XIII-2 : 13%
Galaniel se réveilla en sursaut. Il se trouvait à l'intérieur d'une hutte de paille, allongé sur une sorte de matelas en mousse verte.
L'endroit était vide, si ce n'était Césape assis à ses côtés. Le gigan poussa un soupir de soulagement alors que le jeune homme revenait à la réalité.
« Tu nous as fait une belle frayeur. » Commenta-t-il.
Puis il fit mine de réfléchir, avant de reprendre.
« Enfin, soyons précis. Tu m'as fait une belle frayeur. Car je ne suis pas sûr qu'Alyne se soit préoccupée de ton sort, la sorcière n'a pas semblée particulièrement inquiète, et les villageois n'ont manifesté à peu près aucune émotion. »
Galaniel, encore sonné, s'assit malgré la tête qui lui tournait, et tenta de rassembler ses esprits qui lui semblaient être en mille morceaux.
« Quand je repense à cette autre comique qui nous répétait : "N'ayez crainte, c'est sans danger, et patati, et patata... C'est un truc de routine". Enfin bref ! Je ne sais pas si c'est les Voyageurs qui mettent en place tout ce bazar, mais ils m'entendront quand on les verra enfin. Ouais.
— Je... j'ai eu une vision, balbutia Galaniel.
— Bah, moi aussi en fait. Mais je crois que c'est à peu près le seul truc pour lequel elle nous avait prévenus.
— Tu as vu l'avenir ?
— Ouais, en quelque sorte. Enfin question super révélation du siècle, on pourra repasser. Je me faisais acclamer par des amis, dans mon village. Au vu des événements, c'est sans doute ce qui va se passer dès que je rentrerai chez moi. Enfin, d'un autre côté, ça prouve que je parviendrai à rentrer chez moi, ce qui prouve sans doute aussi que ces mystérieux Voyageurs ne sont pas des monstres sanguinaires prêts à nous dévorer à la première occasion. Ou alors ça prouve qu'on est très fort et qu'on va échapper à leur plan machiavélique, ou plutôt que je vais échapper à leur plan machiavélique – désolé mais tu n'étais pas présent dans ma vision – à moins que tu ne décides de retourner sur ta planète, ou que tu rejoignes ces Voyageurs, comme Alyne a l'air décidée à le faire. En fait, ça ne prouve pas grand-chose.
— Euh, si tu le dis. »
Alyne pénétra dans la hutte, le teint encore plus pâle que d'habitude, mais les traits toujours aussi déterminés. Elle remarqua les regards interrogateurs de ses deux compagnons, et prit un certain temps avant de leur annoncer d'un ton atone :
« J'ai été acceptée. »
Ce n'était pas tant cette nouvelle, déjà prévue d'avance, qui avait marqué sa surprise, mais plutôt les facéties de la Table de Vérité.
« Leur appareil est complètement détraqué, ne tarda-t-elle pas à s'emporter. Et ces prétendus aperçus de l'avenir surréalistes et irrationnels !
— Les prophéties se réalisent toujours, quelles qu'elles soient. »
La Grande Prophétesse venait de les rejoindre à l'improviste. Alyne sursauta, puis croisa les bras et la fixa du regard, comme pour mieux la défier. Sans plus d'attention envers l'elfine, la vieille femme s'approcha d'eux, en s'aidant de sa canne encombrée d'ornements et de pendentifs divers.
« Quelles qu'ont été vos visions, il faut savoir les accepter, et s'y préparer, reprit-elle.
— Les accepter ? Rétorqua Alyne. Pour autant qu'elles soient fondées !
— Ce n'est pas toi qui décides de l'avenir, mais lui qui décide de toi. » Asséna-t-elle en guise de réponse.
Alyne ricana nerveusement.
« Ce sont les Voyageurs qui façonnent l'avenir de cette Galaxie, et il se trouve que j'en ferais partie, que cela vous plaise ou non. »
La Prophétesse se détourna sans lui répondre, pour s'adresser à Galaniel.
« J'ai une bonne nouvelle pour toi, annonça-t-elle. Tu as été reconnu apte à rejoindre l'Ordre des Voyageurs. »
Elle lui tendit sa Pierre d'Origine. La couleur grise initiale avait laissé place à un violet profond, strié de rouge et noir. Les deux orifices s'étaient ouverts, et ressemblaient à des yeux de pierre au regard immobile.
Les doigts de Galaniel se refermèrent sur l'artefact, et il eut aussitôt l'impression que la Pierre acceptait leur lien, qu'elle l'acceptait en tant que porteur propre. Un rempart s'était abaissé ; il avait désormais libre accès à sa puissance latente.
« Vous ne me considérez donc plus comme un ennemi ? » Constata Galaniel en rangeant sa Pierre.
« Tu dois comprendre que ces mesures étaient nécessaires, afin de déterminer si tu constituais un danger potentiel pour l'Ordre, se défendit la Prophétesse.
— Ouais, vous êtes surtout de gros paranos, dans cet Ordre, asséna Césape. Sérieusement, tu t'attendais à quoi ?
— Il y avait une possibilité qu'il soit l'éventuelle réincarnation du renégat Gathor. »
Alyne eut un sursaut, tandis que Césape se contentait d'afficher une mine incrédule. Le gigan n'avait visiblement jamais entendu parler de ce dénommé Gathor, et encore moins de sa prétendue réincarnation. Galaniel se sentit quant à lui d'autant plus mal à l'aise qu'il reconnaissait le nom prononcé dans sa vision. Il ne pouvait pas non plus leur cacher ce qu'il avait vu et faire comme si rien n'était arrivé.
« Vous... vous ne devriez peut-être pas m'accepter, reprit-il. Les visions de la Table étaient vraiment inquiétantes... Il serait possible que je finisse vraiment par causer la chute des Voyageurs. »
Devant les regards étonnés qui se tournaient vers lui, il ajouta :
« J'ai eu l'occasion de parler avec mon double du futur, et c'est du moins ce qu'il semblait me dire. »
La vieille femme parut intriguée.
« Tu as parlé à ton double, vraiment ? »
Galaniel hocha la tête.
« Ce n'est pas commun, reconnut-elle. Mais peux-tu seulement prêter foi à ce qu'il disait, je veux dire, est-ce que tu as vraiment vu de tes yeux ce qu'il affirmait ?
— J'ai vu Barcad en ruines, ainsi qu'une grande tour effrayante. Mais je ne me suis pas directement vu en train de causer la perte de l'Ordre, si c'est ce que vous voulez savoir.
— Comme si c'était vraiment possible, railla Alyne. Comme je le disais, cette prétendue Table est complètement détraquée. »
La Prophétesse lui fit signe de se taire.
« Si les Grands Maîtres t'ont accepté, c'est parce qu'ils pensaient que tu serais plus disposé à apporter le Bien que le Mal. Si tu as des scrupules alors que tu penses représenter une éventuelle menace, cela ne fait que leur donner raison.
— Je ne veux pas devenir un danger pour tout le monde.
— Tu ne deviendras que ce que tu veux, assura-t-elle.
— Bof, encore faudrait-il déjà représenter un danger, marmonna Alyne.
— Selon ton double, tu es celui qui mettra fin à la Guerre, continua la Prophétesse. Pour moi, cela n'est pas forcément un mal.
— Il m'a parlé de balayer à la fois l'Ombre et la Lumière, et de la chute des dieux.
— Si l'Ombre disparait, peut-on encore parler de Lumière, alors que tous deux ne se définissent que par opposition l'un à l'autre ? »
Alyne parut quant à elle soudainement intéressée.
« Si la Guerre est sur le point de s'achever, cela signifierait que la Grande Déesse reviendra bientôt parmi les siens. En un sens, le concept de dieu tel que nous l'entendons n'aura plus de sens. »
Galaniel lui adressa un regard reconnaissant.
« Ce n'est pas que je veuille te défendre, mais je rappellerai aussi que ces prophéties sont reliées à l'Apocalypse. Il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce que tu aies entrevu des paysages de destruction. De toute façon, et même si tu te ralliais aux Ténèbres, tu ne pourrais jamais aller contre la volonté divine. Dans le pire des cas, tu ne ferais que précipiter le Jugement Dernier et condamner ton âme à une damnation éternelle.
— C'est fou ce que cela me rassure, ironisa Galaniel.
— Si j'ai dit "si", c'est bien parce que je doute plus que fortement de ta capacité à accomplir quoi que ce soit d'une telle envergure. »
Césape étouffa un bâillement.
« Cette conversation est certainement très intéressante, commenta-t-il, et je suis désolé de vous interrompre, mais j'ai l'impression d'être le seul à être complètement largué. Je vous rappelle qu'il y a quelques heures je ne connaissais pas même l'existence des Voyageurs. Je ne voudrais donc pas vous paraître impoli, mais est-ce que ce serait trop demander d'avoir un peu plus d'explication ? Par exemple, c'était qui, exactement, ce fameux Gathor, dont vous croyiez que Galaniel était la réincarnation, ou une péripétie de ce genre ? »
Alyne se contenta de soupirer ; elle connaissait déjà ce récit depuis bien longtemps. Galaniel restait quant à lui curieux d'entendre des détails supplémentaires.
« Asseyez-vous donc, proposa la Prophétesse, cela risque de prendre un peu de temps. »
Galaniel et Césape s'exécutèrent, tandis qu'Alyne préférait s'adosser contre un mur de paille, bras croisés.
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