Chapitre 7 - Fuite à travers le New Jersey

Merci à tout ceux qui suivent cette histoire pour vos commentaires et vos votes ! Je dédie ce chapitre au fait que j'ai survécu au dentiste ce matin allez haha ! Bonne lecture ^^ 

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Leur échappée de la grotte de Mélinoé était un peu floue dans l'esprit de Nico tant les choses avaient été vites. Il se rappelait avoir transpercé la Propétide qui clouait Lou Ellen au sol tandis qu'une des flèche de Will allait se ficher entre les deux yeux d'une autre. A ce moment-là, tout le monde s'était figé, comme incapable de comprendre ce qui se passait, puis Connor s'était laissé tomber à genoux près de Lou Ellen dont les mains étaient plaquées contre son ventre.

- Ne bouge pas, lui avait-il intimé. On va te soigner, ça va aller. C'est juste... c'est juste un poignard.

- Il fait vachement mal ton poignard...

Connor avait laissé échapper un rire avant que Will ne s'approche pour examiner la blessure.

- Aucun organe vitale touché, mais vaut mieux laisser la lame où elle est pour l'instant. Ça évitera la perte de sang. (Il grimaçait). Désolé...

- D'accord, d'accord... ça va le faire. Mais pas longtemps, pas vrai ?

- Promis.

D'un signe de tête, Will avait autorisé Connor à bouger Lou Ellen et il avait soulevé son corps, une main passée dans son dos et l'autre sous ses genoux. Un cri de douleur s'était arraché de sa gorge avant qu'elle ne serre les lèvres, déterminée. Nico ne pouvait qu'admirer sa volonté.

Désormais, ils couraient tous à travers la forêt pour rejoindre leur camionnette garée en bord de route, ou du moins ils tentaient de courir. Avec la nuit tombée, il était difficile de ne pas trébucher sur le moindre obstacle et Nico retint Lacy à la dernière seconde lorsqu'elle s'emmêla les pieds dans une branche d'arbre. Derrière, la respiration haletante de Connor emplissait l'atmosphère et Nico se retourna pour voir s'il suivait.

- Si tu me dis que j'ai pris du poids... maugréa Lou Ellen, les yeux à moitié clos.

- Non, pas du tout. C'est moi qui manque de muscles voyons.

- Je préfère ça.

Nico esquissa un sourire, supposant que si elle avait la force de plaisanter, la situation n'était pas si désespérée. Avec son épée, il écarta les branches basses et les fougères qui leur barraient la route, et il laissa passer Will devant lui. Ses cheveux blonds, ondulés derrière les oreilles et au niveau de la nuque, luisaient presque dans le noir.

- Vous êtes sûrs qu'on va dans la bonne direction ? Lança Connor.

- La route est par là, assura Will avant d'ajouter plus bas. Enfin je crois... j'espère.

- Sois sûr, Will !

- Si, si, c'est par là.

- Du moment qu'on met de la distance entre nous et Mélinoé, chuchota Lacy en frissonnant.

Elle jeta un énième regard par-dessus son épaule, comme si elle avait peur de voir à nouveau surgir les fantômes de la déesse, et Nico la força à avancer. Il ne la blâmait pas. Lui non plus n'était pas tranquille et il s'efforça de chasser l'image de sa mère de son esprit. Il en avait presque la nausée. Avant que Mélinoé ne prenne sa forme, son souvenir était flou dans sa mémoire et il n'était pas sûr de s'être souvenu parfaitement de ses traits, comme si chaque jour qui passait l'éloignait de sa mère, de son accent chantant, de son sourire. Son corps fut parcouru d'un frisson glacé. Pour un peu, il ne savait pas s'il voulait mettre de la distance entre la grotte et lui ou y retourner pour pouvoir revoir l'image de sa mère et la graver au mieux dans son esprit.

Il ne réalisa qu'il avait ralenti le pas que lorsque Will s'arrêta pour le ramener à la réalité.

- Nico ? Appela-t-il, anxieux. Ça va ?

- Oui, pardon... Par ici. On y est presque.

Will parut vouloir insister, mais Nico le dépassa à nouveau pour ouvrir la marche. Il reconnaissait les rochers sur sa droite. La camionnette n'était plus très loin. En plissant les yeux, il essaya de distinguer le sentier qu'ils avaient empruntés dans l'autre sens et il observa les flaques de lumière qui dansaient sur le sol. Leur couleur argenté lui rappelait l'évanescence des fantômes de Mélinoé et il frissonna à nouveau.

Même s'il n'avait pas été certain de pouvoir les contrôler dès le départ, le constater véritablement l'avait plus ébranlé qu'il voulait bien l'admettre. Ses pouvoirs sur tout ce qui touchait de près ou de loin à la mort, c'était son identité, sa garantie de survie en tant que demi-dieu. Être impuissant l'avait frustré, mais plus que tout ça lui avait rappelé l'épisode avec Bryce Lawrence et ses spectres « tuniques rouges ». Et évidemment, son esprit n'avait pu s'empêcher de penser à Bryce lui-même. Il se demanda si Mélinoé aurait vraiment pu le faire apparaître aujourd'hui, comme elle avait menacé de le faire... A cette simple idée, une vague de nausée le prit au ventre. Il s'imaginait devoir expliquer à Will et aux autres ce dont il ne se rappelait même pas, ce que ses pouvoirs avaient réussi à faire... Il s'imagina devoir leur parler de la façon dont Bryce s'était dissout dans les ombres alors que sa fureur avait explosé comme des milliers d'éclats de fer stygien, glacés et implacables.

Dans un souffle haché, il resserra sa prise autour de son épée pour éviter à ses mains de trembler.

- Eh... murmura Will en se matérialisant d'un coup à nouveau à ses côtés. (Nico se tourna légèrement pour le regarder). Je ne veux pas avoir l'air d'insister mais... tu es sûr que ça va ?

Son regard bleu était empli d'inquiétude, comme d'habitude. Nico se détourna.

- Ce n'est pas moi qui aie un poignard dans le ventre, Will, dit-il d'une voix sourde.

- Ca ne veut pas dire que tu vas bien ou que je ne peux pas t'aider.

- Il n'y a rien à aider. Je vais bien.

- Nico...

Frustré, il faillit s'arrêter net, les mains toujours instables.

- Sérieusement, Will, laisse tomber, s'exaspéra-t-il.

Son ton fut plus sec qu'il ne l'avait prévu et Will recula d'un pas, pris au dépourvu, avant qu'une expression blessée ne se peigne sur son visage. Il sembla chercher ses mots pour répliquer quelque chose lorsque Lacy le devança :

- Là ! S'écria-t-elle. La route !

Elle se précipita en avant et Nico s'empressa de lui emboîter le pas pour ne pas affronter Will, honteux. En trois enjambées, il la rattrapa et déverrouilla la camionnette toujours garée près du champ de salade qu'il distinguait à peine maintenant que la nuit était tombée. Connor sortit de la forêt à ce moment-là, le front en sueur même s'il tenait toujours Lou Ellen fermement dans ses bras. Nico sentit son regard être attiré vers sa blessure et il grimaça. Une large tâche rouge fleurissait en-dessous de ses côtes et son teint, naturellement pâle, avait viré à un gris cireux.

- Mets-la à l'arrière, ordonna Will fermement. Je dois l'examiner, on ne peut pas attendre.

- Tu veux de l'aide ou... commença Connor.

- Non, toi tu conduits. On se barre d'ici.

- Mais...

- Il a raison, approuva Nico. Hors de question de rester dans les parages. Mélinoé pourrait nous envoyer ses esprits cauchemars et j'en ai eu assez pour une soirée. On y va.

Connor ne protesta pas plus longtemps. Avec précaution, il déposa Lou Ellen sur la banquette arrière et même s'il tenta de ne pas la brusquer, elle laissa quand même échapper un cri de douleur. Il blêmit.

- Désolé, désolé, désolé !

- C'est bon, ça va... assura-t-elle dans un souffle haché.

- Bouge le moins possible, indiqua Will. J'arrive.

Il fit le tour de la camionnette et Nico se dirigea vers l'avant, laissant Lacy à l'arrière. Elle était sûrement la plus petite d'entre eux et Will allait avoir besoin de place.

Quand Connor s'installa derrière le volant, Nico remarqua alors le sang qui maculait son sweat-shirt. Il ne paraissait même pas en avoir conscience et se contenta de démarrer, puis il appuya à fond sur l'accélérateur. Nico fut projeté dans le fond de son siège et il entendit Lacy se cogner contre la portière derrière lui.

- Par les dieux, Connor, jura-t-il. Ralentis, tu vas nous faire rentrer dans un arbre.

- C'est toi qui a dit qu'on devait partir vite !

- Partir, pas finir dans le fossé ou arrêté pour excès de vitesse !

- J'ai besoin de stabilité, ajouta Will.

Aussitôt, la voiture ralentie. Avec un soupir de soulagement, Nico se retourna légèrement pour jeter un coup d'œil par-dessus son dossier. Il découvrit le dos de Will qui était agenouillé entre les sièges. Il essayait visiblement de se mouvoir dans l'espace réduit que la camionnette lui accordait, sa trousse de secours posée devant lui. Comme à chaque fois qu'il se mettait en mode « docteur », Nico fut impressionné par son calme et son expression déterminée. Il n'y avait pas une once d'hésitation en lui.

- Ok, on va commencer, annonça-t-il à Lou Ellen. Prête ?

- Hum hum...

- Je vais essayer de faire le plus vite possible, mais il va falloir que je désinfecte la plaie après avoir enlevé le poignard. Ça va faire un peu mal.

- Je m'en doutais, avoua-t-elle d'une voix blanche.

Ses yeux commençaient à être vitreux et Nico sentit sa force vitale vaciller. Elle n'était pas en danger de mort, pas encore, mais elle n'était pas non plus en bonne santé. A côté de lui, Connor serrait le volant à s'en faire blanchir les jointures.

- C'est parti, dit Will. Promis, je te donne une sucette à la fraise à la fin.

Lou Ellen émit un rire étouffé.

- Merci doc' !

Mais son sourire ne dura pas longtemps. Nico ne put détacher son regard alors que Will levait la main et enroulait ses doigts autour de la garde du poignard. Il parut compter jusqu'à trois dans sa tête, puis il le retira d'un mouvement sec et fluide. Tout le monde tressaillit au cri de douleur de Lou Ellen.

- Respire, conseilla Will.

Il fit mine de prendre une grande inspiration, puis expira longuement, comme pour lui montrer l'exemple. Lou Ellen l'imita. Il hocha la tête, satisfait, et sortit un flacon de désinfectant de sa trousse. Nico l'avait assez aidé à l'infirmerie pour le reconnaître.

- Très bien, maintenant on va voir la plaie. Je peux... ?

Il agita la main au-dessus de son corps. Nico se demanda ce qu'il faisait avant de voir les joues de Lou Ellen prendre une teinte rosée.

- Ce n'est pas pire que quand je m'étais pris une flèche dans la cuisse et que t'avais dû me soigner parce que Kayla n'était pas là, plaisanta-t-elle. Vas-y.

- Grand moment, lui accorda Will.

Sans hésiter, il écarta les bords de sa veste en jean noire, puis il souleva son chemisier vert qui lui collait à la peau à cause du sang, révélant la plaie et la courbe de son soutien-gorge. Lou Ellen siffla de douleur et Nico se détourna pour fixer à nouveau la route et lui laisser un peu d'intimité, les joues sûrement aussi rouge qu'elle. Connor ricana.

- T'aurais préféré que ça soit Will qui tombe la chemise, Di Angelo ? Se moqua-t-il.

Nico devint rigide et il était sûr que la rougeur s'était étendue à tout son visage. Il décocha un regard noir à Connor, à tel point qu'il en perdit son rictus moqueur et déglutit. A l'arrière, Lou Ellen intervint :

- Si tu sais que je n'ai plus ma chemise, c'est que tu as regardé dans le rétro, espèce de pervers ! Lança-t-elle, même si ses mots ne contenaient aucune colère. Garde les yeux sur la route, Alatir !

Avec satisfaction, Nico vit Connor s'empourprer. « Bien fait », pensa-t-il alors que Lacy et Will riaient. Après cela, ils laissèrent Will se concentrer et ils retombèrent dans le silence. Seuls les brefs gémissements de douleur de Lou Ellen le brisaient, mais Nico les ignora du mieux qu'il put.

Il fixa son attention sur l'asphalte qui défilait devant eux et il se demanda soudain où ils allaient. Pour l'instant, sûrement nulle part, et Connor se contentait de rouler au hasard pour aller le plus loin possible. Le roulis de la voiture berçait presque Nico et il sentit ses yeux papillonner, lourds. Contrairement aux autres, il n'avait pas subi d'intrusion dans son esprit de la part de Mélinoé, mais ça n'empêchait pas le contre-coup de se faire ressentir. Il aurait sûrement pu s'endormir si Connor n'avait pas repris la parole quelques minutes plus tard :

- Juste les gars... On va où exactement ? Que je sache quelle direction prendre.

- Mélinoé a dit qu'on devait se rendre dans les terres des magiciennes, se souvint Lou Ellen. Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Aucune idée, mais pour l'instant on ne va pas voyager cette nuit. Il faut que tu reprennes des forces, affirma Will de sa plus belle voix de docteur.

- Alors quoi ? On cherche un hôtel ? On dort dans la camionnette ?

A cette simple idée, Lacy grogna. Nico ne dit rien, mais il n'en pensait pas moins. La camionnette ne devait déjà pas être confortable en elle-même, mais s'y empiler à cinq allait être un enfer. Et aucun hôtel ne semblait se trouver aux alentours. De part et d'autre de la route, il ne voyait que des champs et ils avaient traversé la dernière ville il y a trente minutes au moins.

- J'ai peut-être une idée, avoua Will.

Il se passa une main dans les cheveux pour repousser ses boucles dorées et attrapa sa gourde de nectar à ses pieds avant de la tendre à Lou Ellen.

- On est où exactement ?

- Quelque part dans le New Jersey, répondit Connor, l'air incertain. Attends, le panneau de la dernière ville c'était... euh...

- Bloomsburry, dit Nico.

- C'est ça !

Will hocha la tête.

- Alors on n'est pas loin, je crois. Ma mère a un appartement qu'elle loue à Harmony. Je pense que ça ne la dérangera pas si on y passe la nuit.

- A Harmony ? Répéta Lou Ellen, perplexe. Mais je croyais que vous habitiez au Texas. Je sais que vous habitez à Austin même !

Elle semblait remettre toutes ses connaissances sur son ami en question et mordit dans son bout d'ambroisie, déboussolée. Nico lui-même était perdu. Il avait assez vu Will avec son stupide t-shirt jaune avec inscrit « Tout est plus grand au Texas » pour savoir qu'il y habitait quand il n'était pas à la Colonie.

- C'est vrai, convint Will en souriant. Notre maison au Texas est celle principale, mais ma mère a loué cet appart il y a quelques années quand mes séjours à la Colonie ont commencé à être plus longs. Ça lui permettait de venir me voir les week-ends si elle n'était pas en tournée ou quelque part dans le pays pour jouer sa musique, et moi ça me permettait d'y être en à peine une heure plutôt que de devoir prendre l'avion pour rentrer. (Il rangea l'ambroisie et le nectar, puis déroula une bande de pansement à gaz). En vrai, l'appartement est vide les trois quarts de l'année, mais il est pratique.

- Bien pensé, approuva Lacy. Mais pourquoi le New Jersey ?

- T'as vu les prix de l'immobilier à New York ? Rit Will. On n'allait pas mettre autant pour un appart secondaire.

- Moi ce que je retiens surtout, dit Lou Ellen, c'est que ta mère et toi avez un appart à Harmony. Pour un fils d'Apollon, je trouve l'ironie certaine !

- Bon donc on va là-bas ? S'assura Connor. Je prends la prochaine sortie ?

Ils acquiescèrent tous.

- Will, guide-moi quand on sera plus très loin. Parce que ton copain est nul comme co-pilote !

- Eh ! S'indigna Nico. C'est faux !

Connor coupa court à ses protestations en allumant l'autoradio. Il ne reconnut pas la chanson – mais il avait de sérieuses lacunes en musique moderne – et tout le monde retomba dans le silence à nouveau. Nico posa sa tête contre la vitre fraîche. Ça lui faisait encore étrange d'être appelé comme ça. « Le copain de Will ». Il avait eu pas mal de surnom au fil des ans : ceux de son enfance sûrement, dont il se rappelait à peine, mais que sa mère avait dû utiliser pour lui ; le petit frère agaçant et énergique ; le fils d'Hadès ; le Roi Fantôme ; l'Ambassadeur de Pluton... Mais être simplement le copain de Will, c'était nouveau et il ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais l'entendre à voix haute provoquait une chaleur diffuse au creux de son ventre.

Pour éviter que les autres ne distinguent ses joues rouge, il se tourna un peu plus vers la fenêtre et laissa son esprit vagabonder. Presque immédiatement, l'image de Mélinoé lui revint sans qu'il puisse l'arrêter. Pour une déesse des cauchemars, elle faisait bien son job. Il repensa à l'expression d'horreur des autres quand Mélinoé les avait mis face à eux-mêmes, à leur peur et à leur dualité. Il déglutit. Il se demanda ce qu'elle avait voulu dire par le fait que Will avait des fantômes vivants et morts. Dans le fracas du combat avec les Propétides, il avait eu du mal à entendre distinctement l'échange entre Will et Mélinoé, mais il avait vu son visage en ressortant de la brume. Il se promit de lui en parler quand ils arriveraient.

- Prends la direction du centre-ville, Connor, indiqua soudain Will.

- Par les dieux, tu me préviens en avance ? J'en pleure presque de joie.

- C'est bon, bougonna Nico. On a compris.

Connor eut simplement un rictus et tourna le volant en sifflotant l'air à la radio. Puis, soudain plus sérieux, il leva les yeux vers le rétroviseur.

- Comment tu te sens, Lou ?

- Mieux, dit-elle. Ça tire encore un peu, mais ça va. Merci Will.

- A ton service !

Nico osa se retourner à nouveau. La chemise de Lou Ellen était à nouveau en place et sa peau avait repris des couleurs. Will, lui, était toujours à genoux entre les deux rangées de sièges pour lui laisser la place de s'allonger en partie. Il avait les mains tâchées de sang. En suivant le regard de Nico, il parut d'ailleurs s'en rendre compte et grimaça.

- Pas mon meilleur look, commenta-t-il.

- Désolée, marmonna Lou Ellen.

- Tu t'es fait poignarder par une femme cannibale, rétorqua Connor. Je pense que tu n'as rien à te faire pardonner, Lou. (Il s'arrêta à un feu rouge). Par où, Will ?

- A droite. Et après la prochaine à gauche. Ça sera l'immeuble blanc à l'angle.

- Noté !

Nico détailla les alentours. La ville d'Harmony n'était pas grande. C'était tout ce qu'il attendait d'une petite ville perdue dans le New Jersey, à mi-chemin entre la vaste et sauvage campagne américaine et le cœur bourdonnant de New York à seulement quelques heures de route. La lumière artificielle des lampadaires éclairaient la route et jetaient des ombres sur le bas-côté. Nico pouvait les sentir se mouvoir et il savait qu'il lui suffirait de « tirer » sur ses pouvoirs pour qu'elles se meuvent, se glissent dans la voiture et l'enveloppent totalement. Pourtant, il ne fit rien. Les ombres pouvaient bien rester où elles étaient pour ce soir, ça éviterait au moins une crise cardiaque à Will.

Fatigué, Nico se frotta les yeux et jeta un coup d'œil à l'horloge sur le tableau de bord. Il était minuit passé, presque une heure du matin. Lorsqu'il se retourna à nouveau, il remarqua Lacy qui dormait, la respiration lente et calme. Will sourit.

- Je crois que la première journée de quête l'a épuisé, murmura-t-il.

- En même temps, elle a dû subir le karaoké de Connor.

- Eh ! Fais attention à toi, Di Angelo ! S'écria le concerné.

Lou Ellen éclata de rire alors que la camionnette ralentissait. Le bruit réveilla Lacy.

- Qu'est-ce que... ? Balbutia-t-elle.

- On est simplement arrivés, rassura Will.

- Oh !

Elle cligna des yeux, déboussolée, et Nico fut frappé par son air juvénile. Ils ne devaient pourtant avoir que quelques années d'écart, trois tout au plus, mais il se sentait infiniment plus vieux que Lacy. Ne sachant pas quoi faire de ce constat, il ouvrit sa portière pour éviter d'y penser. Il sauta à terre.

En face de lui, un immeuble blanc de quatre étages se dressait. Tous les stores ou les volets étaient tirés et Nico fut rassuré : moins de chance de se faire voir par des voisins. Il ne voulait pas que la police débarque après avoir reçu un appel pour cinq jeunes étranges en pleine nuit dont l'un avait un sweat couvert de sang et l'autre les mains ensanglantées.

- C'est ici ? Demanda Connor en avisant l'immeuble d'un œil critique.

- Quoi ? Tu t'attendais à mieux ?

- Je sais pas... Ta mère est pas censée être, genre, hyper connue ?

Nico fronça les sourcils. Il avait entendu parler de Naomi Solace par Will évidemment et il savait qu'elle était chanteuse, ce qui rendait son emploi du temps souvent compliqué, et que sa voix avait réussi à attirer Apollon lui-même. Il ne savait en revanche pas qu'elle était censée être « hyper connue », mais après tout sa culture musicale était loin d'être à jour.

- Je crois que tu surestimes un peu, s'amusa Will. Elle est reconnue dans le milieu de la country surtout. Et son heure de gloire était il y a une dizaine d'année. (Il se figea, sa trousse de secours à l'épaule, et prit une expression faussement horrifié). Ne lui dis jamais que j'ai dit ça. Si elle demande un jour, elle est l'équivalent de Lady Gaga.

- Promis !

Nico ne prit même pas la peine de demander qui était Lady Gaga. Au lieu de ça, il tendit la main à Lou Ellen pour l'aider à sortir de la voiture et elle s'appuya lourdement sur lui. Malgré sa difficulté de mouvement, elle paraissait aller bien mieux : elle tenait debout, son teint avait retrouvé sa couleur normale et elle ne criait plus de douleur à chaque pas. Connor se matérialisa en face d'elle immédiatement.

- Tu te sens bien ?

- Tu vas me le demander toutes les deux minutes ? Se moqua-t-elle, même si Nico voyait qu'elle était touchée. Mais oui, promis. Will a bien fait son boulot.

- Vous en doutiez ? Lança celui-ci.

- Jamais !

Will sourit et plongea les mains dans ses poches, sûrement pour les cacher, puis il leur fit signe du menton de le suivre. Massés les uns contre les autres, ils montèrent les escaliers de l'immeuble et Nico veilla à surveiller les alentours. Il ne tenait pas à se faire surprendre à nouveau par un monstre aujourd'hui.

Après avoir tapé le code, Will s'engouffra dans le hall et ils lui emboîtèrent le pas. Ils n'eurent même pas à monter les étages car il se dirigea directement vers une porte au rez-de-chaussée. Planté devant la porte, il fronça le nez, l'air embarrassé.

- J'y avais pas pensé mais...

- Laisse-moi deviner, dit Nico, tu n'as pas les clés ?

- Je n'avais pas prévu de venir ici ! Se défendit-il.

- Mais alors, comment on entre ? Demanda Lacy.

D'un même mouvement, Nico, Will et Lou Ellen pointèrent Connor du doigt sans même se concerter. Un sourire d'enfant terrible se dessina sur ses lèvres et il fit craquer ses jointures.

- Laissez-moi la place ! On sera à l'intérieur dans moins d'une minute.

Nico se poussa pour laisser Connor s'agenouiller devant la serrure. Le visage crispé par une expression concentrée, il sortit de sa poche de jean une petite tige en fer qu'il dédoubla et glissa dans le trou. Il se mit à la tourner dans tous les sens et même si ses gestes avaient l'air arbitraire, Nico savait qu'il pouvait presque sentir le mécanisme de la serrure. Un jour, il lui avait demandé comment fonctionnait ses pouvoirs et le fils d'Hermès lui avait répondu qu'il ne savait pas vraiment comment l'expliquer, mais il pouvait parfois sentir la meilleure façon d'arriver à ses fins. A le voir maintenant, Nico n'en doutait pas.

- J'y suis presque, marmonna-t-il, dents serrées. Encore quelques tours et...

Connor n'eut pas le temps de terminer sa phrase, ni son effraction de porte. Brusquement, le battant s'ouvrit devant lui et il manqua de perdre l'équilibre, surpris. Nico recula d'un pas, son épée déjà levée, mais il ne découvrit qu'une femme d'âge moyen dans l'encadrement de la porte. Les autres laissèrent échapper un cri de surprise étouffé. Pendant une seconde, Nico crut qu'ils s'étaient trompés d'appartement et que la femme allait appeler la police sur le champ, mais Will s'écria alors :

- Maman ?

- Will !

- Quoi ? S'exclama Connor.

Nico rabaissa son épée, stupéfait. Devant lui se tenait Naomi Solace.  

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Et voilà ^^ Chapitre un peu plus court que les autres comme il joue plus un rôle de transition, mais ça m'a fait plaisir de l'écrire! 

On se retrouve dans deux semaines, lundi 3 mai ! 

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