Chapitre 12 - Le dédale de la peur
Hello tout le monde! Journée chargée demain donc je poste ce soir avec un peu d'avance ^^ J'espère que vous aimerez ce chapitre!
******************************************
Chapitre 12 : Le dédale de la peur
Sur le bord de la route, Lou Ellen plissa les yeux face au soleil aveuglant qui lui revenait dans la figure. Malgré les rayons chaleureux, le temps s'était rafraîchi depuis la veille et elle frissonna dans sa veste en jean noire. Elle bougea sur place, histoire de répartir son poids sur ses deux jambes et de ne pas juste rester immobile. A sa droite, Connor s'était simplement allongé dans l'herbe, une paire de lunettes de soleil sur le nez, et il s'amusait à souffler sur un pissenlit en direction de Lacy qui riait amusée. Elle se retint de lever les yeux au ciel face aux pitreries du fils d'Hermès, même si elle les trouvait drôles elle aussi. Elle ne voulait juste pas lui avouer systématiquement pour garder la face. Un peu à l'écart, Nico contemplait l'immeuble des Solace, le dos droit et la main sur la garde de son épée. Lou Ellen devait reconnaître qu'il avait sans doute raison. A eux tous, ils devaient projeter une aura alléchante pour les monstres et même si ces derniers étaient moins nombreux depuis la guerre contre Gaïa, il fallait rester sur leurs gardes. Ils attendaient Will depuis cinq minutes, le temps qu'il dise au revoir à sa mère.
- Connor ?
La voix de Nico brisa le silence et Lou Ellen tourna la tête vers lui, surprise. Même s'il était moins asocial qu'avant, ce n'était pas dans les habitudes de Nico d'entamer les conversations dans un groupe. Pris au dépourvu également, Connor mit quelques secondes à répondre et il fit glisser ses lunettes sur le bout de son nez pour pouvoir regarder Nico directement.
- Ouais, petit prince ?
- Di Immortales, arrête avec ça...
- Quoi ? Ton père règne sur le royaume des Enfers. Ça fait de toi un prince, non ? Et ne crois-pas que je te vises personnellement, la prochaine fois que je vois Percy ou Jason, ils auront le droit à la même chose ! Je suis en faveur de l'égalité ! (Il parut réfléchir une seconde). Eh, vous croyez que le royaume de Poséidon c'est l'Atlantide ?
Pour toute réponse, Lou Ellen fit un mouvement de la main et toutes les particules blanches des pissenlits autour de lui s'envolèrent. Elles restèrent suspendues un bref instant, comme si le temps s'était arrêté en plein souffle de vent, puis elles retombèrent, aspirées par la gravité. Connor poussa un cri de surprise et se mit à tousser.
- Roh Lou ! S'écria-t-il, la bouche pleine de pissenlits.
- Ca t'apprendra à poser des questions idiotes.
- Je suis sûr que c'en est pas une ! Et la pauvre Lacy, elle avait rien dit !
Pile à ce moment, Lacy éternua. Elle avait plein de petites boules duveteuses dans les cheveux.
- Désolée, Lacy...
- Pas grave. C'était joli à voir.
Et elle secoua ses mèches blondes, faisant s'envoler à nouveau les particules de pissenlits. Connor râla.
- Bon peu importe... Tu voulais quoi Nico ?
Ils reportèrent leur attention vers le fils d'Hadès, toujours à quelques mètres d'eux. Il avait réussi à éviter son tour de magie et Lou Ellen ressentit une pointe de soulagement. Elle n'aurait pas aimé devoir subir son fameux regard noir.
- Rien, désolé, c'était stupide, marmonna-t-il.
- Oh non, je veux savoir maintenant ! Insista Connor. Allez, qu'est-ce que tu voulais ?
Nico soupira.
- Je... Je voulais juste te demander un truc. Comme tu es celui qui est à la Colonie depuis le plus longtemps.
- Je t'écoute.
- Tu connaissais bien Michael Yew et Lee Fletcher ?
A peine les mots eurent-ils quittés les lèvres de Nico que Lou Ellen sentit l'atmosphère s'épaissir de tension. Du coin de l'œil, elle vit Connor se tendre, complètement rigide, et elle n'osa plus regarder aucun des deux garçons, mal à l'aise.
Elle se rappelait Michael, le conseiller en chef des Apollon avant Will. C'était un garçon un peu arrogant sur les bords, mais incroyablement loyal. Elle se souvenait encore de lui qui haranguait les autres pensionnaires pendant la bataille de Manhattan, son visage au nez pointu habité par la conviction. Elle faisait encore partie du bungalow d'Hermès à l'époque et elle était restée avec Cecil pendant les combats pour défendre la 5e avenue. Michael avait été celui qui leur avait donné leur plan de bataille. Malgré sa petite taille – il devait être encore plus petit qu'elle ne l'était à quatorze ans l'année dernière – il avait insufflé du courage aux autres. Quant à Lee Fletcher, elle devait admettre qu'elle s'en souvenait mal. Pourtant, c'était lui qui était à la tête du bungalow d'Apollon pendant près de ses quatre étés à la Colonie. Mais Lee avait toujours été plus discret, plus posé. Quand elle était arrivée, juste après la restitution de l'éclair de Zeus par Percy – elle regrettait encore aujourd'hui d'avoir loupé ça – tout le monde ne parlait que de la trahison de Luke. Elle n'avait pas eu l'occasion de vraiment faire connaissance avec les autres. Puis, les étés suivants, Lee lui avait donné des leçons de tirs à l'arc mais elle l'avait toujours vu comme ce pensionnaire plus âgé, un peu lointain.
- Pourquoi tu me demandes ça ? Articula finalement Connor, faussement nonchalant.
Il avait remis ses lunettes de soleil et Lou Ellen se demanda si c'était pour mieux se cacher derrière.
- Pour savoir, répondit Nico, évasif.
- C'est à cause de Will ? Demanda Lacy.
Dès que l'attention se porta sur elle, la petite fille rougit. Le teint rosé de ses joues la rendait encore plus jolie et Lou Ellen l'envia.
- C'est à cause de ce que Mélinoé lui a dit, pas vrai ? Intervint-elle en direction de Nico. J'étais plus loin, mais je l'ai entendu... Ou je l'ai senti, je ne sais pas. Les fantômes m'ont fait un effet bizarre. Mais je crois qu'elle lui a parlé de Michael et Lee.
- Les fantômes sont liés aussi à Hécate, c'est pour ça qu'ils t'ont fait un drôle d'effet, dit Nico. C'est pour ça aussi que tu pouvais les toucher.
- C'était hyper impressionnant, glissa Connor.
Cette fois, elle fut certaine d'être celle qui rougit et elle détourna la tête pour que Connor ne puisse pas le voir.
- Mais du coup c'était bien ça, non ? Insista-t-elle. Mélinoé lui a montré Lee et Michael ?
- Oui, fit Lacy. J'étais à côté de lui et c'est ce que j'ai entendu... Elle lui disait qu'ils le hantaient encore parce qu'ils étaient tout ce que... (elle marqua une pause, gênée, puis termina sa phrase dans un filet de voix) tout ce que Will n'était pas en tant que fils d'Apollon.
Les paroles de Lacy jetèrent un froid. Ou peut-être que c'était Nico lui-même. Dans tous les cas, en voyant son expression, Lou Ellen frissonna.
- Je déteste les dieux, s'indigna soudain Connor. C'est pas croyable de dire ça !
Au-dessus de leur tête, le ciel gronda brusquement et ils levèrent les yeux, inquiets.
- Evite de dire ça, Connor, s'ils t'entendent ils vont... tu sais bien.
- Ils vont quoi, hein ? Se récria-t-il malgré tout. Nous attaquer ? Provoquer une nouvelle guerre qu'on devra gagner à leur place ? Jouer avec nous comme des pions ? (Il secoua la tête de dépit). Ils ont déjà tout fait de toute façon...
L'amertume qui imprégnait la voix de Connor arracha un nouveau frisson à Lou Ellen. Elle détestait l'entendre parler ainsi. Il ne le faisait pourtant pas souvent : Connor était la joie de vivre personnifié, comme s'il se donnait pour mission de rire à la moindre contrariété juste pour prouver au monde que rien ne pouvait l'atteindre. Elle avait mis du temps à comprendre son mécanisme. Cependant, sa philosophie avait des limites et se heurtait parfois à la réalité à l'instar d'aujourd'hui. Elle comprenait sa colère, elle la trouvait même légitime. Mélinoé n'avait rien gagné à leur montrer leurs contractions et leurs cauchemars à part son propre amusement. Lou Ellen se demanda si les dieux, à force d'être détachés de la vie normale et de l'emprise du temps, vivaient les émotions humaines à travers les demi-dieux qu'ils tourmentaient. Après tout, les ressentis devaient être distordus après des millénaires d'existence.
Pourtant, lorsque Connor parlait ainsi, elle ne pouvait s'empêcher de repenser aux discours des demi-dieux pendant la guerre contre Chronos. Même s'ils avaient dans des camps opposés, elle avait compris leur colère. Elle l'avait elle-même ressenti à plusieurs reprises quand elle se lamentait dans le bungalow d'Hermès. Et c'était justement le fait que Connor exprime cette même colère qui la mettait mal à l'aise... Parce que si Travis et Connor avaient bien exprimé quelque chose aux yeux de tous les indéterminés et les demi-dieux qui en voulaient au dieux de l'Olympe, c'était la notion d'accueil et de famille. Peu importait si les dieux ne comprenaient pas ce qu'ils leur faisaient vivre ou jouaient avec les vies des mortels : les demi-dieux étaient toujours là les uns pour les autres. Et c'était pour cela que Connor en avait tant voulu à Luke, son frère passé dans les rangs de Cronos. Il n'avait jamais réussi à comprendre ce qui l'avait poussé à commettre cette trahison et il le blâmait entièrement pour cela. Pour lui, Luke était responsable de ses choix, de ses actions, et de sa chute. Même si sa colère contre les dieux pouvait être légitimes, Connor avait toujours considéré qu'il n'aurait jamais dû laisser cette colère le guider sur la voie du chaos. Il lui avait lui-même confié un jour, ou peut-être que c'était Cecil qui lui avait rapporté, Lou Ellen ne savait plus bien...
- Arrête Connor, tu sais bien que tu ne le penses pas... dit-elle.
- Quoi ? Tu prétends savoir ce que je penses maintenant, Lou ? Rétorqua-t-il d'un ton mordant.
- Eh ! Ne t'en prends pas à moi, je n'ai rien fait je te rappelles. Et on a déjà eu cette discussion, il me semble. Les dieux ont juste une perspective différente de la nôtre. Monsieur D. était vraiment touché par la mort de Castor.
- Parce qu'il avait appris à le connaître à la Colonie ! Comment ? A cause de sa punition qui décrétait qu'il devait rester avec nous. Ce n'est pas ce que j'appelle de la bonne volonté.
- Peut-être, mais il a eu le mérite de ressentir de la peine pour la perte de son fils.
- Ouais, ça n'aurait pas été le cas de tous les dieux, on est au moins d'accord sur ça.
D'un geste rageur, il arracha une poignée d'herbe à côté de lui et Lacy tressaillit. Lou Ellen compris soudain.
- Tu es juste en colère contre ton père, réalisa-t-elle. C'est ça, pas vrai ?
- Laisse tomber, Lou, sérieux...
- Mais...
- Will ! S'exclama Lacy.
Ils se retournèrent. Son sac à dos à l'épaule, Will dévalait les marches de son immeuble d'un air déterminé. Malgré sa posture nonchalante coutumière, Lou Ellen remarqua ses yeux rouges et son air abattu. Elle comprenait parfaitement. Durant l'été, elle passait deux mois sans voir son père et il lui manquait toujours, mais elle savait au moins qu'elle le reverrait à la rentrée. C'était pareil pendant les vacances scolaires. Mais il y a deux ans, entre la Bataille du Labyrinthe et celle de Manhattan, elle était restée à la Colonie toute l'année à cause de problèmes dans son collège. Il ne lui restait plus qu'une année à y faire, mais la simple idée d'y retourner et de faire face à ses camarades et à leurs moqueries l'avait angoissé et son père avait donc accepté qu'elle reste à la Colonie si elle prenait des cours à distance. Et, même si ça avait été un soulagement de ne plus avoir une boule dans le ventre chaque matin, être si loin de son père lui avait pesé. Elle n'imaginait pas ce que ressentait Will, lui qui était pensionnaire pratiquement à l'année à cause de l'emploi du temps chaotique de sa mère...
- Eh Solace, ça va ? Dit Connor, toute verve envolée.
- Ouais... répondit-il d'une voix enrouée. Bon, on y va dans ce Labyrinthe ?
Personne n'insista par égard pour lui. Nico se contenta de se rapprocher de Will tandis que Lacy lui adressa simplement un sourire réconfortant. Lou Ellen se demanda si Nico aurait osé lui prendre la main s'ils n'avaient pas tous été là et surtout ce que Will avait bien pu dire à Lacy dans la cuisine ce matin pour qu'ils aient l'air de si bien s'entendre maintenant.
- On y va, approuva-t-elle. Je propose qu'on laisse la camionnette ici, on ne va pas l'emmener dans le Labyrinthe...
- Non, ça serait compliqué à manœuvrer, convint Connor avec un rictus. Mais il faudrait peut-être qu'on s'éloigne avant que tu ouvres une entrée, non ? Histoire qu'il n'y ait pas de porte qui mène au Labyrinthe juste devant l'appart' de la mère de Will.
- Bonne idée... On marche jusqu'à la sortie de la ville ?
Les autres acquiescèrent. Elle ressentie une certaine fierté en les voyant la laisser prendre les décisions. C'était un aspect d'elle-même qu'elle ne se connaissait pas avant de devenir conseillère de son bungalow, mais elle aimait la sensation de guider les autres. Un héritage de sa mère qui guidait littéralement les âmes et les égarés sur les chemins ? Elle n'en savait rien, même si une partie d'elle aimait l'idée d'aider les égarés : elle en avait été une pendant longtemps. La petite fille de la cour de récréation seule et étrange, l'indéterminée chez les Hermès, le nouvelle de la Colonie... Aujourd'hui, elle avait un rôle et une identité. Et ça n'avait pas de prix. Quand ses frères et sœurs l'avaient nommé conseillère, elle en avait même ressenti une fierté toute égoïste et seul Connor l'avait perçu. Il l'avait rassuré en lui disant que c'était un sentiment naturel et qu'elle serait parfaite dans ses nouvelles responsabilités. Et il avait eu en partie raison, les choses s'étaient plutôt bien passées.
En silence, ils s'éloignèrent le long de la route, les uns derrière les autres. Lou Ellen ouvrait la marche et elle envia ses lunettes de soleil à Connor quand un rayon vint la frapper encore une fois dans les yeux. A l'arrière, Will traînait des pieds et elle ressentit un nouvel élan de sympathie envers lui, mais ils ne s'étaient que trop attardés chez Naomi Solace. Il fallait qu'ils avancent et c'était littéralement ce qu'ils étaient en train de faire.
Heureusement pour eux, Harmony n'était pas une ville très grande et ils atteignirent les bordures de la ville en moins de quinze minutes de marche. Le panneau qui souhaitait la bienvenue aux automobilistes se dressait fièrement et ils se retranchèrent en-dessous. Lou Ellen observa le champ d'herbes qui s'étendait sur le bas-côté.
- Bon... Ici ? Fit-elle.
- Un terrain parfait pour une entrée de labyrinthe, approuva Connor, appréciateur. Tu te sens de le faire ?
- Je crois...
- Lou, si tu n'y arrives pas on cherchera une entrée autre part, tu sais, tenta-t-il de la rassurer. Ne te mets pas la pression.
Lou Ellen se contenta d'acquiescer. Elle savait au fond de son esprit qu'il avait raison, mais elle était déterminée à réussir. D'un mouvement de tête, elle fit signe aux autres de reculer et ils obtempérèrent. Elle se concentra. Paupières closes, elle plongea en elle-même, comme elle le faisait à chaque fois qu'elle voulait se servir de ses pouvoirs. La sensation familière au creux de son estomac s'éveilla. C'était comme un tiraillement : ses pouvoirs répondaient à l'appel et elle les orienta vers la Brume, présente en permanence autour de toutes choses sur terre. Et elle tira.
Un grondement sourd résonna tout autour d'eux et elle entendit à peine le cri de surprise de Lacy, trop concentrée sur ses pouvoirs qui explosaient dans tout son corps. Sous ses pieds, le sol vibra, comme si le Labyrinthe répondait à son appel. La magie en elle tendait vers celle qui animait l'antique construction de Dédale. A une époque, Lou Ellen n'aurait sans doute pas réussi à le sentir, mais aujourd'hui le Labyrinthe tirait son souffle de vie de la magie de Pasiphaé. Elle continua à tirer sur la Brume et à extérioriser sa magie de son corps. Sa peau se mit à chauffer presque douloureusement, mais elle ne lâcha pas. La terre gronda à nouveau. Tel un bouchon de liège qui remontait à la surface, le Labyrinthe s'élevait : un couloir bifurquait vers eux et approchait de sous leurs pieds. Elle retint un cri et tous ses muscles se crispèrent. Sa magie circulait trop, trop vite. Des points noirs dansèrent devant ses yeux.
- Lou ! Cria Connor au loin.
Elle ne s'arrêta pas pour autant. Elle pouvait percevoir la grandeur du Labyrinthe et la sensation était vertigineuse. Ses dédales et ses couloirs se répandaient à travers le monde, inconnus et inexplorés. Personne n'avait conscience de sa présence et pourtant il courrait sous la surface de la terre entière. Il distordait le temps et les distance ; sa magie résonnait jusqu'au fond de son être.
- Son aura de vie vacille, dit brusquement Nico, une inquiétude sourde dans la voix. Blackstone ! Arrête !
- Encore un peu, protesta-t-elle, juste un peu...
- Non, Lou Ellen, je le sens aussi ! Se récria Will. Ça devient dangereux, c'est trop pour toi !
Pourtant, elle était si proche... Le Labyrinthe était là, juste à quelques mètres. Dans un dernier élan désespéré, elle tira aussi fort qu'elle put. Son estomac se souleva et l'air quitta sa poitrine. Le sol s'ouvrit littéralement : une gerbe de terre vola en éclat avant que l'herbe ne s'affaisse sur elle-même pour creuser en trou profond. Lou Ellen tomba à genoux.
- Oh par les dieux...
En une seconde, ses amis furent à ses côtés. Elle se sentait trembler de tous ses membres.
- Ça a fonctionné ? Réussi-t-elle à articuler.
- Si ça a fonctionné ? Bon sang, Lou ! Tu viens de créer une entrée du Labyrinthe ! T'es complètement folle !
- Connor, recule, laisse-moi la voir, intima Will.
- Je me sens pas bien...
L'aveu était sorti tout seul. Elle n'aurait de toute façon pas pu donner le change : elle n'arrivait pas à arrêter de trembler, le monde autour d'elle tournait, et surtout son estomac lui remontait dans la gorge.
- Evidemment que tu ne te sens pas bien ! S'exaspéra Will, agité. Tu n'as jamais autant sollicité tes pouvoirs, le contrecoup est trop brusque !
- Will, tu ne l'aides pas, dit Nico.
- Toi, ne commence même pas ! Tu es pire qu'elle.
Nico fit une moue indignée et, si elle avait été en état, Lou Ellen aurait ri. Elle ne comptait plus les fois où Will s'était plaint auprès d'elle et Cecil de la tendance de Nico à trop tirer sur ses pouvoirs, notamment le voyage d'ombre. Il avait même eu une interdiction totale de les utiliser après la guerre au mois d'août quand son corps se remettait de son périple à travers l'Europe. Will aurait sans doute pu encore longtemps continuer sa diatribe contre les pensionnaires de la Colonie incapable de connaître leurs limites et de prendre soin de leur santé si Lou Ellen ne s'était pas soudain penchée en avant, secouée par un haut le cœur. Lacy eut le réflexe de lui tenir les cheveux alors qu'elle rendait son petit déjeuner, généreusement offert par Naomi Solace, sur la pelouse à la sortie d'Harmony.
- Par Zeus, s'exclama Connor.
Le nom du roi des dieux n'aurait pas été la chose qui serait venue spontanément à l'esprit de Lou Ellen dans un moment pareil. Elle avait horriblement conscience des regards de ses amis – surtout celui de Connor – derrière elle et elle aurait voulu être avaler par le sol ou sauter dans le trou qu'elle venait de créer.
- Désolée... marmonna-t-elle, tremblante.
- C'est normal, ton corps réagit juste, la rassura Will.
Même si ça ne suffisait pas à apaiser sa gêne, elle supposait qu'il avait vu pire à l'infirmerie.
- Je suis sérieux, laissez-lui de l'air, je m'en occupe, ordonna-t-il avant d'attraper son sac à dos et de l'ouvrir. Toi aussi, Connor, ajouta-t-il en voyant que le fils d'Hermès ne bougeait pas.
Lou Ellen n'osa même pas se retourner. Elle l'entendit juste soupirer avant d'obtempérer. A côté d'elle, Will lui tendit une bouteille d'eau et un carré d'ambroisie. Il avait son revêtu son air sérieux et son attitude calme de médecin en chef de la Colonie. Elle avala une gorgée d'eau et grimaça en sentant le goût désagréable qui lui restait en bouche. Pour le faire passer, elle engloutit l'ambroisie et aussitôt elle eut l'impression de manger la fameuse mousse au chocolat de sa grand-mère.
- Je suis désolée, se sentit-elle encore une fois obligée de s'excuser.
- Vraiment, je t'assure que c'est rien. Et franchement, ce que t'as fait... Par les dieux, c'était effrayant et impressionnant en même temps !
- Merci, dit-elle avec un rire étouffé. J'espère que c'est bien le Labyrinthe et pas juste les conduits de plomberie, sinon les autorités de la ville vont me détester.
Will éclata de rire.
- Non, ça a l'air d'être bon. (Il tourna la tête vers les autres, partis justement observer l'entrée de plus près). Je me demande à quoi ça ressemble là-dessous, murmura-t-il.
A travers ses mots, Lou Ellen perçut sa nervosité. Elle se demanda un instant ce que ça lui faisait, lui l'enfant du dieu du soleil, de descendre sous terre dans ce lieu si ténébreux.
- Eh, souffla-t-elle, ça va bien se passer. On descend et on remonte ! C'est juste pour arriver en Europe...
- Hum... Je ne sais pas si ça sera aussi simple... Enfin on verra ! Donne-moi ton bras.
- Quoi ?
- Ton bras, répéta Will. Que je prenne ton pouls.
- Oh oui...
Les membres encore engourdis, elle lui tendit son bras et il lui attrapa le poignet avec fermeté et douceur à la fois. Sa peau contre la sienne était brûlante et il haussa un sourcil.
- T'as froid ?
- Un peu...
- T'as la peau glacée, dit-il. Tu t'es vraiment épuisée. Je te préviens, je t'interdis de te servir de tes pouvoirs dans les heures à venir, voire les deux prochains jours sauf force majeure. Les pouvoirs, c'est comme tout : ton corps doit l'appréhender de façon progressive. Là, c'est comme si tu t'étais étirée un muscle en faisant un sprint comme Usain Bolt sans avoir jamais couru de ta vie !
- A ce point ?
- Evidemment ! Il y a une marge entre transformer les gens en cochon ou manipuler un peu la Brume pendant Capture l'Étendard et faire apparaître une entrée de Labyrinthe. (Il soupira puis lâcha son poignet pour attraper son menton et regarder ses pupilles. Elle veilla à rester immobile pendant qu'il continuait son examen médical et ses explications). Chaque demi-dieu a une capacité de pouvoirs plus ou moins grande, mais il faut apprendre dans tous les cas à les utiliser par étapes. Regarde Percy. Chaque année, il maîtrise un peu mieux non ? Bon, ça lui a pris du temps. Nico aussi a appris et continu d'apprendre quand il ne fait pas l'imbécile à traverser un continent en vol d'ombre.
Lou Ellen sourit. Derrière son faux agacement, elle entendait surtout son affection pour le fils d'Hadès, et pour son rôle de guérisseur de façon plus large. Parce que Will était juste comme ça. C'était dans sa nature d'accompagner les autres, de leur donner les clés pour aller mieux, tout en étant pédagogue.
- Heureusement que t'es là, dit-elle sincèrement. Tu le sais, pas vrai ?
- Hum... marmonna-t-il, yeux baissés et les joues rouges. Bon, ça a l'air d'aller. Tu peux te lever ?
- Je peux essayer.
Les effets de l'ambroisie se faisait déjà sentir. Elle n'avait plus la nausée et son corps lui paraissait moins douloureux. Dès qu'elle se leva, elle tangua pourtant sur ses jambes une seconde. Will lui saisit le bras.
- Vas-y doucement, conseilla-t-il. T'as été poignardée hier aussi, ça n'aide pas.
- Vraiment une semaine sympathique, grommela-t-elle.
- Tu cumules un peu, admit Will.
- Tout va bien ?
C'était Lacy qui venait de les interpeller. Elle revenait vers eux, Connor et Nico quelques pas derrière elle. Visiblement, ils en avaient marre d'être tenu à l'écart.
- Mieux, dit Lou Ellen. On peut y aller.
- Remets ta veste quand même, conseilla Will. Pour te réchauffer. Ça t'aidera à récupérer plus vite.
Elle obtempéra sans protester. Quand elle passa les manches de ta veste, elle eut presque l'impression que sa peau était trop sensible contre le tissu en jean du vêtement. Du coin de l'œil pourtant, elle remarqua que Connor l'observait avec attention, comme pour juger de son état, et elle veilla à ne rien laisser paraître. Elle s'était déjà rendue assez ridicule comme ça. Le menton haut, elle avança résolument. Quand elle atteignit l'entrée qu'elle venait de créer, ses yeux s'écarquillèrent. Elle avait senti en l'attirant vers elle la puissance du Labyrinthe, mais c'était étrange d'en constater l'aura en se tenant juste au-dessus. A leurs pieds, un vaste trou s'enfonçait sous terre en pente douce. Elle ravala son appréhension et, après une simple seconde d'hésitation, décida d'entrer.
Ses jambes, raides, protestèrent contre la descente mais elle ne s'arrêta pas. Dans son dos, elle sentit les autres la suivre sans dire un mot. La solennité du moment les rendait tous silencieux. A part Nico, elle réalisa que c'était la première fois qu'ils pénétraient tous dans le Labyrinthe. La bataille éponyme s'était en réalité déroulée à la Colonie et elle n'avait vu que les armés de Cronos rentrer et sortir du Labyrinthe.
Plus ils s'enfonçaient, plus la lumière baissait. Bientôt, Lou Ellen dû plisser les yeux et elle ralentit de peur de trébucher sur une aspérité du sol. Elle avait l'impression de ne plus en finir de descendre. A l'arrière, le souffle de Lacy se fit plus irrégulier. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. La petit fille avait attrapé la main de Will qui s'agrippait fermement à elle. Lou Ellen se demanda qui rassurait vraiment l'autre. Face à cette image, l'âge de Lacy la frappa à nouveau de plein fouet. Avec son jolie visage et son corps qui commençait à changer, il était facile d'oublier que Lacy sortait à peine de l'enfance. Et elle avouait honteusement qu'elle lui enviait souvent ses grands yeux bordés de longs de cils ou ses beaux cheveux blonds et sa bouche en cœur. Les moments comme ceux-là remettaient au moins les choses en perspective.
- On n'y voit rien, grommela Connor.
- Avance juste... commença-t-elle avant de s'arrêter brusquement en se prenant une masse ferme en pleine face. Aïe !
- Lou ? Tu vas bien ? Appela-t-il avec anxiété.
Lou Ellen serra les dents. Elle refusait tout net de lui dire qu'elle venait de se prendre un mur.
- Oui, oui... Le chemin bifurque, faites attention. Mettez votre main contre la paroi pour prendre le virage.
Elle appliqua son conseil. Contre sa peau, le mur du Labyrinthe était rugueux, comme de la terre séchée, puis au bout de quelques mètres la matière se fit plus dur et plus lisse, comme du béton. Elle n'y voyait même plus à un mètre.
- Ca devient dangereux sans lumière... dit-elle, tendue. On pourrait tomber dans un piège. Quelqu'un a une lampe torche ?
- Dans mon sac, attends... répondit Will d'une voix tremblante.
Lou Ellen se retourna. Elle allait lui demander s'il allait bien, mais Nico fut plus rapide :
- Will... ? T'as besoin d'aide ou... ?
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Pendant une seconde, Lou Ellen fut persuadée que Will avait juste réussi à trouver la lampe torche et qu'elle s'était imaginée son malaise à cause de l'obscurité qui lui donnait des idées car le chemin s'éclaira doucement. Pourtant, la lumière n'avait rien à voir avec celle d'une lampe électrique, blanche et artificielle. Non, celle-ci était plus douce, plus évanescente, comme un rayon de soleil qui se serait infiltré à l'intérieur du Labyrinthe. Momentanément aveuglée, elle détourna les yeux avant que sa vision ne s'ajuste au changement. Et sa mâchoire manqua de se décrocher. Ce n'était pas la torche qui avait chassé l'obscurité... C'était Will lui-même.
- Di Immortales, jura Connor. Comment... Bordel, Will, tu brilles !
- Whaou... s'émerveilla Lacy.
Lou Ellen resta juste sans voix. De la peau de Will émanait un éclat doré, doux et chaud, comme s'il avait avalé un morceau de soleil. Elle ne traversait pas ses vêtements, mais elle entourait sa tête et ses boucles blondes ondulées comme un halo qui faisait soudain ressortir ses quelques taches de rousseur et ses yeux d'un bleu profond. Paniqué, Will en lâcha son sac à dos qui s'écrasa au sol.
- Oh mon dieu, s'écria finalement Lou Ellen en retrouvant sa voix. Will !
- Je... Je ne comprends pas... Quoi ?
- Comment tu fais ça ? Dit Nico, abasourdi.
Il regardait son petit ami comme s'il le découvrait pour la première fois et Lou Ellen devait avouer qu'elle ressentait un peu la même chose.
- Je ne sais pas ! Paniqua Will. Je n'avais jamais...
- Attends, c'est la première fois que ça te fait ça ? S'étonna Connor.
- Mais oui !
Stupéfait, Will tendit les mains devant lui et les observa.
- T'as déjà connu un enfant d'Apollon qui pouvait faire ça ? Demanda Nico à Connor.
- Non, je crois pas... Je m'en souviendrais. Mais ce n'est pas vraiment étonnant. Avec tous les attributs d'Apollon, il faut bien que certains des pouvoirs de ses enfants soient plus rares que d'autres, non ? La phosphorescence doit en faire partie ?
- C'est trop stylé ! S'exclama Lacy. On dirait un ver luisant.
Par réflexe, elle tendit la main vers Will qui s'écarta. Lou Ellen éclata de rire en même temps que Connor tandis que les lèvres de Nico tressaillaient.
- Un ver luisant ! Répéta Connor, hilare.
- Oh pardon... ce n'était pas... enfin ce n'était pas méchant...
- Je sais, Lacy, je sais, rassura Will, l'air toujours perturbé. Laisse-les, ce sont des idiots.
Il les fusilla du regard, mal à l'aise, et Lou Ellen le prit en pitié.
- Tu vas nous être vraiment utile, Will ! Assura-t-elle.
- Et puis imagine la fierté de ton père ! Ajouta Connor, goguenard.
L'embarras de Will sembla accentuer son niveau de luminosité. D'un coup, Lou Ellen réussit à distinguer tout le couloir autour d'elle. Il était étroit avec un sol en terre battu incrusté de caillou mais au mur en béton, comme un bunker qu'on n'aurait pas terminé de construire. Elle tourna sur elle-même. Un peu plus loin, le chemin bifurquait à nouveau et décrivait une courbe serrée. Elle donna une tape sur le bras de Connor.
- Regarde, je pense qu'il faut qu'on continue, non ?
Alors que Connor contemplait le chemin, elle entendit Will maugréer dans leur dos :
- J'ai l'air ridicule...
- Moi je trouve ça plutôt impressionnant, rétorqua Nico à voix basse, comme s'il ne destinait ses mots qu'à Will. Mon cher luisant.
- Et c'est mes jeux de mot qui sont nuls ?
Dans leur voix, les sourires et la complicité étaient évidentes. Gênée d'écouter, Lou Ellen fit mine de réajuster sa veste avant de lancer bien fort :
- Allez, on y retourne. Will, passe devant ?
- Laissez passer la lampe vivante, plaisanta-t-il en obtempérant.
Sans rien dire, Nico le suivit et ils ouvrirent la marche tous les deux. Encore plus que dans le forêt la veille, Lou Ellen ne put s'empêcher de remarquer le contraste saisissant entre les deux. Côte à côte, la silhouette mince de Nico se mouvait dans le Labyrinthe comme s'il possédait les lieux. Il évoluait sur le qui-vive, son instinct développé par des années d'errance, tandis que Will paraissait à la fois incertain et déterminé. L'effet d'une première quête sans aucun doute et Lou Ellen le comprenait tellement. Ils étaient habitués à la sécurité de la Colonie et à l'adrénaline des batailles. Lors des guerres auxquels ils avaient participé, ils avaient dû se plier à l'action, ne jamais s'arrêter, se battre constamment contre les ennemis. Ici, à l'intérieur du dédale le plus mystérieux de leur monde, le danger semblait se tapir et les guetter à chacun de leur pas et ils ne pouvaient rien faire à part avancer à l'aveugle. Malgré ça, Will trouvait littéralement le moyen d'être leur guide lumineux et l'éclat doré qu'il projetait semblait être aspiré par l'aura de Nico, comme s'ils se complétaient l'un l'autre.
Attendrie par l'image qui se formait dans son esprit, Lou Ellen sourit.
- Qu'est-ce qui te fait sourire ? Souffla Connor.
- Hum ? Oh rien... Eux, je suppose.
Elle indiqua le couple devant eux. Connor vrilla son regard sur Nico et Will et parut comprendre ce qu'elle voulait dire.
- Si on m'avait dit... Je n'aurais jamais parié...
- Moi non plus...
Effrayée à l'idée qu'ils les entendent, elle préféra changer de conversation.
- Alors ? T'as l'impression de savoir te repérer ? Grâce aux pouvoirs de ton père, je veux dire...
Il prit une seconde pour réfléchir avant de répondre.
- Oui et non... avoua-t-il. Il y a trop de salles, trop de couloirs, trop de cul-de-sac... Le réseau de souterrains est trop grand pour que je me repère totalement, mais j'ai une vague impression qu'on doit continuer par-là. Après, si on arrive à un carrefour...
- Ca sera à moi de jouer.
- Exactement.
- Mais tu penses que...
- Aaaaaaaaaaaaaah !!!!
Le cri de Connor faillit soudain la faire bondir et elle lâcha un hurlement de surprise en écho au sien. Il s'était écarté si violemment qu'il manqua de trébucher et de rentrer dans Lacy, juste derrière lui. Devant eux, Nico avait immédiatement sorti son épée, alerte, tandis que Will cherchait le danger du regard. Tout d'abord, Lou Ellen ne comprit pas. Puis quelque chose lui frôla les jambes et elle découvrit...
- Une poule ? S'exclama-t-elle.
- Eloigne-la ! S'égosilla Connor. Mais virez-la moi de là !
Il courut presque se cacher derrière Lacy. Eberluée, Lou Ellen contempla la poule rousse qui se pavanait entre leurs jambes, le regard vite, en émettant des petits gloussement.
- Mes connaissances mythologiques ne vont pas jusque-là, commenta Nico en menaçant toujours la poule de son épée. C'est un monstre déguisé ?
- Je... je ne crois pas, répondit Will.
- Rah ! NON ! M'APPROCHE PAS !
La poule s'était dirigée vers Connor et sa réaction fut immédiate : il recula encore de plusieurs pas et se heurta au mur.
- Connor, c'est juste une poule, tenta-t-elle de le rassurer.
- Merci, je le vois bien ! C'est là tout le problème ! MAIS VA T'EN !
- Me dis pas que tu as peur des poules ?
Il lui jeta un regard torve.
- Ce sont des monstres, se contenta-t-il de dire.
Lou Ellen se rendit soudain compte qu'il était sérieux. Il était vraiment paniqué devant l'animal. Elle n'arriva pas à s'en empêcher : elle se plia de rire. Ses côtes protestèrent presque, pas encore remise de sa perte d'énergie tout à l'heure, mais c'était plus fort qu'elle. La scène était trop ridicule. Imperturbable, la poule continua à marcher en se dandinant et en gloussant.
Connor la fixa, l'air sincèrement angoissé.
- Je suis sérieux, dit-il d'une voix blanche, faites-la partir.
- Bouge pas, je vais la mettre ailleurs, proposa Will en se penchant pour attraper le gallinacé.
A peine eut-il soulever la poule dans ses bras que celle-ci se mit à battre des ailes, arrachant un énième cri de panique à Connor... puis elle disparut. A sa place, comme par magie, un serpent long et visqueux aux écailles d'un vert grisâtre se trouvait entre les mains de Will. Lou Ellen n'eut le temps que de cligner des yeux avant que Will ne lâche le serpent dans un cri d'horreur.
- Bordel ! Jura Connor. Mais qu'est-ce...
Sa voix fut couverte par la nouvelle clameur étouffée de Will qui rentra littéralement dans Nico en voulant s'éloigner de l'animal. Pour éviter de tomber à la renverse, Nico leva les mains par instinct et son épée s'écrasa au sol dans un bruit fracassant. Il rattrapa Will au niveau des hanches, le stabilisant sans doute plus longtemps que nécessaire, puis croisa le regard de Lou Ellen et s'écarta précipitamment. Elle fit mine de n'avoir rien remarqué.
- Rah, où est-ce qu'il est ? Paniqua Will.
- Il est là ! S'écria Lacy en pointant le serpent du doigt.
Lou Ellen baissa les yeux. Le serpent se confondait presque avec le sol et ondulait en sifflant, l'air de pas aimer du tout le dérangement. Elle n'en avait jamais vraiment eu peur et essaya de rester aussi immobile que possible pendant que Will semblait se forcer lui aussi à rester calme malgré son souffle haché. Elle se rappela brusquement que le serpent était l'animal ennemi d'Apollon.
- Ce n'est pas normal... qu'est-ce qui se passe ? S'interrogea-t-elle à voix haute.
- Alors demi-dieux, on s'amuse dans le Labyrinthe ? Fit une voix grave aux accents amusés et menaçants. Vous recherchez le grand frisson ?
- Où... ?
Ils se mirent à tourner sur eux-mêmes pour trouver la voix, mais personne ne se manifesta. Un mauvais pressentiment au creux de l'estomac, Lou Ellen porta la main à son collier. D'une simple pression, elle fit surgir son épée japonaise à trois lames. Les autres l'imitèrent et bientôt ils formèrent un cercle, tous sur leurs gardes.
- Montrez-vous ! Ordonna Nico.
- Oh vous ne le voulez pas vraiment, croyez-moi. Quoique, le divertissement serait mien. Depuis la défaite de Gaïa, je m'amuse énormément. Toutes ses peurs...
- Il fait apparaître nos peurs... comprit Lou Ellen.
- Pas n'importe lesquelles ! Ne nous trompons pas ! (La voix rit avec moquerie). Tiens, retentons un exemple. Que pensez-vous de ça ?
Rien ne se passa pendant une seconde et Lou Ellen se tendit, prête à affronter ce qui allait arriver, mais elle ne perçut qu'un léger bourdonnement. La réaction de Lacy fut instantanée : elle s'écarta violemment en hurlant et secouant ses cheveux. Ses mains s'agitaient dans tous les sens.
- Ahh ! Enlevez-la ! Enlevez-la !
Lou Ellen regarda avec horreur ce qui terrifiait la fille d'Aphrodite : ce n'était pas un « la ». C'était un « les ». Ou plutôt un essaim d'une dizaine d'abeilles qui tournoyaient autour de Lacy et se glissaient dans ses cheveux, près de son visage et de ses oreilles pour accentuer sa panique. Ses cris redoublèrent, stridents et glaçants.
- Pitié ! Pitié ! S'époumona-t-elle.
La scène n'avait plus rien de drôle comme avec Connor ou déroutante comme avec Will. Elle était juste effrayante.
- Arrêtez ! S'étrangla Lou Ellen. Arrêtez, laissez-la tranquille !
- Pathétique, observa la voix. Vous autres les humains, vous vous laissez submerger si facilement... (Il y eut un claquement sec et les abeilles disparurent). Si simple de vous mettre en déroute.
Pantelante, Lacy était d'une pâleur extrême et des larmes dévalaient ses joues. Will lui tendit le bras.
- Viens là, dit-il avec urgence et douceur à la fois.
Lacy ne se fit pas prier. Elle réintégra leur cercle et Lou Ellen passa un bras autour de ses épaules. Elle la sentait encore trembler contre elle.
- J'en ai assez de ses jeux d'esprits, maugréa Nico, agacé. Montrez-vous et battez-vous.
- Oh ne sois pas pressé, Roi Fantôme, ton tour va venir. Peut-être pas avec moi ceci-dit... Mais on pourrait encore tous apprendre à se connaître. Qui a d'autres peurs à partager avec les autres ?
- Ce ne sont pas des peurs ! Objecta Lou Ellen. Ce sont des tours de passe-passe ! Effrayer les gens avec des animaux, vous n'avez rien de mieux, vraiment ?
- C'est un défi, fille d'Hécate ?
Brusquement, une silhouette sortit de l'ombre. C'était un adolescent habillé d'un jean miteux, d'un t-shirt noir sur une veste en cuir cloutée, d'un bandana rouge autour du front et d'un couteau à la ceinture. Ses yeux brillaient d'un éclat enflammé. Littéralement. Lou Ellen frissonna. Il lui faisait penser à une version déformée et cruelle de Clarisse LaRue.
- Phobos, gronda Nico.
- Ah ma réputation me précède ! Enchanté, je suppose. Vous avez aimé mes cadeaux ?
- Il manquait une carte de vœux et un ruban, rétorqua Connor, dents serrées. On n'a pas peur de vous, arrêtez vos faux semblants.
- Oh voyons... Que dit le dicton ? Rien à craindre à part la peur elle-même ? Problème, demi-dieux : je suis la Peur. La peur panique même. C'est un peu ma spécialité. Vous savez, cette peur subite et violente, celle qui est impossible à réprimer et qui régit vos réactions par instinct... (Il sourit d'un air mauvais). La panique, c'est la perte de contrôle. Croyez-moi, il n'y a rien de mieux à voir qu'une armée en déroute. J'adorais accompagner mon père sur les champs de bataille.
- Votre... commença Will avant de comprendre. Arès... Vous êtes son fils.
- Et il n'est pas seul, déclara soudain une nouvelle voix.
D'un bloc, ils se tournèrent tous. Un autre adolescent venait de se joindre à Phobos. Il portait le même attirail que le premier, sans le bandana ni le couteau, mais ses muscles étaient bien plus développés. Une multitude de cicatrices couvrait sa peau.
- Demi-dieux, dit Phobos, je vous présente mon frère. Deimos.
- Si la panique vous a fait peur... Attendez de voir ce qu'est la terreur, menaça-t-il avec un rictus glaçant.
***********************************
Et voilà ! On se retrouve dans deux semaines, le 12 juillet. A partir de là je posterai toutes les semaines ^^ Vous pouvez même choisir le jour qui vous arrange, n'hésitez pas à me dire !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top