Chapitre 20




- Signorina est-ce que tout va bien ?

La voix de Bianca l'extirpa de sa torpeur et l'obligea à se redresser.

- Tout va pour le mieux merci, répondit-elle en esquissant un sourire.

La nuit qu'elle venait de passer n'avait pas été aussi douloureuse qu'elle l'avait imaginé. Sa jambe lui faisait déjà moins mal comme si cet épisode qui aurait pu être davantage dramatique n'avait presque jamais existé.

Cependant elle restait sur ses gardes car l'entourage du mafieux même les plus insignifiants d'entre eux pouvaient frapper à n'importe quel moment.

- Est-ce que...est-ce que vous avez vu Signore Santi ?

- Il est juste derrière toi cara...

Sa voix sombre et chaude la paralysa quelques secondes alors que sa présence se faisait de plus en plus prononcée. Elle entendit ses pas se rapprocher tandis que ceux de Bianca s'éloignaient sous la sonorité douce du tapis d'eau limpide qui se déversait dans la piscine.

- Je t'ai manqué ? La taquina-t-il en faisant le tour de la table pour prendre place en face d'elle.

Un feu intense courut sur ses joues quand elle leva son regard sur l'italien impeccablement habillé d'un tee-shirt noir épousant sa physionomie déroutante. Ses épaules large et ce sillon de veines qui lézardaient ses muscles l'empêchèrent de répondre et sa bouche devint sèche. D'autant plus que le mafieux avait le regard voilé de lunettes noires qui masquaient les expressions de son visage.

- Je ne t'ai pas vu ce matin, répondit-elle enfin en passant une mèche inexistante derrière son oreille.

- J'étais dans mon bureau pour régler certaines affaires urgentes, répondit-il sans s'attarder. Comme va ta jambe ?

Lazaro étudia la jeune femme comme s'il la voyait pour la première fois. Ses yeux étaient ravagés par l'intensité du soleil et le reflet de la piscine à lui seul parvenait à parfaire le miel qui coulait dans ce regard timide et rebelle.

La journée d'hier avait été riche en émotions. Lazaro était passé par la colère puis l'inquiétude avant que la rage le consume jusqu'à l'apaisement. Déterminé à ne plus reproduire les erreurs passées, il s'était fait la promesse de ne plus jamais la laisser sans surveillance accrue.

Le plus troublant dans cette histoire c'est qu'elle n'avait pas essayé de s'enfuir et les images d'elle dans l'eau, les lèvres craquelées par le sel de la mer, le teint pâle et dans la douleur l'avaient marqué plus qu'il ne l'avait imaginé.

- Elle va mieux, je n'ai plus autant mal, c'est juste un peu désagréable quand je marche, répondit-elle en fuyant son regard.

Lazaro se carra dans la chaise et posa ses mains jointes sur son ventre plat, l'air songeur.

Les confidences de la jeune femme l'avaient quelques peu interpelé car sur l'instant, cela lui avait apparu comme une communication enfin légère et sans bravade de sa part. Seulement à force de creuser il y avait trouvé une grande détresse. Une vie gâchée à se cacher des fantômes de son passé et le désespoir d'attirer l'attention d'un père qui ne supportait pas la différence de sa fille.

Pendant une fraction de seconde il eut quelques regrets de faire asseoir sa volonté et ses désires en utilisant sa mère qui était sa seule boussole. Le lien qui unissait mère et fille était si fort que Hannah s'était donné à lui en échange de sa liberté.

Mais que restait-il de la jeune femme en question ?

Rien...

Seulement des années gâchées à tenter de se reconstruire en oubliant le sens même de la vie.

Cette belle rousse remplie de feu et d'innocence s'était perdue en chemin et c'est lui qui l'avait retrouvé...

- Tant mieux parce que je t'emmène en ville aujourd'hui, annonça-t-il en se penchant pour saisir sa tasse de café.

Surprise voire déroutée elle cilla légèrement.

- Ah oui ? En quel honneur ?

- En l'honneur que tu es ma femme et que tu vies en Italie, il est temps de te faire découvrir la Sicile.

Lazaro nota dans ses yeux un profond trouble se saisir d'elle comme si elle n'était pas prête pour ça...

En réalité Hannah n'était pas prête pour rien comme une créature émergeant des mers terrifiée par l'inconnu. Elle avait besoin de vivre tout simplement.

- Tu es sûr que c'est une bonne idée ? Tu ne préfères pas m'avoir ici ? Entre ces murs ?

Lazaro se pencha vers la table et préféra garder ses lunettes de soleil afin qu'elle ne puisse pas voir l'incendie qui était sur le point de ravager ses yeux...

- Tesoro le seul endroit où je préférerais t'avoir là tout de suite c'est enroulée dans mes draps blancs comme une déesse étourdie que je prendrai plaisir à peindre...

Le feu la dévora malgré sa lutte pour l'éteindre.

Satisfait, saisi d'une pulsion primitive, Lazaro serra furtivement les mâchoires puis porta la tasse à ses lèvres.

- Quelle jolie façon de présenter les...choses, bredouilla-t-elle en se raclant la gorge.

- Je suis un poète dans l'âme que veux-tu tesoro, dit-il avec un sourire en coin.

Il reposa la tasse sur la table sans la quitter des yeux.

- Plus sérieusement, j'aimerai comprendre ce qui t'inquiète tant pour refuser une telle proposition. Tu n'as pas envie de sortir ?

- Si bien sûr que si mais...je ne sais pas, je ne m'attendais pas à ce que ça soit si tôt.

Elle fuyait la réalité pour mieux se cacher derrière des excuses incompressibles.

- Ça te fera du bien, arrête de faire cette tête et profite de ce que je t'offre Hannah, dit-il sur ton inflexible.

Elle le dévisagea troublée.

- Ta mère va bien, ton amie va bien, ton père continu de gémir de douleurs à l'hôpital et ta sœur est...toujours ta sœur, ajouta-t-il sur le même ton. En conclusion essaye de penser un peu à toi.

- Avec...toi ?

- Oui Hannah, avec moi car comme je te l'ai dit, continue de me détester j'aime ce petit jeu dans lequel tu t'emmêles les pinceaux.

Derrière le voile troublé devant ses yeux, elle était sur le point de se rebiffer.

- Pas du tout !

- Ah oui ? S'enquit Lazaro d'une voix volontairement suave.

- Oui ! Confirma-t-elle le menton levé.

Lazaro émit un rire rauque qui l'enveloppa encore comme si elle ne pouvait pas s'empêcher d'être happée.

- Comme tu veux tesoro, quoi qu'il en soit tu n'as que moi, alors tu as le choix. Tu peux rester ici et attendre que le temps passe ou bien explorer la Sicile en ma compagnie.

Ce n'était pas un choix, songea Hannah en essayant de deviner quel regard il y avait derrière cette paire de lunettes de soleil. Sa voix avec prit des tons péremptoires qui laissaient entendre que ce choix n'en était pas vraiment un.

Quel risque prenait-elle à accepter ?

Ce mariage allait durer encore très longtemps...

Sa mère était en partie heureuse d'après le coup de fil qu'elle lui avait passé ce matin.

Sa meilleure amie profitait de sa famille.

Son père hors d'état de nuire...

Et elle ?

Dans l'incertitude devant cet homme imprévisible et sauvage.

Toutefois elle devait reconnaître que jusqu'ici il l'avait sauvé et ne s'était pas comporté de manière violente avec elle. C'était tout le contraire.

Il regrettait pour l'arme qu'il avait pointé sur elle.

Toutes ces raisons laissaient croire qu'elle ne risquait rien même si derrière le masque, se cachait une façade beaucoup plus sombre...

- Très bien, dit-elle enfin en posant la serviette sur la table. Après tout qu'est-ce que je risque.

Un savoureux sourire émergea sur les lèvres dures du mafieux.

- Je ne sais pas tesoro nous verrons...

Hannah secoua légèrement la tête, préférant ignorer ce sourire en coin qui était destiné à la déstabiliser.

- Nous partons tout de suite ? Demanda-t-elle en se levant.

- Oui, et inutile de changer de tenue tu es très bien comme ça.

Hannah jeta un coup d'œil à sa robe en coton à bretelles, de couleur bleu foncé et longue qui lui tombait jusqu'aux chevilles.

- Tu en es certain ? Ce n'est pas trop décontractée ?

Malgré son regard dissimulé c'est sans vergogne qu'il embrassa sa silhouette de haut en bas.

- Tu es...parfaite, dit-il d'une voix rauque.

De ses yeux songeurs, Hannah le regarda les lèvres scellées et fit le tour de la table pour le rejoindre. Ils quittèrent le domaine dans une voiture noire et plus imposante. Quand la côte rocheuse apparut Hannah ne put s'empêcher de songer à l'accident qui avait emporté le père du mafieux. Elle resta cependant silencieuse et baissa les yeux sur cette bague de fiançailles qui ornait son doigt.

- Pourquoi une bague de fiançailles ? Lança-t-elle soudain car cette question lui brûlait les lèvres depuis des jours.

Il tourna furtivement la tête pour certainement poser ses yeux sur l'objet en question.

- Elle ne te plaît pas ? Demanda-t-il sans réellement répondre à la question.

- Ce n'est pas ma question, insista-t-elle en fixant la courbe musclée de sa mâchoire convulsait furtivement.

- Ce n'est pas ce qu'un homme offre quand il demande la main d'une femme ?

- Si...lorsqu'il s'agit d'une vraie demande.

- La mienne était plutôt originale, répliqua-t-il avec un sourire ravageur sans quitter la route des yeux.

Hannah eut dû mal à respirer quand elle fit tomber ses yeux sur son avant-bras musclé et hâlé jusqu'à cette main virile qui tenait le volant. Elle fut prise d'une bouffée de chaleur qu'elle se força à réprimer.

- C'est le moins que l'on puisse dire en effet, marmonna-t-elle en tournant la tête vers la vitre.

- Si tu veux quelque chose de moins voyant on peut aller la changer.

- Combien a-t-elle coûté ? Demanda-t-elle tout de go.

Il répondit par un petit rire marqué par un timbre sombre.

- Mon ange ce n'est pas une chose que l'on révèle et ce n'est pas mon intention.

- Je ne veux pas que...

- Je fais ce que je veux de mon argent, la coupa-t-il en amorçant le dernier virage serré.

- Je ne veux pas que la note augmente.

- Combien de fois vais-je devoir te dire que tu n'es plus lier à ton père et à la dette qu'il me doit ? S'enquit-il légèrement agacé. C'est entre toi et moi tesoro.

Hannah frissonna en baissant les yeux sur ses mains moites.

- Comment vas-tu récupérer cet argent ?

- Ça ne regarde quoi moi, dit-il simplement en se garant sur le parking de l'hôtel.

La conversion était officiellement terminée, comprit-elle en quittant la voiture les jambes en coton.

- Je pensais que nous allons...

- C'est exactement ce qu'on va faire cara, viens, la coupa-t-il en posant une main dans son dos qui aussitôt lui envoya une myriade de frissons.

Sans discuter, Hannah le suivit dans une petite ruelle aux murs de briques rouges sillonnés de boutiques. Une odeur de fruits de mer lui monta au nez alors que des touristes anglais se mêlaient à la chaleur des italiens. C'était merveilleux et différent de tout ce qu'elle avait pu connaître. Seulement derrière ce cadre digne d'une carte postale un détail avait retenu son attention.

Plus ils s'enfonçaient dans les rues bondées plus Hannah remarqua que Lazaro Santi imposait sa présence sans même prononcer un mot. Des dizaines et des dizaines d'inconnus regardaient le mafieux et le saluaient à son passage comme s'il régnait dans chaque parcelle de la ville.

- Est-ce moi où tous le monde semble te connaitre ?

- Ne ce n'est pas toi cara mia, dit-il sans arrogance manifeste.

- Tu contrôles la Sicile entière ou seulement des pans de quartiers ?

Cette fois-ci le sourire de l'italien s'agrandit diaboliquement et répondit à sa question.

- Donc là, si je crie en suppliant de l'aide personne ne fera rien pour moi ?

- Tu as l'intention de crier mon ange ?

- No...non, balbutia-t-elle en baissant la tête après quelques raideurs dans le cou à force de le regarder.

- Dans ce cas tu ne sauras jamais si ta théorie est la bonne, répondit-il sur un ton amusé en la guidant vers un escalier étroit.

- Je crois que ma théorie est la bonne, insista-t-elle.

Mais le mafieux ne répondit pas et se dirigea vers un marchant de chapeaux et en prit un après un bref échange avec le vendeur.

Il se tourna ensuite vers elle pour lui déposer sur la tête un long chapeau de paille tissé d'un ruban rouge.

- En effet, ta théorie est la bonne, glissa-t-il en effleurant son menton avec un sourire en coin.

Une sensation insondable roula sur son échine et ne disparut pas immédiatement, elle laissa au contraire une empreinte ferme qui assécha sa bouche alors qu'ils se dirigeait vers un port. Des centaines de bateaux étaient amarrés et quand le mafieux se dirigea sur l'un des pontons son cœur se mit à marteler ses tempes. Il ne disait rien et se contentait de la guider jusqu'au bout de ce ponton. Et lorsqu'ils furent arrivés devant l'un des quatre yachts amarrés, Hannah sentit un vent de panique l'envahir.

- Je peux savoir ce qu'il se passe ? Je pensais que tu voulais me faire visiter la ville.

- En effet, je compte te la faire visiter, répondit-il d'une voix énigmatique. Nous avons des mois pour ça.

Hannah s'accrocha à une poutre du ponton alors qu'il s'affairait autour du monstre de mer.

- Tu m'as donc menti ? S'enquit-elle furieuse.

Il s'avança vers elle tel un maître des ténèbres, le regard toujours masqué.

- J'ai juste utiliser la manière la plus douce qui soit pour que tu me suives sans te poser de questions, admit-il en la faisant basculer sur son épaule après lui avoir retiré son chapeau.

Hannah hoqueta en s'accrochant à son tee-shirt.

- Bienvenue à bord bella ! Annonça le mafieux en montant les marches.

Le souffle coupé elle attendit qu'il la repose à terre pour protester mais sa voix semblait coupée et ce fut pire quand il posa ses deux mains sur ses joues, le regard enfin visible.

Un regard qui avait pris les tons d'un ciel de tempête voilé d'un mystère que lui seul en connaissait les secrets

Et rajouta d'une voix rauque :

- Per la nostra luna di miele...

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