Chapitre 15
Hannah reposa la fourchette dans l'assiette vide et tamponna sa bouche avec la serviette qu'elle reposa aussitôt sur le coin de la table.
Elle devait le reconnaître, elle n'avait jamais rien mangé d'aussi délicieux. Rassasiée elle ressentit cependant son ventre se nouer à nouveau car pendant tout le dîner, Lazaro Santi ne l'avait pas quitté des yeux. Il n'avait rien mangé, et s'était seulement contenté de l'observer sans presque rien dire.
- C'était délicieux, glissa-t-elle avec un léger sourire après avoir fini son verre de vin.
Gênée, essayant de réprimer au mieux l'étendue de ce feu qui gravitait sur ses joues, Hannah déglutit en songeant aux paroles de mafieux glissées à son oreille. Il avait fait référence à quelque chose qui tentait de muer en elle, mais au tréfonds de son âme, Hannah ne ressentait pas la jeune femme dont il parlait. Durant la période la plus difficile et la plus humiliante de toute sa vie, Hannah s'était effacée volontairement mais avait dû ressurgir de l'ombre pour combattre les démons de son père.
Oui, à l'âge de vingt ans, insouciante et désireuse de croquer la vie, Hannah avait aimé s'amuser et profiter des aspects naïfs de la vie. Hélas, la partie plus compliquée avait été de croire bêtement être amoureuse de ce garçon qui lui ne l'était pas. Après cette rupture, Jason Farm avait tout tenté pour la récupérer au point de la harceler en révélant une façade sombre. Hannah avait fui le plus loin possible laissant ses études derrières elle et sa vie de jeune fille insouciante.
Et aujourd'hui, quatre ans plus tard, Hannah était la captive d'un homme impitoyable qui lui vouait un intérêt qu'elle ne comprenait toujours pas. L'odeur virile qui se dégageait de sa veste posée sur ses épaules lui rappela à nouveau qu'elle était en grand danger car il exerçait sur elle un pouvoir énigmatique qui la ramenait sans cesse à cette époque où elle avait essayé de ressentir tout ce qu'elle ressentait aujourd'hui contre sa volonté.
Ce corps qui ne s'était jamais ouvert à Jason Farm, était désormais dévasté par une myriade de sensations contradictoires.
Un corps avec lequel elle avait dû se battre pour repousser Jason cette nuit-là.
La gorge nouée elle se souvenait exactement ce qu'il lui avait dit cette nuit-là. Alors Hannah avait fini par croire en ces paroles douloureuses qui l'accusaient d'être le problème.
À deux reprises il avait alors tenté une nouvelle approche et son corps n'avait rien ressenti sauf de la peur et du dégoût. C'est à ce moment-là qu'elle s'était enfuie en larmes.
- Tu veux un dessert cara ?
Brutalement arrachée à ses souvenirs douloureux elle cligna des yeux pour revenir dans cette réalité qui faisait battre son cœur comme jamais auparavant. Aussitôt son regard ancré dans le sien et Hannah éprouva des difficultés à respirer tandis que son corps inanimé depuis des années grondait de palpitations intenses.
- Non merci, je suis rassasiée, j'ai trop mangé, répondit-elle alors que la brise fraîche l'aidait sans le savoir à calmer cette chaleur omniprésente.
- Dans ce cas nous allons rentrer, décréta-t-il en glissant sur la table suffisamment de billets pour payer la note.
Hannah se leva en tenant maladroitement la veste de l'italien. Son cœur se mit à battre contre ses tempes quand il se leva à son tour lui exposant sa carrure enfermée dans cette chemise immaculée.
Consciente que son regard qui vagabondait sans cesse sur sa silhouette la trahissait, Hannah détourna la tête vers les portes battantes.
- Viens, glissa-t-il doucement en posant une main dans son dos pour la guider vers une autre sortie.
Prudemment elle descendit les grandes marches qui donnaient sur le parking.
Dans l'habitacle de la voiture de sport, une certaine nervosité lui serra la gorge mais elle parvint à l'estomper.
Non parce que se l'était ordonnée mais parce que cette épuisante journée l'avait exténuée.
Lazaro serra le volant, les yeux rivés sur les virages près des côtes. Les mêmes virages qui avaient emportés son père ivre au volant de sa Ferrari.
Il serra les mâchoires à ce souvenir qui l'obligea à se rappeler qu'il reposait au fond de la mer. Personne n'était parvenu à retrouver son corps, seulement la voiture broyée à quelques kilomètres du lieu de l'accident.
Il en voulait amèrement à Dina pour avoir révélé son histoire aussi facilement. En règle générale Lazaro aimait que ce sombre passé reste enterré. C'était un déchirement intérieur qui menaçait l'équilibre qu'il était parvenu à trouver entre le bien et le mal. Seulement il était trop tard et il ne pouvait pas en vouloir à la jeune femme de connaître la tragique histoire de la famille Santi.
Il accéléra une fois qu'il eut passé les virages les plus critiques.
- Demain il faudra que l'on discute ensemble de certains détails, lança-t-il sans quitté du regard la route sombre.
Aucune réponse ne lui parvient.
Les sourcils froncés, il tourna furtivement la tête pour constater avec étonnement qu'elle s'était endormie, le front contre la vitre.
Cette même jeune femme qui le craignait n'avait eu aucun mal à s'endormir, ce qui confirmait ce qu'il avait noté pendant le dîner.
Cette longue journée l'avait épuisée.
Alors Lazaro se concentra sur la route afin de la ramener le plus tôt possible dans son lit.
Quand il se gara dans la grande cour il avait espéré que le bruit du moteur lui fasse ouvrir les yeux mais ce ne fut pas le cas. Lazaro la souleva dans ses bras, humant son parfum doux et sucré. Un profond désir naquit à nouveau dans le creux de ses reins alors qu'il la transportait dans la villa d'un pas volontairement lent. De près il pouvait étudier les traits délicats de son visage. Elle paraissait apaisée, et ses grands cils ajoutaient de la pâleur à son teint déjà diaphane. Il croisa Bianca dans l'escalier mais l'ignora délibérément et poursuivit son chemin. Avec prudence, il la déposa sur le lit et lui retira ses chaussure pour glisser ses jambes sous les draps. Lazaro aurait dû partir mais ne le fit pas. Il resta assis sur le rebord du lit, observant la femme qu'il venait d'épouser en prenant compte seulement maintenant à quel point elle paraissait vulnérable.
Son index effleura une mèche de ses cheveux avant que celle-ci retombe sur son épaule.
Il quitta la chambre et gagna le salon silencieux pour se servir un verre. Il le porta à ses lèvres, songeur, balayant la pièce d'un regard noir alors qu'il sentait la présence de Bianca derrière lui.
- Après tout ce temps passé à mon service, j'aimerai savoir ce que vous pensez de moi Bianca.
Lentement, il se retourna pour étudier la réaction de son employée.
- Eh bien Signore Santi je pense que vous êtes un patron exigeant qui aime contrôler le moindre aspect de sa vie et je ne serais pas honnête si je disais que vous ne me faites pas peur. Cependant, vous avez été très bienveillant avec moi.
Lazaro émit un rire silencieux puis soupira lentement.
- J'ai usé de mon pouvoir diabolique sur une jeune fille innocente qui est désormais ma femme et que je retiens ici selon ma volonté. Je devrais éprouver du remord mais je n'en ai pas. D'après-vous Bianca, à quel degrés d'assèchement est mon cœur ?
- Vous en aviez avant, du cœur, répondit l'italienne avec prudence. Selon votre ami Edwardo vous punissiez vos ennemis avec un peu plus d'art et de délicatesse avant que tout devienne sombre et noir autour de vous.
Lazaro esquissa une moue admirative.
- Quel beau portrait.
Bianca sourit timidement.
- Si vous n'avez pas de remords c'est peut-être parce que c'est ce que vous deviez faire.
L'italien plissa son front, surpris par la remarque de Bianca mais qui résumait parfaitement ce qu'il éprouvait en lui. C'est pour cette raison qu'il ne ressentait aucune pitié.
- Merci Bianca, se contenta de dire le mafieux en la laissant s'en aller dans la maisonnette à l'extérieur de la villa.
Une fois seul avec lui-même, Lazaro termina son verre d'un trait et le reposa sur le marbre de la cheminée les mâchoires serrées.
Et c'est sans remords qu'il alla se coucher, pressé de découvrir ce que cette nouvelle journée en compagnie de la jeune femme allait lui réserver.
Hannah enfila un peignoir de soie avec hâte alors que Bianca attendait pour faire son lit. Gênée, n'ayant aucun souvenir de ce qu'il s'était passé après le restaurant elle se faufila hors de la chambre en essayant de se refaire le fil de la soirée. Elle s'était réveillée complètement désorientée, en nage et paniquée. Le parfum viril de Lazaro Santi l'avait accompagné toute la nuit et l'avait poursuivit au petit matin.
Hannah descendit l'escalier en s'apprêtant à s'engager à l'extérieur quand un voix masculine l'arrêta.
- Par ici mon ange...
Elle réprima un sursaut en se retournant sur la droite mais ne vit personne. Elle s'avança dans le large couloir boisé et tomba sur un salon lumineux. Le mafieux qui avait hanté ses rêves était installé à une table pour deux, journal dans les mains. Dans sa chemise noire il offrait à la clarté du salon une aura sombre, donnant l'impression que la menace flottait en apesanteur. Empourprée, elle remit de l'ordre dans ses cheveux avant qu'il abaisse le journal. Ses yeux d'un bleu profond et sombre coulèrent sur elle et pendant une seconde elle les trouva possessifs.
- As-tu bien dormie tesoro ? Approche, installe-toi.
Hannah s'avança nerveusement sous le regard brûlant et impérieux de l'italien dont les lèvres retenaient un sourire.
- Que s'est-il passé ? Je n'ai aucun souvenir.
Un arqua un sourcil amusé en dardant sur elle un regard énigmatique puis referma le journal.
- Tu veux la version longue ou la courte ?
Hannah rougit violemment alors que son cœur se mit à s'accélérer de façon brutale.
- Qu...quoi ? Bafouilla-t-elle la respiration subitement lourde.
La mafieux au sourire ténébreux faisait délibérément tout pour faire planer le mystère.
- De quoi te rappelles-tu tesoro ?
- De notre mariage ! La chapelle ! Le restaurant ! Bon sang tu vas me dire ce qu'on a fait ! S'écria-t-elle le visage enflammé.
Un rire profond et diabolique lui répondit ce qui la rendit encore plus écarlate.
- Chérie s'il s'était passé quelque chose entre nous tu ne serais pas ici mais encore au lit à me réclamer davantage et tu t'en souviendrai ça je te le garanti, répondit-il d'une voix sombre et chaude, une lueur intense logé au fond des yeux.
Il marqua une pause puis reprit avec nonchalance, les yeux plissés, l'air moqueur.
- À la vérité tu t'es endormie dans ma voiture la joue écrasée contre la vitre, et je t'ai monté au lit dans lequel j'ai pris soin de te border. De plus tu auras remarqué que tu t'es réveillée toute habillée, ce qui bien sûr n'aurait pas été le cas si tu avais été dans notre lit conjugale, le corps embrasé de mes caresses.
Hannah, rouge de honte et de confusion était littéralement dévoré par une chaleur incontrôlable.
- Ou...oui je me souviens maintenant, bredouilla-t-elle mal à l'aise en se raclant la gorge. Je me suis endormie dans la voiture.
Elle évita soigneusement de le regarder car elle était gênée d'avoir mêlé la réalité à son subconscient qui lui l'avait poussé à faire un rêve dans lequel elle était nue, sous l'emprise du mafieux.
Un rêve qu'elle pensait innocent avant que celui-ci prenne des tons érotiques voire sauvages qui l'avaient réveillée en sursaut, le corps moite, le front chaud.
- Mia cara, est-ce tout va bien tu as l'air...tout chose...
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