Chapitre 23



Lazaro se tenait sur le pont supérieur à celui des chambres et observait le bleu limpide de la mer avec humeur. Il posa ses deux mains sur le bois de la balustrade en poussant un soupir bruyant. La première nuit sur le yacht s'était relativement bien passé et la jeune femme n'avait nullement cherché à se causer du tort en envisageant l'impossible. Oui, car malgré les preuves irréfutables qu'il avait depuis le début une partie de lui restait méfiante. En plaquant ses lèvres sur les siennes Lazaro avait fait le choix de s'imposer un désir plus vif et primitif. Il ne regrettait en rien d'avoir effleurer cette bouche captivante mais devait maintenant en assumer les conséquences.

" Lazaro Santi obtient toujours ce qu'il veut "

Cette phrase résumait parfaitement ce qu'il était mais pas dans ce cas précis. Il avait certes la jeune femme, mais l'exception qu'elle représentait changeait tout ce qu'il avait pu connaître jusqu'à maintenant.

Mais ce n'était pas tout.

La mystérieuse Hannah était peut-être en danger. L'homme qui l'avait contacté restait introuvable et jusqu'ici n'avait pas essayé de le recontacter.

Désireux de comprendre Lazaro avait dû pousser la jeune femme à remettre en question la fidélité de sa mère et n'était pas fier du résultat.

Désormais elle doutait et si jamais ses doutes se confirmaient, Hannah serait à nouveau confronté à une nouvelle déception.

Lazaro poussa un juron en italien pour mettre un terme à ses réflexions. Ce voyage n'avait pas pour but de miner le moral de sa femme mais plutôt lui ôter cette méfiance qu'elle avait à son égard.

Bien qu'elle s'était liquéfiée sous la naissance de ses doigts glissant sur sa peau, elle restait néanmoins craintive et soucieuse. Hannah se rendait elle-même prisonnière car c'était le seul moyen pour elle de se sentir en sécurisé.

Et ça, Lazaro l'avait bien compris...

- Ma question n'est pourtant pas compliquée maman.

Lazaro baissa les yeux sur le pont inférieur et la vit, les cheveux au vent, marchant nerveusement, les doigts portés à sa bouche sans doute pour mordiller ses ongles.

Affecté par un violent désir, Lazaro ne bougea pas, aiguisant au contraire son regard sur sa femme.

- Est-ce que oui ou non tu as trompé papa c'est pourtant simple non ?

La mère de la jeune femme à l'autre bout du fil était tristement en train de confirmer ses doutes. Malgré les mètres de distance qui le séparaient d'elle, Lazaro pouvait décelé l'immense angoisse qui se reflétaient dans la beauté de ce miel et dans ses iris captivantes.

Puis le désespoir s'afficha avant que celui-ci ne soit remplacé par une expression qui exprimait le soulagement et le déni.

- Bien sûr que je te crois maman, l'entendit-il dire à sa mère malgré le vent qui qui rendait difficile l'écoute.

Impassible, les mâchoires serrées, Lazaro s'effaça avant qu'elle lève la tête et se rende compte de sa présence. Ce qu'il venait d'entendre lui était amplement suffisant. Le fait que sa mère soit aussi longue à lui répondre et le fait que sa fille soit obligée d'insister plaçait cette hypothèse en tête de liste. Pour l'heure, Lazaro préféra garder le silence et faire ce qu'il faisait le mieux dans ce genre de situation.

Creuser à sang jusqu'à obtenir la vérité.

Il descendit pour la rejoindre et acta sa présence par des pas lourds qui aussitôt la poussèrent à se retourner.

Elle tenait son téléphone dans ses mains comme une petite fille prise en faute. Lazaro s'arrêta à mi-chemin pour garantir un espace suffisant entre eux.

- C'était ma mère.

- Est-ce qu'elle va bien ? Demanda-t-il poliment.

- Oh...euh oui ! Elle a l'air d'aller bien.

Lazaro inclina la tête et se dirigea vers les baies vitrées pour se glisser dans le salon. Elle le suivit, mettant à mal son contrôle sur soi. Il se dirigea vers le bar pour se servir un verre qui peut-être l'aidera à dissiper son désir.

Hélas il se retourna et le but d'un trait sans quitter la belle rousse qui avait contourné le canapé immaculé pour s'installer sur le fauteuil.

- Elle a...elle a dit qu'elle n'avait jamais eu de liaison, bredouilla-t-elle.

- Alors tu n'as plus à t'inquiéter cara, répondit Lazaro calmement en notant l'incrédulité dans ses yeux.

- Et c'est tout ? Tu ne doute plus de sa parole ? S'enquit-elle avec un rire nerveux.

- Est-ce que toi tu doutes mon ange ? Répliqua-t-il aussitôt.

Le regard de la jeune femme se perdit sur le tapis, les cils palpitants à la même vitesse que ses réflexions intérieurs.

- N...non...

- Dans ce cas je n'ai aucune raison de douter cara, conclut-il en reposant le verre sur le bar.

Bien sûr Lazaro mentait et n'avait pas l'intention de classer ça sans suite, mais la pénible tristesse dans les yeux de la jeune femme devait cesser immédiatement. Ce voyage le concernait lui et elle. Personne d'autre.

Et c'était l'unique chose qui comptait pour lui.

- Est-ce que tu veux faire quelque chose en particulier aujourd'hui ? Demanda-t-il d'une voix qu'il ne reconnut pas lui-même tant elle était rauque.

Ses beaux yeux se glissèrent dans les siens avec étonnement.

- Comme quoi ? On est sur un bateau.

- Et si tu avais voulu l'explorer un peu plus tu aurais remarqué ce qu'il contient, précisa Lazaro en s'approchant pour s'installer sur le canapé. Il y a une piscine, des jets ski prêts à fendre la mer, une bibliothèque, une salle de billard...

Elle se mordit la lèvre inférieure ce qui sans qu'elle s'en rendre compte, aiguisa son envie de les embrasser.

- J'essayais de m'habituer à l'idée de dormir sur ce yacht au milieu de nulle part alors non, je n'ai pas réellement pensé à le visiter.

- Et tu n'as pas l'air d'avoir envie de t'amuser, tu sembles tracassée je me trompe ?

Elle n'essaya pas de nier, ce fut même l'inverse.

- Ce que tu m'as dit hier m'a chamboulé je dois le reconnaître.

- Si c'est à propos des coups de téléphone anonymes arrêtes de t'en faire, je gère la situation.

Hannah frissonna en baissant les yeux puis les releva.

- Je suis en train de me rendre compte que ma famille est horrible, lâcha-t-elle d'une voix plus tremblante qu'elle ne n'aurait voulu.

- J'ai vu pire crois-moi.

- Ce n'est pas censé me rassurer au contraire, contrat-elle en inspirant profondément. Mon père m'a piégé et m'a donné à toi sans aucune pitié, ma sœur doit me haïr en secret et ma mère semble instable psychologiquement après son séjour interminable dans cette clinique.

- Et je veux que tu cesses de penser à ça pour te concentrer sur toi, essaye de lâcher prise et oublie un peu tout le reste.

- Je ne sais pas comment on lâche prise parce que je ne l'ai jamais fait, du moins pas depuis des années.

Le moral d'Hannah était en déclin mais ce qui le mettait au plus mal c'est de ne pas comprendre pourquoi ?

Ce " pourquoi " était en train de la rendre folle et il le remarqua, sans doute parce que l'expression de son visage était suffisamment parlante.

- Que se passe-t-il dans cette petite tête ? Hum ?

Hannah se mordit la lèvre presque à sang en dévisageant le mafieux avec une angoisse latente.

- Je me tue à essayer de comprendre, lâcha-t-elle avant de ne plus pouvoir le dire.

- Hannah...

L'avertissement ?

Elle le balaya d'un revers de la main, malgré le regard scruté sur elle avec cette lueur d'avertissement.

- Si au moins tu me donnais une seule raison même la plus insignifiante, insista-t-elle. Tu dis que tu ne sais pas pourquoi, tu dis que tu n'as pas encore les réponses mais je sais que c'est faux. Il doit bien avoir un raison même la plus infime.

- Tu as si peu de confiance en toi cara ? Je pensais que le sujet était clôturé depuis longtemps, dit-il en se levant agacé pour rejoindre le bar.

- J'ai farfouillé sur internet.

- Ah...tu as " Farfouillé " sur internet ? Répéta-t-il sur un ton posé mais trompeur. Et puis-je savoir ce que tu as trouvé ?

Des photos de lui en compagnie de femmes de son âge et toutes plus belles que les autres. Sophistiquées, parées pour séduire la haute société et lui...frappant l'appareil photo par son magnétisme foudroyant.

Elle ne répondit pas, trop fière pour lui avouer ce qu'elle venait penser et qui se muait en jalousie.

- Rien, murmura-t-elle en glissant ses doigts dans ses cheveux.

- Tu sais pour quelle raison je te trouve exceptionnelle et différente cara ? Lança-t-il soudain.

Il se retourna, exposant sa stature impressionnante enfermée dans cette chemise immaculée. Les manches étaient relevées lui donnant un aperçu de ses avant-bras virils. Son expression grave aiguisant ses traits ciselés accompagnait cette physionomie déroutante.

- N...non...

- Parce que tu n'essayes pas de l'être, tu l'es naturellement.

Hannah déglutit pour ravaler l'émotion qui venait de la saisir.

- Tu tiens vraiment à obtenir la seule raison que je possède pour l'instant et qui m'a poussé à t'avoir par tous les moyens ? Tu te sentirais mieux de le savoir ?

- Oui, répondit-elle aussitôt. Ça m'aiderait vraiment.

Il serra les mâchoires, donnant l'impression que cela allait lui coûter.

- Parce que tu es la seule personne à avoir eu le droit de décider de ma vie, ce que personne pas même mon père n'a eu le droit de faire.

Hannah cilla, déroutée.

- Comm...comment ça ?

Il fit planer le mystère, le visage aussi impassible qu'un masque de pierre alors qu'il regardait dans les profondeurs de son verre.

- Quand tu as signé les papiers, tu es devenue ma femme sauf que jamais je n'avais songé à la partie la plus délicate de cette union. Et je n'avais pas non plus songé à ce qu'il puisse m'arriver quelque chose. Tu étais la seule autorisée à décider de mon sort. Mon destin reposait dans les mains d'une inconnue qui en arrivant dans cet hôpital n'avait aucune idée de ce qui l'attendait.

Il marqua une pause dans laquelle un rictus déforma ses lèvres dures.

- Tu aurais pu te venger, tu aurais pu forcer les médecins à ne pas procéder à l'intervention en prenant le prétexte qu'elle était trop dangereuse ou trop délicate. Tu avais ma vie entre tes mains pendant que j'étais dans le coma. Tu avais entre tes mains la vie de l'homme qui quelques semaines plus tard t'a soumis au chantage et pourtant...

Hannah sentit sa gorge se serrer au souvenir de cette fameuse nuit quand l'hôpital l'avait appelé.

- D'ailleurs comment est-ce possible ? Comment l'hôpital savait si vite que j'étais ta femme ?

- Mon avocat à fait en sorte de sceller l'affaire aussi vite que possible sauf qu'à ce moment-là, personne ne savait que ce n'était pas Sandy qui avait signé mais toi.

- Tu sais, ce jour-là j'étais tellement sous le choc que j'ai signé l'autorisation sans trop réfléchir je voulais m'enfuir de cet hôpital au plus vite.

- Mais tu l'as signé, précisa-t-il d'une voix rauque. Tu aurais pu partir sans signer cette autorisation mais tu ne l'as pas fait.

Hannah ne sut quoi répondre et sentit son visage s'empourprer.

- Voilà la seule raison que je peux te donner pour l'instant, reprit-il en restant loin d'elle. Une inconnue dont je ne soupçonnais pas l'existence était en charge de prendre des décisions à ma place et dès que je l'ai su, quelque chose m'a interpelé.

- Quoi ?

- Qui peut être cette femme qui est rattachée à moi par la force et qui pourtant n'a pas essayé de m'évincer pour retrouver sa liberté ? Dit-il en s'approchant d'un pas lent.

- Je ne pense pas que Edwardo m'aurait laissé faire une telle chose, répondit-elle simplement.

Il n'essaya pas de repousser ce fait évidence mais le rectifia.

- En effet, mais le simple fait d'y songer fait toute la différence tesoro.

Oui Hannah aurait pu refuser de signer cette autorisation mais savait parfaitement que les hommes de Lazaro ne l'auraient pas laissé faire. Alors c'était donc ça...

- Donc c'est parce que je n'ai pas songé à le faire que tu as jeté ton dévolu sur moi ?

- Tu avais ma vie entre tes mains, et ça m'a été suffisant pour venir à toi et découvrir qui était celle qui pendant un mois avait ce pouvoir qu'aucun autre n'avait eu avant cela.

Il termina son verre puis ajouta :

- Ensuite, tu connais les éléments qui se sont greffés à cette raison.

Est-ce que cela l'avait aidé de le savoir ?

La réponse était oui.

Car cette réponse n'avait pas de tons de vengeance, et n'évoquait pas les erreurs de son père qui avait rendu cette situation possible.

Lazaro évoquait quelque chose de plus personnel.

- Alors cara, est-ce que tu vas enfin te détendre ou nous allons devoir parler de tes recherches sur internet ? Lança-t-il en l'arrachant à sa torpeur.

- Non ce n'est pas nécessaire, s'empressa-t-elle de dire non sans rougir.

- Parce que si tu parles de ces photos prises de moi en compagnie de différentes femmes sache que je ne suis pas disposer à t'entendre te comparer à elles.

Il venait de piquer juste et elle détourna le regard pour ne pas lui montrer son embarras.

Mais le mafieux s'approcha pour se planter devant le fauteuil et elle sentit ses longs doigts effleurer son menton pour s'en saisir.

- Et pourtant c'est bien ça dont il s'agit cara humm ?

- Pas du tout ! Mentit-elle forcée de le regarder alors qu'il la dominait de sa hauteur.

- Tu n'es pas ces femmes tu es ma femme, articula-t-il d'une voix rauque.

Il se pencha soudain et Hannah n'eut que le temps de prendre un semblant de respiration que sa bouche dure captura la sienne. À nouveau. Seulement cette fois-ci il l'embrassait vraiment, tenant ses mâchoires dans sa main, cherchant à mêler sa langue à la sienne qu'il trouva pour gorger ses lèvres d'un baiser plus primitif. Hannah se laissa surprendre à suivre le rythme diabolique jusqu'à ce que celui-ci s'arrête brusquement.

Ce fut seulement à cet instant qu'elle entendit sa propre respiration erratique frapper par les battements précipités de son cœur. Elle ouvrit les yeux consciente que son visage était toujours près du sien. Les yeux sombres et sauvages, il glissa son pouce sur ses lèvres qu'il caressa doucement comme s'il voulait étaler son empreinte pour qu'elle ne s'efface jamais, puis déclara d'une voix rauque :

- Signorina Santi, vous avez encore beaucoup à apprendre de vous, et je serais ravi de vous l'enseigner...

Hannah ne répondit pas, trop émotionnellement touché d'avoir laissé un homme l'embrasser après cette terrible soirée d'été qu'elle voulait effacer à jamais de sa mémoire et dont quelques fragments commençaient à se dissiper.

- C'est de la folie, souffla-t-elle...

- Quoi ? D'être tentée par le diable ?

Elle ne répondit pas, laissant son regard s'exprimer pour elle sans même savoir ce qu'il contentait réellement. À en juger le sourire du mafieux, Hannah comprit qu'elle venait d'affirmer une pensée qu'elle refusait d'admettre à voix haute.

- Tu sais ce qu'on dit mon ange, de la haine à l'amour il n'y a qu'un pas...


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