Chapitre 1 - Au milieu d'un rêve
Pour ceux qui auraient sauté le grand paragraphe d'introcution, je rappelle juste qu'il vaut mieux avoir lu mon petit résumé de la Cour des Miracles de Perripuce, voire la fanfiction en elle-même si le cœur vous en dit, pour comprendre quelques petites références glissées dans mon histoire. J'espère que ce début va vous plaire ! Bonne lecture !
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En tant que demi-déesse, Lou Ellen n'était pas étrangère aux rêves qui sortaient de l'ordinaire. Elle s'était déjà réveillée en sursaut, un cri dans la gorge et l'image de braises et de cités détruites encore vive derrière ses paupières. Mais c'était la première fois que sa mère venait la visiter en personne.
Ce soir-là, Hécate lui était apparue sous sa forme la plus connue, celle que Lou Ellen avait déjà vu sur plusieurs illustrations. Elle se tenait aux carrefours de trois chemins, ses longs cheveux bruns à moitié défaits soulevés par le vent. Une longue robe aux couleurs de la nuit épousait ses courbes et une couronne d'ébène dont les piques pointaient vers la lune lui ceignaient le front. Des volutes de fumée s'enroulaient autour de ses chevilles, dissimulant le sol sur lequel elle se tenait, ce qui donnait presque l'impression qu'elle lévitait, suspendue entre terre et ciel. Lou Ellen frissonna. Même à la distance où elle se tenait, elle pouvait sentir l'aura de puissance qui entourait sa mère.
Honnêtement, elle n'avait aucune idée de la raison de sa visite. Malgré sa prétendue triple incarnation qui aurait pu lui permettre d'être partout à la fois, Hécate était une mère absente, comme tous les Dieux. Lou Ellen ne l'avait jamais vu et son cœur s'accéléra, erratique.
- Maman... ? Qu'est-ce que... ?
- Oh magnifique ça a fonctionné ! Je n'étais pas sûre, le voyage onirique est un art délicat que je n'avais plus pratiqué depuis au moins un siècle. Morphée aurait pu me guider évidemment, mais il était occupé avec des esprits cauchemars. Mélinoé est agitée en ce moment, elle ne les contrôle plus.
Lou Ellen cligna des yeux, incapable de former une réponse cohérente.
- C'était le seul moyen pour entrer en contact avec toi, poursuivit Hécate, imperturbable. Zeus surveille nos interactions avec les mortels de près, mais la situation est urgente et je n'avais pas le temps de trouver des chemins détournés. Parfois, la voie la plus directe est celle à emprunter.
- Quelle situation urgente ?
- Ah les demi-dieux ! Toujours les bonnes questions, toujours attentif à la crise qui se prépare. Je n'en attendais pas moins de ma fille...
A la soudaine mention de leur filiation, Lou Ellen sentit une boule chauffée à blanc lui brûler la gorge. Oui, elle avait relevé « la situation urgente » des paroles de sa mère, mais ce n'était pas ce qui occupait véritablement son esprit. Par les Dieux, elle rencontrait la femme qui l'avait mise au monde, et Hécate se comportait comme si elle la connaissait depuis toujours. Mais peut-être que c'était le cas pour elle après tout...
Son trouble dû se lire sur son visage car les traits d'Hécate s'adoucirent et l'espace d'un instant elle eut l'air plus humaine, plus maternelle.
- Je sais que tu as des questions, dit-elle d'une voix résignée, et que tu voudrais des réponses. Mais pas cette nuit. Je n'ai pas beaucoup de temps, Zeus va finir par se rendre compte que je suis avec toi. Tu dois m'écouter attentivement, d'accord ?
- Mais... tenta-t-elle de protester.
- Tu dois les retrouver.
Lou Ellen fronça les sourcils.
- Retrouver quoi ?
Et brusquement, pour la première fois depuis que le rêve s'était matérialisé dans son esprit, elle remarqua ce qui manquait. La seule lumière qui baignait le décor autour d'elle émanait de la lune qui éclairait sa mère d'une lueur argent. Les trois chemins à leurs pieds étaient plongés dans la pénombre. Aucune flamme ne les éclairait.
- Où sont tes torches ? S'inquiéta-t-elle, un mauvais pressentiment au creux du ventre.
Un éclair de rage traversa les prunelles d'Hécate.
- Disparues, répondit-elle d'une voix glaciale. Volées.
- Volées ? Comment... ? Qui aurait pu... ?
- Oh je sais très bien qui, fulmina sa mère. Celles qui se prétendent ma descendance, qui se prétendent tour à tour magiciennes et sorcières alors qu'elles me doivent leurs pouvoirs. Elles paieront pour le crime qu'elles ont osé commettre, elles et leur acolyte, celui qui possède le don de voler sans se faire prendre. Mais avant cela, toi, ma fille, te doit de me restituer mes torches.
- Moi ?
Lou Ellen dévisagea sa mère. Pas un mot, pas un signe pendant quinze ans, et Hécate lui apparaissait en rêve sans prévenir pour qu'elle lui rende un service ? Une colère brûlante bouillonna dans son ventre. Elle n'avait jamais voulu s'appesantir sur l'absence de sa mère. En tant que demi-déesse, elle avait eu très tôt conscience que sa véritable famille serait celle dont elle s'entourerait : ses camarades de la colonie, ses frères et sœurs au bungalow 20, et bien sûr son père dont l'amour indéfectible l'avait porté toute son enfance. Elle s'était résolue depuis longtemps au destin qu'avoir une mère déesse impliquait ; et pourtant elle n'arrivait pas à endiguer la rancœur qui déferlait en elle.
- Tu es juste là pour ça alors ? Articula-t-elle, la voix enrouée. Tes torches ?
- Je sens ta colère, ma fille. Elle est sans doute légitime, mais tu ne comprends pas. Je ne suis pas venue te voir, je n'ai pas bravé les ordres du seigneur de l'Olympe en personne pour des simples torches.
- Comment ça ? Tu as dit... tu as dit que je devais trouver tes torches...
- Des symboles, corrigea Hécate et sa voix résonna dans la nuit. Mon symbole. Je suis peut-être la déesse à trois visages, mais mes torches sont mon unité. Elle me guide autant qu'elle guide les âmes égarées. Sans elles, les chemins sont plongés dans l'ombre et le chaos est déjà en train de s'installer. Je dois conduire les âmes et les morts jusqu'au royaume d'Hadès. Sans moi, certains erreront pour l'éternité. Sans moi, les pleurs des mères cherchant leurs enfants resteront vains. Sans moi, les choix des héros ne pourront être éclairés par la lumière du feu divin et les mauvaises décisions finiront par entraîner le monde vers sa fin.
Un vent glacial se leva soudain comme pour ponctuer la vision que décrivait la déesse. Lou Ellen frissonna et referma ses bras autour d'elle.
- La mission que je te confie n'est pas anodine, reprit-t-elle. Et je ne t'ai pas choisi par hasard. De tous mes enfants, tu es celle la plus amène de me ramener mon bien et de vaincre celles qui m'ont trahie.
Malgré elle, le compliment piqua sa fierté et elle se mordit la lèvre.
- Alors quoi ? Tu me donnes une quête, c'est ça ?
- Une quête que tu ne réussiras pas seule, nuança Hécate. Un héros pour un ennemi.
Lou Ellen sentit une migraine germée au niveau de ses tempes. Les énigmes de sa mère commençaient à l'agacer.
- J'aimerais t'aider, vraiment, assura-t-elle finalement. Mais les quêtes sont en quelques sortes... suspendues... en ce moment à la colonie. L'oracle... on ne sait pas trop, mais il y a un problème avec les prophéties. Je ne peux pas partir en quête sans en avoir reçu une.
- Ah oui... les prophéties, soupira Hécate en roulant des yeux. Apollon, maudit sois-tu, toi et tes idioties, ajouta-t-elle en marmonnant. Très bien, je vais t'en donner une.
- Toi ? S'étonna Lou Ellen. Tu peux... tu peux donner des prophéties ?
Hécate eut presque l'air vexé.
- Je n'ai peut-être pas le talent d'Apollon et ses oracles, reconnut-elle, mais ça ne doit pas être bien difficile. Laisse-moi réfléchir.
Un long silence s'étira entre elles, le temps qu'Hécate formule sa prophétie. Impatiente, Lou Ellen observa le ciel et remarqua pour la première fois qu'il n'y avait aucune étoile. Seule la lune se détachait telle un disque d'argent sur le fond ébène.
Dans sa tête, les mots se bousculaient. Elle aurait eu tant de choses à dire à sa mère, tant d'expérience et de moments à lui raconter, tant de questions à lui poser. Mais quand elle s'était imaginée la rencontrer, Lou Ellen s'était imaginée une mère. La femme devant elle n'était pas sa mère, pas réellement... Elle était une déesse, un mythe aussi peu tangible que la fumée qui s'enroulait autour d'elle. Et même si Hécate l'aimait à sa façon, elle ne pouvait pas l'aimer comme elle l'aurait voulu.
Finalement, sa mère planta ses yeux onyx dans les siens, un sourire satisfait aux lèvres.
- Bien, ce n'est pas de la grande poésie mais ça fera l'affaire...
Lou Ellen se rapprocha et les feuilles mortes craquèrent sous ses pas.
- Du feu des chemins croisés, entonna Hécate d'une voix soudain rauque, presque d'outre-tombe, Les mains des cinq ennemis se sont emparées / Jusque dans les terres anciennes / Iront la fille de la magicienne / Et ses compagnons pour abattre / Les voleurs de l'âtre.
A peine la prophétie fut-elle achevée que la brume commença à s'épaissir et à s'élever au-dessus du sol. Lou Ellen eut l'impression que ce dernier se dérobait sous ses pieds, comme s'il devenait moins solide de seconde en seconde.
- Tu dois te réveiller, ma chérie. Mais n'oublie pas ce que je t'ai dit, tu entends ? La nouvelle lune noire approche, mes torches doivent éclairer le chemin.
- Non ! Attends, maman...
Mais la fumée emplit son champ de vision et elle ne put que tendre les mains vainement avant qu'Hécate ne se fonde dans les ombres. Lou Ellen entendit sa propre voix hurler de loin et brusquement elle se redressa dans son lit, haletante. La couverture l'étouffait et elle la repoussa d'un coup de pied. Ses épais cheveux noirs lui collaient à la peau. Un effroi glacial se rependit dans ses veines et elle ferma les yeux de toutes ses forces.
Haletante, elle décida de se lever. Tous ses frères et sœurs dormaient encore et elle traversa le bungalow sur la pointe des pieds pour éviter de les réveiller, enjambant un grimoire au passage avant de glisser sur la terrasse. Elle inspira une grande goulée d'air frais. Le mois d'octobre s'était bien installé depuis deux semaines et la Colonie avait pris des teintes automnales qu'elle adorait à chaque vacance scolaire. Elle était une des rares à venir pendant l'année. Elle aimait retrouver l'ambiance feutrée qu'offrait le camp hors de l'été, le temps que pouvait lui consacrer Chiron, ou revoir ses amis. Ses seuls amis, pensa-t-elle amèrement.
Être fille d'Hécate, déesse de la magie, de la sorcellerie, des carrefours et de la nuit, n'avait jamais été facile. Être fille d'Hécate revenait à être l'éternelle rejetée, la fille étrange aux yeux verts, celle qui attirait la méfiance par sa simple présence. Avant la seconde guerre des Titans contre Cronos, Lou Ellen n'aurait même eu sa place à la Colonie. Le vingtième bungalow avait été construit l'été dernier, grâce à la promesse de Percy Jackson, malgré l'allégeance d'Hécate envers Cronos durant la bataille. Les choses s'étaient améliorées depuis, elle avait enfin eu l'impression d'être acceptée quelque part.
Jusqu'à ses quatorze ans, elle avait changé d'école six fois pour « problèmes disciplinaires ». Du moins, c'était ce que les rapports des Conseils d'école affirmaient. Ses camarades se plaignaient que leurs affaires disparaissaient dès qu'elle était là, un petit garçon qui s'amusait à bousculer les filles dans les couloirs s'était un jour mis à hurler qu'il avait des serpents sur tout le corps et elle s'était volatilisée lors d'une sortie scolaire ennuyante au musée sans que sa maîtresse ne sache comment.
Ces phénomènes, elle ne les avait compris que bien plus tard, à son arrivée à la Colonie. Comme tout le monde, elle y avait trouvé des réponses et surtout une maison. Des amis qui avaient vécu la même chose qu'elle, les mêmes changements d'établissements et les mêmes problèmes disciplinaires. Will Solace avait été la première personne à lui parler. Elle s'était tordue la cheville en arrivant et, du haut de ses dix ans, il avait mis un point d'honneur à l'aider à boîter jusqu'à l'infirmerie. Ils étaient devenus inséparables, puis il lui avait présenté Connor, Travis et Cecil. Nico les avait rejoints quelques année plus tard, même s'il avait encore du mal à s'intégrer. Elle avait trouvé la famille qu'elle n'avait jamais eu en grandissant.
Elle avait toujours cru que sa mère l'avait abandonnée ; sûrement une junkie des rues de Chicago qui était tombée enceinte de Mark Blackstone par erreur avant de la laisser avec son père. Et à choisir, elle n'aurait pas mis Hécate en premier choix sur sa liste de mère potentielle.
Si Hécate pouvait être une déesse protectrice, conductrice des âmes aux carrefours et guide des choix cruciaux, elle n'en restait pas moins la déesse de la lune noire, des ombres et des morts ; mais aussi la maîtresse des arts de la sorcellerie. Cette triple ambivalence, Lou Ellen la ressentait au quotidien selon les jours. Même au sein de son bungalow, à l'image de celui d'Hermès ou d'Apollon, les plus versatiles des Dieux, les pouvoirs des enfants d'Hécate étaient souvent instables et imprévisibles.
Certains de ses demi-frères et sœurs maîtrisaient les sorts de transformations, d'autres pouvaient manipuler la brume avec tellement de précision qu'ils formaient des illusions presque parfaites, et d'autres encore avaient un instinct si développé que tous les pensionnaires de la colonie venaient les consulter s'ils avaient des choix à faire. Lou Ellen n'excellait en rien de particulier, mais tout ce qui touchait à l'art de la magie l'avait toujours attiré. Ses expériences avec la brume ou avec la magie avait d'ailleurs parfois manqué de provoquer des catastrophes. Elle se souviendrait toute sa vie du cri qui était sorti de la gorge de Will lorsqu'elle avait transformé par mégarde les pansements de l'infirmerie en grillons. Ils avaient passé des jours à chasser les insectes des champs de fraises. Les enfants de Déméter lui jetaient encore des regards méfiants dès qu'elle jetait un sort, ce qui faisait bien rire Cecil. En tant que fils d'Hermès, Cecil n'était pas étranger aux catastrophes, mais il avait tendance à les provoquer de manière volontaire, lui. Plusieurs campeurs s'étaient d'ailleurs plaints de Cecil lors des réunions des conseillers en chef. Heureusement pour Cecil – et malheureusement pour les autres – Lou Ellen défendait souvent son ami par pur esprit de camaraderie et Connor Alatir, le frère de Cecil, semblait penser que les mauvais coups de son cadet étaient des exploits qu'il fallait davantage encenser que punir. Pour avoir passé une partie de ses étés à courir derrière les frères Alatir, Lou Ellen ne pouvait pas approuver de manière générale, même si elle devait avouer que Connor s'était calmé ces derniers temps. Avec Travis parti pour la fac, il paraissait un peu démuni malgré ses grands discours, comme s'il ne savait plus bien comment faire sans son acolyte de toujours. Cette vision l'avait tellement perturbé au début qu'elle avait fait exprès de laisser s'exprimer sa mystiokénisé – la magie n'existait pas en vérité comme aimait leur rappeler Chiron – et le bungalow d'Hermès s'était retrouvé sous une pluie battante pendant trois jours. Furieux, Connor avait retrouvé sa fougue et juré de se venger. Lou Ellen attendait anxieusement le mauvais tour qu'il lui ferait subir, d'autant qu'elle n'avait pas réussi à arrêter la pluie au bout d'une heure comme elle l'avait voulu à l'origine. Cecil lui avait fait la tête toute une matinée après être arrivé au petit déjeuner trempé jusqu'aux os.
Parfois, elle aurait aimé que sa mère soit là pour la guider et lui enseigner à développer ses pouvoirs, elle qui était la plus grande enchanteresse. Mais Hécate n'était jamais venue. Jusqu'à ce fameux rêve.
Rien qu'en y repensant, Lou Ellen frissonna et resserra son châle autour de ses épaules. C'était un cadeau d'anniversaire de Connor : il était aux couleurs de Gryffondor, l'une des maisons de Harry Potter. Un châle de sorcière pour une sorcière, lui avait-il dit en riant. Son frisson fut remplacé par un sourire à ce souvenir.
Elle observait la fumée qui sortait de sa bouche, se concentrant pour essayer de lui donner forme, lorsqu'une silhouette passa devant son bungalow sur la pelouse. Elle leva les yeux et vit Will, matinal comme à son habitude. Il se levait tout le temps avec le soleil. Les rayons pâles du matin accrochaient ses boucles blondes et il marchait les mains dans les poches en sifflotant, vêtu d'un simple t-shirt orange et d'un bermuda. Lou Ellen eut froid pour lui, même si elle savait qu'en tant que fils d'Apollon il ne ressentait presque jamais la morsure du vent frais. Dès qu'il l'aperçut à son tour, il s'arrêta, surpris.
- Tiens, Lou ! Déjà debout ?
- Mauvais rêve, grimaça-t-elle en guise d'explication.
Will prit tout de suite une expression inquiète.
- Rien de grave ?
- Je ne sais pas... Je pense que si, un peu... Prépare-toi pour une réunion des Conseillers tout à l'heure. Je vais aller demander à Chiron de réunir tout le monde.
- Une quête ?
Lou Ellen hocha la tête. Will, lui, fronça les sourcils.
- Mais Rachel... Les oracles...
- Ma mère est venue me visiter, lâcha-t-elle. J'ai une prophétie.
- Oh...
Il se passa une main dans les cheveux, l'air nerveux. Elle savait que sous ses airs constamment détendus, Will angoissait pour plein de choses : les Dieux qui ne communiquaient plus, le silence radio des oracles, son père qui ne répondait pas à ses prières, l'état de Nico... Elle se disait souvent que Will avait le symptôme du guérisseur : à force de vouloir aider tout et tout le monde, il en oubliait parfois de penser à lui. A cet instant, il lui donna encore raison. Elle pouvait presque voir son cerveau s'activer derrière ses prunelles bleues.
- Reste là ! Lui ordonna-t-il soudain en la pointant du doigt. Je reviens !
- Mais...
- Deux minutes !
Lou Ellen cligna des yeux, perplexe, et le regarda traverser la pelouse en courant pour aller faire elle ne savait quoi. Elle souffla. Maintenant qu'elle avait évoqué son rêve à quelqu'un et qu'il s'estompait déjà de son esprit, il ne lui pesait plus autant sur la poitrine. Elle aurait voulu aller se recoucher au chaud sous ses couvertures. Mais elle obéit à Will et ramena ses genoux contre sa poitrine, tête levée pour observer le soleil se lever et peindre le ciel pâle de couleurs orangées. Elle se fit la remarque que Will avait dû se diriger vers l'infirmerie avant de l'apercevoir, mais qu'il ne venait pas du bungalow d'Apollon. Elle sourit. Il avait encore dû échapper à la vigilance des harpies et de Chiron pour dormir dans celui de Nico. Si elle lui posait la question, il invoquerait sûrement les ordres du docteur ou quelque chose dans le genre en omettant bien sûr de préciser qu'il était lui-même le docteur.
Dix minutes passèrent et le ciel se colora encore un peu plus. Lou Ellen allait se relever pour rentrer, les jambes ankylosées, lorsque Will revint. Il n'était pas seul : Cecil Markowitz l'accompagnait. D'un pas trop bondissant pour l'heure matinale, il lui fit signe de la main, ses cheveux chocolat rebondissant sur son front. Il avait bien besoin d'une coupe de cheveux.
- Alors sœurette, on a rêvé à ce qui parait ? Dit Cecil en arrivant à sa hauteur.
Lou Ellen sourit. Elle se décala pour leur faire une place et les deux garçons l'encadrèrent. Cecil avait pris l'habitude de la surnommer « sœurette » à l'époque où elle résidait avec lui et les autres dans le bungalow d'Hermès. Elle y était restée près de trois ans avant d'être revendiquée par Hécate et que son propre bungalow soit construit.
- Disons que j'ai déjà mieux dormi... Pourquoi tu l'as ramené ? Demanda-t-elle à Will. J'aurais pu lui raconter à une heure décente.
- Parce qu'il ne sera pas à la réunion des Conseillers contrairement à Connor et que je pensais qu'il méritait d'être au courant. (Il lui tendit soudain une tasse de café fumante qu'il avait ramené avec lui). Tiens, je t'ai pris ça au passage.
- Merci...
Elle referma ses doigts autour de la tasse fumante avec joie.
- Et il a eu raison de me réveiller ! Affirma Cecil, ses traits de lutin s'animant. Tu peux déjà me compter présent pour ta quête : j'en suis !
- Eh calme-toi, attends, je n'ai pas encore penser...
- Parce que tu vas prendre quelqu'un d'autre que nous ?
- On ne peut pas partir à plus de trois, objecta-t-elle. Et je te rappelle qu'on est quatre. Cinq même si on compte Nico. Il ne laissera pas Will partir sans lui.
- Connor vient juste de revenir de quête, il voudra sans doute souffler.
- Tu sais comme moi que ça ne va pas l'arrêter. Même, je pense que ça sera l'inverse. Il est sur le fil depuis qu'il est revenu de sa quête secrète imprévue avec Travis. J'ai l'impression qu'il a pris conscience qu'il allait devoir lui aussi aller à la fac ou un truc du genre et ça le panique. Il veut être occupé, ça se voit.
Cecil sembla lui accorder le point. Il regarda Will par-dessus sa tête et Lou Ellen se sentit soudain petite. Elle se redressa inconsciemment.
- Laisse-moi deviner, marmonna-t-il. A choisir, tu préfères prendre Connor ?
- Quoi ? Je ne préfères rien, je...
- Non, mais je veux dire... Tu voudrais Connor avec toi ?
Elle sentit ses joues rougir sans que ça n'est rien à voir avec le froid.
- Tu sais qu'il va falloir que tu me laisses tranquille avec ce crush idiot... J'avais onze ans. Je suis sûre que j'arrivais à peine à différencier Travis de Connor.
- C'est un mensonge éhonté, dénonça Will en riant.
- Tais-toi, maugréa-t-elle.
Cecil lui donna un coup d'épaule en riant.
- Sérieusement, sœurette, réponds franchement : si tu dois partir, ça serait avec qui ?
- Tu ne m'as même demandé l'objet de la quête !
- Lou, peu importe. On devrait aller dans le Tartare que je t'accompagnerais ! (Il se tut puis parut réaliser ce qu'il venait de dire en voyant Will se tendre). Oh désolé, je... j'avais oublié.
Lou Ellen posa une main sur le genou de Will en soutien. Elle savait qu'il n'aimait pas particulièrement imaginer Nico, seul dans le Tartare, et elle ne pouvait pas vraiment l'en blâmer.
- Comment il va ? Demanda-t-elle du bout des lèvres.
Will haussa les épaules.
- Plutôt bien... La plupart du temps ça va, ça va même mieux. J'ai l'impression que rester à la Colonie et s'ouvrir aux autres lui a fait du bien mais... (il inspira profondément). Parfois, il entend des voix. Il dit que ça vient du Tartare et que les âmes l'appellent. Ou plutôt une en particulier. Il ne veut pas en parler, mais je vois bien que ça le perturbe. Mais bref, on ne parlait pas de ça...
- Oui on parlait du crush de Lou Ellen.
- Cecil arrête !
Elle le frappa sur la tête et il s'écarta juste à temps pour éviter de se prendre les étincelles qui surgirent au bout de ses doigts.
- Eh range ta magie ! Cria-t-il d'une voix aigüe.
- Range tes insinuations, rétorqua-t-elle.
Will éclata de rire. Contrairement à son chant ou son sifflement aiguisé, son rire avait l'harmonie d'un carillon qui rappelait son parent divin.
- Mais bon pour répondre à ta question... reprit Lou Ellen de mauvaise grâce. Oui, je pense que je prendrais Connor. Ne te vexe pas, Cecil, si j'avais le choix tu ferais partie de l'équipe en une seconde, mais deux fils d'Hermès me semblent contre-productif et Connor a plus d'expérience en quête contrairement à nous. Ça pourrait servir. Et comme je disais, je pense qu'il en a vraiment besoin en ce moment.
Cecil soupira, mais hocha la tête.
- Je comprends, dit-il. C'est même un bon raisonnement. Et si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à envoyer un message Iris. Je pourrais aider d'ici.
- Promis !
- Mais tu vas faire comment du coup si tu prends Will ? Nico va vouloir venir.
Lou Ellen se tourna vers Will. Ils échangèrent un long regard. Elle ne prit pas la peine de le dire, mais c'était évident : Nico voudrait certainement venir avec Will et Will voudrait que Nico vienne aussi. Et elle n'était pas idiote, avoir Nico dans son équipe serait un atout non négligeable.
- Sa présence n'a pas à être officiel, non ? Fit-elle à voix basse.
- Comment ça ?
- Je veux dire, j'ai juste à dire que Connor et Will viennent avec moi. Nico nous rejoindra dès qu'on sera parti.
- C'est vrai que s'il y a bien une personne dont l'absence ne soulèvera pas trop de question, c'est Nico, approuva Cecil. (Il claqua des doigts). Hop ! Disparu dans les ombres !
- L'idée c'était qu'il n'ait plus à faire ça, protesta Will. Disparaître, être au-dessus des règles de la Colonie parce qu'il n'y a pas sa place. Ça fait presque trois mois que j'essaye de lui faire intégrer l'inverse.
Lou Ellen tapota le bord de sa tasse.
- Je sais, dit-elle, ce n'est pas l'idéal. Mais au moins il sera avec nous.
- C'est pas faux... Et en fait alors ton rêve ?
- T'as vraiment vu ta mère ? Demanda Cecil, presque envieux.
Elle savait que comme tous les enfants Demi-Dieux, Cecil rêvait un jour de rencontrer son père. Connor aussi. Au fil des années, leur envie s'était même teintée de rancœur devant le silence de ce parent si absent et Lou Ellen ne pouvait que se joindre à eux. Face à sa mère, elle avait ressenti cette boule chauffée à blanc, ce malaise de petite fille... Pourtant, elle aurait voulu dire à Cecil ce qu'elle avait compris en même temps : Hécate n'était pas sa mère, pas au sens où elle l'aurait voulu, elle était une déesse avant tout, trop immatérielle pour s'y attacher. Le goût amer de la déception se mêla à celui du café dans sa bouche.
- Oui, répondit-elle après quelques secondes. Oui, je l'ai vu... C'était étrange. On n'a pas vraiment eu le temps de parler ni de rattraper le temps perdu si tu vois ce que je veux dire. Elle a été droit au but. Ses torches ont été volées.
- Quoi ? S'étrangla Will.
- Je sais, ça craint.
- Après l'éclair de Zeus, les torches d'Hécate. Les Dieux font vraiment pas attention à leur affaire, maugréa Cecil.
Lou Ellen trouva amusant qu'il se souvienne de cela. Il n'était même pas encore à la Colonie quand c'était arrivé, et elle non plus. Connor leur avait raconté l'histoire. Il rageait toujours contre son frère, Luke Castellan, comme si ça lui permettait de se défouler. Généralement, Travis restait silencieux dans ces cas-là, mélancolique.
- En tout cas, elle m'a confié comme mission de les retrouver...
- Et elle t'a donné une prophétie.
- Oui... Elle a dit qu'elle n'était pas Apollon, mais que ça ferait l'affaire.
Will leva les yeux vers le ciel. Elle se demanda un instant s'il y cherchait son père ou une explication concernant les oracles, mais il finit par soupirer.
- Bon, c'est réglé, dit-il. On partira ensemble avec Connor et Nico ! Je vais dire à Chiron de programmer une réunion. On se retrouve tout à l'heure !
Sur ces mots, il se leva et repartit au pas de course en direction de la Grande Maison. Lou Ellen le regarda disparaître au loin. Cecil posa sa tête contre son épaule et ses cheveux chocolat lui chatouillèrent le cou.
- Eh sœurette, tu les feras revenir en un seul morceau pas vrai ? Souffla-t-il.
- Evidemment, promit-elle avec une assurance feinte. Vous êtes ma bande de garçons à moi !
***************
Verdict ? ^^
Exceptionnellement, comme c'est le début, je vous posterai le chapitre 2 et 3 la semaine prochaine ! Elle est pas belle la vie ? ^^
A bientôt !
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