Chapitre 39
La nuit était particulièrement froide mais le sang de Lazaro était si bouillant qu'il n'en ressentait pas le froid. Assis sur la terrasse du balcon, il ruminait sans cesse les paroles froides qu'il avait eu envers Hannah et la douleur qu'elle avait ressenti en les écoutant.
La sagesse douloureuse de cette jeune femme lui rappelait chaque jour qu'il ne la méritait pas.
Et pourtant, il lui était presque impossible d'envisager qu'elle s'en aille loin de lui. Si ce jour devait arriver, Lazaro savait qu'il serait le seul fautif.
Le plus déchirant avait été de la voir le regard plein d'espoirs de revenir dans le domaine comme si elle avait craint qu'il puisse la mettre dehors comme un monstre sans état d'âme. Cette dispute avait eu des dommages et ces derniers s'étaient ressentis lorsqu'ils étaient rentrés au domaine presque en silence.
Agacé, en rage contre lui-même, Lazaro se leva brusquement et écarta les rideaux pour rentrer dans la chambre. Ses yeux aiguisés se plantèrent presque comme une évidence sur le lit et quand il réalisa qu'elle n'était plus là, une panique se déchaîna en lui.
Il se précipita vers le lit pour écarter les draps tout en saisissant son arme dans le tiroir de la table de nuit.
Il gravita dans les étages en soufflant son prénom en quête d'une réponse de sa part. Rien.
Les yeux noirs il descendit l'escalier pour fouiller les pièces plongés dans l'obscurité jusqu'à ce qu'il aperçoive un filet de lumière sous la porte de la cuisine.
Bousculé par le battement de son sang dans ses veines Lazaro ne mit aucune douceur dans ses mouvements, notamment quand il ouvrit la porte, son arme pointée vers l'avant.
Il l'abaissa après le petit hoquet de peur entendu.
- Dio ! Hannah...
La jeune femme planta son regard dans le sien, laissant apparaître derrière la pâleur de ses joues, quelques rougeurs. Ses cheveux cascadaient comme ceux d'une sauvageonne alors qu'elle avait la bouche pleine.
- J'ai cru que...bon sang qu'est-ce que tu fais ? Demanda-t-il le torse ravagé de respirations fortes.
- Nous n'avons rien mangé, j'avais faim et je n'ai pas le sommeil, déclara la jeune femme en reposant l'aile de poulet. Bianca avait gardé les restes de notre déjeuner.
Lazaro s'approcha pour allumer une seconde lumière un peu plus chaude.
- Et toi ? S'enquit-elle les yeux brillants comme si elle avait beaucoup pleuré. Pourquoi tu ne dors pas ?
- Problème de conscience, répondit-il en se plaçant de l'autre côté du plan de travail.
Un silence s'ensuivit alors qu'elle avait baissé la tête.
- Est-ce que...tu regrettes ? Lança-t-elle quelques secondes plus tard en relevant la tête.
Lazaro la dévisagea longuement avant de répondre.
- La seule partie que je ne regrette pas c'est celle où je t'ai dit que je ne peux plus envisager d'être un homme que je ne suis pas.
- Personne ne te l'a demandé.
Lazaro poussa un soupir agacé.
- Hannah je t'en prie...
- Il y a trois heures, j'ai découvert que mon père n'était pas celui que je pensais, j'ai découvert que mon père biologique était un inconnu dont j'ignore même à quoi il ressemble et pourtant, la seule chose qui a continué et qui continue d'envahir mes pensées c'est ce qu'il s'est passé entre nous.
Lazaro sentit son visage se creuser d'une peine immense d'entendre cela et la culpabilité le dévora de l'intérieur.
- Je suis coupable, je regrette amèrement d'avoir été si brutal et froid. Je ne t'aurai pas laissé partir de toute façon.
- Tu en es certain ? Demanda-t-elle d'une toute petite voix.
- Hannah, à peine t'avoir vu franchir les portes du club que j'étais derrière toi pour te rattraper, lui dit-il d'une voix grave.
- Dans ce cas pourquoi tu ne m'as pas parlé depuis...
- Je te l'ai dit, la coupa-t-il en enfonçant son regard dans le sien. Problème de conscience, doublé d'immenses regrets.
- Je veux que l'on cesse de penser pour moi, déclara-t-elle d'une voix assurée. Je suis assez grande pour savoir ce qui est bon pour moi.
- Et moi je ne veux pas que ma véritable identité te...
- Qu'est-ce que je pourrai découvrir que je ne sais pas déjà Lazaro ? Le coupa-t-elle en affrontant les tons orageux qui vacillaient dans ses yeux. J'ai l'impression que c'est toi qui a peur.
Lazaro serra les dents.
- Ton père semble bien me connaître pour avoir envisagé de te laisser à moi, cela devrait t'inquiéter.
Hannah poussa un rire sans joie en posant une main sur son front.
- Vous me prenez tous pour une petite fille à qui il faut donné la main. Ce n'est pas croyable.
- Je ne te prend pas pour une petite fille Hannah, jusqu'ici tu m'as prouvé que tu étais capable de surmonter bien des obstacles mais ma seule crainte c'est que je sois celui qui...
Il poussa un juron en détournant la tête.
- Je sais qui tu es Lazaro, et si j'avais vraiment peur de l'homme que tu es, j'aurai déjà tout tenté pour m'enfuir loin de toi.
- Le problème c'est que tu ne l'as pas encore vu.
- Tu ne t'attendais pas à ça pas vrai ? Lança la jeune femme en plissant les yeux comme si elle le défiait.
- Quoi ?
- Tu pensais que ce mariage t'apporterai quelque chose si tu suivais ton instinct mais tu ne t'attendais pas à ce que ça prenne une telle ampleur.
Elle venait de toucher un point sensible et l'affrontait sans fléchir.
- En effet, je ne m'attendais pas à ce qu'on me donne autant, et encore moins une innocente telle que toi. Et désormais ma seule hantise c'est de voir dans les yeux de l'innocente le reflet de ma cruauté, répondit-il entre ses dents.
La jeune femme fit le tour du plan de travail, les yeux embués d'un voile brillant.
Lazaro était dans une telle souffrance intérieur qu'il n'arrivait pas à bouger, subissant le supplice en silence de voir cette jeune femme qui s'accrochait à lui comme jamais personne ne l'avait fait avant elle.
- Si c'est vraiment ta seule hantise alors ça me va, tu n'as pas besoin de dire plus.
Légèrement choqué, Lazaro la suivit des yeux alors qu'elle se rapprochait doucement vers lui.
- Que veux-tu dire par-là ?
- Tu es un homme différent tu as raison, et c'est peut-être ce que j'aime le plus en toi. Tu n'es pas le genre d'hommes à dire ce qu'une femme désire entendre. Tu es froidement différent et c'est ce j'aime le plus en toi.
Lazaro fronça des sourcils alors qu'elle tortillait ses doigts nerveusement.
- Ce que tu viens de dire est une façon propre à toi de me faire comprendre que tu as des sentiments pour moi, et c'est tout ce qui compte pour moi.
Lazaro aurait voulu la tromper mais c'était impossible et il en était incapable. Hannah le complétait. Hannah parvenait à décortiquer chaque fragment de pierre qui entourait son cœur. Elle parvenait à déchiffrer sa façon austère d'exprimer ses sentiments.
- J'aurai pu partir ce soir Lazaro, et j'y ai songé mais mon instinct me dit que si je fais ça, ça risque de te changer en quelqu'un de bien pire que celui que tu tentes de me décrire.
Cette fois-ci le mafieux sentit tous ses muscles se broyer d'une douleur insoutenable. Il serra les mâchoires en fixant l'ange qui lui, dévisageait le démon. Elle venait de toucher la dernière corde sensible de l'arc.
Il referma ses doigts sur le rebord du marbre.
- Parce que le problème c'est que tu tiens à moi et c'est ça que tu n'arrives pas à gérer, ajouta-t-elle avec une expression peinée sur le visage car elle craignait se tromper.
Mais elle ne se trompait pas.
Lazaro tenait trop à elle et pour la première fois de sa vie, il avait perdu le contrôle et continuait de le perdre.
- Dis quelque chose, n'importe quoi, murmura-t-elle avec un faible voire inexistant sourire en coin.
Et desserra ses doigts sur le marbre et se redressa pour se mettre en face d'elle.
- Tu as raison cara mia, dit-il en la dévisageant. Si tu pars, je risque de ne pas le supporter et faire des choses vraiment désagréables.
Elle inspira nerveusement en croisant ses bras.
- Je ne veux pas partir, je veux que tu comprennes seulement que je suis assez solide pour supporter ce que tu es, sinon je ne serais pas ici, et je ne t'aurai jamais laissé une chance ni même celle de m'approcher.
Lazaro combla les derniers centimètres qui les séparaient et leva sa main pour caresser sa joue avec le revers de sa main.
Il vit alors dans ses yeux un mélange de joie et de tristesse la submerger.
- Je suis profondément désolé pour le mal que je t'ai fait Hannah, murmura-t-il en abaissant sa main. Tu es la dernière personne à qui je voulais faire du mal.
- Peut-être que nous avions besoin de ça pour exprimer nos pensées, nos faiblesses, nos colères, répondit-elle en s'approchant jusqu'à toucher son torse.
Hannah rejeta la tête en arrière pour atteindre le profond regard du mafieux. Jamais elle n'aurait cru déceler autant de peine et de douleurs sur son visage pourtant ordinaire si sévère.
Les mots qu'elle brûlait de lui dire restèrent coincés dans sa gorge. C'était peut-être le signe qu'il ne fallait pas les dires tout de suite, songea-t-elle en fermant les yeux avant de plonger son visage dans son torse.
Il y a un mois et quatre semaines en arrière, en voyant cet homme débarquer dans sa boutique avec ce sourire diabolique, Hannah n'aurait jamais pensé à ce moment-là qu'il allait bousculer à ce point sa vie.
Il la souleva dans ses bras et elle s'accrocha à son cou, les yeux fermés.
Il la ramena dans le lit, mais Hannah n'avait pas envie de dormir. Son esprit était submergé d'inquiétudes et de douleurs.
- J'aurai dû te faire confiance, murmura-t-elle quand ils furent allongés.
Il s'appuya sur son coude, le visage au-dessus d'elle.
- Tu connais ta mère depuis des années et moi seulement depuis deux mois, j'aurai dû me préparer à ce que tu prennes sa défense.
- J'aurai dû être plus vigilante et ne pas lui offrir une confiance si sûre sans laisser place au doute
- Dans un sens elle a dit la vérité, précisa Lazaro en dégageant une mèche glissé sur sa joue. Elle n'a aucune idée de ce que Michael prépare depuis plusieurs mois. Elle n'a aucune connaissance de ce compte bloqué.
- Mais elle sait depuis vingt-quatre ans que je ne suis pas la fille de Michael et a menti à tous le monde, répliqua Hannah d'une voix amère.
- Je sais, dit-il en chassant avec son pouce la larme solitaire sur sa joue.
- Tous le monde savait sauf moi, reprit-elle en regardant le visage du mafieux découpé par le reflet de la lune. Même Michael le savait. Comment a-t-elle pu me mentir droit dans les yeux ? Moi qui pensais...
Elle s'interrompit et ferma les yeux.
- Je vais la confronter dès demain matin, décréta Hannah en se redressant sur le lit.
- Hannah je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
- Au contraire, j'ai besoin de savoir pour quelle raison elle a gardé ce secret. Peter a dit qu'il s'agissait d'une question d'argent et je veux savoir si c'est vrai.
Hannah plongea son regard dans le sien et reprit :
- Je vais également donner ma signature pour accéder à ce fameux compte bloqué.
- Grave erreur trésor, il ne faut surtout pas faire ça.
- Pour quelle raison ?
- Parce que Michael est trop préparé pour ne pas avoir envisagé cette option idéale pour lui, surtout maintenant qu'il a redoublé d'intensité pour te retrouver. Il a besoin de venir jusqu'à toi et d'être sûr d'avoir une preuve l'égale pour toucher l'argent. L'administration sera longue et judiciaire puisqu'il est bloqué. Si jamais tu ouvres ce compte, alors il fera faire le sale travail par n'importe qui et restera dans l'ombre.
- Je ne comprends pas ce que ça change.
- Michael a envisagé toutes les options et il sait parfaitement qu'un meurtre sera son plus gros problème. Le compte est bloqué et comme par hasard la bénéficiaire meurt ? Une enquête sera ouverte et il devra prouvé son innocence ainsi que ta mère ou même ta sœur. Si en revanche tu ouvres ce compte et qu'il en prend connaissance il sait qu'il pourra y toucher sans même que l'enquête soit terminé, parce qu'ils auront procuration.
Hannah fronça des sourcils en secouant légèrement la tête puis comprit.
- Lazaro tu as lu mon...testament ?
Il claqua sa langue en se levant du lit brusquement pour faire les cent pas.
- Quand mon avocat m'a appris que tu avais rédigé un testament dès l'âge de dix-huit ans j'ai cru que j'étais en pleine hallucination, dit-il en se passant une main dans les cheveux. Moi-même je n'en ai pas rédigé un aussi tôt dans toute l'histoire de la mafia.
- Je voulais être prévoyante, glissa-t-elle mal à l'aise.
Il eut un rire sans joie.
- Si prévoyante cara que tu as donné l'accès à tous tes comptes bancaires à ta mère et à Michael.
- Je l'avais oublié, je l'ai fait il y a tellement longtemps maintenant.
- Tu comprends maintenant ce que je suis en train de te dire ?
Hannah acquiesça.
- Il faut qu'il vienne à moi Hannah, il faut que j'élimine toutes les personnes impliquées et le forcer à venir jusqu'ici pour en finir.
- Et James dans tout ça ? Peter a dit...
- Ils m'ont assez fait perdre de temps, la coupa-t-il les yeux noirs. Je n'ai plus de temps à perdre désormais. Si James Butler tient vraiment à sa fille comme il le prétend, alors il sortira de sa cachette.
Hannah frissonna en soutenant son regard qui redevenait peu à peu...machiavélique.
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