer Césape, mais il était parti ?

— En toute honnêteté, je ne sais pas exactement quelles ont été ses occupations durant ces deux années, avoua Galaniel. Parfois il n'était pas là, parfois il revenait.

— S'il était lui aussi Voyageur, cela n'a rien d'étonnant, trancha Alyne. Les membres de l'Ordre sont souvent amenés à passer d'une planète à l'autre pour régler divers problèmes.

— Et ça consiste en quoi, ces problèmes ? S'inquiéta Césape. Je ne vois pas ce qu'ils pourraient faire sur mon monde natal.

— Vaincre un dragon, par exemple. Si tu as trouvé une Pierre, c'est qu'un Voyageur est passé par là, un jour ou l'autre.

— Mouais peut-être ; mais si c'est ce genre de truc qu'ils font tous les jours, ça promet.

— De mémoire, je ne connais personne qui ait refusé de rejoindre l'Ordre, soutint Alyne. Ce serait un affront inqualifiable.

— J'attends de les rencontrer avant de me faire une idée. Pour l'instant, je ne peux pas dire que je puisse disposer d'un grand recul sur cet Ordre. Je ne connais que vous deux, et encore, vous n'en faites pas vraiment partie. D'ailleurs, je n'ai apparemment rien en commun avec au moins 50% de l'échantillon non représentatif que vous constituez, ce qui ne m'inciterait pas vraiment à continuer, si j'avais le choix. Quant aux 50% restants, ça reste à voir. Tu as déjà planté des choux, Galaniel ?

— Des choux ? Euh, non. »

Césape se gratta la tête.

« On va dire que c'est un trait inessentiel de ma personnalité. Si on considère qu'on est tous les deux des héros intrépides, ça fait déjà beaucoup en commun. »

Alyne pouffa de rire, ce que Césape fit semblant de ne pas remarquer, préférant laisser Galaniel reprendre son récit.