Chapitre 16 - Le temps des aveux
Salut ! Je poste ce soir car demain je pars en vacances et je serai donc en voiture toute la journée. J'espère vraiment que ce chapitre vous plaira parce que ça a sûrement été mon préféré à écrire, vraiment il me tient à coeur !
Sinon, petite interlude du jour : la médaille d'or en escrime !!! Rahhh trop contente ! Pareil pour celle de judo hier. Vraiment les médailles par équipe elles font plaisir !
Allez bonne lecture ^^
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Chapitre 16 : Le temps des aveux
- Nico ! Nico, attends ! Par les dieux, ralentis !
Slalomant entre les passants, Will manqua de rentrer dans une vieille dame et fit un écart au dernier moment pour l'éviter, elle, son chariot de courses, et son air indigné.
- Pardon, madame... balbutia-t-il avant de se rappeler brusquement qu'il était à Rome. Je veux dire... euh... pardonne me, tenta-t-il dans un italien approximatif.
- « Mi scusi », corrigea Nico par-dessus son épaule avec consternation. Sérieusement, l'italien est pas censé être la langue de l'art ?
- Les enfants d'Apollon ne parlent pas italien, l'art est universel.
- L'amour aussi, non ? rétorqua-t-il. Ca n'empêche pas les enfants d'Aphrodite de parler le français parce que ça serait le langage de l'amour.
Nico n'attendit même pas de réponse. Il se remit à marcher à grandes enjambées et Will jura en se lançant à sa poursuite. Pour quelqu'un qui faisait dix centièmes de moins que lui, il était rapide et difficile à suivre. Il supposait que Nico avait juste l'habitude de fuir.
- Nico, tu vas aller jusqu'au bout de Rome comme ça ou quoi ? héla-t-il. Arrête-toi deux secondes ! On doit trouver un hôtel et un repas pour ce soir !
- Non, refusa-t-il en faisant volte-face si vite que Will manqua de lui rentrer dedans. J'ai juste besoin de marcher. Parce que sinon, je vais dire quelque chose que je regrette !
- Quoi ? Tout ça parce qu'on n'a pas voulu que tu participes à la mission pour trouver les Dactyles ? C'était du bon sens, Nico ! (Apaisant, il tenta de lui prendre la main, mais il se dégagea. Will tenta d'ignorer le pincement de son cœur). S'il te plaît... Tu as juste besoin de te reposer. Tu n'es pas invincible, le combat contre Phobos et Deimos a été...
- Je vais bien ! coupa Nico avec force. Tu peux le comprendre, ça ? Ou comme d'habitude tu penses avoir besoin de me réparer ?
Immédiatement, Will sentit son corps se raidir. Le coup étais bas. Il savait qu'il pouvait avoir tendance à être surprotecteur, c'était une sorte de déformation professionnelle, mais Nico l'accusait simplement d'être injuste envers lui et de ne le voir que comme quelque chose de brisé. Inspirant profondément, il encaissa le coup et se calma avant de répondre :
- Il n'y a rien à réparer, Nico, je n'ai jamais dit ça. S'il te plait... Est-ce qu'on peut trouver à manger pour ce soir et un lieu où dormir ? On parlera ensuite, promis.
- Pas la peine, cingla-t-il d'un air revêche. On n'a pas besoin de parler. (Il commença déjà à se détourner). Viens, on va trouver un supermarché. Ton italien est une catastrophe, je m'en occupe.
Will n'insista pas. Le milieu d'une avenue passante n'était pas un endroit convenable pour ce genre de conversation et il savait qu'il n'obtiendrait rien de Nico dans cet état. Sans un mot, il lui emboîta le pas et veilla à rester à sa hauteur pour ne pas le perdre dans la foule de Rome. La capitale italienne était encore en plein mouvement à cette heure-ci : des familles circulaient dans les rues, des hordes de touristes se pressaient en terrasse des restaurants et des travaillaient pressaient le pas pour rentrer chez eux. Au milieu de toute cette agitation, Will peinait à saisir tous les bruits qui lui parvenaient mais ils distinguaient au moins trois ou quatre langues, des bruits de circulation et des Italiens qui se disputaient devant un match de foot retransmis en plein air. En bon américain qu'il était, il avait du mal à en comprendre vraiment les règles. Il aurait aimé s'arrêter quelques minutes et jouer au touriste, mais Nico marchait toujours comme si une horde de titans en colère le poursuivait. A moins que ça ne soit lui qui poursuive une horde de titans en colère pour se défouler. Dans tous les cas, il diffusait autour de lui une sorte d'aura menaçante et glaçante, à tel point que les gens s'écartaient sur son passage.
Heureusement, au bout d'une dizaine de minutes, Nico arrêta sa course folle dans Rome et s'engouffra dans un supermarché de ville. Contrairement à Will, il n'avait pas besoin de regarder les images sur les sandwichs pour en comprendre les étiquettes et il en attrapa une dizaine sans même hésiter avant de les lui donner sans un regard pour qu'il les mette dans son sac à dos.
- Lacy est végétarienne, rappela-t-il par acquis de conscience.
- Je sais.
Pas un mot de plus. Will grimaça et ne chercha même pas à tenter d'arrêter Nico. Il le laissa prendre les boissons, plusieurs paquets de chips et même des paquets de bonbons sans protester. Le médecin en lui s'horrifiait devant un repas si peu équilibré, mais il supposait qu'il avait déjà de la chance que Nico ne soit pas allé dévaliser un McDonald.
Arrivé en caisse, il se mit à chercher l'argent que Chiron lui avait donné spécialement pour la quête. Alors qu'il débattait avec lui-même pour savoir si les Italiens acceptaient les dollars, Nico tendit le bras devant lui et donna une carte bleue à la caissière. Il loucha dessus. Noire et dorée, la carte avait le symbole d'un chien tricéphale gravée au dos.
- Nico...
- Cadeau de mon père, expliqua-t-il laconiquement.
- Mais...
- Quoi ? Tu veux perdre du temps à aller trouver un bureau de change ? Ils ne prendront que les euros ici.
Dans un souffle, Nico marmonna quelque chose qui ressemblait de façon suspicieuse à « les Américains » sur un ton désobligeant et Will le fusilla du regard pendant que la caissière souriait d'un air entendu. Avec dignité, il récupéra leurs achats et sortit du magasin, tête haute. Le passage dans le magasin ne leur avait même pas pris dix minutes.
Sans attendre, ils reprirent leur déambulation à la recherche d'un hôtel. Tout en marchant, Will espéra que les autres allaient bien. Il n'aimait pas l'idée de les avoir laissés seuls, surtout avec Lacy qui ne maîtrisait pas l'art du combat, mais il savait qu'ils étaient capables de se débrouiller. Techniquement du moins. De toute façon, il ne pouvait rien faire pour eux pour l'instant. Son rôle était de s'occuper de Nico et de s'assurer qu'il ne transforme pas un touriste en os à ronger pour Cerbère. Heureusement, avant qu'une telle chose puisse se produire, ils repérèrent un hôtel. Will n'avait pas besoin de parler italien pour le repérer, sa devanture était assez claire. Sans même avoir regardé les prix ou lui avoir demandé son avis, Nico traversa la rue vers l'entrée et il dut courir après lui pour le rattraper. Il songea une seconde à le retenir avant de franchir les portes, juste pour qu'ils évaluent leurs options, mais il avait mal au pied après avoir marché des heures dans le Labyrinthe et dans Rome. Cet hôtel ferait l'affaire.
Au comptoir, une femme au rouge à lèvres éclatant les accueillit avec un sourire avenant.
- Bonjour, dit-elle dans un anglais presque parfait. Que puis-faire pour vous ?
Will n'eut pas le temps de lui demander si elle avait des chambres de disponibles. Nico se lança dans une conversation en italien avec elle et il était persuadé qu'il faisait exprès de parler vite juste pour l'ennuyer. Perdu, il se contenta de patienter sur le côté en pianotant sur le comptoir. A un moment, il réussit à comprendre quelques mots, comme réservation et un chiffre qui devait être le prix avant que Nico ne ressorte sa carte bleue des Enfers. Visiblement, l'hôtesse d'accueil n'avait pas demandé leur âge.
- C'est bon ?
- Oui. On a deux chambres attenantes pour une nuit. J'en avais demandé trois, mais on n'aurait pas été au même étage et je pense qu'on a assez été séparés comme ça, non ?
Le mordant dans le ton de Nico ne lui échappa pas. Sans rien rétorquer, il se contenta d'hocher la tête, puis ils se dirigèrent vers les ascenseurs dans un silence pesant. A l'intérieur de la cabine, une musique d'ambiance qui ressemblait à un air d'opéra rendait la situation encore plus improbable et Will ne put s'empêcher de penser à l'ascenseur de l'Olympe. Il ne l'avait jamais emprunté, mais Percy lui avait un jour raconté les musiques horribles qui y passaient. Est-ce qu'Apollon était responsable des musiques d'ascenseur dans le monde ? S'il le rencontrait un jour, il veillerait à lui demander.
Dès qu'ils sortirent dans le couloir, Will songea à Shining. L'hôtel n'avait pourtant pas grand-chose à voir avec celui du film, mais la moquette et le style extravagant, très européen selon son point de vue, donnait un air cinématographique à l'ensemble. Leur chambre portait le numéro 13 et celle d'à côté le numéro 14.
- Tu l'as fait exprès ? demanda-t-il, amusé. Numéro 13 comme ta cabine ?
- Peut-être bien...
Le coin de la bouche de Nico se releva en un rictus pendant une courte seconde, puis il inséra la clé magnétique dans la serrure. Will entra derrière lui. La chambre était classique : deux lits simples, un bureau, et un style épuré malgré des rideaux cramoisis et un papier peint couleur pêche vieillissant.
- La chambre d'à côté a un lit d'appoint supplémentaire, précisa Nico sans se retourner. Tu devrais envoyer l'adresse aux autres.
Et, sans cérémonie, il se laissa tomber sur le lit près de la fenêtre. Will déposa plus précautionneusement son sac à dos sur le sien et sortit son téléphone portable à clip. Retenant son souffle, il l'alluma le temps de taper l'adresse et de l'envoyer à Lou Ellen avant de l'éteindre en moins d'une minute. Sur ses gardes, il alla malgré tout vérifier qu'aucun monstre ne s'était matérialisé dans la rue en bas, mais rien ne sortait de l'ordinaire. Pour l'instant du moins...
Non, pour l'instant Will avait autre chose à gérer. Carrant les épaules, il se retourna, prêt à enfin confronter Nico.
- Eh, je me disais qu'on pourrait peut-être...
Mais Nico n'était plus sur son lit. Il n'eut le temps que de voir sa silhouette disparaitre dans la salle de bain avant que la porte ne se referme sur lui et Will resta planté sur place, pris au dépourvu. Il ne put s'empêcher de ressentir comme un coup à l'estomac. Il n'était pas étranger aux sautes d'humeur de Nico, ni à tendance à broyer du noir parfois, mais il n'avait plus l'habitude qu'il se retranche complètement en lui-même. Depuis quelques semaines, il avait eu l'impression qu'ils avaient fait des progrès sur ce point, mais il supposait que tout ne pouvait pas continuer à s'améliorer sans qu'il y ait quelques rechutes sur le chemin.
Défait, il s'allongea sur son lit et roula sur son côté droit. Son corps se détendit immédiatement. Il n'avait pas eu conscience de la tension dans ses épaules avant de pouvoir enfin se reposer. Le Labyrinthe l'avait éprouvé plus qu'il n'avait bien voulu l'admettre, sûrement comme les autres. Pour la première fois, il avait compris pourquoi le réseau souterrains de Dédale avait aussi craint. Il procurait un sentiment de perdition et de solitude insupportable. Si Will y avait déambulé sans ses amis, il n'était pas sûr qu'il en serait ressorti. Pour la énième fois depuis que Lou Ellen avait fait littéralement émerger l'entrée du Labyrinthe depuis les profondeurs de la terre, il songea à Nico âgé d'à peine onze ans qui errait dans ses couloirs, des spectres et des fantômes marchant dans son sillage. Son esprit avait toujours réussi à conjurer des images vivaces, legs des dons artistiques et prophétique de son père, et c'était dans ce genre de moment qu'il aurait aimé ne pas en hériter. Alors qu'il fermait les yeux, il vit Nico, plus jeune qu'aujourd'hui. Son corps était mince – trop mince – et englouti dans une veste d'aviateur. Il avançait d'un air déterminé, son visage vide d'expression tandis que son épée en fer stygien traînait presque sur le sol, laissant un sillon noir dans la terre. Une aura brumeuse, sombre et évanescente, émanait de lui. Le pire était sans doute ses yeux. Creusés, hantés... Ils brûlaient d'une colère qui fit monter la nausée au creux de son ventre.
Pris dans sa vision, Will sursauta en entendant la porte de la salle de bain s'ouvrir et il se redressa brusquement. Nico s'avança dans la pièce. Il s'était changé et portait un jogging foncé avec un simple t-shirt noir. Ses cheveux, encore humide, lui retombaient sur le front. Il avait l'air en meilleure santé que le petit garçon de sa vision : ses épaules étaient plus larges, son teint moins pâle. Mais la colère demeurait. Et cette colère lui était insupportable parce qu'il savait qu'elle était en partie dirigée contre lui. Hésitant, il s'assit au bord de son lit et fit un geste apaisant.
- Nico...
- On n'est pas obligés de parler, le coupa-t-il, sec. Les autres ne vont pas tarder à nous rejoindre, on pourra élaborer un plan à partir de là. Pour l'instant on ferait mieux de se reposer.
Adossé au cadre de lit, Nico croisa les bras sur son torse, les yeux rivés sur le mur d'en face. Will serra les dents.
- Arrête de faire l'enfant, s'agaça-t-il finalement, je veux juste parler. S'il te plait.
- Que j'arrête de faire l'enfant ? répéta Nico en tournant la tête vers lui, un grondement sourd coincé dans la gorge. Si tu voulais vraiment ça, tu arrêterais de me traiter comme un enfant.
- Quoi ? N'importe quoi ! Ecoute, on a juste refusé que tu participes à la mission des Dactyles parce que c'était risqué. Tu dois apprendre à te mettre des limites, Nico. Tu venais d'affronter deux dieux mineurs bon sang ! Et si je t'avais laissé faire, tu nous aurais fait sortir du Labyrinthe en vol d'ombre !
- Parce que j'en étais capable !
- Non ! contra Will, frustré. Non, Nico ! Tu n'en étais pas capable. Le vol d'ombre n'est pas un pouvoir anodin, tu matérialises et dématérialises littéralement ton corps !
- Je suis un fils d'Hadès, Will, cingla-t-il avec une pointe de dédain. Les ombres font partie de mes pouvoirs et ce n'est pas parce que tu ne comprends pas comment...
- Je comprends très bien, espèce d'idiot ! Ca ne veut pas dire que ce n'est pas dangereux ou que tu ne forces pas trop au risque de te mettre en danger. Comme tu le fais à chaque fois !
Sa voix dérailla à la fin de sa phrase et il vit Nico serrer les poings le long de son corps en réponse. Assis face à face sur le bord de leur lit, ils n'étaient séparés que par quelques centimètres et Will pouvait voir la fureur imprégner le regard de son petit ami. Mais pour une fois, il ne recula pas.
- Ce n'est même pas si dangereux, Will, tu exagères ! Arrête de vouloir tout contrôler !
- J'exagère ? Moi j'exagère ? s'indigna-t-il. Très bien, tu veux qu'on parle de ta blessure à l'épée il y a deux semaines ? Celle qui t'as valu presque cinq points de suture seulement après que je t'ai traîné à l'infirmerie ?
- C'était juste pendant un entraînement, il n'y avait aucun risque !
- Oh alors tu veux que je te rappelle la fois où tu as disparu pour filer un « coup de main » à Travis pendant une semaine entière ? Sans rien me dire ?
- C'était pas prévu et tu le sais très bien...
- Tu étais censé partir t'entraîner à l'arène, Nico ! Une fichue heure, pas plus ! Mais non, il a fallu que tu suives Connor pour aller jouer au héros et retrouver Travis. S'il ne m'avait pas envoyé un message-Iris...
- Mais il l'a fait ! hurla-t-il. Il l'a fait, je suis rentré et tout allait bien !
- Ce qui ne m'a pas empêché de m'inquiéter pendant une semaine ! Exactement comme toutes les fois où tu pars aux Enfers !
- Les Enfers qui sont le royaume de mon père, imbécile ! Il n'y aucun risque !
C'était un mensonge éhonté, ils le savaient tous les deux. Une fureur telle qu'il n'en avait jamais ressenti pressa soudain contre la poitrine de Will. Pendant une seconde, il résista à l'envie de saisir Nico par le revers de son t-shirt pour le secouer brutalement.
- Comme il n'y avait aucun risque à ce que tu transportes l'Athéna Parthénos depuis la Grèce ? rappela-t-il, venimeux. La Grèce, Nico !
Aussitôt, le visage de Nico se ferma.
- C'est un coup bas, articula-t-il à travers sa mâchoire contractée. Tu sais très bien que c'était essentiel pour vaincre Gaïa. Je n'avais pas le choix...
- Comme à chaque fois, répliqua Will. Parce que tu ne te fais jamais passer en premier, il y a toujours des causes plus importantes.
- Flash info, Will, c'est la vie de demi-dieux ! C'est juste comme ça. Je ne te vois pas faire le même discours à Percy !
Ce fut la goutte de nectar en trop. Quelque chose au creux de son ventre craqua soudain.
- Percy, évidemment, le héros absolu, cracha-t-il en sentant des larmes furieuses s'accumuler contre ses paupières. Tu sais quoi, Nico ? Excuse-moi de ne pas être comme Percy. Non plutôt, excuse-moi de ne pas être Percy ! Je sais que je ne suis pas celui qui va se jeter à corps perdu dans une bataille ni mettre sa vie en danger au mépris de la raison. Pourquoi ? Parce que c'est moi que vous venez voir ensuite ! C'est moi qui soigne toute la Colonie au moindre problème ! Tu n'as aucune idée de ce que c'est ! Tu n'as aucune idée de ce que ça fait de devoir rester assis à côté d'un gamin qui agonise parce que sa jambe a presque été arrachée pendant un entraînement. Il aurait juste suffit de faire attention, mais non. La vie de héros demande des sacrifices. Peu importe les conséquences puisque ce bon vieux Will sera là derrière pour réparer les dégâts. (D'une main tremblante, il tira sur ses boucles blondes et laissa sa fureur enfin jaillir de sa poitrine). Tu n'as aucune de ce que c'est, Nico, répéta-t-il d'une voix tranchante. J'ai dû tenir ta main cet été alors que tu te dissolvais littéralement dans les ombres. J'ai mis toutes mes formes pour te retenir... J'ai veillé nuit et jour. Et malgré ça, tu continues à voyager par les ombres comme si c'était insignifiant. Comme si ta vie était insignifiante et que tu ne t'évanouissais pas presque à chaque fois. Ou est-ce qu'on va continuer à ignorer le fait que les seules fois où tu arrives à dormir, vraiment dormir, ce sont les jours où tu t'épuises littéralement à cause de ça ? Et tu sais pourquoi, Nico ? Parce que tu manques de te tuer bordel ! Et moi je dois juste regarder. Mon pouvoir de guérison n'est pas illimité ! Je ne peux pas... je ne peux aider tout le monde et je ne peux pas faire en sorte que tu commences à te sourcier de ce qui t'arrives. Je vois que ça ne va pas, je ne suis pas aveugle ! Peu importe qui est Bryce Lawrence, t'étais visiblement terrifié par lui, mais comme d'habitude tu ne m'en as pas parler ! Et ça me fruste à un point que tu ne peux même pas imaginer ! (A ce point, Will sentit sa gorge se fermer et il dût prendre une inspiration tremblante avant de continuer, refusant de laisser à Nico la possibilité de le couper maintenant que le flot de paroles se libérait enfin). Tu sais pourquoi je ne dis pas la même chose à Percy ? Parce que pour une raison idiote et inconnue, je me soucie de ce qui t'arrives à toi ! Alors que toi justement tu sembles ne rien en avoir à faire, mais moi je m'en soucie ! Donc s'il te plait, Nico, est-ce que ça serait trop demander juste pour une fois que tu penses à toi, aux gens qui t'aiment, et que tu ne fasses pas la tête parce qu'on t'a demandé de rester en arrière une foutue heure ? Hum ?
La fin de sa tirade laissa soudain Will le souffle court et il se sentit presque étourdi à cause du sang qui lui battait les tempes. Ses poings étaient serrés si fort que ses ongles lui rentraient douloureusement dans les paumes, mais il était trop crispé pour les rouvrir. Le corps tremblant de colère, il planta ses yeux dans ceux de Nico. Le fils d'Hadès le dévisageait, sans expression. Ce constat fit gonfler un peu plus la colère en lui. Ce n'était pas comme s'il venait d'exprimer toutes sa peur et sa rage devant lui. Mais Nico était passé maître du contrôle de ses émotions et Will eut soudain envie qu'il réagisse. Qu'il lui montre qu'il comprenait tout ce qu'il venait de lui dire. Pourtant, Nico resta obstinément silencieux.
Furieux, Will se leva d'un bond.
- Tu sais quoi ? dit-il, vibrant presque de fureur. Va te faire voir !
Et sans un regard en arrière, il contourna les lits et traversa la pièce pour aller s'enfermer dans la salle de bain. La porte claqua dans son dos avec un bruit retentissement, comme un glas final. Aussitôt, ses jambes le lâchèrent. Il se laissa glisser contre le battant, un sanglot étouffé dans la gorge et il ramena ses genoux contre sa poitrine. Il était épuisé. Vidé de son énergie. Il avait l'impression d'avoir affronté Deimos et Phobos dix fois d'affilé. Il ne comprenait pas comment Nico ne pouvait pas comprendre. Ou alors Will venait juste de se ridiculiser en lui montrant qu'il l'aimait alors même que la réciproque n'était pas aussi vraie qu'il l'avait cru... Cette simple pensée lui arracha un sanglot étouffé.
Dans un état second, il se releva, les jambes instables. Son reflet dans le miroir lui renvoya ses yeux rougis de larmes contenues et son teint pâle sur lequel ressortaient ses tâches de rousseur. Il se détourna. Le corps douloureux, il se déshabilla avant de se glisser sous la douche. L'eau brûlante le frappa et le sorti de sa transe. Mécaniquement, il attrapa le petit flacon de gel douche fourni par l'hôtel et commença à se laver. Son esprit s'éclaira. Il avait vraiment eu besoin d'une douche et il resta sûrement plus longtemps que nécessaire jusqu'à ce que sa peau soit fripée au bout des doigts. Quand il ressortit, la vapeur avait complètement envahi la salle de bain et recouverte le miroir d'une fille pellicule d'eau. Il préféra ne pas revoir son reflet.
Enroulé dans la serviette blanche immaculée de l'hôtel, il examina soudain ses bras et ses mains en les tendant devant lui. Rien ne sortait de l'ordinaire. Aucune lumière, pas même un faible rayonnement. Pourtant, il avait réussi à activer son pouvoir luminescent dans le Labyrinthe. Si les autres ne l'avaient pas aussi vu, il se demanderait sûrement s'il ne l'avait pas rêvé. Le phénomène ne lui était jamais arrivé. Il était guérisseur... Mais il supposait que les deux pouvoirs n'étaient pas si éloignés. Au moment où il s'était mis à briller, il avait senti la peur de Lacy à travers sa main qui agrippait la sienne avec force. Il avait tout simplement voulu chasser l'obscurité qui l'effrayait. Sur une inspiration soudaine, il ferma les yeux et tenta de se concentrer. Il repensa à la sensation qu'il avait éprouvé dans le Labyrinthe et tira en lui, comme il le faisait pour guérir les gens. Au fond de lui, quelque chose chauffa, mais il n'arriva pas à l'atteindre. Il força un peu plus, cherchant à atteindre la lumière qui sommeillait en lui, mais il n'arrivait pas à occulter le brume vaporeuse qui tournoyait autour de lui, ni la présence de Nico à seulement quelques mètres. Défait, il relâcha son souffle et rouvrit ses yeux.
Il prit soudain conscience qu'il avait froid et s'empressa d'enfiler ses vêtements, engourdi. Au moment de ressortir, il hésita pourtant une seconde. Peut-être qu'il valait mieux qu'il attende que Connor, Lou Ellen et Lacy reviennent, juste pour éviter un moment de tension désagréable. A peine l'idée eut-elle traversé son esprit qu'il se fustigea. Il pouvait bien affronter Nico. Il n'allait pas rester cacher dans cette salle de bain indéfiniment, surtout alors qu'il n'était pas en tort. Inspirant un grand coup, il ouvrit la porte.
Il trouva Nico au même endroit que tout à l'heure, à ceci près qu'il s'était tourné pour être face à la porte de la salle de bain. Dès qu'il l'entendit sortir, il releva la tête et Will se figea. Il portait toujours son expression indéchiffrable qui le mettait si mal à l'aise, mais il ne se détourna pas. Nico l'observa plusieurs secondes avant de soupirer.
- Will...
- Quoi ? Tu veux parler maintenant ?
- Je sais pas, est-ce que je peux en placer une cette fois ? rétorqua-t-il vivement.
Will tressaillit. Une boule chauffée à blanc dans la gorge, il s'avança jusqu'à venir se placer devant Nico. Debout face à lui, il pouvait le toiser de toute sa hauteur, mais son petit ami ne cilla pas. Il lui fit simplement un signe pour qu'il s'assoit à côté de lui et Will obtempéra. Il supposait qu'il pouvait bien écouter ce que Nico avait dire, ce qui n'empêchait pas la colère de déferler en lui pareille à des vagues frappant un rivage sans relâche. Pourtant, même sa colère ne pouvait pas couvrir son inquiétude : il remarqua les cernes sous les yeux de Nico, son teint blafard et sa fatigue. Il se retint malgré tout de faire le moindre commentaire et, décidant d'être le plus mature d'entre eux, tendit la main pour prendre celle de Nico dans la sienne. Pendant une horrible seconde, il fut persuadé qu'il allait se dégager – il ne savait vraiment pas ce qu'il aurait fait dans ce cas-là – mais Nico se contenta de serrer ses doigts entre les siens.
- Ok, on va faire ça bien, murmura Will. Plus de cris, plus de disputes. On s'écoute. Je suis désolé pour tout à l'heure... Je pensais ce que j'ai dit, s'empressa-t-il de préciser devant le regard entendu de Nico, mais ce n'était pas la bonne façon de le dire. J'étais juste...
Mort d'inquiétude, termina-t-il sans l'avouer à voix haute. Parce qu'elle était là, la vérité. Sous sa colère et sa frustration, il avait surtout peur de perdre Nico. Il avait même été terrifié. Il savait mieux que personne que la vie ne tenait qu'à un fil. Il connaissait le sentiment d'impuissance de tenir quelqu'un dans ses bras en sachant pertinemment que rien ne les retiendra sur terre. Il avait perdu des amis, des patients, des frères et des sœurs... Il n'avait en revanche jamais perdu quelqu'un qu'il aimait de la façon dont il aimait Nico. Et cette simple idée l'emplissait de terreur. Il ne supportait pas de ne pouvoir rien faire, de ne pas pouvoir aider...
- Je sais... dit Nico, résolu. Ou je crois que je sais... Mais je pense qu'il y a des choses qu'on doit se dire, Will.
- Je suis d'accord...
D'un geste nerveux, il tapota sa jambe du bout des doigts, comme pour évacuer un peu son énergie. Il mit ça sur le compte de son hyperactivité.
- Ce que t'as dit tout à l'heure, je ne comprends pas, lâcha soudain Nico, sourcils froncés.
- Tu... tu ne comprends pas ? répéta-t-il bêtement. Et moi qui pensais au moins avoir été clair...
- Non, mais je veux dire... Tu t'inquiètes, très bien. Tu t'inquiètes pour moi parce que tu t'inquiètes toujours pour tout, mais sérieusement, Will, tu exagères.
- J'exagères ? Tu penses vraiment ça ?
- Oui ! Parce que tu sembles oublier que je peux prendre soin de moi. Je sais me battre, je sais me fondre dans les ombres si la situation dérape, j'ai l'expérience des quêtes. Et toi, tu agis comme si... comme si j'étais Lacy par les dieux !
Will soupira. Las, il se passa une main sur le visage avant de répondre :
- Et tu ne crois pas que si je me soucis de toi, peut-être plus que les autres, c'est justement parce que t'es mon copain ? (Il se permit un sourire ironique, juste pour détendre l'atmosphère). S'il t'arrives quelque chose, je vais devoir en chercher un nouveau, ça sera long... Franchement je préfère m'épargner ça.
Sa tentative d'humour eu le mérite d'arracher un rictus à Nico qui rit en secouant la tête.
- Tais-toi, Solace, marmonna-t-il, une touche d'amusement dans la voix.
- Non, on est en pleine conversation. Ça serait contreproductif. Eh ! (Il évita le coup que Nico tentait de lui donner et resserra sa prise sur sa main). Plus sérieusement, je n'exagères pas. J'ai juste peur pour toi. Tu peux le comprendre ça ?
Nico mit quelques secondes, mais il hocha la tête. Pourtant, Will voyait bien qu'il avait du mal à vraiment appréhender ce qu'il lui disait et il se demanda pour la première fois si Nico avait juste oublié à quoi ressemblait quelqu'un qui se souciait de lui. La simple idée lui donna un coup au cœur.
- Nico, écoute-moi bien, dit-il d'un ton solennel. Tu n'as pas à tout endurer seul. Il y a des gens qui se soucient de toi. Jason, Reyna, Hedge, Piper, Percy, Annabeth, Cecil, Lou Ellen... moi. Et ça veut dire qu'on est là pour te soutenir, te dire la vérité même quand tu ne veux pas l'entendre, on est là pour t'écouter et être là pour toi...
- Ou pour me dire quoi faire, intervint Nico, buté.
Will fronça les sourcils.
- Comment ça ?
- T'es toujours à me dire ce je peux faire ou pas. Ce n'est pas pareil que de me donner un conseil, tu m'interdis littéralement de voyager par les ombres, de me lancer dans une bataille... Ce n'est pas de la confiance, c'est du contrôle, Will.
- Non, protesta-t-il. C'est toi qui a un problème avec l'autorité parce que personne ne s'est soucié de faire entendre raison depuis tes dix ans.
Nico émit un rire étouffé et secoua la tête.
- Et pourquoi à ton avis ? Les personnes qui étaient censées rester avec moi m'ont juste laissé derrière ou ont voulu m'utiliser. C'est toujours la même chose... Hadès, Minos, Bianca...
Sur le prénom de sa sœur, sa voix se brisa et Will sentit son cœur se briser en écho.
- Mais d'accord, admettons que j'ai un problème avec l'autorité et que je doive apprendre à me mettre des limites... Tu ne peux pas juste décider à ma place, Will. Tu dois accepter que parfois, si je sens que je peux faire quelque chose, c'est parce que c'est vrai. Et je sais que le voyage d'ombre te fait peur après cet été et le coup de l'Athéna Parthénos, mais j'ai appris la leçon.
- Ca ne t'empêche pas d'en être terrifié, rappela-t-il.
A la mention de Phobos, Nico plissa les yeux.
- Tu l'as dit toi-même, une peur est irrationnelle. Ce n'est pas la même chose que la réalité. Je peux voyager par les ombres, Will.
- Tu peux et tu en es terrifié, maintint-il, buté.
- Ce n'était pas le voyage dont j'avais peur...
Will fronça les sourcils.
- Je ne te suis pas. Phobos t'a littéralement montré ta peur : tu te perdais dans les ombres, tu t'effaçais !
En face de lui, Nico détourna les yeux. Il commença à sentir sa suspicion s'éveiller. Il ne voyait pas ce que la peur de Nico avait bien pu vouloir dire si ce n'était pas l'interprétation logique qui s'appliquait. Perplexe et inquiet à la fois, il attendit quelques secondes avant de reprendre en voyant que Nico se murait dans le silence.
- Eh, le but de cette conversation c'était d'être honnête, non ? murmura-t-il.
- Je sais, je sais... C'est juste idiot...
- On l'a déjà dit aussi : aucune peur n'est idiote. (Il pressa la main de Nico, réconfortant). Et ce que cette peur signifiait était visiblement important pour toi.
Le regard toujours résolument baissé, Nico inspira profondément. Il finit par hocher la tête presque imperceptiblement.
- Je n'avais pas peur de me perdre dans les ombres, souffla-t-il alors. J'avais peur de disparaître dedans et que personne ne le remarque... Comme à chaque fois. Je me suis dit qu'un jour, ça finirait par arriver. J'y ai même cru pendant la guerre contre Gaïa. Je me fondrais dans les ombres sans réussir à en sortir et je ne manquerai à personne parce que personne ne serait là pour s'en rendre compte.
La gorge comprimée, Will se retint de fermer les yeux. De toutes les explications qu'il attendait, il n'avait pas vu venir celle-ci et il eut soudain envie de vomir. Parce qu'une idée pareille n'arrivait pas du jour au lendemain. Elle se nourrissait d'une longue solitude, d'une enfance à errer dans un Labyrinthe avec un fantôme accroché à ses pas et d'abandons répétitifs. Brusquement, il en voulu à toutes les personnes qui étaient passées dans la vie de Nico : Hadès, Bianca, Percy, Minos, les pensionnaires de la Colonie... Il en aurait hurlé. Au lieu de ça, il murmura :
- Oh Nico...
- C'est bon, Will, je n'ai pas besoin de ta pitié, rétorqua-t-il presque cassant.
- Non, non ! Ce n'est pas de la pitié, c'est... (Il déglutit et dévisagea Nico, plongeant ses yeux dans les siens, si sombres et expressifs). Par les dieux, j'espère que tu sais que c'est faux...
- Will.
- Non, écoute-moi. Tu crois que moi je ne le remarquerai pas si tu disparaissais ? Si tu te fondais dans les ombres ? Nico, regarde-moi. Je te jure que s'il faut que je chasse la moindre fraction d'obscurité dans ce monde pour te retrouver, je le ferai. Et je peux le faire : je brille.
Devant cet argument, Nico laissa échapper un rire étouffé et Will se sentit sourire en retour.
- Mais c'est vrai, tu sais. Tu manquerais à tellement de monde. C'est pour ça que je m'inquiète au passage. Ça... ça ferait trop mal de te perdre. Et je sais que ça serait pareil pour Hazel, pour Lou Ellen, pour Cecil, pour Jason, pour Percy... Pour toutes les personnes qui ont appris à te connaître. Tu le sais, pas vrai ?
Avec réticence, Nico hocha la tête. Il voyait bien qu'il ne le croyait qu'à moitié, mais il avait bon espoir que l'idée grandisse dans sa tête avec le temps, comme une plante qui grandie à la lumière. Pour l'instant, ça lui suffisait.
- Encore une fois, malgré tout ça... reprit Nico, visiblement désireux de changer de sujet et d'en revenir à son envie d'indépendance. Je peux voyager par les ombres. Si je ne force pas, je peux le faire. Alors laisse-moi juger, d'accord ?
Will se mordit l'intérieur de la joue. Une partie de lui savait que Nico avait raison. Pourtant, une autre ne pouvait s'empêcher de lui rappeler que si un jour la situation était désespérée et l'exigeait, Nico n'hésiterait pas à se sacrifier. Et il ne pourrait rien y faire.
- Ok, d'accord... souffla-t-il. Je vais essayer de moins te... contrôler et en échange tu me promets d'être plus prudent.
- Ca me paraît un bon compromis, admit Nico, les yeux baissés.
- Parfait alors...
- Maintenant on peut parler de toi.
Will haussa un sourcil.
- Moi ?
- Oui, toi, Solace. Je pense qu'il y a des choses à dire.
- Non, avant il y a toujours la question de Bryce Lawrence qu'on...
- Ca attendra. Chacun son tour, asséna Nico, déterminé.
Will soupira. Une boule nerveuse commença à grossir dans son ventre et il se mit à jouer avec la bague en tête de mort que Nico portait tout le temps alors que leurs mains liées reposaient toujours entre eux.
- J'écoute, dit-il, tendu.
- Premièrement, est-ce qu'on peut revenir sur ta phrase de tout à l'heure ?
- Laquelle ? Je suis plutôt loquace, j'en ai prononcé plusieurs tu sais... se moqua-t-il sans malice. Certains d'entre nous aiment bien parler au lieu de juste avoir l'air mystérieux et silencieux.
Nico roula des yeux.
- Tu sais très bien laquelle. « Excuse-moi de ne pas être comme Percy. Non plutôt, excuse-moi de ne pas être Percy », cita-t-il. Ce n'est pas la première fois que tu fais ce genre de remarques...
- Nico, s'il te plait, est-ce qu'on peut ne pas...
- Non.
Le ton était définitif. Will ferma les yeux brièvement pour se donner une constance et sentit ses joues rougir, embarrassé. Pas besoin d'être Freud pour analyser son comportement sur ce plan-là.
- C'est juste... enfin tu sais...
- Juste quoi, Will ? pressa Nico.
- C'est vrai, c'est tout. Je ne suis pas Percy. Je ne suis pas comme tous tes amis que ça soit ceux de l'Argo II ou ceux du Camp Jupiter. Je ne suis pas comme Reyna, Jason ou... Percy. Et parfois je ne comprends juste pas comment tu as pu passer de lui à... bah moi.
Comme si ce n'était pas assez équivoque, il se désigna d'un geste et Nico cilla, l'air perplexe.
- Comment ça « toi » ? dit-il avec verve. D'abord, soyons clairs. Je ne suis pas passé de Percy à toi, il ne s'est rien passé avec Percy et tu le sais. C'était juste... je m'accrochais à lui parce que c'est lui qui m'a révélé la vérité sur les dieux et tout le reste. Il était là quand Bianca est partie, il était là pour se battre avec moi mais... C'était une amitié et encore, ça a été compliqué longtemps. Je lui en voulais, il m'en voulait... Ce n'étaient pas des sentiments réels, pas totalement...
- Mais Cupidon...
Nico émit un claquement de langue agacé.
- Je ne t'ai pas raconté ça pour que tu te montes la tête, Will ! Ce que je veux dire c'est que j'aimais Percy sans vraiment le connaître parce que c'était facile justement... Il était inaccessible. J'ai su dès la première minute où je l'ai rencontré qu'il aimait Annabeth. Il s'était presque jeté d'une falaise pour elle, par les dieux ! Et donc... c'était plus facile. Parce que si Percy était inaccessible et que j'aimais Percy, alors je n'étais pas obligé de reconnaître ce que j'étais... Ca restait de l'ordre de l'impossible...
Will se retint d'attirer Nico contre lui alors que les mots pour parler de son homosexualité semblaient lui écorcher les lèvres, comme un secret honteux. Pour la énième fois, il fut pris d'un élan de fierté envers lui.
- Avec toi, c'était différent, avoua-t-il en baissant soudain les yeux. Ce n'était plus un béguin inatteignable, tu me l'avais assez clairement fait comprendre...
En repensant à la façon dont il avait dragué Nico pendant ses trois jours à l'infirmerie, Will poussa un grognement embarrassé qui arracha un rire léger à Nico.
- Et crois-moi, je ne t'ai jamais comparé à Percy. Pas une seconde. Parce que y'en a pas besoin, Will. Il faut que tu comprennes que ce n'est pas grave si tu n'es pas un épéiste comme d'autres... T'es tellement plus important.
- Moi ? Non, je...
- Tu l'as dit toi-même. Si quelqu'un est blessé, c'est vers toi qu'on se tourne. Pas parce que tu es le seul guérisseur. Parce que tu es le meilleur guérisseur de cette foutue Colonie. Et peut-être que parfois on te prend trop pour acquis... Bon sang, on serait mort dix fois sans toi depuis le début de cette quête. Je sais que tu as beaucoup à gérer entre l'infirmerie et le bungalow d'Apollon, mais crois-moi Will tu es incroyable. Tout le monde te dirait la même chose.
Will ne peut empêcher le sourire qui perçait ses lèvres. Une chaleur indescriptible parut soudain gonfler dans sa poitrine et il eut envie d'attirer Nico contre lui pour l'embrasser.
- Et dernière chose mais... ils auraient été fiers de toi, ajouta-t-il après un léger silence, l'empêchant de réaliser son souhait. Tes frères. Mélinoé peut dire ce qu'elle veut, Lee et Michael auraient été fiers de toi.
Pris au dépourvu, Will resta sans voix une seconde. Puis, lentement, la boule dans son ventre se détendit enfin.
- Merci... murmura-t-il. Je crois que j'avais besoin de l'entendre...
- Quand tu veux, Solace. Faut bien que quelqu'un te remette les idées en place.
- Eh !
Faussement indigné, il détacha enfin sa main de celle de Nico et le repoussa. Celui-ci bascula en arrière, renversé à moitié sur le dos, et le tira alors à sa suite. Entraîné par l'élan, Will manqua de lui tomber dessus et roula sur le côté à la dernière seconde, même s'ils restaient bien trop proches pour qu'il n'ait pas conscience de la situation. Le lit simple de l'hôtel n'était pas vraiment spacieux et leurs genoux se cognèrent entre eux alors que Nico se positionnait aussi sur son flanc droit, une main glissée sous sa tête pour la soutenir. Will rougit. Il vit les yeux de Nico dériver vers ses lèvres une seconde, mais il se rappela soudain un dernier sujet qu'ils n'avaient pas encore abordé.
- Bryce Lawrence, déclara-t-il brusquement. Je ne sais toujours pas...
Immédiatement, Nico devint rigide.
- Will, gronda-t-il.
- On avait dit qu'on avouait tout, rappela-t-il avec un regard entendu.
- C'est différent...
- Pourquoi ?
Nico ferma les yeux. Pendant une seconde, Will se demanda si c'était parce qu'il se refusait à le regarder pour évoquer ce sujet là en particulier et son ventre se tordit à nouveau avec appréhension.
- Nico... souffla-t-il.
- Tu vas me détester...
- Moi ? Jamais... Je crois que c'est impossible. Même Aphrodite n'y arriverait pas.
- Je t'en prie, la tente pas, grommela-t-il.
Will émit un rire étouffé. Puis, il tendit la main pour effleurer doucement la joue de Nico qui rouvrit les yeux.
- Je te le promets, Nico, jura-t-il. Tu peux me faire confiance. Je ne te jugerai pas...
- Attends d'avoir entendu l'histoire...
- C'est pire qu'Octave ?
Nico hésita une seconde, puis acquiesça imperceptiblement. Will déglutit. Après la victoire contre Gaïa, ils avaient tous les deux décidés qu'Octave avait pris sa décision et qu'ils n'étaient pas responsables de ne pas l'avoir prévenu que sa toge s'était coincée dans la catapulte. Il avait refusé de les écouter. Ils avaient fait la paix avec cette histoire, mais Bryce Lawrence semblait être une autre affaire. Avec un sourire, il encouragea Nico à se lancer.
- C'était pendant notre traversée des Etats-Unis avec Reyna et m'sieur Hedge, commença-t-il à raconter dans un murmure à peine audible. On était sur le chemin pour ramener l'Athéna Parthénos mais on était poursuivis par la légion romaine et ses lieutenants. L'un d'entre eux plus particulièrement...
- Bryce Lawrence, devina Will.
Nico hocha la tête.
- Un descendant d'Orcus, le dieu des parjures et des châtiments. Il avait été banni de la légion à cause de soupçons de cruauté et de meurtres envers d'autres personnes au Camp Jupiter. Reyna n'a jamais rien pu prouver. Quand elle est partie et qu'Octave a pris sa place... il a réintégré Bryce. Je ne sais pas s'il lui a donné l'ordre de nous poursuivre ou s'il l'a fait de son propre chef, mais...
- Il vous a retrouvé.
- Oui... Il est arrivé pendant que Reyna m'avouait quelque chose. Je ne peux pas te dire quoi, c'est un secret qui lui appartient à elle, dit-il avec conviction et Will sourit devant son air farouche et protecteur. Il a déclaré qu'elle avait trahi les lois de Rome et qu'il devait l'arrêter.
- Mais... il était seul ?
Il avait du mal à voir comment Nico, Reyna et Hedge n'avaient pas pu lutter contre un seul adversaire. D'un coup, Nico grimaça.
- Non, il n'était pas seul. Il était avec ses « tuniques rouges ». Des esprits, expliqua-t-il. Des soldats damnés parce qu'ils avaient brisé leur serment et fait acte de parjure avant de mourir. A cause de ça, ils n'étaient pas sous l'autorité de mon père, mais celle d'Orcus. Pour la première fois...
- Tu ne pouvais pas contrôler les morts, souffla Will, réalisant soudain pourquoi les fantômes de Mélinoé l'avaient tant perturbé.
- Je n'ai rien pu faire quand ils se sont emparés de Reyna... J'avais beau les attaquer ou leur ordonner de se dissoudre, ça ne fonctionnait pas. Et Bryce... Par les dieux, il jubilait. Crois-moi, Will, j'ai vu des tyrans et des personnes assoiffées de pouvoir, mais lui... Il aimait la souffrance, pure et simple.
En réponse, Will frissonna. Il ne pouvait pas imaginer quelqu'un de plus antithétique à sa nature même. Il guérissait, c'était sa vocation. Bryce Lawrence avait été sur terre pour faire souffrir.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? osa-t-il demander tout bas.
- Je ne m'en souviens plus, plus vraiment... Reyna et Hedge m'ont raconté.
- Comment ça... ?
A nouveau, Nico ferma les yeux. Quand il les rouvrit, Will constata qu'il était au bord des larmes.
- Je n'avais jamais ressenti mes pouvoirs comme ça... Si intense. Bryce se vantait de punir les parjures au nom de son père. J'ai appliqué ce que le mien m'avait enseigné : la justice des Enfers est impitoyable. Personne ne peut échapper à la mort. J'ai juste rendu la sentence de Bryce... moi-même.
- Tu...
- Je l'ai transformé en fantôme, Will, avoua Nico d'une voix brisée. Il était vivant et j'ai dissous son corps jusqu'à ce qu'il disparaisse, avalé par la terre jusqu'aux Enfers. Jusqu'au Champ des Châtiments. Je l'ai privé de sa parole, de son identité, de sa vie... (Un sanglot sembla gonfler dans sa gorge et il laissa échapper un souffle tremblant). J'étais tellement en colère et... j'avais peur. S'il me prenait Reyna... J'avais échoué encore une fois. Après Bianca, après Hazel même...
- Tu as ramené Hazel, ce n'était pas...
- Je sais, je sais, mais... Je ne sais pas. A ce moment-là, je n'arrivais plus à penser. C'est comme si mes pouvoirs avaient jailli de mon âme. Toutes les ombres... je pouvais les sentir. Je pouvais faire en sorte d'arrêter Bryce et... je l'ai fait. Il n'était plus personne, juste un fantôme sans nom qui errerait aux Enfers pour l'éternité. Je lui ai infligé ça...
- Nico...
- En quoi est-ce que ça me rend différent de lui, Will ?
Le barrage parut céder. Brusquement, le sanglot que Nico retenait sorti de sa gorge et il se recroquevilla sur lui-même. Les larmes se mirent à tracer des sillons humides sur ses joues et Will sentit ses yeux d'humidifier à son tour, un poids dans la poitrine. Sans réfléchir, il entoura Nico de ses bras et l'attira contre lui. Il pouvait le sentir trembler contre son torse alors qu'il posait doucement son menton au sommet de sa tête en chuchotant, le nez enfoui dans ses cheveux noirs.
- Tu n'es pas comme lui, Nico, tu m'entends ? Tu ne seras jamais comme lui.
- Je l'ai transformé en fantôme...
- Pour sauver tes amis. Pour sauver l'Athéna Parthénos dont dépendait le sort de la Colonie et du monde.
- J'aurais pu me battre avec lui, l'attaquer à l'épée...
- Le résultat aurait été le même.
- Il aurait peut-être gagné.
Devant cet argument, Will renifla, presque méprisant.
- Il n'aurait eu aucune chance, t'es le meilleur épéiste que je connaisse.
- C'est faux, Percy...
- On a dit qu'on ne parlait plus de Percy et qu'on ne se comparait plus à lui. Il peut donner des complexes à tout le monde ce gars.
Nico émit un rire étouffé. Le corps plus détendu, il se rapprocha encore un peu plus de lui et pressa son visage contre son torse. Will était sûr qu'il pouvait entendre son cœur battre aussi fort qu'un tambour, presque douloureux dans sa cage thoracique. Il resserra sa prise autour de Nico.
- C'est pour ça que Phobos te l'a montré, réalisa-t-il alors. Pas parce que tu avais peur de lui, mais parce que tu avais peur de ce que tu lui avais fait... Et de notre réaction quand on l'apprendrait...
- Will...
- Non, regarde-moi.
Il fallut plusieurs secondes à Nico pour obtempérer, mais il finit par relever lentement la tête. Will inspira une grande goulée d'air, déterminé.
- Tu n'as pas à t'en vouloir, asséna-t-il. Le simple fait que tu culpabilises... Par les dieux, Nico, ça montre que tu n'es pas comme lui. Et si tu crois pendant une seconde que ça va me faire t'aimer moins, tu te trompes lourdement. Je ne t'en veux peux, tu m'entends ?
- Je...
Mais Nico n'avait visiblement pas les mots. Perplexe, Will attendit, puis il repassa soudain ses propres paroles. Il se figea. Mortifié, il voulut brusquement disparaitre sous les couvertures, mais le corps de Nico pressé contre le sien lui bloquait toutes issues.
- Enfin, je veux dire... je...
- Tu le penses vraiment ?
La voix de Nico, si basse qu'elle était presque réduite à un murmure, lui coupa pourtant le souffle. Ses émotions en fracas, il déglutit avant de finalement se jeter à l'eau.
- Oui... Chaque mot, assura-t-il. Je t'aime, Nico. Voilà, c'est dit et...
Et il n'eut pas besoin d'en dire plus. Avec agilité, Nico s'était légèrement redressé pour être à sa hauteur et plaqua ses lèvres contre les siennes, bouche entre-ouverte. Will poussa un soupir et ferma les yeux, pris par la sensation de chaleur qui se répandait dans tout son corps. Il lui rendit son baiser, le cœur prêt à exploser, puis recula.
- Dernière chose, dit-il précipitamment d'une voix soudain rauque. Parce que tu as aussi besoin de l'entendre. Et je vais le dire juste une fois parce que je sais que tu n'aimes pas en parler mais... Même si elle a rejoint les chasseresses, ça ne veut pas dire que Bianca ne t'aimait pas. (Doucement, il repoussa la frange de Nico pour pouvoir mieux le regarder et planter ses yeux dans les siens, histoire d'être sûr qu'il comprenne l'ampleur de sa conviction). Elle t'aimait parce que tu étais son petit frère et ça ne changera jamais. Maintenant, elle voudrait juste que tu sois heureux...
- Mais... Et si elle n'approuvait pas... tu sais, toi et moi...
- Je suis sûr qu'elle n'aurait aucun problème. Et même si elle en avait un, c'est ta vie, Nico. C'est à toi de décider. Mais ne doute jamais que les gens qui t'entourent, ou t'entouraient, tiennent à toi. Plus que tu ne le crois...
Maintenant qu'il avait avoué tout ce qu'il avait sur le cœur, Will se pencha à nouveau en avant et captura ses lèvres dans un autre baiser avide. Nico retomba sur le matelas, les mains agrippées sur le devant de son t-shirt pour l'entraîner avec lui. Il se laissa faire avec plaisir. Veillant à garder un bras tendu sous lui pour ne pas écraser Nico de tout son poids, il l'embrassa, goûtant la saveur de sa peau contre la sienne. Le goût du sel de ses larmes, bien sûr, mais il pouvait aussi sentir l'odeur du gel douche de l'hôtel, entendre le tissu du couvre-lit qui froissait... Plus que tout, il entendait leurs souffles qui se mêlaient alors qu'ils se pressaient l'un contre l'autre. Au contact de la main de Nico qui se glissa soudain sur sa hanche, juste là où son t-shirt s'était relevé pour dévoiler sa peau, il émit un soupir plus prononcé. Nico recula une seconde, surpris, et Will en profita pour reprendre son souffle une seconde avant de l'embrasser à nouveau. Il caressa ses lèvres, puis y infiltra sa langue doucement, explorant... Il tremblait presque. Au creux de son ventre, il sentit un nouveau désir s'éveiller et son sang se mit à battre au niveau ses tempes. Dehors, la nuit avait commencé à tomber, les laissant dans une semi-pénombre. Will n'avait de toute façon pas besoin de voir. Il sentait le corps de Nico sous lui, horriblement conscient de chacun de ses mouvements, de chacun de leurs contacts, de chacune de ses respirations. La sensation était grisante. Il ne voulait pas qu'elle s'arrête, il voulait la capturer, la retenir. Dès qu'ils s'écartaient l'un de l'autre, juste une seconde, c'était toute la chaleur qui le quittait pour ensuite s'écraser sur lui à nouveau en même temps que leurs lèvres. Son souffle se fit plus court, plus pressant. Il dévia sa bouche le long de la mâchoire de Nico, y plantant des baisers aussi vifs que légers, étourdi. En réponse, il l'entendit exalter un soupir qui se transforma en gémissement à la seconde où Will effleura le creux de son cou, juste en-dessous de son oreille. Il sourit, amusé.
- Mio dio, Will...
Visiblement gêné, il tenta de cacher son visage avec ses mains, mais Will l'arrêta. Ce fut quand leurs doigts se rencontrèrent à nouveau qu'ils se rendirent alors compte...
- Will !
- Je...
Il recula précipitamment. Nico se redressa à moitié sur ses coudes, incapable de plus alors que Will était toujours au-dessus de lui, et écarquilla les yeux.
- Tu brilles ! s'exclama-t-il.
Et effectivement, tout comme dans le Labyrinthe, sa peau émettait une légère lueur dorée, l'entourant dans un doux halo. Will gronda, embarrassé.
- Non... grommela-t-il. Pas maintenant...
- Je te fais de l'effet, Solace ? J'illumine ta journée ?
Défait, il retomba contre Nico qui éclata de rire et referma ses bras derrière sa nuque, jouant avec ses mèches à la base de sa tête.
- Mon cher luisant, s'amusa-t-il.
- Tais-toi, imbécile.
- Hum...
Et s'ils restèrent comme ça jusqu'au retour des autres, personne à part eux n'avait besoin de le savoir.
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